En bref
- Le nombre de Belges qui s'endettent pour devenir propriétaires continue d'augmenter.
- Les raisons de cette augmentation sont multiples et souvent méconnues.
Le prêt hypot hécaire ne conna ît pas la crise
Les taux des crédits hypothécaires, s'ils repartent à la hausse, ont connu, après la crise, une importante diminution. Partout, on a pu lire que le moment était venu d'acheter. Les candidats acquéreurs ont profité de ce climat rassurant pour se lancer à la recherche d'un bien. Au mois de septembre 2010, près d'un quartdes Belges avaient un crédit hypothécaire en cours. Lors du seul troisième trimestre 2010, la Centrale des crédits aux particuliers (CCP), registre national des bons et mauvais payeurs, a dénombré 87 493 nouveaux crédit hypothécaires : le record de l'année. L'enversdu décor, c'est que le nombre de crédits devenant problématiques augmente lui aussi, portant à 802 994 millions d'euros le montant total des crédits souffrant d'impayés. Une augmentation de 19,8 % par rapport à la même période en 2009.
Propriétaire à tout prix
Ce n'est pas parce qu'on a des dettes qu'on ne paie plus sa maison. C'est l'inverse. Seul ou en couple, avec ou sans argent, tout le monde veut être propriétaire aujourd'hui. Être locataire, c'est presque une tare ! Il y a d'ailleurs davantage de propriétaires pauvres à l'heure actuelle, déclare Sylvie Mosca, médiatrice de dettes à Liège. Rembourser l'emprunt de sa maison est la priorité number one pour la majorité des propriétaires belges. Le problème n'est pas le crédit hypothécaire en soi, c'est l'accumulation des prêts, poursuit Françoise Sweerts, l'ombudsman du Service de Médiation banques-crédit-placements.
Ces acheteurs par nécessité, les noodkoperscomme on les appelle en Flandre (1), ont souvent dû se serrer la ceinture pour devenir propriétaires. À la moindre difficulté (perte d'emploi, maladie, travaux, évolution du taux d'intérêt...), ils se retrouvent en situation de surendettement, courant le risque de voir leur bien saisi et revendu (2).
Des prêteurs irresponsables ?
Pour autant que les crédits en cours ne souffrent pas de défaut de paiement, l'emprunteur dispose d'une bonne cotation auprès de la Centrale des crédits aux particuliers. Cela suffit à la banque pour lui accorder de nouveaux
crédits. Mais emprunter plus implique de rembourser plus. Le demandeur voit ainsi son pouvoir d'achat diminuer en même temps que sa capacité de remboursement. Que survienne une baisse de revenus combinée à une hausse des charges et, très vite, l'emprunteur peut être submergé par les dettes (3). C'est pourquoi on n'accorde pas de crédit si la charge de celui-ci est disproportionnée par rapport à la capacité de remboursement de l'emprunteur ! Cet examen préalable paraît une évidence et pourtant on en a largement fait l'économie aux États-Unis, avec les conséquences que l'on sait (voir l'article sur les subprimes en page 4).
Des aides mal ciblées
La Belgique dispose pourtant d'incitants pour faciliter l'achat d'un logement. Mais, excepté les prêts du Fonds du Logement accordés aux ménages à faibles revenus, ces aides sont offertes sans distinction de revenus. Trop souvent, ce sont ceux qui en ont le moins besoin qui bénéficient des aides au détriment de ceux qui ne peuvent pas s'en passer. C'est ce qu'on appelle l'« effet d'aubaine ». L'augmentation des difficultés de remboursement de crédit hypothécaire incite à engager la réflexion sur l'accès à la propriété mais, surtout, plaide en faveur d'un encadrement plus strict des autorisations de crédit. Ce n'est pas le crédit hypothécaire en soi qui constitue un risque de surendettement, mais l'accumulation, de crédits conjuguée aux accidents de vie et à l'irresponsabilité des prêteurs.
Thibaut Monnier
1. « Pour une gestion collective du droit au logement », dans Contrastes, n° 132, mai-juin 2009, p. 6.
2. Bernard Bayot, « Mon toit et mes finances », disponible en ligne sur www.financite.be, rubrique Bibliothèque.
3. Olivier Jérusalmy, « Centrale des crédits aux particuliers 2009 : les impacts de la crise sur l'endettement des ménages », janvier 2010.
Le crédit hypothécaire a le vent en poupe ces derniers mois. La faiblesse des taux d'intérêt pratiqués n'y est pas étrangère. Phénomène en somme tout à fait normal. Ce qui l'est moins, c'est l'augmentation du nombre de crédits défaillants.