En bref :
- Le plus grand fonds de pension des États-Unis est socialement responsable.
- En France, le système des retraites est guidé par une politique respectueuse de l'homme et de son environnement.
Chaque pays a ses propres dispositifs déterminant les sommes auxquelles on peut prétendre lorsqu'on arrive à l'âge de la retraite. Il s'agit, selon les cas, de systèmes de financement fondés sur l'aide sociale, sur la solidarité inter-gouvernementale ou encore sur l'épargne (1). Ces mécanismes publics, par leur capacité à mouvoir des mannes financières colossales, sont devenus des acteurs incontournables de la responsabilité sociale des entreprises et du développement durable. En effet, leur poids financier leur permet d'exiger des entreprises ou des pays dans lesquels elles investissent de respecter un certain nombre de critères sociaux, éthiques et de bonne gouvernance. Une façon de les contraindre à une gestion plus responsable de l'argent.
Le précurseur californien
CalPER S, pour California Public Retirement System, est le premier fonds de pension public au monde à s'être impliqué dans l'investissement socialement responsable. Gérant la retraite des employés de l'État de Californie pour un montant estimé à 231 milliards de dollards (2), il est également le plus grand fonds de pension public américain. Dès 1987, CalPERS a décidé de réviser son portefeuille d'actions étasuniennes selon des critères de performance financière et de gouvernance. En 2002,CalPER S a resserré l'étau en définissant des critères économiques et sociaux concernant sa politique d'investissement hors des États- Unis. Pour la première fois, des placements financiers devaient respecter des critères d'appréciation humanitaire : respect des droits de l'homme, transparence, libertés publiques... (3) Certains pays se sont ainsi vu exclus de l'univers d'investissement de CalPER S, dont la Chine, les Philippines ou Russie. Conscient de la nécessité d'agir au niveau des entreprises pour impulser du changement, CalPER S a commencé à exclure à partir de 2007 les entreprises qui manquaient notamment de transparence financière, qui ne respectaient pas les libertés civiles et les droits dans les lois nationales. En parallèle, le fonds de pension californien a consacré une partie de son budget pour permettre à ses actionnaires de mener des recherches en matière de responsabilité sociale des entreprises. Une récente étude réalisée par le fonds CalPER S lui-même a démontré qu'en cinq ans, la performance des entreprises auprès desquelles CalPER S s'était engagé avait augmenté sensiblement. De quoi tordre le cou aux théories prétendant que bonne gouvernance et valeur boursière sont incompatibles. Cerise sur le gâteau, le PDG de CalPER S vient d'annoncer en mai dernier que le fonds étendrait ses critères de gestion sociale et environnementale à toutes ses classes d'actifs.
L'hexagone se réserve pour l'ISR
Afin de contribuer au financement de l'importante réforme des retraites entreprise en 2003, le gouvernement français a mis en place le Fonds de réserve pour les retraites (FRR ). À côté du double relèvement prévu dans la nouvelle loi de novembre 2010 (celui de l’âge légal de départ de 60 à 62 ans pour tous les régimesà compter du 1er juillet 2011 et celui de l’âge de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans entre 2016 et 2023), le FRR doit permettre la viabilité sur le long terme du système des retraites pour les Français. Une défi que le Fonds entend inscrire dans une politique d'investissement respectueuse de l'homme et de son environnement. Pour ce faire, le FRR a d'abord prévu une politique active en matière de droits de vote dansles entreprises dont il est actionnaire. Dans ce cadre, le FRR veillera à ce que toutes les résolutions de nature sociale, éthique ou environnementale s'appliquent notamment dans le respect des droits de l'homme, des consommateurs, de l'environnement, ou encore dans le respect des Principes du Pacte mondial (4). Le Fonds de réserve pour les retraites demande également depuis 2003 à ses gestionnaires d'actions européennes de tenir compte de critères sociaux, éthiques et de gouvernance. Fin 2010, 100% des mandats de gestion d'actions du FRR intégraient de telles dispositions. Depuis sa création, le FRR déjà exclu 8 entreprises de son univers d'investissement (l'essentiel étant des entreprises impliquées dans la fabrication d'armes à sous-munitions), il vote dans 90 % des entreprises dont il est actionnaire et 85% de sa capitalisation boursière est couverte par une analyse extra-financière.
En en Belgique ?
Les Belges vivent de plus en plus longtemps et cette évolution a notamment comme conséquence que les pensionnés doivent être payés plus longtemps. Pour faire face à ces dépenses supplémentaires, un Fonds de vieillissement (ZilverFonds) a donc été créé en 2001. Il puise ses revenus dans les surplus budgétaires, dans
les excédents de la sécurité sociale et des recettes non fiscales ainsi que dans les revenus de ses placements. Pour des raisons de sécurité, d'efficacité et de rendement, la loi prévoit que le Fonds de vieillissement place ses réserves en titres de l'État belge (titres des régions, communautés et communes). L'objectif est à la fois d'assurer des placements sûrs et de réduire la dette de l'État (le Fonds de vieillissement faisant partie du secteur public, ses réserves sont portées en diminution de la dette globale du secteur public). La question de la qualité éthique des investissements du Fonds de vieillissement ne se pose pas dès lors que celui-ci investit dans la dette de l'État. Laquestion de la gestion responsable des titres des régions, communautés et communes reste, quant à elle, bel et bien ouverte.
Bernard Bayot,
Thibaut Monnier,
juin2011
1. BAYOT, B., Les pensions et l'éthique, mai 2011.
2. Ces chiffres sont ceux publiés par CalPERS au 28 février 2011. Ils sont disponible sur http://www.calpers.ca.gov/index. jsp?bc=/investments/home.xml.
3. Ibid.
4. Il s’agit d’un ensemble de dix principes qui engagent, sur base volontaire, les entreprises signataires à respecter et promouvoir, dans leurs stratégies et opérations, le respect des droits de l’Homme, les normes du travail, l’environnement et la lutte contre la corruption (www.unglobalcompact.org).
Certains systèmes de financement des pensions complètent leurs objectifs de rentabilité économique par des objectifs de performance sociale et environnementale. Zoom sur deux exemples en la matière.