En bref :
- Les monnaies complémentaires répondent à des besoins que ne satisfait pas une monnaie nationale conventionnelle.
- Elles contrent certains effets négatifs du système financier.
- Différents objectifs peuvent leurs être affectés.
Acheter des aliments avec des points Delhaize, un abonnement de train avec des éco-chèques ou encore des produits locaux, équitables et bio avec des épis1, c'est possible grâce aux monnaies complémentaires. Elles ont toutes un point commun : ce sont des moyens d'échange, complémentaires aux monnaies nationales conventionnelles. C'est une pratique courante, et ce, depuis le Moyen-Âge, où par exemple les villes et les monastères avaient leur propre monnaie, parallèlement à la monnaie royale qui était la monnaie nationale en vigueur. Aujourd'hui, on en dénombre plus de 5000 de par le monde. La Belgique, mis à part les SEL (systèmes d'échanges locaux), est en reste en ce qui concerne les monnaies citoyennes, mais sans doute en train de rattraper son retard.
L'unité de valeur peut être le temps, l'euro, le centime, le kilomètre parcouru, des points-cadeaux, etc. Prenons, par exemple, les chèques-repas ou les points de fidélité des supermarchés qui permettent d'acheter différents produits, les miles des compagnies aériennes pour les billets d'avions ou encore les SEL qui utilisent une monnaie-temps, c'est-à-dire qu'une heure de service équivaut à une heure d'un quelconque autre service.
Quels objectifs ?
Qu'elles soient citoyennes, publiques ou commerciales, les monnaies complémentaires apparaissent toujours pour combler un manque, répondre à un besoin particulier, que ne remplit pas une monnaie nationale ou supranationale comme l'euro, et ce, plus particulièrement en temps de crise. Relocaliser l'économie, renforcer le lien social, encourager la circulation de la monnaie, éviter la thésaurisation2, éviter la spéculation sur la monnaie, encourager des comportements durables..., tels sont les innombrables objectifs que peut poursuivre une monnaie.
La suite est une question de choix : favoriser la circulation de la monnaie par le principe de monnaie fondante (la monnaie perd de sa valeur avec le temps, ce qui stimule donc les dépenses) ; convertir la monnaie locale à l'euro pour encourager le commerce local mais permettre un retour en euros qui peut être taxé (taxe de rédimage) ; convertir 1h de service en monnaie papier (1h = 1h3, ou 1h = 10 dollars4). En fonction de l'objectif global du projet, différents mécanismes seront mis en place dans une monnaie afin de répondre à ces objectifs spécifiques, c'est ce que l'on appelle « l’architecture monétaire ».
Pour quels types de monnaie ?
Une monnaie citoyenne peut être définie ici comme un projet porté par une collectivité locale en vue de contrer les effets néfastes du système capitaliste (délocalisation, spéculation, épuisement des ressources,...) et surtout d'encourager le soutien aux producteurs et commerçants locaux. Les monnaies commerciales quant à elles tentent généralement soit de fidéliser la clientèle, soit de résoudre les problèmes de liquidités des PME.
Les monnaies publiques quant à elles s'imposent pour mettre en place des politiques publiques stimulant des changements de comportement ou apportant un soutien à certains collectifs.
Quels impacts ?
Il reste cependant difficile d'estimer l'ensemble des impacts d'une monnaie locale, car on ne peut s'en tenir strictement à des critères économiques. Il faut prendre en compte des critères difficilement quantifiables, tels que la création ou le renforcement du lien social, le changement de comportement des acteurs, la réappropriation citoyenne, le renforcement d'une identité locale, etc.
Certains instigateurs de monnaies complémentaires évoqueront également que cela permet de retrouver une certaine autonomie et d'être plus résistant lors de crises économiques. Notamment lorsque les liquidités en monnaie nationale font défaut et que les consommateurs préfèrent épargner plutôt que de dépenser leur argent, et lorsque l'accès au crédit devient plus difficile. C'est précisément pour faire face à ce genre d'instabilité que les monnaies complémentaires sont intéressantes5.
Réappropriation citoyenne d'un outil économique
Aujourd'hui, les initiatives citoyennes fleurissent de toutes parts pour tenter d'endiguer ce phénomène de la finance « casino », de l'économie virtuelle, qui fait des ravages dans la société et sur l'environnement. Ces initiatives proposent de recentrer les échanges sur le local, de manière éthique et durable, en créant plus de cohésion sociale, plus de liens directs consommateurs-producteurs-artisans et en proposant des pistes d'action concrètes pour agir ensemble sur l'économie, bref, de se réapproprier cet outil trop longtemps éloigné des
préoccupations sociales.
Antoine Attout,
septembre 2011
1. L'épi est une monnaie complémentaire citoyenne mise en place par des habitants de Meix-devant-Virton.
2. La thésaurisation est le fait d'amasser de l'argent, de le conserver. Bien que très utile dans tout budget, à grande échelle elle a un effet négatif pour la stimulation de l'économie, car c’est autant d’argent qui ne circule plus.
3. http://selidaire.org
4. www.ithacahours.org
5. FAIN, A., Quelle place pour les monnaies complémentaires dans la fonction de production ? www.financite.be
Version papier ou électronique, locale ou régionale, exprimée en temps ou convertible à l'euro, on assiste depuis quelque temps à un foisonnement des monnaies dites complémentaires, bien que celles-ci existent depuis le Moyen-Âge.