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Soumis par Anonyme le

En bref :

  • L'eau est devenue une marchandise.
  • Sa gestion demande des investissements considérables pour les États.
  • Certains font appel à du capital privé.

À la source

L'héritage des politiques néolibérales des années 80 a livré une vision marchande de l'eau. Le consensus international sur la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE), élaborée et promue par la Banque mondiale au début des années 90, a renforcé cette vision et dessiné le paysage politique mondial de l'eau(1). La GIRE se fonde sur le principe du recouvrement total des coûts (full cost recovery principle) qui stipule logiquement que toutes les dépenses doivent être amorties par le gestionnaire, qu'il soit public ou privé. Pour y parvenir, bon nombre de gouvernements, appuyés par le secteur industriel, ont augmenté le prix de la facture d'eau sans qu'une limite ne leur soit imposée, de sorte qu'une plus grande partie de la population n'a plus pu y avoir accès. Cette évolution a permis de généraliser le principe du consommateur-payeur et d'en faire un guide internationalement reconnu dans le calcul de la facture d'eau. Peu à peu, l'eau est devenue un bien économique, source de profit. Le principe du recouvrement total des coûts est l’épine dorsale de la Directive cadre européenne sur l’eau, entrée en vigueur en 2000. Afin de faire face aux investissements nécessaires pour développer et entretenir les infrastructures en eau, beaucoup de pays ont dû faire appel à du capital privé. Ce cadre protège-t-il la mission des services publics ? C'est une autre question. Le fait est qu'il permet à des entreprises privées de réaliser du profit sur un bien commun. Si les investissements augmentent, la facture du consommateur augmente aussi, déclare Christian Legros, directeur de Belgaqua, la fédération belge du secteur de l'eau.

Une marchandise ?

Comme le pétrole et le blé, l'eau peut donc être vendue, achetée, échangée. Son accessibilité est aujourd’hui considérée dans la législation européenne comme un besoin vital et non pas comme un droit humain. Les êtres humains sont devenus des consommateurs/ clients d'un bien/ service qui n'est rendu accessible qu'à travers les mécanismes du marché, regrette Riccardo Petrella, économiste et politologue, fondateur du Comité international pour le Contrat mondial de l'eau. La satisfaction de ce besoin est du ressort de chaque individu. Les dérives de cette politique sont sous nos yeux : plus de deux milliards de personnes n'ont pas de toilettes, 1,5 milliard d'êtres humains vivent sans accès à l'eau potable, la consommation quotidienne moyenne d'un ménage dans les pays en voie de développement est d'environ 20 litres contre 213 litres en Italie et 600 aux États-Unis..., renchérit R. Petrella.

Ou un bien commun ?

Selon R. Petrella, la sous-estimation de l'enjeu de l'eau dans l'équilibre mondial est d'abord due au fait que les autorités politiques ne se sont pas accordées sur les termes de « bien commun », de « ressource », de « droit » et de « solidarité ». L'eau coule sous nos pieds, mais nous l'avons presque tous oublié. Bien commun, qui plus est public, sa gestion doit résulter d'une décision collective, citoyenne. En tant que ressource naturelle, elle constitue un droit individuel et collectif inaliénable qui ne peut être la propriété d'un pays, d'une entreprise ou d'une personne. Or, les cas de privatisation dans le secteur de l'eau(NDLR : la Belgique est jusqu'ici relativementépargnée) sont nombreux : en Argentine, aux Philippines, en Bolivie..., mais également en Europe, poursuit-il.

Quelle eau pour demain ?

L’eau pose un double défi mondial, tant pour la gestion durable des ressources que pour son accessibilité aux populations pauvres(2). De plus, la pression démographique et l'urbanisation impliquent des besoins toujours plus grands en eau. Parallèlement, les modes de production de l'agriculture et de l'industrie sont excessivement polluants(3). Le principe du pollueur-payeur a, par ailleurs, maintes fois démontré ses limites. Souvenons-nous, par exemple, de la marée noire provoquée par le géant pétrolier britannique BP en 2010. Que représente la facture payée par BP à côté des irrémédiables dégâts environnementaux que cette catastrophe a laissés derrière elle ? De surcroît, la marchandisation de l'eau – on parle maintenant « d’or bleu » – fait de ce bien commun une ressource précieuse, destinée à se raréfier et à devenir stratégiquement toujours plus importante. Des résistances citoyennes émergent de par le monde. Elles visent pour l'ensemble à se réapproprier la gestion de l'eau, de sorte que sa politique soit orientée vers l'intérêt général et non vers l'intérêt privé.

1. On peut parler d’imposition du modèle car l’adoption de la GIRE a été utilisée comme une des conditions à satisfaire par les pays demandeurs pour obtenir des crédits de la Banque mondiale dans le domaine de la gestion de l’eau.
2. Le manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement est, en effet, la première cause de mortalité dans le monde.
3. Le rôle des marchés émergents sera également déterminant pour le futur, la Chine concentrant à elle seule 20 % de la population mondiale.

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Auteur(s)
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux
Sommaire

Après le pétrole et les denrées alimentaires, c'est au tour de l'eau de devenir objet de marchandisation. Pourtant, plus d'un milliard de personnes vivent toujours sans eau potable.

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AR-MONN2012-1
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Année d'édition
2012
Jour d'édition
17
Date d'édition
17/03/2012
Mois d'édition
Mars