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Soumis par Anonyme le

En bref

  • Les pays du Sud ont remboursé plusieurs fois leurs dettes.
  • Pour ce faire, ils ont dût massivement exporter et diminuer les dépenses liées à la santé et à l'éducation.
  • La dette profite surtout aux pays du Nord et aux potentats locaux.

Dans les années 1960 et 1970, l’endettement du tiers-monde explose sous l’action combinée de trois acteurs. Les banques occidentales, qui regorgent de liquidités (eurodollars, puis pétrodollars après le choc pétrolier de 1973), incitent les pays du Sud à emprunter grâce à des taux d’intérêt bas et à de rondelettes commissions pour les potentats locaux. Dès la récession mondiale des années 1973-75, les États du Nord prêtent aux pays du Sud à condition qu’ils utilisent l’argent prêté pour acheter les marchandises du pays prêteur.

Enfin, la Banque mondiale s’attache à contrecarrer l’influence soviétique et les velléités indépendantistes, en soutenant les alliés stratégiques des États-Unis (souvent des dictatures comme au Zaïre, en Indonésie, au Chili, au Brésil, en Argentine...). La dette est multipliée par 11 entre 1968 et 1980.

LE SUD ETRANGLE

Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement, les pays du Sud doivent privilégier les productions pour l'exportation (café, cacao, thé, coton,...) et réduire les cultures vivrières. Ils exportent également pétrole et
minerais. Ces produits deviennent vite surabondants et les cours s’effondrent au début des années 80. Simultanément, les Etats-Unis décident d'augmenter les taux d’intérêt : les intérêts à rembourser triplent. Les pays endettés sont étranglés financièrement.

Quand la crise de la dette éclate en 1982, les créanciers se réfugient derrière le Fonds Monétaire International qui consent à prêter aux pays surendettés à des conditions drastiques inscrites aux programmes d’ajustement structurel : suppression des subventions aux produits de base, privatisations, ouverture totale au marché mondial (ce qui augmente la concurrence face à laquelle les producteurs locaux sont désarmés), fiscalité aggravant les
inégalités, forte baisse des budgets sociaux, suppression du contrôle des changes et des mouvements de capitaux (ce qui augmente la fuite des capitaux).

La dette est devenue un instrument de domination très adroit, dissimulant racket et pillage. Elle ponctionne les richesses du tiers-monde pour les envoyer vers les riches créanciers du Nord, les élites du Sud prélevant leur commission au passage. Entre 1985 et 2010, les pouvoirs publics du Sud ont remboursé 530 milliards de dollars de plus qu’ils n’ont reçu en nouveaux prêts. Dans le même temps, les fonds manquent pour garantir l’accès universel à l’éducation primaire, aux soins de santé de base, à l’eau potable et à une alimentation décente. La dette est largement odieuse car souvent contractée par des régimes autoritaires et corrompus.

POUR UN AUDIT CITOYEN

Les initiatives d’allègement de la dette de la part des institutions internationales ne règlent en rien le problème car elles se contentent d’écrémer la partie supérieure sans toucher au mécanisme lui-même. Pour changer réellement de cap, l’annulation totale de la dette extérieure publique du tiers-monde et l’abandon des politiques d’ajustement structurel sont indispensables.

Cette annulation doit se prolonger par la constitution de fonds de développement nationaux démocratiquement contrôlés par les populations locales et alimentés par différentes mesures (expropriation des biens mal acquis par les élites du Sud et rétrocession aux peuples, taxe sur la spéculation financière et les bénéfices des transnationales, impôt mondial exceptionnel sur les grosses fortunes...).

Ce mécanisme du surendettement délibéré est clairement une source majeure de domination des populations, d’appauvrissement massif, de corruption exponentielle et de perte de souveraineté, le tout au profit de riches créanciers et de dirigeants complices. Les failles dans le développement humain sont béantes.

Pour construire une alternative, un audit citoyen de cette dette doit être réalisé, ainsi qu’une redistribution massive des richesses. Parallèlement, une nouvelle architecture financière internationale doit émerger avec le remplacement du FMI et de la Banque mondiale par de nouvelles institutions dont les missions seraient centrées sur la garantie des droits fondamentaux.

 

Damien Millet et Eric Toussaint sont respectivement porte-parole du CADTM France et président du CADTM Belgique (www.cadtm.org), coauteurs de AAA, Audit, Annulation, Autre Politique, Le Seuil, Paris, 2012.

 


 

LES FONDS VAUTOURS

Lorsque le marché secondaire de la dette a été créé dans les années 80, permettant aux banques qui avaient prêté de l'argent à des pays débiteurs de vendre à des opérateurs privés des titres de ce type de dette sous forme d'actions ou d'obligations, les « fonds vautours » ont vu là une opportunité de « faire de l’argent ».

Les fonds vautours sont des fonds spéculatifs rachetant à bas prix les dettes d’États très endettés auprès des créanciers (les banques) qui, de leur côté, sont bien contents de se débarrasser de ces dettes – même à perte – pour pouvoir en retirer quelque chose. Ensuite, ils intentent une multitude d'actions en justice dans plusieurs pays jusqu'à ce qu'un juge condamne le pays débiteur à rembourser la dette (souvent largement majorée) et autorise la saisie de certaines recettes. Il peut s'agir d'une aide accordée par un autre pays dans le cadre de ses accords de coopération au développement ou du paiement de factures d'un État pour un service rendu.

C'est ainsi qu'un juge sud-africain a ordonné que tous les paiements que l'Afrique du Sud devait verser à la RDC pour la fourniture d'électricité soient automatiquement saisis pendant 15 ans ! L'Argentine, quant à elle, renoue avec les années noires. Fin novembre, le pays vient d'être condamné par un juge new yorkais à verser 1,33 milliard de dollars à des fonds vautours. Alors que l'Argentine avait renégocié sa dette avec plusieurs de ses créanciers, quelques pourcents ont été rachetés par des fonds spéculatifs... Les fonds vautours récupèrent donc souvent plusieurs fois leur mise et refusent systématiquement de participer à toute renégociation de la dette entre États créditeurs et créanciers.

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Loin d'être un simple mécanisme financier, la dette est aujourd'hui un redoutable instrument de domination des populations du Sud et un outil de captation des richesses qu'elles produisent.

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2012
Jour d'édition
17
Date d'édition
17/12/2012
Mois d'édition
Décembre