À chaque produit son éthique
L'éthique n'est pas une donnée universelle. Elle varie, bien au contraire, en fonction des cultures, des convictions, des époques et des lieux.
L'éthique dans les produits financiers n'échappe pas à cette règle et, derrière les termes investissement éthique et investissement socialement responsable, se cache « une grande diversité d'investisseurs, de visions du monde, de préférences culturelles, de logiques et de stratégies » (Paule de Prémont, Les enjeux éthiques des fonds éthiques, Finance & the Common Good / Bien Commun N° 8 - Investissements Socialement Responsables (Automne 2001).
L'offre des placements financiers éthiques est donc à éthique diverse et variable.
À chacun d'opérer, en fonction des valeurs auxquelles il adhère, des choix qui lui sont propres.
Évaluation des entreprises – Par qui ?
Deux courants s'opposent. Soit ce sont les promoteurs des produits eux-mêmes – banques, gestionnaires de fonds – qui sélectionnent les entreprises socialement responsables grâce à une cellule de recherche propre (ou département in-house). Soit ceux-ci font appel aux services d'un bureau d'études spécialisé indépendant.
Les méthodes de sélection sont diverses, allant de la seule notation des entreprises par le bureau d'études, qui laisse au gestionnaire financier le choix final d'investir ou non dans une société mal cotée éthiquement, au screening (filtrage) qui limite ce choix à un univers d'investissement bien précis, délimité par le bureau d'études. On parlera dès lors, respectivement, d'« agences de notation » ou de « bureaux de screening ».
Les critères éthiques
Pour évaluer si une entreprise a un comportement socialement responsable vis-à-vis de la société, une série de critères dits « éthiques » sont définis par différents organismes spécialisés.
Bien entendu, chaque organisme, et, a fortiori, chaque produit a ses nuances en matière de critères éthiques.
On peut néanmoins les regrouper en deux grandes catégories :
Les critères négatifs ou d'exclusion
Ils excluent du portefeuille d'investissement certaines entreprises en fonction de la nature, du lieu, de la pratique..., de leurs activités.
Quelques exemples :
- Les pays : les pays non démocratiques, non respectueux des droits de l'homme, des conventions de l'Organisation internationale du travail...
- Les pratiques controversées: les manipulations génétiques, les tests sur les animaux
L'exclusion sera soit globale (exclusion de l'entièreté du secteur d'activité, exclusion géographique), soit nuancée (p. ex. : exclusion des entreprises dont plus de 10 % du chiffre d'affaires provient de la vente d'armes, exclusion de l'entreprise si elle pratique des tests sur les animaux à des fins non médicales...).
Les critères positifs de sélection
Ils évaluent les entreprises selon deux, voire trois, grands axes caractéristiques de la notion de « développement durable » :
- Social : gestion des ressources humaines, relation de l'entreprise avec les autorités locales, les clients, les actionnaires, les pays en voie de développement, programmes de non-discrimination, contribution dans des œuvres sociales, respect des droits de l'homme...
- Environnement : minimalisation des impacts sur l'environnement, gestion du risque, protection des ressources naturelles...
- Bonne gouvernance : pérennité financière, potentiel économique, mondialisation...
L'entreprise sera généralement évaluée, pour chacun des axes, sur trois plans : les stratégies politiques et engagements pris par la direction en la matière ; les politiques et codes de conduite effectivement mis en place ; et, enfin, leurs résultats.
Contrôle et garantie de l'éthique
Responsabilité du promoteur
Le caractère éthique d'un produit financier est de la responsabilité de son promoteur. Celui-ci affecte les fonds qui lui sont confiés en respectant le cahier des charges éthiques qu'il s'est fixé. En règle générale, il s'assurera, à cet effet, les services d'un bureau d'études spécialisé, indépendant ou non.
Responsabilité des bureaux d'études spécialisés
Les bureaux de screening/agences de notation spécialisés dans l'analyse sociétale des entreprises sont les mieux placés pour se porter garant du respect des critères éthiques. Les politiques de contrôle en la matière varient d'un organisme à l'autre. Les plus consciencieux réévalueront l'entreprise sélectionnée de manière approfondie tous les trois ans, tout en la suivant de manière permanente tout au long de l'année. Si un problème vient à se manifester, l'exclusion de l'entreprise de l'univers d'investissement éthique peut être immédiate.
Responsabilité de l'investisseur
Les produits financiers éthiques se présenteront sous des jours très différents selon la nature des critères retenus, la méthodologie, la qualité du travail et l'indépendance du bureau d'études spécialisé. À l'investisseur de s'assurer que la démarche éthique du produit correspond bien à la sienne. L'investisseur ne peut déléguer sa responsabilité d'investisseur en achetant un produit socialement responsable sans se renseigner sur le fondement et les principes de l'éthique du produit. D'autant que l'engouement pour ces produits depuis quelques années incite plus d'un intermédiaire financier à jouer la carte de l'éthi-marketing. À l'investisseur d'être vigilant et critique sur la qualité de l'éthique qui lui est proposée.
Responsabilité d'autres acteurs économiques
Les organismes de protection des consommateurs, de promotion de l'investissement socialement responsable, les ONG, etc., ont également un rôle de garant de l'éthique à jouer en interpellant les bureaux de notation, les banques, les entreprises...
Existence de garde-fous
À l'instar des labels bio, l'existence de labels/certifications éthiques issus d'organismes indépendants est un outil utile pour s'assurer de la qualité éthique d'un produit. Il est donc essentiel que des labels construits sur des cahiers de charges et des outils d'évaluation sérieux et complets réussissent à s'imposer davantage.
Notons, à titre exemple, le label européen de référence : le label ETHIBEL, issu du monde associatif.