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Soumis par Anonyme le

Le premier SEL a été créé au Canada en 1976. En Belgique, ils existent depuis une quinzaine d’années. Celui de Villers-la-Ville, Court-Saint- Etienne et Chastre, le Coup d’pouce est le plus grand de Wallonie.

Les SELs sont des réseaux où les participants, une personne seule ou une famille complète, sont mis en contact les uns avec les autres et s’échangent des services non-professionnels mais aussi des biens et du savoir(-faire).

Le grand principe des SELs est que les échanges qu’on y fait ne sont pas payés en monnaie sonnante et trébuchante. Ils sont comptabilisés en unités dont les noms varient d’un SEL à l’autre. Au SEL Coup d’pouce, on échange des bon’heures (Bhr). On pourra donc gagner des bon’heures en gardant des enfants, qu’on ira ensuite dépenser en allant suivre un cours de cuisine. Bien que chaque SEL ait sa logique, il n’y a, en principe, pas de différence entre une heure de cours de latin et une heure de jardinage. Cependant, à la différence d’un système économique classique, les échanges sont basés sur la solidarité.

Le but n’est donc pas d’accumuler les bon’heures mais bien de faire émerger la solidarité entre personnes proches localement. Partant de ce principe, il est tout-à-fait permis d’avoir un solde en négatif pendant une certaine durée.

Concrètement…

Les familles s’inscrivant dans un SEL font connaître les services qu’elles peuvent rendre suivant leurs capacités et leurs disponibilités. Les raisons d’adhérer à un SEL peuvent être diverses. Pour certains, il s’agira de rencontrer d’autres personnes. Pour d’autres, ce sera davantage un acte militant pour contourner le système capitaliste. Pour d’autres encore, ce sera une manière d’accroître l’autosuffisance économique.

Les SELs, eux-mêmes, peuvent être très différents les uns des autres. Certains viseront l’insertion sociale et la mixité culturelle tandis que d’autres rechercheront à créer une unité au sein d’un même quartier, ou de conserver les richesses au niveau local.

Armand Tardella n’est pas économiste mais physicien. Sa formation l’a amené à penser l’économie comme un système physique et à réfléchir à des solutions alternatives qui permettraient de faire évoluer le système économique actuel.

Financité : Quel but recherchiez-vous quand vous avez créé le SEL de Saint Quentin-en-Yvelines, dans les années nonante ?

Armand Tardella : Ma démarche première était macroéconomique. Ma réflexion a démarré début des années ‘90, en pleine montée du chômage en France. Je voulais voir comment on pouvait réduire le chômage et la pauvreté. J’ai commencé à lire des bouquins sur Keynes. Je me suis convaincu que l’économie de marché était très instable et qu’elle pouvait créer des catastrophes sociales comme en 1929, et comme on en a connues d’autres ensuite. Keynes a résolu cela en inventant les mécanismes de relance qui ont marché pendant quarante ans et grâce auxquels on a connu les trente glorieuses. L’outil de Keynes a été un outil de pilotage dans une économie nationale fermée. A partir des années ‘70, ce mécanisme de pilotage n’a plus fonctionné car les économies se sont ouvertes. En tant que physicien, j’ai cherché quelle était la bonne transformation pour que les lois keynésiennes fonctionnent en système ouvert. J’en ai conclu que ce serait une « monnaie locale non convertible », c’est-à-dire qu’on ne peut pas convertir avec de l’argent externe. On pourrait alors faire une relance dans le réseau grâce à cette monnaie non convertible. L’origine du SEL, pour moi, a été de me dire que si je créais une monnaie locale non convertible, je pourrais instaurer la primauté du politique sur l’économique.

Financité : Est-ce que le SEL était la bonne solution ?

A. T. : Au début de ma réflexion, je pensais que la taille critique devait être un bassin d’emploi – au minimum 100 000 personnes – pour que les échanges internes puissent être assez importants. Aujourd’hui, ma position sur le SEL est que c’est un objet très intéressant mais que, contrairement à ce que je voulais faire, le SEL est du domaine du microsocial. L’intérêt du SEL est l’entraide locale. L’échange économique reste très marginal et n’est qu’un prétexte à se rencontrer.

Financité : Quel est l’intérêt du SEL, alors ?

A. T. : Le SEL a son intérêt. Il y a des gens qui sont entrés et qui étaient en difficulté, et à qui cela a permis de garder la tête au-dessus de l’eau, d’avoir un « petit plus » sur le plan économique et un « grand plus » sur le plan relationnel. Je pense donc qu’il devrait y avoir un SEL dans chaque quartier. Pour moi, le SEL n’est pas une alternative au système économique, c’est de l’entraide locale.

Financité : Avez-vous tenté d’autres expériences au sein du SEL ?

A. T. : On a mis en place une monnaie fondante au sein du SEL. Il fallait donc échanger des biens et services sous peine de voir sa réserve diminuer avec le temps. Mais au bout de quatre ans, on a laissé tomber parce qu’un SEL n’est pas un objet économique. Il n’y a donc aucune raison de faire de la relance dans un SEL.

Financité : Où en êtes-vous dans votre réflexion maintenant ?

A. T. : Maintenant ce que je voudrais, c’est une « monnaie participative privée » mais pour mettre en place cela, il faut utiliser le marché pour combattre le marché et créer une entreprise. Le fait que WIR existe montre qu’un tel produit peut exister. Donc, mon objectif est de créer une boîte comme WIR qui a au moins 10 000 clients mais, qui fonctionne comme un SEL, avec une « cotisation d’assurance ». Cette cotisation, sur le modèle de la monnaie fondante, serait versée au réseau et permettrait d’avoir des politiques d’incitation et de relance.

Le SEL Coup d’pouce réunit, bon an mal an, une centaine de familles. Il a été créé, il y a une dizaine d’années, par Marie et Bernard Simon. Le but premier qu’ils recherchaient à travers la création du SEL était de s’intégrer dans la région où ils venaient de s’installer.

Financité : Quelles difficultés peuton rencontrer dans le fonctionnement d’un SEL ?

Bernard Simon : Les SELs permettent de réintroduire de la solidarité et de (re)créer un lien social dans les échanges. Ils doivent partir de la volonté de faire des choses ensemble, ce qui est déjà un signe d’ouverture. Ils peuvent servir à aider des personnes à se sortir d’une mauvaise situation économique mais, une chose que nous voulons éviter, est que l’on rentre dans un rapport de sauveur-victime. Une autre difficulté peut venir de ce que certains envisagent le SEL du point de vue d’un consommateur estimant qu’une heure d’un service vaut plus qu’une heure d’un autre service.

Financité : Les SELs s’inscrivent généralement dans une dimension locale. Ne pourrait-on pas imaginer les choses en plus grand, pour que ces systèmes d’échange sortent de la « marginalité » ?

B. S. : Personnellement, je ne pense pas et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, small is beautifull. Je pense que l’intérêt d’un SEL est le fait qu’il fonctionne au niveau local. Deuxièmement, il faudrait y intégrer des aspects économiques. Par exemple, qu’un boulanger échange le pain qu’il a fabriqué et le comptabilise en bon’heures. Arrivent alors les problèmes liés aux taxes sur son travail, sur la valeur ajoutée, s’il reçoit trop de bon’heures, comment pourra-t-il alors les dépenser au sein du SEL,... ? Cependant et contrairement à l’option que nous avons choisie ici, certains SELs, comme celui d’Amiens, estimant qu’ils produisent de l’activité et qu’ils utilisent les infrastructures publiques. Ils ont donc proposé aux autorités communales de s’acquitter d’une taxe locale. Par exemple, ils organisent une fête pour les personnes âgées du home communal. Cette « corvée » dont ils s’acquittent s’apparente à une taxe volontaire dont ils choisissent eux-mêmes l’affectation.

Financité: Quel serait pour vous le modèle idéal ?

B. S. : Le modèle idéal serait d’avoir un SEL par quartier, voire par rue parce que le but premier du SEL doit rester l’intégration sociale. Il doit néanmoins avoir une taille critique d’une cinquantaine de familles. Les SELs qui fonctionnent avec 10-12 familles risquent de s’épuiser. Idéalement, il faut penser local mais l’équilibre reste fragile. Il peut être difficile de trouver de nouvelles forces vives. Le grand challenge est de vraiment mettre en pratique ce principe de solidarité. Ne pas utiliser le SEL comme un « gadget » mais vraiment comme une alternative à vivre.

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Sommaire

Marie garde les enfants de Juliette qui, elle-même, met en page l'invitation pour la communion du fils de Raymond qui, lui-même, répare le vélo de Jean qui ira tailler ce week-end les pommiers de Martine. Tous les cinq font partie d'un SEL, un système d'échange local, comme il en existe une centaine en Wallonie et à Bruxelles.

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Année d'édition
2007
Date d'édition
12/2007
Mois d'édition
Décembre