
L’idée n’est pas neuve et n’est pas l’apanage de notre gouvernement de droite dure actuel. Revendre Belfius refait surface après n’avoir été évité que de justesse sous le gouvernement précédent considérant seulement que le moment n’était alors pas le bon au vu du marché.
Aujourd’hui l’argument de la guerre en Ukraine et de « l’indispensable » augmentation de dépenses militaires renforcent les vents contraires à toute argumentation pour ne pas se débarrasser des bijoux de famille de l’État belge. Justifié par le manque de moyens financiers, la revente de Belfius comporte un double fond idéologique peu avoué et peu avouable. D’après moi, il vaut cependant mieux apprendre à pécher que d’offrir du poisson.
Accepter de revendre (même en partie) la dernière banque publique belge, cela revient à la considérer comme un outil dispensable, mais aussi considérer que le secteur n’est pas stratégique ! En 2019 déjà, la campagne « Belfius est à nous », notamment au travers d’une carte blanche de Michel Gevers, répondait à l’affirmation néolibérale faite dans les médias selon laquelle « l’État n’avait pas vocation à gérer une banque ».
Aujourd’hui, il existe non seulement une absence de débat démocratique sur l’actionnariat de Belfius mais aussi une amnésie politique sur le réflexe compulsif des banques privées à encaisser les profits et socialiser les pertes. La revente de Belfius (ou de nos parts dans BNP Paribas d’ailleurs) serait une perte à court terme comme à long terme. En effet, en 2025 ce seront 445 millions d’euros de dividendes qui iront tout droit dans les caisses de l’État. Sur les 14 dernières années, ce sont ainsi près de 3 milliards de dividendes qui ont été versés ! Avec une telle décision, le gouvernement ajouterait ainsi le non-sens économique à la liste de ses pratiques douteuses.
Mais on parle finalement peu de l’essentiel. Mieux que des dividendes (dont l’origine n’est malheureusement pas glorieuse sur le plan éthique et écologique), Belfius c’est un volume d’épargne (la nôtre) de plus de 200 milliards. Ajoutez-y le capital de l’État, la capacité qu’ont les banques de prêter, diminué de quelques règles de prudence, vous obtenez une enveloppe monumentale qui pourrait transformer le monde de demain en menant une politique responsable en matière d’environnement mais aussi d’emploi. En faisant partie des grandes banques belges, Belfius est notre ticket d’entrée pour influencer le secteur financier et le marché vers des bonnes pratiques. Alors que les gouvernements successifs n’arrivent pas à se faire entendre, sur la question de l’accès au cash par exemple, Belfius repris en main pourrait être un atout de poids.
Vendre Belfius ? Oui, la question mérite débat, mais non, ce n’est pas une bonne idée ! Faire de notre banque publique une offrande de plus au secteur privé déjà trop puissant, ce n’est pas « l’œuf ou la poule », c’est décider de vendre la poule et s’engager à acheter ses œufs ! Croirions-nous autant à la fable de la bonne affaire si le gouvernement wallon proposait de revendre notre fabrique d’arme nationale qu’est la FN ?