Comme à l’approche d’un accouchement où l’on conseille de préparer sereinement sa valise quelques semaines bien avant la date annoncée, l’Union européenne nous conseille de préparer un « kit de résilience ». S’inscrivant dans « la stratégie de
préparation et de gestion des crises », l’objectif de ce kit est de lister le matériel nécessaire aux ménages afin d’être autonome au moins 72 heures en cas de crise. À ce stade, le « guide » (à moins qu’il prenne finalement la forme d’un sac équipé comme une boîte de secours) nous invite à prévoir une dizaine de produits comme : de l’eau, de la nourriture, des piles, des allumettes mais aussi, nos papiers d’identité et… de l’argent liquide !

Alors que le kit vise à nous rassurer, l’idée d’y prévoir du cash a de quoi nous inquiéter bien qu’elle ne soit ni étonnante, ni neuve. En effet, nous inviter à stocker du cash confirme implicitement que le réseau financier de consommation pourrait être non seulement visé mais atteint. Difficile à digérer alors que la sécurité est en première ligne des arguments du secteur bancaire pour nous enrôler quasi de force vers un usage exclusif de l’argent numérique.

Après de nombreuses années de désertification bancaire faisant disparaître les agences et les distributeurs, on pourrait ironiser en disant que trouver du cash est déjà un combat. Qu’en sera-t-il en cas de problème électrique, internet et/ou de difficultés de se déplacer sur de longues distances ?

Depuis près de 15 ans, de nombreux·euses citoyen·ne·s n’ont pas attendu ce contexte de crise imminente pour se poser les questions d’autonomie financière. Ils·elles ont déjà tissé des réseaux d’échange et solidarité de petite taille mais efficaces et réactifs comme le sont les Systèmes d’échanges locaux (SEL), les donneries, les Repair cafés permettant de répondre à de nombreux besoins sans dépendre du marché et donc de l’argent bancaire. Parmi eux bien entendu, il y a les monnaies locales et citoyennes qui, aujourd’hui, ont l’avantage à la fois de disposer de billets imprimés (et sécurisés) mais aussi d’un réseau d’opérateur·rice·s allant des producteur·rice·s, aux commerçant·e·s en passant par les associations et professions libérales sans oublier les équipes expérimentées pour faire circuler ces moyens de paiements.

Il ne s’agit pas de se vanter d’un « on l’avait dit », mais de mettre en avant, comme les ASBL de monnaies citoyennes le font depuis longue date. L’importance non seulement du cash mais aussi de soutenir les initiatives citoyennes qui travaillent à préparer et entretenir des outils de résilience économique tout en les rendant crédibles avant qu’ils ne deviennent une nécessité !

Comme nous n’imaginons évidemment pas qu’Hadja Lahbib, en charge du dossier au niveau européenn glissera 200 Zinne, Brawette, Carol’Or, Solatoi, Semeur, Orno, Volti… il nous incombe de pratiquer les réseaux locaux et les outils à taille humaine sans attendre l’Union européenne, ni une nouvelle crise !