Les agences de notation financière
Nées au XXe siècle, les agences de notation financière font maintenant partie intégrante du système économique. Elles accordent une notation – rating en anglais – aux produits financiers. Nous aborderons, dans cette leur rôle, leur origine, les produits et services qu'elles offrent, les principales critiques formulées à leur égard et les pistes de solutions d’amélioration par rapport à la situation actuelle.
Rôles et origines des agences de notation financière
Une agence de notation est un organisme privé spécialisé dans l'analyse des comptes d'une société, d'un État ou d'une opération financière1. Elle publie des notes sur la capacité de ces entités à respecter leurs engagements. Il existe deux groupes principaux d'agences de notation : celles, historiquement plus anciennes, s'occupant de critères financiers et celles, plus récentes, analysant le volet extrafinancier, soit les aspects sociaux, environnementaux, éthiques et/ou de bonne gouvernance, de ces entités.
Les agences de notation financière voient le jour au début du XXe siècle aux États-Unis afin de fournir aux investisseurs intéressés une information plus accessible sur les émissions obligataires des collectivités publiques2. À l'époque, ces investisseurs paient les agences de notation pour obtenir une note afin de construire leur stratégie d'investissement. Ce n'est que dans les années 1970 que cette manière de faire change : ce sont désormais les émetteurs de produits soumis à notation qui paient les agences pour obtenir une note.
Le rôle des agences de notation financière est crucial : elles tentent de « mesurer le risque de non-remboursement des dettes que présente l'emprunteur »3. La note décernée est un élément clef dans la décision d'engagement des investisseurs. Si elle est haute, c'est que le risque est faible. Les investisseurs auront davantage confiance et voudront investir. Si elle est basse, moins d'investisseurs seront intéressés.
Comme illustré dans le tableau ci-dessous, l'activité des agences de notation financière est très concentrée : trois organismes, tous américains, se partagent, selon les sources, entre 85 et 90 % du marché. Les 10 à 15 % restant se divisent entre près de 70 agences de notation financière à travers le monde4. Toutefois, seules dix d'entre elles sont reconnues par la Securities and Exchange Commission américaine comme des « Nationally Recognized Statistical Rating Organizations », soit des agences de notation statistique reconnues nationalement5.
Pays | Organisme |
États-Unis | Standard & Poor's (1860) |
États-Unis | Moody's (1909) |
États-Unis | Fitch Ratings (1913) |
Bien que chaque agence ait son propre système de notation, le schéma général est de noter un titre sur une échelle de A à D, A regroupant les meilleures notes et D signifiant que l'entité, entreprise ou État, est en faillite. Des nuances s'expriment dans chaque groupe de lettre par la répétition de cette même lettre ou l'adjonction de chiffres ou de signes + ou -. Vu la complexité des produits financiers actuellement disponibles sur le marché, ces notations sont devenues essentielles pour donner une information simplifiée à l'investisseur souhaitant évaluer son risque d'investissement.
Voyons maintenant de plus près quels produits et services offrent ces agences de notation financière.
Produits et services offerts
Un tour sur les sites internet des trois plus importantes agences de notation financière nous renseigne sur les produits et services offerts (voir tableau ci-dessous). Les agences sont contactées par les émetteurs pour fournir des notations sur une très vaste gamme d'instruments et produits financiers allant des dettes souveraines aux obligations d'entreprises en passant par les organismes de placement collectif à valeurs mobilières et les produits structurés. De par leur expertise, certaines assurent aussi des formations pour les professionnels faisant affaire avec le monde financier, mais ceci reste marginal dans leur activité.
Standard & Poor's | Moody's | Fitch Ratings |
Évaluation des risques et stratégies Portail mondial du crédit Base de données globale Solutions sur le risque Services d'évaluation Recherches sur les produits financiers divers Cotes de gestion des fonds Risques de gouvernance d'entreprises Recherche quantitative et solutions d'analyse Base de données d'informations financières sur des compagnies Base de données sur les titres et capitalisation boursière Fonction de veille |
Analyse d'entreprises, d'assurance, d'états souverains et de collectivités locales, des émetteurs sur l’Euromarché Analyse de financements structurés/titrisation Analyse globale de crédit, de prêts bancaires, de crédit corporate Analyse bancaire : Asie, Amérique, Europe/Moyen-Orient/Afrique, marchés des capitaux Analyse de crédit assurance-vie et santé Analyse de crédit des collectivités locales/régionales et Etats souverains |
Services de recherche Analyse du risque et du rendement Services de tarification et évaluation Analyses quantitatives Formation |
Source : sites internet de Standard & Poor's, Moody's et Fitch Ratings
Critiques
Bien qu’elles facilitent les prises de décision d'investissements des acteurs du système financier, les agences de notation financière essuient diverses critiques6. Trois reproches sont le plus souvent formulés à leur encontre.
Le premier tient à la nature même de leur source de revenus : les agences de notation financière sont accusées d'être à la fois juge et partie. En effet, de nos jours, elles sont rétribuées par les émetteurs de produits financiers, ce qui met en cause leur indépendance : qu’est-ce qui les empêche d’accorder, contre rémunération, de meilleures notes que ce que devrait dicter la réalité ? Les agences de notation réfutent l’accusation en arguant du fait que leur bonne réputation est capitale pour l’exercice de leur activité et qu’il serait suicidaire pour elles de prendre le risque de se laisser influencer.
La capacité des agences de notation financière à noter des produits financiers de plus en plus complexes est également remise en cause. Par exemple, les agences de notation ont sous-estimé la situation financière d'Enron et n'ont revu à la baisse leur notation que quatre jours avant la faillite du géant de l'énergie. Il en va de même pour les institutions financières telles que Lehman Brothers, à laquelle une bonne note avait été accordée tout juste avant la déclaration de faillite7. De même, les méthodes d'évaluation du risque de crédit et du risque de liquidité ont été jugées peu adaptées et trop simplistes dans la crise des subprimes.
Enfin, les agences de notation financière sont accusées d'avoir un effet « procyclique ». Ainsi, leur notation aurait tendance à accentuer la situation financière de l’émetteur concerné : si elles accordent une note élevée (à tort ou à raison), elles l’aident à obtenir des financements plus facilement. Inversement, si elles lui attribuent une mauvaise note, l'émetteur aura plus de mal à trouver des financements peu onéreux.
Quelques pistes pour améliorer la situation…
Comment améliorer le système actuel ? Différentes solutions sont avancées pour parer aux principaux reproches qui viennent d’être évoqués.
Pour corriger – ou à tout le moins amoindrir – le problème du conflit d'intérêts, il conviendrait de renforcer la régulation publique. Cette première idée, actuellement débattue des deux côtés de l'Atlantique, repose sur une meilleure réglementation des agences de notation. En effet, à la suite de la crise des subprimes, la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine et la Commission européenne – parmi d'autres organes régulateurs – ont toutes deux entamé des démarches en vue de superviser les actions des agences de notation. Ainsi, du côté européen, il est prévu que, dans le futur, l'autorité européenne des marchés financiers « sera dotée de pouvoirs de supervision directe des agences de notation du crédit enregistrées dans l’UE et pourra demander des informations, ouvrir des enquêtes et procéder à des inspections sur place. » 8
Une seconde idée serait de se doter d’une ou de plusieurs agences de notation publiques. C'est ce que prônent certains chercheurs américains9, convaincus qu'une telle initiative garantirait un contre-pouvoir aux agences de notation privées. Cette solution ne fait toutefois pas l'unanimité : ses détracteurs estimant que la lourdeur administrative – hélas souvent caractéristique des organisations publiques – risquerait de limiter l'innovation financière.
Finalement, une troisième voie serait de retourner au système de l’« investisseur-payeur », autrement dit à la situation dans laquelle c’est l’investisseur, et non l’émetteur, qui rémunère les agences. Cette manière de faire les choses pourrait limiter les conflits d'intérêts mais elle pose d'autres problèmes. D'une part, elle semble moins transparente, du fait que seuls les investisseurs auraient accès aux notations et, d'autre part, il semble plus difficile à faire accepter aux investisseurs de payer la note10.
Concernant l’amélioration de l’aptitude des agences de notation financière ou sociétale à analyser correctement les instruments financiers, les États ou les entreprises, les solutions restent peu nombreuses. Il serait quand même possible – et capital – de veiller à ce que les analystes soient mieux formés aux risques de crédit et de liquidité, ou encore d’encourager des partenariats entre secteur public et secteur privé afin d’améliorer la connaissance des particularités des dettes souveraines par exemple.
Enfin, pour ce qui est de l'effet procyclique des notations des agences, il faut se rappeler que, comme elles le font d'ailleurs très bien quand elles s’assoient au banc des accusés, les agences de notation ne font qu'émettre des avis. Tous les acteurs du système financier doivent prendre leurs responsabilités. Ainsi, les banques qui prêtent ont aussi une part de responsabilité dans la non-vérification des données, tout comme le régulateur pour la non-supervision de ces agences de notation. Sans oublier les investisseurs qui délèguent l'évaluation des risques aux agences de notation et ne prennent pas la précaution de recouper l’information en se renseignant auprès d’autres sources. Si beaucoup en sont arrivés à penser que les agences de ntoation ont acquis un « super-pouvoir », c’est en effet parce que, trop souvent, des investissements sont faits sans autre mesure du risque.
Conclusion
Nous l'avons vu, le rôle des agences de notation financière est très important dans les jeux de l'offre et de la demande du système financier. Les dernières crises montrent toutefois que cette super-puissance est parfois hors de contrôle et que certains intérêts peuvent rendre les jugements trop subjectifs.
Ainsi, il serait nécessaire que les acteurs concernés réfléchissent aux garde-fous à mettre en place. Du côté des pouvoirs publics, il conviendrait de travailler à une meilleure régulation, ce qui implique de s’assurer une certaine expertise et d’y consacrer des financements conséquents. Les banques, quant à elles, devraient vérifier un minimum les données communiquées par les agences. Enfin, les investisseurs aussi devraient tenter de varier leurs sources de renseignements avant de s’engager financièrement. Cependant, dans le monde du « tout, tout de suite », il paraît sans doute plus simple et plus rapide de se référer à l'avis – gratuit de surcroît pour les investisseurs – des sacro-saintes agences de notation. Mais gare aux conséquences !
Annika Cayrol,
novembre 2010
1 Agence de notation, dans « L'économie de A à Z », Alternatives Économiques, hors-série poche n° 40, septembre 2009 et DEMONCHY, Anne-Sophie, Qu’est-ce qu’une agence de notation ?, 1er juillet 2010, disponible sur internet : http://www.politique.net/2010070102-qu-est-ce-qu-une-agence-de-notation.htm
2 Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises et Agence de l’Environnement et de la Maitrise d’Energie, Guide des organismes d'analyse sociale et environnementale, disponible sur Internet : http://www.orse.org/site2/maj/phototheque/photos/docs_notion_ent/guide_notation.pdf, décembre 2007
3 La finance pour tous, Les agences de notation, Comment ça marche ?, disponible sur internet : http://www.lafinancepourtous.com/Les-agences-de-notation.html
4 Liste des agences de notation, compilée par Defaultrisk.com, disponible sur internet : http://www.defaultrisk.com/rating_agencies.htm
5 Liste des agences de notation financière reconnues par la SEC, "Credit Rating Agencies—NRSROs", disponible sur internet : http://www.sec.gov/answers/nrsro.htm, 25/08/2009
6 Arguments avancés dans l'article « Les agences de notations », La Finance pour tous, disponible sur internet : http://www.lafinancepourtous.com/Agence-de-notation-financiere.html
7 FONS, Jerome, PARTNOY, Frank, "Rated F for failure", The New York Times, disponible sur internet: http://www.nytimes.com/2009/03/16/opinion/16partnoy.html?_r=1, 16/03/2009
8 Réforme de la supervision financière : questions fréquentes, 4. Comment fonctionneront les nouvelles autorités européennes de supervision ?, disponible sur internet : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/10/434&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=fr, 22/09/2010
9 DIOMANDE, Ahmed, HEINTZ, James et POLLIN, Robert, “Why U.S. Financial Markets Need a Public Credit Rating Agency," The Economists' Voice: Vol. 6 : Iss., Article 6, 2009
10 INCHAUSPE, Irène, Agences de notation, le cercle vicieux, Challenges.fr, disponible sur internet : http://www.challenges.fr/magazine/document/0221.031659/le_cercle_vicieux.html, 26/08/2010
Les agences de notation sociétales
Apparues à la fin des années 1980, les agences de notation sociétale se sont imposées comme des acteurs incontournables du système économique. Elles recherchent et évaluent le profil environnemental, social et de gouvernance des entreprises. Complémentairement à l’analyse précédente sur les agences de notation financière1, nous tenterons de définir ici le rôle des agences de notation sociétale, de remonter à leurs origines, et d’analyser les produits et services qu’elles offrent ainsi que ce qui leur est reproché.
Origines et rôle des agences de notations sociétales
Une agence de notation est une organisation privée, spécialisée dans l'analyse des comptes d'une société, d'un État ou d'une opération financière2. Elle publie des notes sur la capacité de ces entités à respecter leurs engagements. Il en existe deux groupes principaux : celles, plus anciennes, s'occupant de critères financiers et celles, plus récentes, analysant les aspects extrafinanciers, soit les aspects sociaux, environnementaux, éthiques et/ou de bonne gouvernance, de ces entités.
Les premières agences de notation extrafinancière (ou sociétale) datent de la fin des années 1980 : EIRIS au Royaumi-Uni et Ethibel en Belgique. Elles sont alors animées par des convictions militantes et utilisent surtout des critères d'exclusion comme, à l'époque, la question de l'apartheid : les entreprises actives ou faisant commerce avec l'Afrique du Sud sont exclues du registre d'investissement. Les années 1990 voient arriver dans différents pays de nouveaux acteurs de notation sociétale, animés plutôt par une logique de marché. L’approche de ces nouvelles agences se base sur des critères positifs : elles sélectionnent les entreprises présentant les meilleures politiques de développement durable dans leur secteur3.
Les agences de notation extrafinancière sont dès lors mises en place pour évaluer la responsabilité sociétale des entreprises afin de conseiller des univers d'investissement adéquats pour l'investissement socialement responsable. En effet, le but de ces agences est d'aider les investisseurs à choisir les entreprises les plus responsables au regard des aspects environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance (ESG).
Comparativement au secteur des agences de notation financière, celui des agences de notation extrafinancière est moins concentré, même s’il a connu aussi de récentes fusions et acquisitions4. Ainsi, on recense un peu moins d’une trentaine d’agences de notation sociétale en 2010.
Pays | Organisme | Pays | Organisme |
Allemagne | IMUG | Proxinvest | |
OEKOM Research | Italie | ECPI | |
Australie | Caer – lié Eiris | Japon | The Good Bankers |
Siris | Pays-Bas | Sustainalytics,(Jantzi Research Inc.-CA, Scoris-DE) | |
Belgique | Deminor Ratings | Royaume-Uni | Eiris |
Forum Ethibel | Ethical Screening | ||
Corée du Sud | Eco Frontier Co | Trucost | |
Espagne | FED | Thomas Reuter (Asset4-CH) | |
États-Unis | Calvert | Pensions Investment Research Consultants | |
Riskmetrics (Innovest, KLD) | Suède | GES Investment Services | |
Governance Metrics International | Ethix SRI Advisors | ||
France | BMJ Ratings | Suisse | Inrate (Centre Info) |
Ethifinance | Covalence | ||
Vigeo (FR, BE, IT, MA) | SAM Research |
Source : Guide des organismes d'analyse sociale et environnementale5 mise à jour et sites internet des agences en question
Ces agences de notation offrent une vaste gamme de produits et de services.
Produits et services offerts
Comme précisé précédemment, le rôle principal d'une agence de notation sociétale est d'évaluer et de noter la politique de responsabilité sociale et environnementale ainsi que de bonne gouvernance des entreprises. Pour ce faire, elle fournit trois catégories principales de produits et services : la notation déclarative (ou classique), qui est l'analyse du degré de responsabilité sociale d’une entreprise sur la base de documents publics ; la notation sollicitée, même concept mais l'analyse est plus approfondie et est menée à la demande expresse de l'entreprise concernée ; enfin, un indice boursier de responsabilité sociétale, qui regroupe, en général, les entreprises les mieux notées selon la notation déclarative.
Complémentairement à ces trois catégories de produits et services, on a également recensé l'offre suivante :
Analyse et notation déclarative | Screening de portefeuilles |
Analyse et notation sollicitée | Services d'alerte |
Indice boursier de responsabilité sociétale | Certification |
Base de données en ligne | Services de résolution en assemblée générale |
Benchmarks sectoriels | Audit |
Conseil et recherche en investissement | Formation |
Études thématiques et sectorielles | Contribution à des conférences |
Analyse de scénario | Communication |
Informations (revue de presse, etc.) | Contribution à des rapports d'entreprise |
Profil d'entreprises | Dialogue avec l'entreprise et les parties prenantes |
Source : Guide des organismes d’analyse sociétale et environnementale6
En somme, les agences de notation extrafinancière aident, par leurs notations, à mieux appréhender la politique ESG des entreprises. Néanmoins, les notations fournies par ces premières ne sont pas toujours sans failles. Récemment, elles ont connu leur première grande critique publique…
Critiques
En effet, bien que les informations données par les agences de notation sociétale soient généralement considérées comme essentielles par leurs utilisateurs, certaines parties prenantes émettent des réserves quant à la méthodologie adoptée.
Ainsi, dans son rapport L'investissement socialement responsable : l'heure du tri, l’ONG les Amis de la Terre reproche aux agences de notation extrafinancière le manque d'analyse poussée sur le terrain7 et l’utilisation exclusive de données publiques pour les notations déclaratives. Ceci amène un biais non négligeable, car seules les plus grandes compagnies peuvent se permettre de consacrer un budget plus élevé à l'élaboration de publications plus « convaincantes » sur le développement durable. De plus, l'obligation des entreprises de publier des données sur les plans environnementaux, sociaux et de gouvernance varie selon les pays. Dès lors, une notation exclusivement menée sur les publications officielles peut difficilement être considérée comme complète.
Une autre critique qui est avancée est que, vu que les méthodologies utilisées par les agences de notation sociétales varient, elles peuvent mener à des notations divergentes, voire opposées, pour une même entreprise. Il est entendu que chaque agence de notation extrafinancière possède ses propres méthodologies, critères et indicateurs mais il peut être parfois interpellant que les résultats soient si éloignés.
Comment dépasser les critiques ?
Concernant la notation déclarative, certains pourraient souhaiter une méthodologie plus robuste qui comprendrait non seulement une synthèse des documents officiels et un questionnaire adressé à l'entreprise à coter mais également une récolte de données auprès des parties prenantes, et des visites sur le terrain pour vérifier les dires des entreprises. Compte tenu du fait que ces démarches additionnelles ont un coût en temps, en argent et en expertise, une telle solution est-elle réellement envisageable ? On sait que la notation sollicitée se rapproche de cette manière de faire, alors pourquoi pas la notation déclarative ? Reste donc à voir qui peut ou est prêt à supporter ces surcoûts.
En amont, les informations extrafinancières ne sont déjà pas homogènes. Si l’on ajoute à cela des méthodologies et des interprétations différentes, il est prévisible qu’on obtienne parfois des notations très différentes pour une même entreprise.
Bien entendu, le fait que les méthodologies soient différentes peut en fait être positif ou négatif. Si les résultats qui en découlent varient fortement, cela peut agir comme une sonnette d'alarme : il faut vérifier à nouveau les données et critères dans les deux camps. Par contre, de grandes divergences autour d’une même entreprise risquent d'entamer la crédibilité des agences de notation sociétales.
Comment faire pour réduire ces écarts ? Une première mesure pourrait être que les autorités publiques exigent une transparence sur l’information extrafinancière que les entreprises fournissent, de manière à réduire les différences au niveau de l'information brute. Une autre idée serait de créer un réseau ou une coupole qui fédérerait toutes les agences de notation sociétales pour comprendre où résident les grandes divergences de méthodologie. Ces efforts permettraient peut-être d’arriver à une sorte d'harmonisation plus proche de la réalité dans la majorité des cas.
Conclusions
Bien que le rôle des agences de notation sociétale soit essentiel dans le jeu de l'offre et de la demande du système financier, leurs notations peuvent parfois se révéler réductrices par rapport à la complexité des aspects extrafinanciers d'une entreprise ou d'un État. Cela peut être dû aux méthodologies suivies pour arriver à ces notations. Par ailleurs, ces méthodologies étant propres à chaque agence de notation, elles peuvent, dans certains cas, mener à des résultats très différents.
Toutefois, les agences de notations sociétales ont réussi le pari de transformer en notations intelligibles des concepts jusqu’alors théoriques. Les aspects environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance des entreprises ou des États sont « capturés » et notés par les agences de notation extrafinancière. Et ce travail, faut-il l’écrire, facilite grandement la tâche des investisseurs responsables.
Annika Cayrol,
novembre 2011
1 CAYROL, Annika, Les agences de notation financière, Réseau Financement Alternatif, novembre 2010.
2 "Agence de notation", dans « L'économie de A à Z », Alternatives économiques, hors-série poche nº 40, septembre 2009 et DEMONCHY, Anne-Sophie, « Qu’est-ce qu’une agence de notation ? », 1er juillet 2010, disponible sur internet : http://www.politique.net/2010070102-qu-est-ce-qu-une-agence-de-notation.htm
3 TRIOMPHE, Claude Emmanuel, « Les agences de notation sociétales : entre vertus et rachats par les géants de la finance », disponible sur internet : http://www.metiseurope.eu/les-agences-de-notation-soci-tales-entre-vertus-et-rachats-par-les-g-ants-de-la-finance_fr_70_art_28769.html, 19/04/2010
4 GARNIER, Lionel, le blog de l'investisseur responsable, « Les agences de notation extrafinancière en pleine concentration », 04/02/2010, disponible sur internet : http://blog.lerevenu.com/lionel.garnier/index.php/post/2010/02/04/Les-agences-de-notation-extrafinanci%C3%A8re-en-pleine-concentration
5 ORSE, ADEME, Guide des organismes d'analyse sociale et environnementale, décembre 2007, disponible sur internet : http://www.orse.org/site2/maj/phototheque/photos/docs_notion_ent/4_pages_notation.pdf
6 ORSE, Guide des organismes d’analyse sociétale et environnementale, juin 2005, disponible sur internet : http://www.orse.org/site2/maj/phototheque/photos/docs_notion_ent/guide_notation.pdf
7 LOUVEL, Yann et SOISIC, Rivoalan, L'investissement socialement responsable : l'heure du tri, Les Amis de la Terre, disponible sur internet : http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/RAPPORT_ISR.pdf, septembre 2010.
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