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La taxation du secteur financier

Soumis par Anonyme le
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Commission européenne
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Communication sur la faisabilité d'une TTF dans l'UE.

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DE-EC2010-3
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2010
Jour d'édition
7
Date d'édition
07/10/2010
Mois d'édition
Octobre

Taxer les transactions financières internationales : état des lieux théorique et politique

Soumis par Anonyme le
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CNCD-11.11.11
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Année d'édition
2010
Date d'édition
11/2010
Mois d'édition
Novembre

BP et la marée noire dans le golfe du Mexique : réactions de la Bourse

Soumis par Anonyme le

BP est responsable de la pire marée noire accidentelle de l'histoire, les investisseurs veulent-ils encore financer une telle compagnie ?

Introduction

Le 20 avril 2010 restera une date inoubliable dans l'histoire du groupe pétrolier britannique BP, mais aussi dans l'histoire environnementale mondiale. À la suite de l'explosion de la plateforme pétrolière offshore Deepwater Horizon, puis de son naufrage deux jours plus tard, onze personnes sont décédées et pas moins de 4,9 millions1 de barils de pétrole brut, soit environ 780 millions de litres, se sont échappés du puits pour se répandre dans le golfe du Mexique et souiller les côtes étasuniennes, sans parler du volume de gaz naturel échappé. Ce n'est que le 5 août 2010 que BP a réussi à colmater définitivement la fuite du puits qu'il exploitait. Il est difficile aujourd'hui d'évaluer l'ensemble des dégâts, mais il est certain qu'ils seront désastreux, autant du point de vue écologique qu'économique et social.

Cette marée noire est la deuxième marée noire la plus importante de l'histoire après celle qui a touché le golfe Persique en 1991. Cette dernière fut intentionnellement provoquée par les autorités irakiennes pendant la guerre du Golfe. La catastrophe pétrolière de BP est donc la marée noire accidentelle la plus grave de l'histoire.

La responsabilité du groupe BP dans cette tragédie est incontestable. L'objet de cette analyse est d'étudier la réaction des investisseurs face à cette implication. Vont-ils encore vouloir financer une entreprise qui porte une telle responsabilité ? Quel impact cette catastrophe a-t-elle sur la réputation du groupe ?

Si l'on a pu constater un désinvestissement massif des actionnaires de BP après la marée noire, marquant une perte de confiance indéniable, on observe depuis juillet 2010 la remontée du prix de l'action BP. Cependant, les investisseurs qui prennent en compte des critères extrafinanciers dans leur calcul de profitabilité, tels que l'impact environnemental et social et la gouvernance de l'entreprise, sont amenés à remettre en question leur politique d'investissement en faveur de cette compagnie. Aujourd'hui, il est possible d'affirmer que la valeur extrafinancière de l'entreprise est largement menacée tandis que sa valeur financière tend à se restaurer.

Valeur financière : des inquiétudes qui n'inquiètent pas tellement

La marée noire a causé beaucoup de dégâts financiers à BP car elle a apporté de profondes inquiétudes sur les marchés financiers à propos de l'avenir de la compagnie. Mais les investisseurs croient toujours dans le potentiel de cette entreprise, catastrophe écologique ou non. Si les analystes rencontrent des difficultés à estimer la valeur du groupe, le cours de ses actions permet d'avoir une idée des prévisions des investisseurs.

La dégringolade de BP

Le graphique ci-dessous montre la dégringolade spectaculaire de la valeur de l'action BP durant les deux mois qui suivirent l'accident du 20 avril 2010.

Évolution du cours du titre BP en pence sterling du 1er avril 2010 au 28 février 2011 à la Bourse de Londres (rappel : 100 pence = 1 livre sterling)

 
Source : site Internet du London Stock Exchange.

Alors qu'elle se situait à un niveau très honorable avant l'accident, l'action de BP a progressivement perdu la moitié de sa valeur en à peine deux mois à partir du 20 avril 2010, date de l'explosion de la plateforme offshore. De 655,40 pence (soit environ 78 euros) le 20 avril 2010, elle a régulièrement diminué jusqu'à atteindre 302,90 pence (soit environ 36 euros) le 29 juin 2010. À cette date-là, BP a atteint sa plus basse valeur boursière depuis treize ans. Même au plus fort de la crise financière de 2008, le cours de BP n'était pas descendu aussi bas.

Bien que cette chute s'inscrive dans un environnement financier globalement défavorable aux valeurs pétrolières, ces chiffres montrent clairement que les investisseurs ont perdu confiance en BP à la suite de la catastrophe. Leurs inquiétudes portaient sur la capacité du groupe à verser des dividendes, voire à survivre à un tel choc. Leurs craintes se sont révélées tout à fait fondées puisqu'en juin 2010, l'administration de Barack Obama a défendu au groupe de verser des dividendes. Parallèlement à cette annonce, BP a vu sa facture s'alourdir de jour en jour à la suite de la catastrophe. Aujourd'hui encore, BP continue de payer pour ses dégâts. Bon nombre de commentateurs du monde financier prédisaient même la faillite du groupe sous le poids de la note, tandis que d'autres craignaient une OPA. Au second trimestre 2010, BP a subi la plus grosse perte trimestrielle de l'histoire des entreprises britanniques (-16,9 milliards de dollars).

La facture de BP 2 :

  • gestion de la marée noire (colmatage du puits, récupération du pétrole et nettoyage des côtes) : 3 milliards de dollars.
  • dons aux organisations publiques sanitaires et environnementales : 57 millions de dollars.
  • fonds d'indemnisation des chômeurs de la plateforme pétrolière : 100 millions de dollars.
  • création d'un centre de recherche pour étudier les impacts environnementaux et sanitaires de la marée noire : 500 millions de dollars.
  • indemnisations des victimes : 20 milliards de dollars. Pour l'instant, 5,4 milliards de dollars ont été redistribués aux sinistrés (3,9 milliards aux entreprises et particuliers et 1,5 milliard à l'État fédéral et aux États du Golfe : Louisiane, Alabama, Floride, Mississippi et Texas)3.
  • amendes : le ministère fédéral de la Justice a porté plainte contre BP à la mi-décembre 2010. Il est difficile de prédire le montant de l'amende car il dépend du degré de responsabilité qui sera attribué à BP. Or, le groupe Transocean, propriétaire de la plateforme qui a explosé, est lui aussi inculpé. Le sous-traitant Halliburton, chargé de la consolidation du puits avant l'explosion, est lui aussi sur la sellette, même si aucune plainte n'a encore été déposée contre lui. De plus, BP peut tenter de faire baisser son amende en mettant en avant son engagement et sa bonne volonté dans le nettoyage du pétrole et l'indemnisation des victimes. L'amende de BP pourrait ainsi s'élever de 5 à 20 milliards de dollars.

Selon le principe du pollueur-payeur, BP devrait prendre en charge la totalité des coûts engendrés par la marée noire. Cependant, il sera aidé par ses assurances, mais il est difficile de connaître le montant de la prise en charge. De plus, BP bénéficiera d'une aide de 1,6 milliard de dollars du Oil Spill Liability Trust Fund, qui est un fonds public étasunien créé en 1990 à la suite du naufrage de l'Exxon Valdez pour indemniser les victimes de marées noires ayant lieu aux États-Unis. Il est alimenté par une taxe de 8 cents prélevée sur chaque baril de pétrole produit ou importé dans la fédération américaine. Enfin, BP ne devrait pas être le seul acteur à payer.

Son sous-traitant Transocean devrait lui aussi participer aux frais d'indemnisation. BP a également réclamé à la société Moex Offshore, qui détient 10 % de la plateforme Deepwater Horizon, de payer les 10 % de pertes occasionnées.

Début novembre 2010, BP déclarait avoir déjà dépensé 11,6 milliards de dollars en conséquence de la marée noire, mais le coût final estimé est de 40,9 milliards de dollars4.

Une reprise lente mais sûre

Malgré ces dépenses imprévues énormes et une perte de 16,9 milliards de dollars pour les mois d'avril, mai et juin 2010, BP a su faire face financièrement. Le graphique précédent montre la lente remontée de la valeur du titre BP.

La reprise de BP début juillet est principalement due à la circulation de rumeurs concernant une prise de participation massive d'un fonds souverain arabe au capital de BP, mais aussi aux premières annonces positives de colmatage du puits. Ce redressement progressif s'avère tout à fait durable. En effet, le groupe reconquiert peu à peu la confiance des marchés financiers avec des arguments convaincants.

Tout d'abord, BP a réalisé 40,9 milliards de dollars de provisions, notamment à la demande des autorités étasuniennes. Cela signifie que le groupe a mis de côté une part de ses profits ainsi que les revenus issus de la vente d'actifs pour constituer une réserve destinée à financer toutes les dépenses estimées de la catastrophe. Grâce à ces provisions, les coûts dus à la marée noire ne se répercuteront pas sur les futurs résultats financiers du groupe, puisque pour les payer, il puisera dans cette réserve. Cela rassure les investisseurs quant à la capacité de BP à assumer les coûts de la catastrophe sans porter atteinte à ses profits.

Et de fait, BP a très vite renoué avec les profits. Les troisième et quatrième trimestres se sont soldés par des résultats positifs (1,8 milliard de dollars pour juillet-août-septembre et 4,6 milliards de dollars pour octobre-novembre-décembre). Même si ses résultats sont inférieurs aux attentes, le quatrième trimestre 2010 a été meilleur que celui de 2009. En effet, la hausse du cours du pétrole a permis de compenser une réduction de 9 % de la production en conséquence de la marée noire. L'année 2010 reste cependant une année de perte puisque le résultat annuel de BP a été de -4,9 milliards de dollars. C'est la première perte du groupe depuis 1992. Elle s'explique en grande partie par la réalisation de provisions, car si celles-ci n'avaient pas été réalisées, le profit de BP pour 2010 aurait été largement positif et comparable à ceux des années précédentes, puisque l'extraction et la production de pétrole et de gaz ont été très lucratives cette année, et même davantage que l'année passée. Voici un tableau rappelant les derniers résultats annuels du groupe BP :

Évolution des résultats de BP de 1998 à 2010 en milliards de dollars

Source : site Internet de BP

Ensuite, BP a initié une large politique de restructuration, notamment aux États-Unis où le groupe vend deux raffineries devenues moins rentables. Les cessions d'actifs prévues pour 2011 devraient rapporter 30 milliards de dollars au groupe. Enfin, de nouveaux projets et partenariats pour 2011 laissent présager une bonne année pour le groupe pétrolier.

Enfin, BP a rapidement travaillé à la reprise du versement de dividendes pour attirer les actionnaires. Début février, le groupe a annoncé le versement de 7 cents par action pour le quatrième trimestre de 2010. C'est deux fois moins que ce que le groupe versait avant la catastrophe car il souhaite accorder plus de ressources à l'investissement, notamment dans la recherche de nouveaux gisements d'hydrocarbure. Cette annonce a cependant été une nouvelle preuve que BP peut faire face à cet événement et que le groupe compte bien redresser sa situation très rapidement.

Aujourd'hui, les agences de notation financière recommandent l'achat des actions de BP. Néanmoins, il faudra attendre que BP en finisse avec la marée noire et ses coûts avant que ses actions ne regagnent la valeur qui était la leur avant la catastrophe.

Valeur extrafinancière : la responsabilité sociale de BP remise en cause

Tous les investisseurs ne se limitent pas à examiner la valeur financière d'une entreprise dans l'élaboration de leur portefeuille. Pour certains, l'impact environnemental et social d'une société, ainsi que la manière dont elle est dirigée et dont elle interagit avec ses différents partenaires, sont des critères tout aussi importants. De ce point de vue extrafinancier, BP a nettement perdu de sa valeur.

BP rayé de la liste des entreprises responsables ?

Avant la marée noire, BP bénéficiait d'une image verte qui lui était favorable. Le groupe faisait même partie de beaucoup de fonds d'investissement socialement responsables. Bien que son activité repose essentiellement sur la production de pétrole et de gaz, produits hautement polluants, BP était considéré comme une entreprise best-in-class, c'est-à-dire une des entreprises les plus conformes, au sein du secteur des énergies fossiles, aux critères de respect de l'environnement et de la société et de bonne gouvernance qu'établissent les promoteurs de fonds socialement responsables. L'activité n'était pas jugée condamnable en soi par la plupart des gestionnaires de ces fonds et ces derniers considéraient BP comme une des moins mauvaises compagnies pétrolières. Leurs arguments5 étaient que le groupe BP investissait beaucoup dans les énergies renouvelables, qu'il avait élaboré des règles rigoureuses de lutte contre la corruption, qu'il bénéficiait d'une bonne image auprès des ONG et qu'il était exemplaire en matière de gouvernance (notamment en termes de dialogue avec les actionnaires).

Cependant, en conséquence de la marée noire, la présence de BP parmi ce type de fonds fait plus que jamais débat. BP est en effet responsable de la plus grave marée noire accidentelle de l'histoire. Son activité a été la cause d'une très grave pollution dans le golfe du Mexique, menaçant sérieusement l'écosystème de la région. Les causes de cet accident ne sont pas encore officiellement établies par la justice étasunienne mais BP reconnaît qu'il y a eu des manquements aux règles de sécurité, de sa part comme de la part de ses sous-traitants6.

Plusieurs gestionnaires de fonds qui se veulent socialement responsables ont décidé de vendre leurs actions BP à la suite de la marée noire. C’est le cas, entre autres, du gestionnaire belge KBC Asset Management, ou encore du gestionnaire suédois Nordea. Ce dernier a fondé sa décision sur le non-respect par BP des règles de sécurité et d’environnement et par son manque de transparence dans la gestion de la marée noire du golfe du Mexique, mais aussi lors d'autres accidents similaires7. Certains lui reprochent également d'avoir minimisé les débits de fuite du pétrole et des risques occasionnés. Autant d'arguments pour vendre ses actions BP. Ainsi, BP n'est pas officiellement banni de ces fonds pour la marée noire qu'il a causée, mais pour sa mauvaise gestion de cet accident et pour son opacité envers les actionnaires, dont certains estiment qu'ils n'ont pas été assez informés sur les conséquences multidimensionnelles de la marée noire. Il est également reproché à BP d'avoir pris des risques inconsidérés en creusant un puits aussi profond dans l'océan de manière précipitée et de ne pas avoir préparé de plans de secours viables en cas de fuite du puits.

Pourtant, cela fait maintenant quelques années que BP est à la limite du socialement responsable. Certains fonds avaient déjà vendu leurs parts de BP bien avant la catastrophe de 2010. En 2004 déjà, NorthWest&Ethical Investments avait cessé d'investir dans cette compagnie car des manquements à la sécurité avaient déjà pu être observés. Puis, la présence de BP dans les fonds responsables avait été remise en question par suite des importantes fuites de pétrole d'un oléoduc rouillé en Alaska en 2006. Dans cet accident, les règles de protection de l'environnement n'avaient pas été respectées. Pourtant, l'entreprise bénéficiait toujours d'une image verte auprès de bon nombre d'acteurs de la finance responsable. Certains acteurs, pourtant, étaient en fait tout à fait conscients des défauts de BP en matière de sécurité et d'environnement. Vigeo avait relevé des failles en termes de prévention des pollutions, mais aussi des manquements au respect des droits humains sur les lieux de travail de ses sous-traitants et une certaine opacité de l'entreprise à ce sujet8. Mais elle le considérait toutefois comme faisant partie du best-in-class du secteur des énergies fossiles.

Aujourd'hui encore, après la marée noire, tous les gestionnaires de fonds socialement responsables n'ont pas cessé de financer les activités de BP et ceux qui l'ont fait n'excluent pas de racheter des actions lorsque les questions liées à la responsabilité de BP et de sa gestion de la marée noire auront été éclaircies. Certains affirment qu'ils préfèrent garder leurs actions BP pour avoir accès aux assemblées générales de la société et ainsi faire jouer leur pouvoir de vote et de proposition de résolutions. Par ces moyens, ils espèrent pouvoir faire changer le comportement de BP. Cela s'appelle de l'« activisme actionnarial » (ou « engagement actionnarial », ou « actionnariat actif »). D'autres, pour légitimer leur conservation des titres BP, arguent du fait que cette marée noire est surtout le résultat des défaillances du sous-traitant Transocean.

Le monde de la finance responsable n'a donc pas fini de débattre de la définition des critères d'un investissement socialement responsable, discussion que la catastrophe de BP vient raviver.

Vers une amélioration des critères de sélection des investissements responsables ?

La présence de BP dans des fonds qui se disent socialement responsables pose la question des critères de sélection des entreprises pouvant bénéficier de tels financements. Un rapport de l'ONG Les Amis de la Terre montre que ces critères sont largement insuffisants9. Selon elle, BP ne devrait pas faire partie de ces fonds de placement, tout comme beaucoup d'autres entreprises qui y figurent. Il est vrai qu'on peut se poser la question de savoir si les clients de tels fonds ne se sentiraient pas trahis en apprenant qu'ils financent une entreprise polluante alors qu'ils souhaitent investir leur argent de manière saine pour la société et l’environnement.

En effet, des entreprises qui produisent du pétrole peuvent-elles être considérées comme socialement responsables alors que leur activité pollue de manière inévitable ? Là n'est pas l'objet de cette analyse, mais la question mérite d'être posée. Doit-on bannir toutes les entreprises pétrolières du monde des investissements socialement responsables car leur production pollue, ou doit-on bannir uniquement BP pour l'accident qu'il a causé ? Toute entreprise pétrolière n'est pas à l'abri d'un écoulement de pétrole, qui est malheureusement inhérent à ce genre d'activités. Même les entreprises best-in-class ne sont pas infaillibles et l'activité pétrolière reste polluante, que l'on respecte les normes de sécurité ou non. Les fuites répétitives (Amnesty International estime à l'équivalent d'un naufrage de l'Exxon Valdez, la quantité de pétrole qui fuit chaque année dans le delta du Niger) étaient déjà un argument récurrent pour condamner la présence des compagnies pétrolières dans les fonds d'investissement responsable.

BP avait réussi à se donner une image verte par une politique mercatique active qui ne reflétait pas forcément la réalité. Certains gestionnaires de fonds socialement responsables ne se sont-ils pas laissé berner par cette manipulation verbale et visuelle ?

La marée noire de 2010 aura-t-elle l'avantage de faire évoluer les critères de sélection des investissements socialement responsables ? Plusieurs agences de notation extrafinancière se posent la question et sont amenées à réviser leur politique d'investissement responsable. Vigeo pense par exemple à inclure un critère de gestion du risque environnemental dans l'élaboration de ses portefeuilles d'actions10.

Une autre manière de promouvoir la responsabilité : l'engagement actionnarial

L'investissement socialement responsable peut prendre la forme d'un actionnariat actif. Il s'agit d'investir dans une entreprise dans laquelle l'investisseur espère pouvoir améliorer les attitudes des dirigeants par une prise de position lors des assemblées générales des actionnaires. Cette facette de l'investissement socialement responsable en plein essor peut, elle aussi, amener à l'affinement des critères de sélection des entreprises pouvant bénéficier de fonds responsables.

BP a connu plusieurs campagnes d'activisme actionnarial de la part de gestionnaires de fonds responsables, notamment au sujet de l'exploitation des sables bitumineux au Canada. La dernière en date porte sur la marée noire du golfe du Mexique. Il s'agit d'un groupe d'actionnaires qui a décidé de proposer une résolution lors de la prochaine assemblée générale annuelle de BP. Cette résolution demande une révision des risques causés par la marée noire dans les domaines économique, environnemental, réputationnel et social, mais aussi l'élaboration d'un programme pour diminuer chacun de ces risques. Le but est de faire adopter à BP une attitude responsable face à la gestion de l'accident. Il s'agit de la seule résolution proposée qui concerne la marée noire du golfe du Mexique. Ce mouvement a été lancé par le Christian Brothers Investment Services qui a placé 3,6 milliards de dollars au capital de BP et qui travaille en collaboration avec d'autres gestionnaires de fonds à ce projet. L'assemblée générale aura lieu à la mi-avril 2011, il sera intéressant de voir les répercussions de cette résolution à ce moment-là.

Conclusion en guise d'ouverture

À prendre toujours plus de risques pour aller chercher du pétrole, les compagnies en viennent à causer des catastrophes aux conséquences toujours plus graves. Mais le monde financier continue à financer de telles entreprises. Même le secteur de l'investissement responsable se demande encore s'il faut ou non investir dans de telles activités. BP rétablira sa valeur financière cela ne fait aucun doute. En revanche, sa valeur extrafinancière est plus largement menacée.

Cette catastrophe aura néanmoins permis de donner du grain à moudre au débat autour des critères de sélection des investissements socialement responsables. En réalité, ces critères dépendent de la définition que l'on se donne d'un investissement socialement responsable. De la notion de best-in-class à une vision d'un investissement complètement sain, en passant par l'engagement actionnarial, le panel est large. Peut-être faudra-t-il diviser en différentes catégories le monde de la finance responsable afin que les polémiques autour de la présence d'entreprises telles que BP dans des fonds socialement responsables trouvent une issue constructive.

Devant les questions soulevées par cette analyse, nous avons trouvé intéressant de poursuivre avec le sujet. La prochaine analyse portera donc sur la légitimité des critères de sélection des entreprises pouvant bénéficier d'un fonds d'investissement socialement responsable.

Coralie Marcelo
Février 2011

1 Selon le rapport de la National Oceanic and Atmospheric Administration d'août 2010 intitulé « BP Deepwater Horizon Oil Budget: What Happened To the Oil? ». Consulté en ligne le 16/02/2011 URL : http://www.noaanews.noaa.gov/stories2010/PDFs/OilBudget_description_%2083final.pd

2 Encadré réalisé à partir des communiqués de presse de BP du 20 avril 2010 au 28 février 2011.

3 Rapports du Gulf Coast Claims Facility du 19 février 2011. Consultable en ligne URL : http://www.gulfcoastclaimsfacility.com/GCCF_Overall_Status_Report.pdf

4 Communiqué de presse de BP du 2 novembre 2010, consultable en ligne URL http://www.bp.com/extendedgenericarticle.do?categoryId=2012968&contentId...

5 Voir par exemple le communiqué de Vigeo « BP : le temps venu des actionnaires responsables ? » Consultable en ligne http://www.vigeo.com/csr-rating-agency/images/PDF/Publications/chronique...

6 BP, « Deepwater Horizon Accident Investigation Rport », 8 septembre 2010. Rapport consultable en ligne http://www.bp.com/liveassets/bp_internet/globalbp/globalbp_uk_english/in...

7 Communiqué de presse de Nordea « Nordea Funds divests and suspends investments in BP », 7 juin 2010, consultable en ligne http://www.nordea.com/Press/Nordea+Funds+divests+and+suspends+investment...

8 Op. cit. le communiqué de Vigeo (note de bas de page 3)

9 Soisic Rivoalan et Yann Louvel, Investissement socialement responsable : l'heure du tri, septembre 2010. Rapport consultable en ligne http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/RAPPORT_ISR.pdf

10 Op. cit. le communiqué de Vigeo (note de bas de page 3)

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2011
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02/2011
Mois d'édition
Février

Réforme de la surveillance du secteur financier

Soumis par Anonyme le

Introduction

Après la crise financière historique de 2008, une réforme du contrôle du secteur financier était nécessaire.

Le Parlement a créé une Commission parlementaire spéciale, chargée d’examiner la crise financière et bancaire. Cette Commission a formulé en avril 2009, une série de recommandations concernant l’organisation du contrôle financier.1

Le Gouvernement a, de son côté, chargé le Baron Lamfalussy de développer un projet pour un nouveau contrôle financier en Belgique. Le rapport publié en juin 2009 propose de renforcer sensiblement le modèle de coopération entre la Banque Nationale de Belgique (BNB) et la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA), avant d’envisager une réforme plus fondamentale de l’architecture de contrôle des établissements financiers.2

Deux textes ont alors été négociés au sein du gouvernement :

  1. le premier relatif à la surveillance du secteur financier et aux services financiers;
  2. le second relatif à l'optimalisation et l'extension de la protection des consommateurs dans le secteur financier.

Le premier a donné lieu au projet de loi du 5 février 20103 qui a été adopté par le Parlement et est devenu la loi du 2 juillet 2010.4

Le deuxième projet de loi contenant des mesures supplémentaires pour assurer la protection des consommateurs n'a quant à lui jamais été déposé suite à la chute du gouvernement.

Revenons sur celui qui concerne la surveillance du secteur financier.

Ce qui change

Les évolutions les plus récentes dans plusieurs pays, et spécialement dans les pays de la zone euro, montrent une convergence croissante dans le rapprochement des composantes micro et macro du contrôle prudentiel, sans toutefois que ce modèle ne montre sa supériorité. Expliquons-nous.

D'abord le contrôle prudentiel. Il consiste en une surveillance de l'activité financière fondée sur la prudence. On va notamment vérifier si les banques sont solvables, c'est-à-dire si elles sont capables de payer leurs dettes sur le court, moyen et long termes. Un peu comme un ménage qui analyse son budget avant de décider d'un achat, sauf qu'ici ce sont des organismes publics externes aux banques qui font l'analyse.

Pour coordonner ce contrôle au niveau international a été créé en 1974 le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (en anglais Basel Committee on Banking Supervision, BCBS), communément appelé Comité de Bâle. Il s'agit d'un forum qui rassemble des représentants des banques centrales et des autorités prudentielles de 27 pays5 et qui traite de manière régulière (quatre fois par an) les sujets relatifs à la supervision bancaire.

Pour surveiller l'activité financière, le Comité de Bâle édicte des ratios qui sont ensuite utilisés par les banques centrales et les autorités prudentielles. Par exemple, celui appelé « ratio Cooke » recommandé par le Comité de Bâle dans le cadre de ses premières recommandations, du nom du directeur de la Banque d'Angleterre qui avait été un des premiers à proposer la création du Comité de Bâle et fut son premier président. Ce ratio Cooke fixe la limite du montant total des prêts qu'un établissement financier peut accorder en fonction de ses fonds propres, c'est-à-dire de ce qu'il possède (bâtiments, terrains, machines, trésorerie) moins ce qu'il doit (ses dettes). Par exemple, si une banque a 3 millions de fonds propres, elle ne pourra prêter que 24 millions d'euros. De cette manière, elle est censée pouvoir faire face aux impondérables : retournement de la conjoncture et augmentation des impayés de la part de ménages moins solvables ou retraits soudains aux guichets de la banque.

Voilà pour le contrôle prudentiel. Mais -écrivions-nous- il peut avoir des composantes micro et macro économiques. C'est-à-dire ? Ce contrôle peut, comme nous venons de le voir, s'exercer au niveau microéconomique, c'est-à-dire en surveillant le comportement économique des entités individuelles comme les banques. Mais il peut également s'exercer au niveau macroéconomique. La macroéconomie quant à elle ne se place pas au niveau des entités individuelles mais cherche à expliciter les relations entre les grands agrégats de l'économie et à prédire leur évolution face à une modification des conditions, qu'il s'agisse d'un choc (augmentation de prix du pétrole, par exemple) ou d'une politique économique délibérée. En d'autres termes, on passe à une vision beaucoup plus large.

Surveiller l'activité financière en élargissant le pannel des entreprises financières prises individuellement au système qu'elles constituent ensemble est l'option qu'a retenu le gouvernement en rapprochant les composantes micro et macro du contrôle prudentiel. En réalité, cette tendance n'est pas nouvelle puisqu'elle était déjà inscrite dans la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, qui avait mis en place un Comité de stabilité financière pour renforcer la collaboration entre la BNB et la CBFA en matière de contrôle des marchés financiers.6 Cette tendance est maintenant confirmée par la création du nouveau Comité des risques et établissements financiers systémiques (CREFS) que l’on peut considérer comme le successeur du Comité de stabilité financière. Nous reviendrons ci-dessous sur le CREFS qui n'est, en réalité, qu'une structure transitoire avant le transfert complet de la compétence de contrôle prudentiel au sein de la BNB.

Ainsi, la Belgique s'oriente vers un modèle de contrôle bipolaire, dit "Twin Peaks", qui doit traduire, sur le plan structurel, les deux finalités majeures dudit contrôle :

  1. d'une part, maintenir la stabilité macro- et microéconomique du système financier, sous la responsabilité de la BNB, et,
  2. d'autre part, assurer un traitement honnête, équitable et professionnel des clients (règles de conduite), sous la responsabilité de la CBFA.

Cette réforme du contrôle du système financier est organisée en deux phases par la loi du 2 juillet 2010.

La création du Comité des risques systémiques

La première phase consiste donc en la création du CREFS, chargé de surveiller les risques financiers systémiques. Mais de quoi s'agit-il ?

Le terme systémique exprime un changement d'échelle, une prise en considération globale du mécanisme et de ses causes, qui inclut donc l'environnement dans lequel il s'inscrit. Ainsi, un risque financier systémique consiste en un risque de dysfonctionnement à même de paralyser l'ensemble du système financier dans une vaste zone, par le biais des engagements croisés entre les institutions financières. La réalisation de ce risque peut conduire à un effondrement du système financier par l'effet d'une sorte d'effet domino. Parmi les crises financières ayant comporté un aspect systémique, on pense bien sûr à la crise des subprimes de 2008 ou à la crise de la dette publique grecque qui a secoué l'ensemble de la zone euro l'année dernière. Citons également, dans un passé plus lointain, les crises pétrolières de 1973 et 1979.

C'est donc pour faire face à ce risque systémique qu'a été créé le CREFS, qui est une structure transitoire composée des comités de direction de la CBFA et de la BNB. Il est présidé par le gouverneur de cette dernière. Le CREFS exerce un contrôle prudentiel sur tous les établissements financiers dits systémiques. Il s'agit des banques, assureurs, groupes financiers, sociétés holding d'assurances et sociétés exerçant des activités internationales qui sont susceptibles d'entraîner d'autres établissements lorsqu'ils connaissent des difficultés, ce qui implique donc un risque pour la stabilité de notre système financier. Cela comprend notamment des établissements de crédit comme Dexia Banque Belgique SA, Fortis Banque SA (BNP Paribas Fortis), ING Belgique SA et KBC Bank SA, des compagnies financières comme Dexia SA et KBC Groupe SA, des entreprises d'assurances comme AG Insurance SA, Axa Belgium SA, Dexia Insurance Belgium SA, Ethias SA et KBC Assurances SA ou encore la société holding d'assurances Ageas SA/NV mais aussi des établissements jouant un rôle prépondérant en Belgique dans les opérations de conservation ou les opérations de compensation ou de règlement-titres comme The Bank of New York Mellon SA ou Euroclear Bank SA.

Le CREFS se voit également confier une nouvelle compétence, consistant à approuver les décisions stratégiques de ces établissements.

Le contrôle des établissements financiers passe à la Banque nationale

Dans une deuxième phase, la BNB deviendra responsable du contrôle de tous les établissements financiers en Belgique et se verra donc également attribuer les compétences du CREFS. La Belgique sera alors dotée du modèle de contrôle bipolaire dit "Twin Peaks" que nous évoquions ci-dessus : stabilité macro- et microéconomique du système financier sous la responsabilité de la BNB et traitement honnête, équitable et professionnel des clients sous la responsabilité de la CBFA.

De son côté, la CBFA deviendra donc responsable du contrôle des marchés financiers (comme les opérations de bourse, les fusions et reprises, les délits d'initiés, les manipulations des cours) mais aussi du respect des règles de conduite par les établissements financiers (comme la protection du consommateur). La CBFA change par ailleurs de nom et est rebaptisée Financial Services and Markets Authority (FSMA).

A cet effet, le Conseil des ministres du 3 décembre 2010 a approuvé un projet d'arrêté royal portant exécution de l'article 26 de la loi du 2 juillet 2010. Cet article donne en effet compétence au Roi d'élargir les missions de la BNB en y intégrant les compétences et missions du CREFS et de la CBFA en ce qui concerne le contrôle de nature prudentielle et d'organiser ce transfert de compétence.

Conclusions

Comme on le voit, la crise politique que traverse notre pays a retardé mais n'a pas empêché la poursuite du processus devant mener la Belgique vers une nouvelle – et supposée plus efficiente – architecture du contrôle prudentiel. Mais celle-ci sera-t-elle à la hauteur des espérances ? En 2009, le choix de confier à la BNB le contrôle prudentiel des banques et des compagnies d’assurance établies en Belgique, jusqu’alors réalisé par la CBFA, avait été justifié par des décisions similaires prises dans d’autres pays. De fait, quelques grands pays voisins, à commencer par l’Allemagne, ont opté pour le modèle dit "Twin Peaks".

L’idée, c’est que le risque d’un effet de contagion - à savoir que la faillite d’une banque mette en péril tout le système bancaire - n’est pas local. D’où l’intérêt que le contrôle soit exercé par la Banque nationale, qui dispose des données macroéconomiques et d’une communication plus directe avec les autres institutions internationales.

Mais, s'ils est évident qu'il faut renforcer le contrôle du secteur financier et éviter un effet de contagion, ne faut-il pas également et prioritairement adopter des mesures plus fondamentales qui modifient les règles du jeu et anticipent les risques plutôt que seulement les contrôler ? Nous pensons à limiter et contrôler les mouvements spéculatifs de capitaux, stopper les transferts financiers vers des paradis fiscaux et accentuer la lutte contre les pratiques de blanchiment dans l'Union européenne et en dehors, ou encore strictement réglementer les agences de notation, pour ne prendre que quelques exemples.

Bref, à établir une réglementation belge et européenne contraignante qui prévienne le risque plutôt que de tout miser sur son contrôle. Enlever les allumettes aux pyromanes plutôt que parier sur le nouvel extincteur réputé plus efficace que l'ancien.

Bernard Bayot,
mars 2011

 

1 Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner la crise financière et bancaire, DOC 52 1643/002 (Chambre), 4-1100/1 (Sénat).

2 High level committee on a new financial architecture, Final report, 16 juin 2009.

3 Projet de loi modifiant la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, ainsi que la loi du 22 févirer 1998 fixant le statut organique de la Banque Nationale de Belgique, et portant des dispositions diverses, DOC 52 2408/001.

4 Moniteur Belge, 28 septembre 2010, 59140.

5 Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chine, France, Allemagne, Hong Kong RAS, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Corée, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, la Russie, l'Arabie saoudite, Singapour, Afrique du Sud, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Royaume-Uni et les États-Unis.

6 Moniteur Belge, 4 septembre 2002, 39121.

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Demystifying Derivatives Capabilities and Risks of a Powerful Financial Instrument

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Le pouvoir de la finance (André Orléan)

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Surveillance du marché et respect de la loi - Toezicht op de markt en naveling van de wet

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Financial Theory and Corporate Policy - Second Edition

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Banques et concurrence : « comment ça marche pas »

Soumis par Anonyme le

Les tenants de la pensée néoclassique, libérale, placent le libre marché comme l'unique approche possible pour qu'offre et demande se rencontrent et fixent un prix juste pour la clientèle solvable. Alors que l'on s'intéresse depuis plusieurs années à la question de l'inclusion bancaire, comment se fait-il que la concurrence ne permette pas que tout un chacun accède aux services dont il a besoin ?

Introduction

Certains mythes ont la peau dure... Il n'est pas rare d'entendre des décideurs politiques, de simples citoyens, des entrepreneurs ou des chercheurs s'étonner de l'inefficacité du marché et de la concurrence lorsqu’il s’agit de faire se rencontrer adéquatement l'offre et la demande.

Comment se fait-il qu'il faille intervenir ? Que certains publics soient délaissés ? Que la régulation mène parfois à un marché plus fluide ?

Afin d'ouvrir un peu plus grand les yeux sur ce qui garantit en théorie un bon fonctionnement du marché et de mesurer la distance qui sépare la théorie... du marché bancaire réel, voici une présentation synthétique des fondements du marché concurrentiel... Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur « la loi du marché » appliquée au secteur de la banque et du crédit.

Les conditions d'un marché parfait... et à quoi elles sont censées servir

Pour que le marché puisse avoir les vertus qu'on lui prête – c'est-à-dire qu'il permette une affectation efficace des ressources et, surtout, la fixation d'un prix qui soit le plus bas possible tout en permettant la rentabilité –, une série de conditions doivent être réunies.

- L’atomicité des acteurs : le nombre d’acheteurs et de vendeurs sont tous de taille relative infinitésimale. Ils sont suffisamment nombreux pour que, leurs ventes ou leurs achats individuels ne puissent pas provoquer de changement perceptible sur l'offre ou la demande globale. En d'autres termes, cela signifie qu'aucun acteur n'a le pouvoir, à lui seul, d'influencer le prix du marché dans un sens ou dans l'autre.
Or, dans son vade-mecum du secteur bancaire(1), l'Association belge des banques nous apprend que, fin 2005, la Belgique comptait 104 banques. Parmi ces dernières, quatre représentaient 84,3 % du total de bilan de l'ensemble (soit 946,7 milliards d’euros sur les 1123,4 milliards d'euros du total).
Inutile d'insister sur le fait que cette première condition n'est dès lors pas du tout garantie en ce qui concerne l'offre. Quatre des opérateurs sont de taille totalement disproportionnée par rapport aux autres, et dominent très largement le marché et les tendances qu'on y observe.

- L’homogénéité des produits :pour chacun des marchés considérés, les biens échangés doivent être identiques en qualité et en caractéristiques – consommer l'un ou l'autre bien ou service est donc indifférent pour le consommateur. En revanche, dès que les qualités du produit changent suffisamment pour introduire un changement dans le choix des consommateurs, il est nécessaire de considérer qu'il s'agit d'un autre marché.
Le caractère « interchangeable » du produit ou du service est nécessaire pour que la moindre modification du prix offert entraîne un changement dans le choix du consommateur, qui donne toujours la priorité à la meilleure offre du marché. Sans cette caractéristique, la rationalité du consommateur n'est pas censée pouvoir s'exprimer à plein.

  • Compte bancaire : compte à vue et compte d'épargne

Ces produits, assez simples en apparence, sont toutefois, à l’intérieur de leur catégorie, déjà suffisamment différenciés pour qu’une comparaison objective des produits proposés – prestations offertes au regard des coûts – soit loin d'être évidente pour le consommateur.
Pour les comptes à vue, les coûts peuvent inclure des prestations limitées ou illimitées en fonction des supports utilisés (guichet classique, guichet électronique, phone ou internet banking…), mais aussi en fonction de l’usage que l’on en fait.

Avec les comptes d'épargne, dont le point principal de comparaison se concentre plus directement sur la rémunération des montants placés, la tâche est à peine plus simple. Les comparaisons sont compliquées par un mécanisme, proposé par nos banquiers, qui distingue un taux, qualifié « de base », et une prime « d'accroissement » ou « de fidélité », laquelle, dans certains cas, et après un laps de temps variable, vient s’ajouter à la rémunération garantie au taux de base. Ceci rend de facto beaucoup plus complexe le travail de comparaison... puisqu'il dépend de l'horizon temporel envisagé, et que ce dernier est, pour nombre d'épargnants, une inconnue.

  • Crédit :

En matière de crédit, les choses se passent autrement, puisqu'il en existe de différents types, avec des fonctions différentes, et dont l'accès prend également en compte des paramètres propres aux consommateurs. Ces derniers n'obtenant du reste pas forcément le crédit qu'ils auraient souhaité.

Certains produits (carte de crédit, ouverture de crédit/crédit revolving) sont relativement standardisés et il est aisé d’en connaître les conditions dès que l’on souhaite « faire son marché », à tout le moins en théorie. Encore faut-il qu'une fois identifié le crédit le plus intéressant, le prêteur vous l'accorde ! Mais force est de constater que ces crédits, lorsqu'ils sont vendus par des intermédiaires, sont rarement refusés.

Pour les prêts personnels (prêts à tempérament), l'approche la plus pragmatique est de solliciter des simulations auprès d'un panel de prêteurs pour pouvoir choisir le crédit le plus favorable. Une telle démarche prend cependant du temps et nécessite un minimum de connaissances pour pouvoir discerner les meilleures conditions.

En ce qui concerne les prêts hypothécaires, les critères de choix (taux, durée, niveau de garantie, assurance…) sont assez nombreux et rendent par conséquent une comparaison stricte difficile, voire impossible, et ce, malgré la mise en place du TAEG, le taux annuel effectif global, qui inclut en théorie tous les coûts liés au crédit (taux d'intérêt, frais de dossier, assurance quand elle est obligatoirement prise chez le prêteur...).
En effet, il reste, dans de nombreux cas, difficile de savoir si le TAEG comprend ou non les assurances, car sans que ces dernières soient présentées comme obligatoires, il est parfois clairement conseillé de les souscrire chez le prêteur afin d'obtenir de meilleures conditions de crédit... Dans ce cas, le plus souvent, le TAEG comprenant l'assurance « non obligatoire » n'est donc pas calculé, ce qui, CQFD, rend le TAEG nettement moins efficace comme outil de comparaison.

La transparence de l'information : l’information parfaite de tous les participants (acheteurs et vendeurs) sur tous les autres acteurs et sur le bien échangé suppose une information gratuite et immédiate.
La transparenced e l'information est une condition en miroir, complémentaire à la rationalité économique des acteurs. Ces derniers doivent pouvoir recevoir la même information (pas de délit d'initié – qui en est le parfait contre-exemple) pour que cette rationalité opère dans le sens d'un ajustement vers un équilibre efficace.

On a compris, plus haut, en abordant la question de l’homogénéité théorique des produits, que le secteur de la banque et du crédit pousse le plus possible la différenciation de ses produits et services, ce qui rend d'autant plus laborieuse la recherche de l'information indispensable à un choix économiquement rationnel. La recherche de l'information n'est pas gratuite, car, à tout le moins, la collecte auprès des vendeurs et l'analyse des informations reçues demandent du temps. Inutile de revenir sur le niveau de compétence requis pour comprendre les informations ainsi collectées et en dégager le choix le plus avantageux... On est donc loin de la prémisse d'origine.

Ce qui s'en rapprocherait le plus serait la mise en ligne d'un « comparateur » qui intégrerait l'information relative aux crédits proposés sur le marché et à leurs conditions et qui permettrait d'identifier, selon le profil de consommateur encodé, d'identifier les produits les plus avantageux.

À cheval tant sur l'homogénéité des produits que sur la transparence de l'information viennent se greffer des pratiques de commerce qui rendent toujours plus difficile un choix objectivé. Parmi celles qui se développent en ce moment, pointons en particulier l'offre conjointe de produits et services. En donnant droit à des avantages ou conditions plus favorables, mais dans le cadre d’une offre globale, elle complique d'autant la comparaison au moment du choix.

La libre entrée sur le marché et la libre sortie du marché, tant du côté des acteurs de l'offre que du côté des acteurs de la demande.

Côté offre

La libre entrée sur le marché n’est pas applicable aux organismes bancaires. Il existe des conditions à la création d'une banque. Celles-ci sont relativement exigeantes et contrôlées par la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA). La situation est beaucoup plus souple en matière d'octroi de crédit : les prêteurs et les intermédiaires de crédit doivent certes réunir des conditions pour être autorisés à démarrer leur activité, mais ces conditions sont bien moins sévères que celles qui sont imposées au secteur bancaire et leur contrôle est assuré par le SPF Économie.

Côté demande

Changer de banque, pour un consommateur, peut demander pas mal de démarches, qui sont autant de freins à mettre une telle décision en oeuvre : ouverture d'un autre compte, résiliation puis renouvellement des ordres permanents et domiciliations, information des tiers du changement de compte...
En matière de crédit, changer de contrat implique la clôture du contrat en cours, qui est rendue possible par un remboursement anticipé, lequel entraîne le paiement d'une indemnité. La loi encadre le montant maximal de l'indemnité à verser au prêteur dans ce cas(2) afin de limiter le frein que cette dernière génère en termes de mobilité du consommateur.

Lorsqu'un emprunt hypothécaire est en cours, la possibilité de changer de prêteur est rendue plus difficile encore. D'une part, parce qu'il est souvent contractuellement obligatoire de maintenir le versement du revenu sur le compte en banque que le consommateur avait ouvert chez son prêteur. D’autre part, et il s’agit là du frein qui demeure le plus important à ce jour, parce que l'inscription hypothécaire n'est pas attachée au contrat de crédit, mais au prêteur. Changer de prêteur pour profiter de meilleures conditions implique donc une nouvelle inscription hypothécaire, et c'est une opération coûteuse. Dès lors, le consommateur doit y réfléchir à deux fois et ne fera le pas que lorsque le différentiel d'intérêt sera suffisamment important pour compenser les frais générés par le changement.

La libre circulation des facteurs de production (le capital et le travail) : la main-d’œuvre et les capitaux se dirigent spontanément vers les marchés où la demande est supérieure à l’offre, car dans ce cas, la rareté provoque une hausse de son prix et donc... de sa valeur d'échange.

Ce qui se cache derrière cette condition est assez abstrait : l'idée est que l'économie se compose de l'ensemble des marchés. Ces derniers se composent de clients, qui constituent la demande, et de fournisseurs, qui représentent l'offre. Tant que l'offre est supérieure à la demande, un prix relativement élevé est fixé qui rend l'activité plus rentable que d'autres. Cela doit avoir comme conséquence un attrait pour que de nouveaux fournisseurs se lancent sur ce marché... ce mouvement se poursuivra jusqu'à ce que, au prix atteint sur le marché, tout nouveau fournisseur ne puisse plus vendre sans porter atteinte à sa rentabilité (car l'offre devenant plus importante que la demande, les prix vont diminuer en deçà du seuil de rentabilité).

L'économie doit donc permettre une libre circulation des capitaux et des travailleurs pour permettre à chacun d’être actif dans les secteurs où les rentabilités sont les plus élevées. Chacun cherchant son profit maximum, la fluidité des capitaux et du travail implique que chacun arbitre en permanence pour se diriger vers les marchés les plus rentables. Ce mouvement entraîne une réduction progressive de la marge bénéficiaire (l'offre augmentant en volume, le point d'équilibre avec la demande pousse le prix à la baisse). Une fois que le prix atteint sur le marché ne permet plus de dégager de marge, on considère que l'équilibre est atteint. Les capitaux iront donc chercher d'autres opportunités... sur d'autres marchés.

Ceci est bien entendu une pure vue de l'esprit... L'information n'étant pas parfaite, nul ne connait réellement les marges bénéficiaires de l'ensemble des marchés et nul n’est donc en mesure de savoir avec certitude où placer ses capitaux pour en obtenir la meilleure rentabilité. Si les Bourses nationales offrent des espaces d'échange de l'information, on sait depuis longtemps que la valeur d'échange en Bourse ne se base pas uniquement sur les potentiels de marges bénéficiaires restant à dégager. On a malheureusement dû observer que la spéculation biaise cette valeur d'échange et entraîne des mouvements de capitaux déconnectés de cette réalité productive. L'affectation des capitaux ne se comporte dès lors pas comme dans la théorie. À cela s'ajoute le fait qu'un volume important de capitaux ne transite pas par la Bourse et que les arbitrages relatifs aux entreprises non cotées reposent sur des niveaux d'information encore plus limités que lorsqu'ils sont faits en Bourse.

La fluidité du travail est tout aussi théorique : le marché parfait ne tient pas compte des compétences et des préférences professionnelles individuelles qui limitent d'autant la mobilité professionnelle inter-sectorielle. Selon le modèle, les gens ne chercheraient qu'à gagner au plus selon leur niveau de compétences, en faisant fi de toute dimension qualitative ou affective. Les principes de spécialisation, de carrière, d'inertie dans un domaine sont donc perçus comme autant d'obstacles au bon fonctionnement du marché.

Tous les acteurs sont rationnels économiquement : ils cherchent la satisfaction maximale de leur consommation (ou de leur investissement) pour un coût (ou un risque) minimum.
C'est tout le génie du modèle, sa pierre angulaire. En effet, la main invisible, c'est précisément cette force égoïste qui pousse tous les acteurs à chercher leur enrichissement économique maximum... et qui, par miracle et pour le bonheur de tous, fait que les marchés s'équilibrent, que les positions dominantes sont amenées à disparaître au profit d’une répartition harmonieuse des ressources.
La concurrence parfaite était donc un mythe

Si l'on se rapporte à la première définition disponible, à savoir celle que l'on trouve en ligne sur Wikipédia, le mythe se définit ainsi :
« Un mythe est un récit qui se veut explicatif et fondateur d'une pratique sociale. Il est porté à l'origine par une tradition orale, qui propose une explication pour certains aspects fondamentaux du monde et de la société qui a forgé ou qui véhicule ces mythes :

  • la création du monde ;
  • les phénomènes naturels ;
  • le statut de l'être humain, et notamment ses rapports avec le divin, avec la nature, avec les autres individus (d'un autre sexe, d'un autre groupe), etc. ;
  • la genèse d'une société humaine et ses relations avec les autres sociétés.

Le terme mythe est souvent employé pour désigner une croyance manifestement erronée au premier abord, mais qui peut se rapporter à des éléments concrets exprimés de façon symbolique et partagée par un nombre significatif de personnes. »

Ainsi en est-il du marché parfait, censé nous assurer l'efficacité économique et réconcilier les égoïsmes individuels en un bien commun : il n'est pas de ce monde. Son pouvoir d'attraction tient sans doute dans cette résolution quelque peu contradictoire et magique : nos égoïsmes servent le bien commun... Oui, ça marche, en effet… dans les conditions du mythe.

Dans le monde réel, force est de constater qu'il est nécessaire de compenser la distance qui sépare la réalité du mythe par divers dispositifs, dont la régulation n'est pas la moindre. Et faut-il éprouver de la nostalgie à abandonner un mythe qui conçoit l'altruisme, la gratuité économique comme source de perturbation des lois économiques naturelles ?

Conclusions

Le secteur bancaire et le secteur du crédit sont très loin, tant au niveau des acteurs de l'offre que ceux de la demande, de ce qui permettrait au marché de fonctionner de manière fluide, harmonieuse, sans besoin d'intervention extérieure.

On peut également constater, et de manière d'autant plus marquée depuis la crise financière de 2008, que ce sont les marchés les moins régulés (marchés anglo-saxons) et les secteurs les moins contrôlés (subprime) qui ont été les plus touchés par la crise. Les vertus qui naîtraient des égoïsmes individuels cumulés ne doivent plus être attendues, la responsabilité d'un marché harmonieux revient, non plus à la main invisible, mais à la société tout entière, qui doit, par ses structures politiques, déterminer les limites dans lesquelles il est acceptable de poser des actes économiques.

Olivier Jérusalmy
décembre 2010

 

1 Vade-mecum statistique du secteur bancaire 2005 », ASPECTS ET DOCUMENTS 227, page 30 http://www.febelfin.be/export/sites/default/febelfin/pdf/fr/publications...

2 SPF Economie, PME, Classes moyennes et énergie,« LOI DU 12 JUIN 1991 RELATIVE AU CRÉDIT À LA CONSOMMATION »; texte administratif coordonné jusqu'au 1décembre 2010, p. 38 - http://statbel.fgov.be/fr/binaries/Loi_Wet_13_jun_2010_quater_coord_tcm3...

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