En bref :
- Les deniers publics sont rarement placés de manière socialement responsable.
- Il existe quelques initiatives.
- Les réglementations sont peu appliquées.
Fin 2010, le patrimoine financier des administrations publiques belges (État fédéral, régions, communes et
organisations parastatales) avoisinait les 120 milliards d'euros (1). Autant d'argent à dépenser, mais aussi à investir et à épargner dans l'intérêt général des citoyens.
C'est que derrière les comptes de dépôt, les fonds de placement et les prises de participation diverses des pouvoirs publics, il y a des entreprises qui se financent (2).
Du rêve...
En 2006, une ordonnance en faveur de l'investissement socialement responsable (ISR, voir encadré p.5) était votée à la Région de Bruxelles-Capitale. Elle impose à la Région, aux institutions qui en dépendent et aux communes bruxelloises qu'au moins 10 % des sommes investies dans les nouveaux marchés financiers le soient selon un processus d'investissement qui intègre des critères sociaux,éthiques ou environnementaux.
La même année, une proposition de décret demandait à la Région wallonne qu'elle respecte des normes ISR dans ses nouvelles politiques d'investissement. De plus, la Déclaration de politique régionale wallonne pour la législature 2009-2014 prévoit le renforcement de l'investissement selon des critères sociaux, éthiques et environnementaux dans les marchés financiers que la Région wallonne organise, ainsi qu'une promotion active de l'ISR auprès des communes, provinces et pouvoirs adjudicateurs. Un des objectifs est de conduire les communes et les provinces à investir progressivement une part croissante de leurs fonds de pension et de placement (20 % en 2012, 30 % en 2014, etc.) selon des critères de durabilité.
...à la réalité ...
L'ordonnance de 2006 n'a, jusqu'à ce jour, toujours pas été appliquée en Région de Bruxelles-Capitale. La perte de ventes immobilières à la suite de la crise de 2008, conjuguée à l'indexation annuelle du personnel administratif et aux dotations aux communes suffisent à plomber notre budget. Nous ne disposons pas non plus de ressources provenant de la TVA comme la Région flamande ou la Région wallonne. Nous voudrions bien appliquer cette ordonnance, mais nous n'en avons pas les moyens, explique-t-on au cabinet des Finances de la Région de Bruxelles-Capitale. Quand bien même Bruxelles en aurait les moyens, il n'existe toujours pas dans la capitale d'instrument légal pour contrôler le respect des articles de l'ordonnance, et donc de son application. En Région wallonne, la proposition de décret de 2006 n'a pas été votée après que le Conseil d'Etat a jugé que c'est au pouvoir fédéral de fixer les règles en matière de marchés publics et non aux régions. Le député MR Richard Miller a déposé à nouveau en mai 2010 la même proposition de décret.
...il n'y a qu'un pas !
Au niveau fédéral, le Sénat a créé un fonds de pension pour les sénateurs dont 30 % du portefeuille est placé en ISR. La Loterie nationale n'investit pas dans des entreprises impliquées dans la production d'armes, le travail des enfants et les tests non obligatoires sur les animaux. Le Fonds de réduction du coût global de l'énergie se réfère à des critères éthiques pour une partie de ses réserves placées sur un compte à terme. Enfin, l'initiative BIO, dont les ressources financières sont annuellement alimentées par le gouvernement, finance les micro-, petites et moyennes entreprises dans les pays en développement. BIO ne décrit par contre pas de manière précise les critères éthiques, sociaux ou environnementaux (SEE) qu'elle utilise et ses avoirs sont investis dans des comptes d'épargne et/ou à terme pour une gestion sans risques mais également sans critères SEE. Sur le plan régional, le Fonds flamand d'assurance soins (Vlaams Zorgfonds), créé en 1999 en vue de faire face à la croissance des dépenses non médicales liées au vieillissement de la population, place ses capitaux suivant des critères de développement durable, en respectant exclusivement le registre d’investissement d’Ethibel (3). Toujours en Région flamande, le Fonds d'épargne flamand du secteur non marchand/social à but lucratif placeses réserves à la Banque Triodos. Enfin, le Fonds pour l'avenir (Vlaams Toekomstfonds) est une sorte de cagnotte pour les périodes économiquement difficiles. Il doit, selon ses moyens, maintenir une stratégie durable d’investissement, et, plus particulièrement, fixer des « critères spécifiques portant sur la durabilité des activités et l'engagement social des entreprises ». Entretemps, le fait est que les ressources du fonds ont presque entièrement été investies dans des actions de Dexia (4). Quant aux communes belges, seules 8 % d'entre elles déclarent placer de l’argent public dans des produits d’épargne ou de placement socialement responsables. Si nos élus sont pleins de bonnes intentions, force est de constater que les réalisations concrètes sont rares. Des mécanismes existent et fonctionnent pourtant. Ils prouvent combien la volonté politique est déterminante dans la prise en compte de l'ISR dans la gestion des deniers publics.
Thibaut Monnier,
juin 2011
1. www.nbb.be
2. Marcelo, C., Analyse sur la demande en ISR des institutions publiques, Réseau Financement Alternatif, mai 2011.
3. www.ethibel.org
4. Bayot B., Cayrol A., Demoustiez A., Le gouvernement et l'investissement socialement responsable : un état des lieux, octobre 2009.
Les pouvoirs publics prennent-ils en considération des critères sociaux, éthiques ou environnementaux lorsqu'ils épargnent ou investissent notre bel argent ?