En bref :
- Avec les autorités publiques, des Gantois ont créé une nouvelle monnaie baptisée « toreke ».
- Cette monnaie complémentaire sert à redynamiser la vie de quartier.
Le 10 août dernier, une nouvelle journée de travail de quartier était organisée. Ils étaient des dizaines à s'y rendre. L'occasion pour eux de donner un petit coup de main à la maintenance du potager collectif du quartier, de rencontrer d'autres personnes et, au passage, d'empocher quelques torekes, la monnaie du quartier. Ceux-ci pourront être échangés contre des tickets de cinéma mais, le plus souvent, ils serviront de moyen de paiement pour la location annuelle d'un morceau du potager. Le projet Toreke est né dans la tête de quelques organisations actives dans un quartier défavorisé de Gand. Toutes ces organisations ont mille et une idées pour améliorer la vie de quartier mais manquent souvent de ressources humaines. Le toreke s'est donc imposé comme une solution pour faire se rencontrer les habitants, les commerçants et les associations du quartier. Toreke encourage ainsi tous les comportements qui visent à l'amélioration du quartier. On peut donner quelques heures de son temps à une association pour nettoyer un parc, une plaine de jeux, veiller à la maintenance générale du potager collectif ou soigner les poules qui y vivent. Mais peindre sa façade en couleur vive, fleurir ses fenêtres ou le parterre devant la maison, passer à l'électricité verte fait également l'objet d'un « paiement » en torekes. Ceux-ci pourront à leur tour être échangés dans les commerces bio ou de seconde main, contre des tickets de cinéma, de concert...
Succès ?
Ce sont, au total 40 340 torekes (4 034 euros) qui ont été échangés entre 371 habitants, soit pour un peu plus de 100 euros par participant. Les journées de travail collectif rencontrent un grand succès, à tel point qu'en trois mois les organisations ont mis en circulation autant de torekes qu'ils pensaient le faire en un an.
Par contre, les services aux particuliers, comme faire les courses pour son voisin ou lui préparer à manger, se développent moins bien, probablement parce que l'effet ne se fait pas immédiatement ressentir par ceux qui les accomplissent, souligne Wouter Van Thillo de l'association Samenlevingsopbouw, une des organisations à l'initiative du projet. Il faudra donc réfléchir à des adaptations pour encourager les habitants à se lancer dans ce type d'actions.
Mais est-ce vraiment un succès, alors ? Ça l'est pour Wouter Van Thillo, notamment eu égard à la dynamique que cela engendre. Les personnes n'agissent pas directement parce qu'elles reçoivent des torekes. C'est surtout parce qu'on leur donne un cadre pour permettre d'agir. Et cette dynamique-là perdurera probablement au-delà du projet lui-même. D'autant que, si le répertoire des actions à récompenser et des biens ou services à acquérir en torekes est né du fait des associations présentes sur place, ce sont les habitants qui ont construit ce « catalogue », ce sont eux qui ont été les véritables acteurs de ce projet. Mis à part les actions d'aide entre voisins et les actions individuelles, toutes les activités proposées – le nettoyage de rue, la gestion de la location du barbecue... – se font sous la hou- lette des associations de quartier. Le toreke permet donc un nouveau style de gestion des bénévoles. Le fait de leur offrir quelques torekes non pas en guise de paiement mais en cadeau pour les services rendus les emmène dans une démarche positive et durable. Le projet Toreke prendra fin en 2012, en même temps que le soutien financier des pou- voirs publics qui, pendant cette période, aura permis de rémunérer le personnel des associations qui encadrent le projet, et de garantir l'infrastructure et la valeur de ces torekes. Car les projets de monnaies complémentaires qui visent un changement de comportement coûtent forcément de l'argent. Mais contrairement à d'autres projets subsidiés, ceux-là limitent quelque peu la part pécuniaire nécessaire : un toreke reçu pour un coup de main donné à une association peut être utilisé pour acheter des légumes bio qui seront échangés contre un ticket de bus, généreusement offert par un sponsor privé. Les effets du projet perdureront probablement après 2012. Cette initiative aura certainement permis de rendre le quartier plus propre et plus agréable et peut-être incité les habitants à adopter des comportements plus écologiques et durables. Toreke permettra surtout de mettre en relation des habitants et des associations et de franchir le pas de la démarche collective et solidaire.
www.toreke.be
Laurence Roland,
septembre 2011
Dans le quartier populaire du Rabot-Blaisantvest à Gand, une monnaie complémentaire circule depuis octobre 2010. Son but affiché est de stimuler l'activité locale, mais surtout de rendre le quartier plus propre, plus vert et... plus agréable à vivre.