En bref :
- Coaliser son épargne comporte un risque légal et un risque financier(1).
- Pour y remédier, les groupes mettent en place des règles internes.
- Le lien social supplante le lien économique.
Mettre son épargne en commun comporte un risque majeur : celui de ne pas récupérer son dû à cause de la défaillance d'un des participants ! Dans le cas d'une tontine, si l'un des participants quitte le groupe après avoir bénéficié de la cagnotte, il déstabilise le système et porte préjudice à ceux qui n'en ont pas encore bénéficié. Dans les cas des groupes de micro-épargne, comme les communautés autofinancées, si l'un des emprunteurs cesse son remboursement, c'est le groupe dans son ensemble qui en supportera les conséquences de manière solidaire. Le risque est ainsi dilué entre les participants. Les groupes de micro-épargne sont, la plu- part du temps, totalement informels. Ils n'ont aucune reconnaissance légale et reposent uniquement sur la confiance que les gens s’accordent entre eux. Les uns et les autres peuvent toujours signer une reconnaissance de dettes, mais celle-ci n'aura que peu de poids en cas de défaillance. Pour pallier ces risques, les groupes peuvent mettre en place des règles internes de fonctionnement. Dans les tontines, les épargnants peuvent obliger un nouveau venu à être parrainé, utiliser une partie de l'épargne pour créer un fonds de garantie, limiter la durée du cycle, obliger la présence de chaque membre– éventuellement à travers un système d'amende – au moment de la distribution de la cagnotte pour maintenir une certaine pression du groupe sur les participants... Les communautés autofinancées (CAF) imposent souvent de trouver des garants au sein du groupe lors des premières prises de crédit, font payer des intérêts de retard, limitent le montant emprunté en fonction du montant déjà épargné, la période de remboursement...
Qu'est-ce qui fait courir le micro-épargnant ?
En premier lieu, nécessité fait loi. Les tontines existent principalement soit dans des pays peu bancarisés, soit pour répondre aux besoins de personnes trop pauvres pour avoir accès au système bancaire classique. Les participants n'ont pas d'autre choix que de s'organiser eux-mêmes pour épargner, se constituer un capital ou organiser une caisse de mutuelle en cas de maladie, enterrement, mariage...
Ensuite, les tontines ou les communautés autofinancées offrent une grande flexibilité (chacun épargne à son rythme) et un mode de financement particulièrement souple : l'utilisation de la cagnotte ne demande aucune justification, le crédit étant principalement accordé sur la base de la confiance que le groupe place dans l'emprunteur. Enfin, le jeu en vaut la chandelle. Les participants courent le risque qu'un membre ne paie pas ses dettes parce que lui-même n'a pas d'autre choix pour obtenir un crédit. Mais, au-delà de ce lien de nécessité économique qui unit les gens, il y a un lien social, bien réel. Les réunions des CAF, par exemple, sont pour les participants l'occasion de s'entraider entre gens d'une même communauté. En cela, le taux d'intérêt que les emprunteurs paient au groupe est considéré par les épargnants comme la rétribution d'un investissement qu'ils font au sein de leur communauté. Contrairement aux institutions financières classiques qui calculent le taux d'intérêt pour couvrir le risque qu'elles encourent en prêtant de l'argent à une personne tierce, le taux d'intérêt appliqué dans les CAF ou les tontines peut être tantôt très élevé tantôt inexistant, car non dicté par une réelle rationalité économique.
Formaliser l'informel
Faudrait-il pour autant créer un cadre législatif particulier pour les groupes de micro-épargne afin de limiter les risques ? Une telle option ôterait la flexibilité et la souplesse qui les animent. Sans compter qu’elle apporterait une réponse inadaptée par rapport à l'objectif de créer des liens de solidarité dans les rapports à l'argent entre les personnes qui y participent.
1. FAIN. A., La gestion du risque dans les groupes d'épargne collective, Réseau Financement Alternatif, juin 2012.
Les formules d'épargne collective peuvent sembler risquées. Pourtant, à travers le monde, des milliers de personnes décident à un moment ou un autre de mettre en commun leur épargne. Quelles sont leurs motivations ?