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Soumis par Anonyme le

Ce livre réquisitoire sur les pratiques des banques privatisées, est paru en février 2010 aux éditions Aden. Interview de son auteur, Marco Van Hees, qui est par ailleurs... inspecteur au service de l'impôt des sociétés.

FINANcité : Marco Van Hees, quel est le mobile de ce « livre noir » des pratiques bancaires ?

Je souhaite favoriser une prise de conscience en apportant aux lecteurs une vue globale car beaucoup de gens ont une conscience partielle des enjeux socio-économiques. Dans cette enquête sur les profits et crises des banques belges, je montre les liens entre différents problèmes mis bout à bout en retraçant l'histoire de la privatisation de la CGER jusqu'à la reprise de Fortis par BNP Paribas, en pointant les profits abusifs des banques et en plaidant pour la recréation d'une banque publique.

Aux dépens de qui les profits des banques sont-ils abusifs ?

Les banques s'enrichissent aux dépens de leurs clients, du personnel et de l'État, sans compter les actionnaires comme l'a montré la saga Fortis. Les pratiques commerciales des banques dupent les clients et mettent la pression sur le personnel. Quant aux techniques qui lèsent l'État, je les passe en revue dans l'ouvrage : de la création monétaire à la fraude fiscale, voire sociale. Quelques grandes affaires largement médiatisées en attestent. Ensuite, j'explique comment les banques en profitent à nouveau lorsque l'État les aide...

L'État n'a-t-il pas fixé assez de conditions au sauvetage des banques ?

L'État est venu au secours des banques, en vertu du principe « too big to fail » (trop gros pour sombrer). Mais comme ces aides n'ont été assorties d'aucune condition, comme un enfant capricieux auquel on ne fixe pas de limites, les banques reproduisent les mécanismes qui ont conduit à la crise. On n'est pas à l'abri d'une répétition de ce scénario. C'est pourquoi la deuxième partie de mon livre présente le modèle de la banque publique comme une alternative qui extrairait la banque de la logique du profit.

Quels sont selon vous les avantages des banques publiques ?

L'objectif n'est plus le profit à court terme mais l'intérêt de la population, des entreprises, bref l'intérêt général. Dès lors, une banque publique peut éviter les pratiques commerciales abusives et les investissements risqués. Elle peut accorder des crédits sociaux à ceux qui en ont besoin.

Il s'agit aussi de redéployer un réseau d'agences. Quand je vois aujourd'hui leur disparition progressive... Dans le petit village où j'habite, il reste une agence, elle va être fermée elle aussi. Le même phénomène s'est produit avec les bureaux de poste.

En Nouvelle-Zélande, une banque publique créée en 2002, la Kiwibank, a permis de redéployer tout un réseau bancaire et postal dans les localités délaissées par les banques privées. Les Néo-Zélandais ont connu les privatisations avant nous... Ils en sont déjà revenus !

Le directeur de la Kiwibank se plaît d'ailleurs à expliquer que cette institution n'a pas du tout investi dans les subprimes et autres produits financiers toxiques dans lesquels les banques privées se sont engouffrées. Du coup, l'an dernier, la Kiwibank s'en est bien mieux tirée qu'elles.

Qu'entendez-vous par « investissements crapuleux, indigestes et toxiques » ?

Les investissements crapuleux sont ceux qui sont effectués par les banques, pour leur compte propre ou celui de leurs clients, dans des entreprises polluantes ou agissant dans l'illégalité. Citons par exemple le financement des implantations de colonies israéliennes dans les territoires palestiniens.

Les investissements indigestes sont ceux qui mettent une banque en difficulté parce qu'elle a vu trop grand. Ainsi, en rachetant ABN-Amro en 2008, Fortis a joué à la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf. Il est vrai que cette grenouille n'attaquait pas seule, mais dans le cadre d'un consortium belgo-hispano-écossais. N'empêche, vu le contexte et le prix payé (24 milliards d'euros), il est clair que la grenouille a eu les yeux plus grands que le ventre.

Quant aux investissements toxiques, il s'agit de ces fameux investissements dans des produits financiers complexes et opaques qui ont déclenché la crise financière, avec les conséquences que l'on sait.

Vous citez souvent Didier Reynders...

Selon lui, « l'État n'a pas vocation à gérer une banque ». Ce n'est pas mon avis, c'est pourquoi je reviens dans ce livre sur l'histoire de la CGER, créée en 1865 par Walter Frère-Orban, un ministre des Finances... libéral. Après avoir remboursé en cinq ans la dotation de départ, cette banque a fonctionné pendant 128 ans de manière autonome, sans transfert entre la CGER et l'État. Par contre, 10 ans après sa privatisation totale, la banque, devenue Fortis, a eu besoin de fonds publics.

Pourquoi pas une banque coopérative ?

Certaines banques coopératives, dans le passé, on fait faillite car ces banques sont également soumises aux aléas de la concurrence. La couverture du livre n'est pas anodine : le risque est réel pour les petits poissons, d'être mangés par les gros. D'où l'idée d'extraire les services bancaires de ce contexte en créant une banque publique, qu'on pourrait appeler en Belgique la « Fritibanque ».

Croyez-vous que les mentalités soient prêtes pour une « Fritibanque » ?

En tout cas, une grande partie de la population est en faveur d’un tel projet, ce qui n'est pas le cas, il est vrai, des responsables politiques. On entend souvent dire que les services publics coûtent cher, mais les prêts à un taux avantageux offerts auparavant par les offices publics de crédit hypothécaire coûtaient beaucoup moins cher à l'État que les déductions fiscales accordées aux acquéreurs. Le calcul du coût des pensions montre également que la gestion des pensions publiques est nettement moins coûteuse que celle des pensions privatisées. Enfin, on pourrait faire en sorte que la Fritibanque respecte l'emploi et le personnel, soulage les finances publiques par des pratiques prudentes et des prêts avantageux, et que des organes soient mis en place pour contrôler démocratiquement le management. Enfin, la « Fritibanque » serait tenue d'effectuer des placements éthiques.

Quid des « investissements socialement responsables » proposés par les banques privées ?

Je suis assez sceptique, quand on voit ce qu'elles font à leur clientèle, à leur personnel, à l'État... Dès lors que ces institutions sont soumises à des impératifs de profit, leur régulation s'avère difficile. Et l'on voit que les instances de contrôle ne sont pas toujours efficaces.

Et si les « investissements socialement responsables » devenaient une norme légale, permettant par exemple de limiter la déductibilité fiscale liée à l'épargne pension, aux seuls investissements clairement identifiés comme socialement responsables ?

Ce serait toujours ça de pris, évidemment ! Mais ce ne sera pas facile à obtenir, les banques vont tout faire pour empêcher de telles dispositions. Tout compte fait, ne serait-il pas plus facile de créer une banque publique ?

Type de support
Type de document
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux
Sommaire

Enquête sur les profits et crises des banques belges Plaidoyer pour une banque publique

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Année d'édition
2010
Jour d'édition
17
Date d'édition
17/03/2010
Mois d'édition
Mars