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Soumis par Anonyme le

Depuis bientôt trois ans qu'a éclaté la crise, les chiffres les plus fous et les plus divers circulent quant à son coût. Entre quantification exacte et effets de manche destinés à rassurer ou à faire peur au citoyen, il devient très difficile de faire le tri dans cette spirale des chiffres.

Illusoire...

Disons-le tout d'emblée, il est impossible d'objectiver ce qu'a exactement coûté la crise, car la réponse varie en fonction de ce qu'on inclut dans le calcul. Les différents montants communiqués dans la presse montrent bien que la notion est floue. La crise que l'on traverse est en effet multifactorielle et les conséquences se retrouvent à tous les étages, le feu se communiquant de l'un à l'autre. À parcourir les articles de journaux parus depuis 2008, il apparaît que le « coût de la crise » englobe des notions variées : coût de la faillite de certaines banques, coût de la dévalorisation des capitalisations boursières, coûts liés à la diminution du crédit, à l'essoufflement de la croissance, à l'augmentation du chômage, des dépenses sociales, coût des plans de sauvetage des banques, des États... On le voit, la notion est large.

Une autre variable d’importance est le laps de temps que l'on prend en compte pour faire ce calcul. Car, on l'a appris, les marchés commencent à se relever et une partie des pertes bancaires et institutionnelles liées à la crise commencent à s'effacer ; ce qui n'est pas forcément le cas pour les personnes qui, par suite de cette crise, ont perdu leur travail, leur maison... Ce qui complique encore le calcul c’est que, dans certains secteurs, les effets de la crise arrivent à retardement. Ainsi, le FMI a estimé en 2008 que la crise des subprimes s'élevait à 1000 milliards de dollars ; en 2009, il la chiffrait à 2220 milliards ; et en avril 2010, l’estimation était passée à 4000 milliards de dollars. Ce coût est celui que les institutions financières ont dû supporter et vont devoir supporter en raison notamment de la baisse de la valeur des actifs qui garantissent leurs crédits, comme l'immobilier.

En Belgique, la Cour des comptes a publié en janvier dernier les chiffres concernant le coût de la crise pour l'État belge : le sauvetage du système financier lui a coûté 15 milliards d'euros. Depuis 2008, la Belgique a déboursé 21,08 milliards d'euros sur lesquels elle a déjà récupéré quelque 6 milliards. Ce déboursement a été utilisé pour le sauvetage des banques belges (Fortis, Dexia, KBC, Ethias principalement) et pour l'aide à la Grèce.

Pour le citoyen ?

Calculer l'impact financier de la crise sur le citoyen est tout aussi difficile et les chiffres avancés s'avèrent tout aussi fluctuants. En novembre dernier, le Tijd annonçait que la crise avait coûté 600 milliards d’euros, soit 1200 euros par habitant de l’Union européenne. Le calcul se basait sur les montants de l’aide accordée à la Grèce et à l'Irlande, ainsi que sur le montant des intérêts que l'Europe devrait rembourser sur l'emprunt. En octobre 2008, Jean-Marc Nollet, en se basant sur le coût du plan de sauvetage des banques, annonçait que la crise coûterait 732 euros par Belge moyen. L'Écho, quelques jours plus tard, se basant sur la dévalorisation des avoirs boursiers des familles belges, parlait d'une perte de 7300 euros par Belge moyen. À ces déclarations s'ajoutent celles des politiciens qui annonçaient que le sauvetage des banques ou des États ne coûtait... rien aux citoyens.

Bref, personne ne niera que le coût de la crise, global ou par citoyen, dépend des lunettes que l'on porte. Entre coût réel, coût fantasmé et coût potentiel, revenons, pour y voir plus clair, sur les différentes solutions que les États ont mises en place pour sauver le système financier et éviter le risque systémique (voir plus loin).

Commençons par le commencement. La crise mondiale dont nous entendons parler depuis trois ans maintenant a débuté aux États-Unis avec les fameux subprimes et s'est ensuite propagée comme une trainée de poudre. Pour rappel, des banques peu scrupuleuses ont prêté à haut risque (subprime) de l'argent à des gens qui n'avaient pas les moyens de rembourser. Pour se prémunir, elles ont revendu le risque sur les marchés sous forme de titres que d'autres banques ont ensuite achetés, car ils promettaient d’être très rentables. Au final, lorsque, des millions d'Américains n'ont plus pu rembourser leur crédit hypothécaire, les banques prêteuses se sont trouvées en difficulté et n'ont plus pu payer les banques qui avaient acheté (souvent sans vraiment comprendre de quoi il s'agissait) ces produits dérivés. Celles-ci, prises dans l'engrenage ont alors fortement diminué la quantité de crédits qu'elles accordaient aux entreprises pour financer leurs activités. Ainsi est née une crise systémique annonçant un risque général d'effondrement de l'économie : à partir d'un élément et par un effet de dominos, c'est tout le système financier sur lequel repose notre économie qui a failli s'écrouler. Dès lors, les États n'ont eu d'autre solution que de sauver les banques, démentant l'expression anglaise « too big to fail ».

Les solutions de sauvetage

Quatre solutions ont donc été imaginées pour sauver les banques et les États de la faillite.

Tout d'abord, la prise de participation : l'État devient actionnaire d'une banque. C'est ce que l'État belge a fait au moment de la chute de Fortis. Normalement, il s’agit là d’une opération, sinon rentable, à tout le moins « blanche », puisque l'État entend revendre ses parts une fois que la tourmente aura cessé. Dans la saga Fortis, la Belgique est devenue actionnaire à 99,93 % du groupe. Elle a ensuite transféré la propriété de la banque contre 11,6 % du capital de BNP Paribas. Dans le cadre du sauvetage des institutions financières, l'État belge a emprunté 6,7 milliards pour renflouer les banques et racheter des actions dont le prix était si bas que tout le monde voulait s'en débarrasser. Depuis octobre 2009, la Belgique paie des intérêts sur cet emprunt. Mais elle compte bien récupérer des dividendes sur son investissement et revendre ses parts dès que les banques seront revenues à flot et que les cours seront meilleurs. Si le calcul est correct, l'État pourra rembourser son emprunt et récupérer les intérêts qu'il a payés (estimé à 300 millions par an environ). Ramené à l'échelle de l'habitant, le coût ne dépassera pas 28,27 euros par an.

Ensuite, le prêt et la garantie bancaire. Certains États ou l'Union européenne ont aussi consenti des prêts. En 2009, la Belgique a prêté 160 millions d'euros à la banque Kaupthing. Au plus fort de la crise irlandaise, l'Europe a créé le Fonds européen de stabilisation financière (FESF) et le mécanisme européen de stabilisation financière (qui permet à la Commission d'emprunter 60 milliards d'euros). Ces prêts peuvent aussi prendre la forme de garantie bancaire. L'argent n'est pas utilisé, mais garantit au prêteur qu'il retrouvera son argent en cas de défaut de paiement du débiteur. Le prêteur peut être le simple épargnant qui, au plus fort de la crise, aurait pu être tenté de retirer toute son épargne de sa banque, décision qui aurait mis à mal le système financier. Il peut également être une banque, qui n'ayant pas confiance en son débiteur (une autre banque ou un État) refuse de lui prêter de l'argent ou n’y consent qu’à un taux d'intérêt extrêmement élevé. Pour créer ces garanties ou prêter de l'argent, les États ou l'Europe ont dû eux-mêmes emprunter de l'argent sur les marchés, quoiqu’à un taux nettement inférieur à celui qui aurait été proposé aux banques ou aux États en difficulté. D'une part, les taux des emprunts publics sont nettement inférieurs aux taux interbancaires et, d'autre part, plus on apparait comme un emprunteur à risque, plus le taux d'intérêt qu'on devra payer pour emprunter sera élevé. Que coûtent de tels prêts ? Rien en principe, puisque, pour autant qu'ils soient remboursés, le prêteur peut même s’attendre à des bénéfices sur le paiement des intérêts. Il en va de même pour la garantie bancaire qui, tant qu'elle n'est pas utilisée, ne coûte pas un sou et peut même rapporter de l'argent puisque les banques et les États qui reçoivent cette garantie doivent également payer des intérêts. Néanmoins, un risque subsiste tant que le remboursement n'est pas échu.

Enfin, le rachat des titres toxiques (appelé aussi « structure de défaisance »). La Belgique a injecté 141 millions d'euros dans un véhicule rassemblant les produits structurés de l'ex-Fortis. Elle a ainsi agi à l'image du plan Paulson du Trésor américain qui, aux États-Unis, a permis de créer un fonds de 700 milliards de dollars destiné à racheter les actifs toxiques détenus dans les bilans des banques. Le coût pour le contribuable américain sera en réalité moindre puisque l'État compte bien revendre ses actifs une fois que les cours de la Bourse seront repartis à la hausse. Il compte en plus sur les effets positifs d'une telle solution, censée favoriser la confiance dans le marché. Ce plan a été prolongé d'un an en 2010. Pour se financer, l'État américain a acheté des bons du Trésor. En d'autres termes, il a emprunté, créant ainsi un déficit gigantesque de 1500 milliards de dollars (12 % du PIB aux USA).

Coût = 0 ?

À la lecture de ce qui précède, on serait tenté de croire que le coût de la crise pour le contribuable sera totalement nul. Ce serait évidemment sans compter les dégâts collatéraux de telles stratégies. Qu'un État ou que l'l'Union européenne emprunte, même à faible taux, pour sauver une banque ou un autre État et ce sont autant de millions de remboursement d'intérêts qui devront chaque année être portés au budget. Dans son dernier rapport, la Cour des comptes estime que la Belgique paiera 904 millions d'euros d'intérêts sur les emprunts nécessaires au sauvetage du système financier contractés entre septembre 2008 et août 2010. Son endettement, qui était descendu à un seuil historique de 87 % du PIB en 2007, a dépassé les 100 % aujourd'hui, la rendant vulnérable sur les marchés internationaux.

Faire appel au FMI, comme récemment a dû le faire l'Irlande, c'est être obligé de mettre en œuvre toute une série de mesures d'austérité (augmentation de l'âge de la retraite, gel des salaires des fonctionnaires, suppression d'emplois publics, coupes dans les allocations de chômage et familiales, réduction du salaire minimum). Une autre solution pour faire face au déficit public est d'augmenter les recettes fiscales, mais la mesure est difficile à prendre, surtout en période baissière.

Dire que le plan de sauvetage est totalement à charge du citoyen est faux, mais affirmer qu'il ne coûtera rien, voire qu'il rapportera de l'argent, n'est pas exact non plus. Certes, les États ont été pratiquement obligés de sauver les banques et d’autres États en difficulté pour éviter des catastrophes économiques plus grandes encore, mais l'urgence dans laquelle ces plans de sauvetage ont été bâtis n'a pas permis une remise en question du fonctionnement de l'économie et de sa financiarisation. Aujourd'hui, les Bourses ont relevé la tête, la croissance redémarre, mais des millions de personnes à travers le monde sont restées sur le carreau et rien n'indique que cela ne se reproduira plus d'ici quelque temps.

                                                                                                                                                                             nbsp;                                               Laurence Roland,
                         s                                                                                                                        février 2011

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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2011
Date d'édition
03/2011
Mois d'édition
Mars