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Soumis par Anonyme le

Définition

Tout comme une entreprise, un État peut être soumis à examen et recevoir une notation – ou « rating » selon l'expression anglo-saxonne – concernant sa solvabilité financière. Les critères de cette notation peuvent varier d'une agence de notation à l'autre, mais portent au moins sur les politiques budgétaire et monétaire de l'État ainsi que la situation économique en général. Un ratio fréquemment utilisé est le rapport endettement/produit intérieur brut (PIB). La stabilité du gouvernement en place constitue aussi un critère important. En résumé, la notation correspond à la capacité de remboursement de l'État, en fonction de ses engagements, envers ses créanciers.

Ce rating, donné par les agences de notation financière, permet à l'investisseur de mieux évaluer le risque de son investissement.

Bref historique

La notation financière existe depuis le début du XXe siècle. C'est en 1909 qu'un dénommé John Moody a publié la première notation d’un titre. En 1916, la compagnie Poor’s Publishing Corporation fait de même et Fitch suit la même voie en 1924. Aujourd'hui encore ce sont ces trois agences de notation qui dominent 95 % du marché1.

En février 2011, la Belgique est bien notée par les agences de notation financière sur le long terme : Standard & Poor’s lui accorde 'AA+', Moody's, 'Aa1' et Fitch Ratings, 'AA+' – notations qui correspondent toutes à la mention « bonne qualité ».

Type de notation

Il existe deux catégories de notation : la notation sollicitée et la notation non sollicitée. La première, on l’aura compris, se fait sur demande de l'émetteur et la seconde à l'initiative de l'agence de notation financière. Un règlement européen2 oblige toute agence de notation à déclarer à quelle catégorie appartient sa notation. Il est intéressant d'observer que la notation de l'État belge par Standard & Poor’s est du type « non sollicitée » : il n'existe, en effet, pas de contrat de notation entre les deux entités.

Construction d'une notation financière d'un État

Chaque agence de notation possède sa propre méthodologie pour évaluer une entité. Afin de mieux comprendre comment une agence de notation note un État en particulier, nous décrirons ici dans les grandes lignes la méthodologie utiliséea href="#sdfootnote3sym">3 par l'agence de notation Standard & Poor’s.

Tout d'abord, elle attribue un score sur 6 (1 étant la meilleure note et 6 la moins élevée) à l'État dans les cinq domaines suivants :

  1. l'efficacité institutionnelle et les risques politiques ;
  2. la structure économique et la possibilité de croissance du pays ;
  3. la liquidité externe et la position internationale d'investissement ;
  4. la performance et la flexibilité fiscale ainsi que la charge de la dette (politique budgétaire) ;
  5. la flexibilité monétaire et de financement.

Les éléments pris en compte par les deux premiers points permettent de dresser le profil sociopolitique de l’État en question. Tandis que les éléments visés par les trois derniers points dessinent les contours de son profil « flexibilité et performance ».

De ces deux profils est tirée une première notation indicative de l'État évalué. Celle-ci peut ensuite être ajustée en fonction de certains paramètres exceptionnels, tels qu'une catastrophe naturelle ou un haut risque de sécurité, par exemple.

La notation globale de l'État obtenue se décline aussi en quatre notations plus spécifiques. Ainsi, l'État se voit attribuer une notation sur sa dette en devises étrangères sur le long terme et le court terme. De même, des notations sur la dette en monnaie locale sont données pour le long terme et le court terme. Cette différentiation faite au niveau de la dette émise en devises étrangères ou en monnaie locale vise à cerner le risque distinct de ces différents types de dettes. En général, il n'y a pas d'écart entre les notations en devises étrangères et en monnaie locale quand un État souverain est membre d'une union monétaire, comme c'est le cas pour la Belgique.

Ainsi, l'État belge est noté globalement 'AAA' par Standard & Poor’s en décembre 2010, ce qui est une notation correspondant à une « très forte capacité à remplir ses engagements financiers ». Ce résultat provient des quatre notations suivantes : 'AA+' (long terme en devise), 'A-1+' (long terme en monnaie locale) et 'AA+' (court terme en devise) et 'A-1+' (court terme en monnaie locale).4

Attachées à la notation financière d'un État, les agences de notation financière utilisent un système de perspective, dit « outlook » en anglais, sur les notations données. Cette perspective vise à évaluer la direction potentielle d'un crédit à long terme sur le moyen terme (entre 6 mois et 2 ans). C'est à ce niveau-là que, le 14 décembre 2010, Standard & Poor’s a annoncé la révision de « stable » à « négative » la perspective de la Belgique. En clair, ceci signifie que la notation globale pourrait être abaissée dans les prochains mois, suivant les évènements.

Pourquoi une agence de notation change-t-elle de perspective ?

Le système de perspective des agences de notation est une sorte de mise en garde pour l'entité en question. Il faut donc que des éléments menaçants dans l'un ou plusieurs des cinq domaines cités plus haut se manifestent. Cela peut être lié par exemple à la stabilité politique ou à la situation économique d'un pays.

Dans le cas de la Belgique, il semblerait que ce soit dû au fait qu'il n'y a pas de réel gouvernement depuis juin 2010.

Dans ce cas, il y a lieu de se demander pourquoi Standard & Poor’s a choisi la mi-décembre pour pour annoncer son changement de perspective de « stable » à « négative » ? Certains analystes5 du marché financier pensent que cette réaction est due, au moins en partie, au rapport du Fonds monétaire international sorti le 13 décembre. Celui-ci dresse un état des lieux de l'économie belge en précisant que le budget 2011 n'est pas encore décidé6. Comme mentionné plus haut, la politique budgétaire est un élément important dans la notation d'un État. En plus de l’absence de gouvernement, le fait de ne pas avoir de vision claire à ce sujet pourrait avoir incité Standard & Poor’s à changer de perspective.

Conséquences de la perspective « négative » pour l’État belge

Le mécanisme de base est que les notations des États reflètent la qualité de leurs dettes. Si une notation d'État est abaissée, cela signifie que celui-ci devra payer un taux d'intérêt plus élevé sur le marché pour pouvoir émettre de la dette.

Dans le cas de la Belgique, il ne s'agit pas de la baisse d'une notation, mais d'une mise sous surveillance d'une notation – à cause de problèmes politiques à résoudre. Les conséquences directement perceptibles de ce changement de perspective n'ont pas été très lourdes. Si l'on regarde la courbe des taux d'intérêt des emprunts de référence à 10 ans de la dette publique tout au long du mois de décembre 2010, on voit qu'elle a légèrement augmenté à l'annonce faite par Standard & Poor’s. Cette fluctuation n'est pas excessive, mais montre tout de même le pouvoir des agences de notation.

 

Source : Banque Nationale de Belgique7

Direction à prendre ?

L'incertitude politique en Belgique est donc à l'origine de ce changement de perspective. Sans gouvernement depuis bientôt neuf mois, la Belgique n'inspire plus autant confiance sur les marchés financiers. Critiqué pour sa politique budgétaire peu marquée, le gouvernement belge en affaires courantes veut rassurer les marchés financiers en réduisant le déficit budgétaire. Ainsi, il a récemment décidé d'un objectif ambitieux : réduire le déficit public à 3,6 % du produit intérieur brut contre 4,1 %, comme initialement prévu8.

Ces objectifs suffiront-ils à convaincre les agences de notation de la bonne santé fiscale de la Belgique ? Ou le fait de ne toujours pas avoir de gouvernement sera-t-il pris comme un facteur déstabilisant ? Affaire à suivre en juin 2011...

 

Annika Cayrol
mars 2011

 

1 Pour une information plus détaillée, voir CAYROL, Annika, Les agences de notation financière, Réseau Financement Alternatif, novembre 2010.

2 Article 10, point 5, RÈGLEMENT (CE) No 1060/2009 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

sur les agences de notation de crédit, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:302:0001:0031:FR:PDF, 16 septembre 2009

3 Il est intéressant de remarquer que deux méthodologies sont citées pour la notation de l'État belge, l'une datant du 29 mai 2008, Criteria | Governments | Sovereigns: Sovereign Credit Ratings: A Primer, et l'autre plus récente, datant du 26 novembre 2010, soumise à commentaires : Criteria | Governments | Request for Comment: Sovereign Government Rating Methodology And Assumptions, Standard and Poor's, EU Disclosures - EC 1060/2009, 22 février 2011

5 Dont Oscar Bernal, économiste à la Banque ING, voir article La dette de la Belgique sous surveillance, 14 décembre 2010,http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20101214_049

6 Belgique - 2010 Article IV Consultation Concluding Statement of the Mission, Bruxelles, 13 décembre 2010, http://www.imf.org/external/np/ms/2010/121310a.htm

7 Données disponibles sur le site Internet de la Banque Nationale de Belgique, http://www.nbb.be/belgostat/PresentationLinker?Order=true&TableId=527000090&Lang=F&prop=null

8 « La Commission européenne salue la réduction du déficit belge », La Libre Belgique, 21/03/2011, http://www.lalibre.be/economie/actualite/article/650073/la-commission-europeenne-salue-la-reduction-du-deficit-belge.html

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Sommaire

Mi-décembre 2010, l'une des trois grandes agences de notation financière, Standard & Poor's, a émis la possibilité de revoir la notation financière du Royaume de Belgique dans les six mois, pour cause d'incertitude politique. Effectivement, l'État belge, sans gouvernement depuis juin 2010, semble inquiéter Standard & Poor's sur sa capacité à mettre en place des réformes afin maîtriser sa dette. Mais qu'est-ce que cela veut dire concrètement ? Comment note-t-on un État ? Les quelques lignes qui suivent proposent un décryptage de la notion de notation financière d'un État à travers l'exemple de la Belgique.

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Année d'édition
2011
Date d'édition
03/2011
Mois d'édition
Mars