Crise et finances publiques : le pire est à venir
En bref
- Les sauvetages bancaires ont alourdi la dette publique belge.
- Pourtant, de nouvelles recapitalisations sont à prévoir. Il en va de l'intérêt général de changer d'orientation.
COMBIEN A COÛTÉ LA CRISE FINANCIÈRE EN BELGIQUE ?
Après des années de spéculation financière insensée, en 2008 puis en 2010, les pouvoirs publics ont massivement injecté des capitaux dans les banques belges pour les sauver de la faillite. Ces sauvetages bancaires, dont le coût total s’élève à 32,5 milliards d’euros¹, soit environ 9 % du PIB belge, ont été intégralement financés via l’émission de titres de la dette publique sur les marchés financiers, c’est-à- dire via l’endettement public. Le coût de la crise financière sur les finances publiques ne se résume cependant pas aux sauvetages bancaires : la crise financière a provoqué un ralentissement de l’activité économique, ce qui a fortement aggravé les déficits publics, via une diminution des recettes fiscales et une augmentation des dépenses sociales. C’est ainsi que la dette publique belge est passée de 282,1 milliards d’euros (84,1 % du PIB) en 2007 à 362,3 milliards d’euros (98,6 % du PIB) en 2011.
PAS SORTI DE L'AUBERGE
Malgré les nombreux discours prononcés depuis quatre ans sur la nécessité de réguler le secteur financier, aucune mesure probante n’a été prise. Les comportements spéculatifs restent la règle et les produits toxiques continuent de se développer au sein des institutions financières. Avec des actifs de 60 000 milliards de dollars fin 2011 à l’échelle mondiale, le «Shadow Banking System », mécanisme qui permet aux banques de gérer des opérations bancaires très risquées hors bilan et en dehors de toute régulation publique, montre à quel point une nouvelle crise financière de grande ampleur est parfaitement possible. À ce montant de 32,5 milliards d’euros liés aux sauvetages de 2008 et 2011, il faut maintenant ajouter 2,9 milliards d’euros pour le troisième sauvetage de Dexia.
Et ce n’est sans doute pas fini, puisque, dans son rapport d’avril 2012, le FMI cite la Belgique comme l’un des pays de la zone euro où le secteur bancaire est le plus fragile². De nouvelles recapitalisations sont donc à prévoir. Les garanties accordées aux banques en difficulté constituent également un risque de grande ampleur pour les finances publiques belges. Le 18 octobre 2011, le gouvernement en affaires courantes décidait, via un arrêté royal, de garantir pour les 20 années à venir les emprunts de Dexia SA pour un montant de 54,45 milliards d’euros, soit 15 % du PIB belge. Concrètement, si Dexia tombe, on peut se demander comment l’État belge pourra assumer un tel montant. En lien avec ce risque, mais aussi parce que cet arrêté viole plusieurs dispositions fondamentales du droit belge, plusieurs associations ont introduit un recours en annulation devant le Conseil d’État. Affaire à suivre¹.
LE CERCLE VICIEUX DE LA DETTE
En plus de plonger dans la récession, tous les États de l’UE qui ont appliqué l’austérité jusqu’à présent se retrouvent avec des résultats inverses de ceux escomptés, c’est-à-dire des déficits et une dette en augmentation. La Belgique ne fait pas exception et les conséquences de la rigueur appliquée en 2012 n’ont pas tardé à se faire sentir. La croissance sera nulle en 2012, les faillites vont atteindre un nombre record et le chômage augmente inexorablement.
Un changement radical d’orientation est donc nécessaire et urgent. Le secteur financier doit être mis au pas et retrouver sa fonction première : être un outil au service de l’économie et de l’intérêt général. Les responsables de cette catastrophe économique et sociale, à savoir les gros actionnaires, les gestionnaires et les autorités publiques de contrôle, doivent par ailleurs assumer leurs responsabilités. Jusqu’à aujourd’hui, au nom du réalisme, le courage politique a été totalement absent. Pourtant, la réalité est celle-ci : rassurer les marchés et se soumettre aux intérêts de la finance ne marche pas. C’est l’inverse qu’il faut faire, et vite. Faute de quoi, dans un avenir plus ou moins proche, une très grave crise des finances publiques et de la dette belge pourrait survenir, avec des conséquences sociales dramatiques.
1. Soit 27 milliards assumés par l’État fédéral et 5,5 milliards assumés par les Entités fédérées. Pour plus d’infos sur la ventilation des coûts : OLIVIER BONFOND, Et si on arrêtait de payer ? , Editions Aden, juin 2012.
2. L’Écho, 18 avril 2012 (www.lecho.be/actualite/economie_ politique_international/ Bientot_45_000_chomeurs_supplementaires_en_Belgique_selon_le_FMI.9182569-3501.art)
3. Pour plus d’infos, voir : www.sauvetage-dexia.be/spip. php ?rubrique1
Alors que les banques continuent de spéculer à leur guise, de nouvelles crises et donc de nouvelles injections de capitaux sont à prévoir. Une véritable bombe à retardement pour les finances publiques belges.