En bref
- Des revendications citoyennes émergent face aux dérives de la finance.
- Des critères sociaux et environnementaux apparaissent dans les investissements.
- L’État emboîte le pas.
D'autres valeurs pour notre argent ?
Une forme d'éthique dans la finance a d'abord été préconisée par de nombreux courants religieux (1), puis par d'autres organisations de la société en réponse aux crises mondiales. L'éclosion d'une finance plus responsable, plus intelligente, plus solidaire suivent immédiatement, sur la ligne du temps, le mouvement de ressac des caisses d'épargne et banques populaires et n'est évidemment pas étrangère à l'incapacité du monde bancaire à répondre aux défis de l'heure, qu'ils soient à caractère éthique, social ou environnemental. Est-ce à dire que cette nouvelle finance a vocation à remplir le rôle des caisses d'épargne et banques populaires d'antan ? (2)
Deux courants se détachent clairement : des institutions alternatives développées en marge du marché dominant, qui veulent refonder le modèle bancaire, et des produits financiers à vocation sociétale, qui sont le plus souvent distribués par des banques commerciales. Notre histoire débute en 1972. Un mouvement de contestation se cristallise sur le soutien financier accordé par les investisseurs au régime de l'Apartheid en Afrique du Sud. En Belgique, une série de boycotts et de désinvestissements des entreprises présentes en Afrique du Sud allait être à l'origine de réflexions et d'initiatives en matière d'éthique et de solidarité financière. C'est ainsi qu'à la fin des années 70 sont nées des initiatives citoyennes d’épargne et de prêt de proximité, rapidement suivies dans les années 80 par la création de structures comme Crédal ( voir p.11 ) et le Réseau Financement Alternatif, ainsi que de leurs homologues néerlandophones : Hefboom et FairFin 3. C'est la naissance du compte d'épargne Cigale, créé avec la CGER, qui tout en respectant des critères sociaux et environnementaux, permet une redistribution financière aux associations membres de ces réseaux. La finance solidaire se dote ainsi d'un nouvel outil, les produits de partage solidaire.
Le secteur bancaire s'adapte
C’est dans ce contexte des années 70 que vont se développer des banques dites « éthiques » ou « durables » en Europe. À côté de ces initiatives, les banques classiques vont développer des produits financiers qu'elles qualifieront d’« investissement socialement responsable » (ISR). Aujourd'hui, la plupart sont des fonds de placement, mais on y trouve aussi des comptes d'épargne éthique et les investissements directs dans l’économie sociale.
L'État y met du sien
Au début des années 2000, toute une série d'outils et d'avancées législatives, premières mondiales ou presque, voient le jour. En 2003, l'État lance le fonds de l'économie sociale et durable ( FESD ) : un outil de financement apte à rencontrer les besoins en capitaux des entreprises d'économie sociale mais aussi un outil d'investissement éthique et solidaire à grande échelle. Les élections fédérales de 2007 sonnèrent le glas du FESD. La Flandre dispose d'un fonds semblable, mais rien de tel à ce jour en Wallonie. En 2006, une ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale impose des critères ISR aux marchés financiers de pouvoirs publics régionaux afin qu'au moins 10 % des sommes investies le soient de façon socialement responsable. Malgré cette obligation légale, cette disposition est peu appliquée.
Et demain ?
Bien que ce mouvement pour une finance responsable et solidaire soit encore marginal actuellement, il n'en demeure pas moins une prise de conscience collective des impacts positifs ou négatifs de l'argent sur l'ensemble de la société, mais donc aussi de la responsabilité du secteur, des épargnants et des pouvoirs publics. La situation actuelle ne peut être jugée satisfaisante. Il appartient à nos élus de décider de reprendre le dessus et de faire de la finance un outil au service de l'homme et de son environnement plutôt qu'une source de profit.
1. BAYOT, B., Finance : l'éthique et la solidarité en prime, Réseau Financement Alternatif, 2009. Analyse en ligne sur financite.be.
2. BAYOT, B., Crise financière et modèles bancaires, RFA, octobre 2012.
3. Anciennement dénommé Netwerk Vlaanderen.
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Quand la loi embraye le pas
En 2003-2004, la pression exercée par la société civile lors de la campagne nationale « Mon argent ... sans scrupules ? » aboutira à deux lois successives : en 2007, pour interdire les investissements dans des producteurs d’armes à sous-munitions. En 2009, une nouvelle loi étend cette interdiction aux bombes à uranium appauvri. Toutefois, aujourd'hui la loi n’a pas encore été complétée par la liste des producteurs interdits ... Si l'interdiction existe donc bel et bien, il demeure une réelle insécurité juridique. ,Avant cela, en 2003, une étude démontre la nécessité d'offrir un service bancaire de base, accessible à toute personne, en vue de lutter contre l'exclusion sociale et financière (1). L'État réagit par l'instauration de la loi sur le service bancaire de base universel (2), obligeant toute entité bancaire à offrir un service minimum à l'ensemble de la population. En 2004, la Belgique adopte courageusement la proposition de loi instaurant la taxe Tobin, taxe sur les flux financiers internationaux. Mais à la volonté politique succède vite l'enlisement, car son application est suspendue à l’acceptation des autres pays de la zone euro.
1. BAYOT, B., Élaboration d'un service bancaire universel - 1ère partie : l'accès ou le maintien d'un compte bancaire. 2002. Étude du Réseau Financement Alternatif.
2. La loi du 24 mars 2003 instaurant le service bancaire de base ainsi que son arrêté royal d’exécution du 7 septembre 2003 visent à garantir, à toute personne qui a sa résidence principale en Belgique, le bénéfice de services bancaires déterminés, grâce à l’ouverture d’un compte à vue.
En vue de limiter les effets néfastes de la finance, une forme de responsabilité et d'engagement a été exigée au secteur. D'autres alternatives ont également vu le jour, c'est la naissance de l'investissement socialement responsable et de la finance solidaire.