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Soumis par Anonyme le

Éléments de contexte

L'analyse de la solvabilité des demandeurs de crédit fait partie intégrante de l'analyse risque mise en place par les prêteurs, dans la phase pré-contractuelle... ou devrait en tout cas toujours en faire partie. Dans les précédentes analyses réalisées par le Réseau Financement Alternatif relatives au Credit scoring, nous avons vu que l'analyse de fiabilité des demandeurs doit somme toute être complétée d'une analyse de solvabilité.

C'est notamment dans cette optique que le législateur a décidé, pour renforcer la qualité de l'information dont dispose les prêteurs, de mettre en place la Centrale des Crédits aux Particuliers.

Quelle place, quelle efficacité peut-on attendre de la tenue de ce fichier dans une pratique responsable du crédit ? Avant d'entrer dans le vif du sujet, présentons brièvement le cadre légal relatif à l'analyse de la solvabilité dont les prêteurs doivent s'acquiter.

Eléments législatifs 1

La loi précise les obligations préalables à la conclusion du contrat et à charge du prêteur, de l'intermédiaire de crédit et de l'emprunteur :

  • le prêteur et l'intermédiaire de crédit doivent, avant de solliciter ou d'octroyer un crédit, vérifier la situation financière et les engagements financiers du candidat emprunteur et s'assurer de sa solvabilité, de ce qu'il aura la possibilité d'assumer les obligations résultant du contrat de crédit envisagé et, en particulier, de ses facultés de remboursement (articles 10, alinéa 1er, et 15 de la loi du 12.06.1991) ;
  • à cet effet, le prêteur doit consulter la Centrale des Crédits aux Particuliers (article 9 de la loi du 10.08.2001) et le prêteur et l'intermédiaire de crédit doivent recueillir tous les renseignements exacts et complets qu'ils jugent nécessaires (article 10, alinéa 1er de la loi du 12.06.1991) ;
  • le candidat emprunteur doit répondre de manière exacte et complète aux demandes de renseignement qui lui sont adressées par le prêteur et l'intermédiaire de crédit ;
  • le prêteur et l'intermédiaire de crédit doivent rechercher, parmi les produits qu'ils offrent habituellement ou pour lesquels ils interviennent habituellement, le type et le montant de crédit les mieux adaptés compte tenu de la situation du candidat emprunteur au moment de la conclusion du contrat de crédit et du but du crédit (article 11, 2°, de la loi du 12.06.1991) ;
  • le prêteur doit vérifier les données d'identification du candidat emprunteur sur base de sa carte d'identité (article 17 de la loi du 12.06.1991).

Avant de poursuivre, il est utile de souligner que des décisions jurisprudentielles insistent sur le fait que la consultation de la Centrale ne peut représenter l'unique élément d'analyse de la solvabilité du client.

Impacts du fichier de la CCP sur l'analyse risque crédit

Plus de transparence

L'existence du fichier et sa consultation systématique par le prêteur rend inutile toute tentative de fraude de la part du demandeur quand à déclaration des crédits à la consommation en cours, et d'éventuels défauts de paiement y relatifs.

Cela simplifie la relation avec les clients, qui légalement avaient de toute façon l'obligation de répondre complètement et sans erreurs aux questions du prêteurs.

En revanche, des omissions d'informations sur ces matières par le client peuvent susciter de nouvelles questions : raisons de l'omission ? Distraction ? Crédit dormant ou jamais activé? Les réponses peuvent utilement informer le prêteur sur la rigueur de gestion du client, sur sa compréhension des enjeux que représentent la signature d'un contrat de crédit...

Réduction de l'incertitude

L'accès à une information complète et fiable à propos de l'endettement crédit permet aux prêteurs de lever le doute qui subsistait jusqu'ici. Les données étant fiables, le credit scoring a dû intégrer cette nouvelle donne, car avant 2003, si l'information collectée était réputée exacte, elle ne l'était pas avec certitude. En outre, si le demandeur a l'obligation de repondre correctement aux questions du prêteur, encore faut-il que ce dernier pose systématiquement la question. La consultation étant obligatoire avant l'octroi du crédit, on peut dès lors considérer que le niveau global de l'information utilisée pour l'analyse risque des prêteurs a été augmenté.

Indicateur partiel de solvabilité

Connaître le niveau d'endettement en crédit à la consommation n'est pas en soi suffisant pour mesurer la solvabilité du client, mais elle apporte toutefois une des informations indispensables à son évaluation.

Quel usage réserver à cette information?

L'approche mise en oeuvre en Belgique laisse une marge de manoeuvre importante aux prêteurs sur la manière dont ces derniers doivent utiliser cette information. Ils gardent en effet toute liberté d'octroyer ou non le crédit, puisqu'ils en assument la responsabilité finale.

Selon la loi, le prêteur ne peut délivrer d'offre de crédit que si, compte tenu des informations dont il dispose ou devrait disposer, notamment sur base de la consultation organisée par l'article 9 de la loi du 10 août 2001 relative à la Centrale des crédits aux particuliers, et sur base des renseignements visés à l'article 10, il doit raisonnablement estimer que le consommateur sera à même de respecter les obligations découlant du contrat.

Cela signifie concrétement que c'est le prêteur qui garde toute l'attitude pour évaluer la capacité de remboursement du client potentiel. Cela signifie qu'il est en principe autorisé à octroyer du crédit :

  • même en cas de fichage négatif (existence de défaut de paiement);
  • quelque soit le niveau d'endettement observé (nombre de crédit et montant);
    pour autant qu'il considère que les chances de remboursements du client sont suffisantes.

Dans les faits, toutefois, force est de constater que lorsqu'un client est fiché négativement (défaut de paiement), son accès au crédit est quasi nul. Cette lourde conséquence souligne, s'il en est besoin, l'importance d'une tenue très stricte du fichier, afin que les données collectées soient exactes et à jour.

Quelle responsablilité? Quelle sanction ?

Responsabilité : obligation de moyen – obligation de résultat ?

En Belgique, le prêteur ou l'intermédiaire sont considérés comme des professionnels, le législateur ne leur dicte pas leur conduite.

En matière d'analyse de la capacité de remboursement, de la mesure du risque, c'est donc à eux de mettre en oeuvre les moyens adéquats et ce sont également eux qui sont à même de les déterminer. La loi de 1991 est donc source d'une simple obligation de moyen : obligation d'investigation (dans les limites raisonnables) qui doit permettre de repérer et éviter les omissions, les incohérences et être assortie des vérifications jugées nécessaires.

Puisqu'il s'agit d'une obligation de moyen, la question de savoir si le prêteur a mis en oeuvre une investigation adéquate n'est pas automatiquement soulevée par le juge, en cas d'action en justice. En effet, dans ce cas, si le consommateur considère que le prêteur ou l'intermédiaire n'ont pas réalisé l'analyse adéquate, c'est à lui ou à son représentant de soulever la question et d'amener des éléments probants de négligence, d'incohérence ou d'omission dans le montage du dossier de demande de crédit. Dans ce cas seulement, la responsabilité du prêteur pourrait être engagée.

En revanche, il en va différemment pour la consultation de la CCP par le prêteur, dans la phase pré-contractuelle. Cette dernière représente une obligation de résultat, ce qui modifie la manière dont la question sera traitée en cas d'action en justice. Dans ce cas, en effet, la question sera soulevée automatiquement par le juge et c'est au prêteur a qui revient la charge de la preuve que la consultation a bien été réalisée.

Sanction

La sanction la plus souvent appliquée en cas de faute est la levée du coût du crédit. Le client ne sera plus redevable alors que du montant du capital emprunté.

La législation particulière relative aux crédits à la consommation et à la protection du consommateur en la matière apporte un petit plus par rapport au droit commun d'application en matière de contrat : en effet, lorsque la faute a été constatée, il n'est alors plus obligatoire de prouver ni le dommage, ni le lien de causalité entre la faute et le dommage, pour que la sanction soit appliquée. Ceci rend nettement plus efficace toute la procédure au profit du consommateur.

Conclusion

En tant que telle, la consultation obligatoire de la CCP par le prêteur ou l'intermédiaire de crédit dans la phase précontractuelle constitue donc un premier pas vers une objectivation de la responsabilité du prêteur, même si, par ailleurs, des progrès sensibles sont encore envisageables pour améliorer la qualité et la pertinence des données collectées2.

La loi du 10.08.2001 prévoit en son article 10 que la Banque Nationale de Belgique (BNB) pourra interroger pour le compte des prêteurs le fichier des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement collectif de dettes, qui n'est toutefois pas opérationnel à ce jour. Cette même loi prévoit en son article 11 que la BNB pourra consulter pour le compte des prêteurs d'autres fichiers centralisant des dettes impayées à charges du consommateur.

Des marges de progrès sont donc possibles pour améliorer la fiabilité des informations fournies au prêteur dans le cadre de leur analyse risque, et l'approche belge confiant à une institution publique la gestion des fichiers garantit le respect de la législation en matière de protection de la vie privée. Il n'est toutefois pas prévu à ce jour de rendre ces potentielles consultations obligatoires pour les prêteurs.

Les données citées précédement relèvent toute d'une mesure de l'endettement : nombre de crédits en cours, et potentiellement pour l'avenir, nombre de procédure de recouvrement de dette en cours. Ces données (utiles mais toutefois non exhaustives) informent le prêteur sur la qualité de gestion du consommateur, sur sa maîtrise budgétaire et donne des indications sur le poid de ses dettes sur son budget.

Des progrès sont également à envisager au niveau de l'analyse de la solvabilité, telle qu'elle peut s'appréhender sous l'angle budgétaire : quelles sont les ressources régulières, quel est le niveau des dépenses incompressibles du ménage et dès lors qu'elle est la capacité contributive du consommateur pour faire face à ses engagements en matière de crédit.

Le législateur jusqu'ici n'a pas envisagé d'inviter plus précisément les prêteurs à collecter certaines informations minimales : preuves de revenus, preuves des charges de loyer et autres dépenses incompressibles et récurrentes... Peut-être faudra-t-il un jour envisager de construire un socle minimal et fiable d'informations relatives à la solvabilité du consommateur, que ce dernier devra collecter pour compléter sa demande de crédit.

Nous pensons en effet que les responsabilités croisées des parties prenantes:

  • le consommateur, qui devrait apporter des éléments prouvant sa solvabilité;
  • le prêteur, qui s'engage à les vérifier et à ajuster le montant du crédit à la capacité contributive;

sont les meilleures garantes d'un crédit responsable. En outre, par une telle approche, le consommateur est amené à mesurer lui-même sa capacité contributive, ce qui est en soit une source potentielle d'apprentissage en matière de gestion budgétaire...

 

Réflexions à poursuivre...

1 Extrait du « Rapport belge. Les services financiers adéquats », Observatoire du Crédit et de l'Endettement asbl, 2007, p.8

2 Voir analyse intitulée « Défaut de paiement : une obligation incomplète » - Réseau Financement Alternatif asbl, O. Jérusalmy, octobre 2007

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Auteur(s)
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux
Sommaire

La Banque nationale de Belgique (BNB) gère la Centrale des crédits aux particuliers (CCP), plus simplement appelée « fichier positif et négatif des crédits ». Alimentées par l'ensemble des professionnels du crédit, les données collectées dans la Centrale servent à augmenter la qualité de l'information à laquelle ils accèdent lors du traitement d'une demande de crédit...

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Année d'édition
2007
Date d'édition
11/2007
Mois d'édition
Novembre