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Soumis par Anonyme le

Performance énergétique des bâtiments

La Belgique[1] comme les autres pays industrialisés signataires[2] du Protocole de Kyoto ont une obligation chiffrée de réduire le total de leurs émissions de gaz à effets de serre (GES) de 5,2 %, en 2008-2012, par rapport à 1990.

Quand on sait que le chauffage des bâtiments (21,8 %)[3] est la première source d'émissions de GES en Belgique en 2005, on comprend dès lors la volonté politique de nos dirigeants de favoriser une utilisation rationnelle de l'énergie (URE) et d'améliorer la performance énergétique des bâtiments (PEB) d'une part et d'encourager le développement des énergies renouvelables d'autre part.

Au niveau européen, les constats sont identiques : les bâtiments sont responsables de 40 % environ de la consommation énergétique européenne, dont deux tiers sont imputables directement aux ménages. En outre, cette consommation est en augmentation annuelle en raison de l'amélioration du niveau de vie, qui se traduit par une utilisation accrue de la climatisation et du chauffage.

Raison pour laquelle la Commission européenne a mis en place en 2002 une nouvelle directive européenne (directive 2002/91/CE)[4] visant à économiser l'énergie. Directive qui a pour effets de mettre en place des normes minimales de performance énergétique des bâtiments lors de nouvelles constructions ou de rénovations conséquentes, d'introduire un système de certification lors de la construction, vente ou location d'un bâtiment indiquant sa performance énergétique et de mettre en place des contrôles périodiques des chaudières et des systèmes de climatisation.

Mais qu'entend-on par performance énergétique des bâtiments (PEB) ?

"La performance énergétique d’un bâtiment est la quantité d'énergie nécessaire pour répondre aux différents besoins liés à une utilisation normale d’un bâtiment (par exemple pour le chauffage, la production d'eau chaude, le refroidissement, la ventilation et l'éclairage). La quantité d’énergie nécessaire résulte d'un calcul qui prend en compte différents facteurs qui influencent la demande d’énergie : la conception du bâtiment, l’emplacement du bâtiment en rapport avec les paramètres climatiques, l'exposition solaire, et l'incidence des structures avoisinantes, l'isolation thermique, les caractéristiques techniques des installations, l'autoproduction d'énergie, le climat intérieur, etc."[5]

En Belgique, la qualité énergétique des bâtiments est mauvaise en comparaison avec d'autres pays européens. On nous cite souvent comme l'exemple d'un pays au climat se rapprochant plutôt des pays nordiques, mais avec un niveau d'isolation de l'habitat similaire à celui d'un pays méditerranéen[6].

Le problème majeur réside dans une isolation embryonnaire, obsolète, voire inexistante. À titre d'exemple en Région bruxelloise sur une étude de 478 000 logements, "40 % n’ont pas de double vitrage, 69 % n’ont pas de toiture isolée, 76 % n’ont pas de conduites isolées et 85 % n’ont pas de murs isolés"[7].

Fort de l'ensemble de ces constats, de la mise en place de la réglementation européenne et de l'impératif de remplir ses obligations Kyoto, les instances dirigeantes belges ont mis ou envisagent de mettre en place divers mécanismes financiers en vue de favoriser la performance énergétique des bâtiments.

Mécanismes financiers incitatifs

Pourquoi la mise en place de mécanismes financiers incitatifs ?

Il a récemment été démontré qu’investir dans la performance énergétique des bâtiments (PEB) est techniquement possible et économiquement rentable et permet de diminuer la facture énergétique des bâtiments jusqu’à 50 %[8].

Néanmoins, malgré la rentabilité de ces investissements, trop peu de gens passent à l’acte, par manque d’information, parce qu’ils perçoivent le gain comme trop peu significatif ou insuffisant par rapport aux coûts de transaction ou d’investissement, par manque de fonds, par inertie comportementale ou parce qu’il s’agit d’un bâtiment donné en location.

Pourtant, parmi les 3 choses que les Belges seraient disposés à faire en premier lieu pour contribuer à la protection de l’environnement, ceux-ci se déclarent prêts[9] à réduire leur consommation d’énergie à leur domicile (42 %) et à prendre en considération les aspects environnementaux quand ils font des dépenses importantes telles qu’une voiture, un système de chauffage ou la construction d’une maison (28 %).

35 % d’entre eux considèrent que l’augmentation des incitations financières (réductions fiscales, subventions, etc.) pour l’industrie, le commerce et les citoyens fait partie des trois solutions pouvant résoudre le plus efficacement les problèmes d’environnement[10].

La mise en place d'incitants financiers poursuit donc l'objectif de jouer un effet de levier et d'inciter le citoyen, les personnes morales et les pouvoirs publics à s'engager dans la réforme énergétique des bâtiments.

Quels sont les mécanismes possibles ?

Dans le registre des incitants financiers, les trois régions communautaires, à différents niveaux et selon différentes modalités, mettent à disposition des particuliers, personnes morales et pouvoirs publics une série de subsides destinés à encourager les investissements dans l’économie d’énergie : prime énergie, primes à la rénovation de l’habitat, subventions BRUREBA, primes à l’investissement et réductions d’impôts.

Dans le registre des mécanismes financiers, le mécanisme de tiers investisseur est souvent évoqué pour des travaux de PEB.

Le fonctionnement de ce mécanisme, mis en place en 1984 par des sociétés intéressées par le développement de projets d’efficacité énergétique, est le suivant : la société de tiers investisseur intervient pour financer et réaliser des investissements visant à faire des économies de fonctionnement et elle se rembourse des dépenses engagées à hauteur maximale des économies effectivement constatées d’année en année, pendant une durée limitée.

Il s’agit donc, pour une telle société, de réaliser une triple prestation de financement, de réalisation technique et de garantie de résultat. 

Ces contrats présentent, pour les clients, un triple intérêt[11] :

  1. Financier : le client réalise ses investissements énergétiques sans avoir à les financer ; le remboursement s’effectue par partage des économies d’exploitation et lui laisse donc toujours un gain net ;
  2. Technique : le tiers investisseur s’occupe de tout et réalise effectivement les travaux sous sa propre responsabilité ; les garanties qu’il donne l’obligent à fournir des installations performantes ;
  3. Économique : le tiers investisseur, par le mode de remboursement choisi, peut assurer le client non seulement contre les aléas techniques, mais aussi contre les aléas des fluctuations de prix des énergies. La procédure donne une véritable garantie de temps de retour alors que l’entreprise qui réalise seule son investissement assume le risque de voir le temps de retour initialement prévu s’allonger sous l’effet de variations imprévues des prix des énergies.

La formule du tiers investisseur est sans nul doute une formule intéressante pour les investissements en PEB. Néanmoins de par l'importance de la procédure et de la conception des contrats à mettre en place entre les parties concernées, elle cible davantage des projets de grande envergure (bâtiments publics, tels qu’écoles et maisons communales, entreprises…). De petits investissements et/ou des économies modestes sont dès lors peu attrayants – tant du point de vue du tiers investisseur, que de celui du client.

L’intervention des pouvoirs publics, en tant que levier incitatif dans la formule du tiers investisseur, peut se situer à différents niveaux : soit via l’octroi de subsides en faveur des audits énergétiques – étape préalable indispensable au lancement du projet (décisions d’investissement, normes techniques…), soit via la mise en place d’outils favorisant l’offre d’informations pratiques sur la rentabilité et le financement des investissements en PEB (cluster, séminaire, facilitateur), soit via des incitants directs en faveur des modes de financement (fonds de garantie ou autres).

Il existe néanmoins d'autres mécanismes financiers incitatifs plus adaptés aux particuliers et/ou aux projets de plus petite taille tels que des formules de crédit à taux réduit ou des fonds de garantie.

À titre d'exemple de mécanismes financiers publics/privés incitatifs en PEB, citons le cas de l'Allemagne et de la France, pays voisins.

En Allemagne, dans le cadre du programme dit « de modernisation énergétique et de diminution du CO2 dans les bâtiments », le propriétaire d’un bâtiment ancien peut bénéficier d’un crédit sur dix ans à taux préférentiel (jusqu’à 3 points en dessous du marché) pour la réalisation d’un ensemble de travaux permettant une réduction prévisible des émissions de gaz à effet de serre de 40 kg de CO2 par mètre carré et par an.

En fin de réalisation, si l’objectif initial de réduction de CO2 est bien atteint, l’emprunteur obtient en sus un abattement de 15 % sur le montant du prêt (principal). Le crédit est octroyé par l’institution financière KfW Förderbank qui reçoit de l’État fédéral une « subvention » compensant la bonification d’intérêts et l’abattement sur le principal.

En France, le fonds de garantie des investissements de maîtrise de l’énergie (FOGIME) créé à l'initiative de la Banque de développement des PME, via sa filiale SOFARIS, et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) garantit à 70 % les prêts contractés par les PME en faveur de la maîtrise de l’énergie.

Par ailleurs, la Région Nord-Pas-de-Calais et la Picardie ont mis en place un prêt à 0 % dédié à l’isolation des logements anciens, en partenariat avec l’ADEME, le Crédit Agricole et la Banque Solfea.

La Région assure l’animation et la coordination et finance une partie de la bonification d’intérêt, l’ADEME s’engage techniquement et financièrement et le Crédit Agricole et la Banque Solfea apportent leurs moyens financiers, assurent la gestion des dossiers de prêts et la mobilisation de leurs clients et partenaires.

En Belgique, les différentes Régions planchent activement sur la question, et des mécanismes similaires de fonds de garantie et de prêt à taux bonifiés ou à 0 % en faveur de travaux visant à améliorer la performance énergétique de l’habitat ne devraient pas tarder à voir le jour.

Conclusion

Inciter les particuliers, les PME, les entreprises, les pouvoirs publics à économiser l’énergie est un objectif extrêmement louable : il permet, à titre individuel, de diminuer sa facture énergétique et de s’affranchir autant que faire se peut des aléas du prix des énergies, et à titre collectif, de rencontrer les objectifs de Kyoto au niveau de la réduction des émissions de CO2, de réduire la consommation de ressources naturelles limitées, de transférer des dépenses de consommation en dépenses d’investissement, de créer de nouvelles opportunités d’emploi, etc.

Le système de primes et de réductions d’impôts mis en place à l’heure actuelle est certainement utile et indispensable, mais est encore trop réduit pour créer un véritable effet d’entraînement. Le lier à des mécanismes financiers en fonction du groupe cible tel qu’un mécanisme de tiers investisseur pour les personnes morales ou les collectivités locales, un prêt à taux bonifié pour les particuliers, un crédit social pour les personnes précarisées…, aurait sans nul doute un effet de levier considérable pour les investissements en performance énergétique des bâtiments.

Néanmoins pour rencontrer cet effet de levier il est indispensable de développer, parallèlement à l’aide financière incitative, des politiques d’information, de communication et d’accompagnement tant des ménages que des professionnels. Il existe une réelle non-connaissance des incitants financiers disponibles à l’heure actuelle sur le marché, et ce, tant du côté de l’offre que de la demande. La diversification des politiques régionales en la matière ne facilite pas les choses. En outre, il existe également dans le chef des propriétaires une crainte de voir leur revenu cadastral révisé à la hausse. Une solution pourrait être de bloquer la révision du revenu cadastral à la hausse après une rénovation énergétique.

De plus, au-delà de la méconnaissance des produits, l’être humain a une réelle propension à l’inertie quand il s’agit de modifier ses comportements et il est très souvent atteint du syndrome NIMBY[12].

Réduire nos émissions de gaz à effet de serre et offrir aux générations futures une planète viable nécessitera une révolution à tous les niveaux ! Les incitants et autres mécanismes financiers sont un premier pas – si petit soit-il – dans la voie de cette révolution.

Alexandra Demoustiez, juillet 2007 

Références:

  • Inventaire national des émissions de gaz à effets de serre, 2007 – la contribution des principaux secteurs aux émissions totales et leur évolution – www.climat.be
  • Analyse technico- économique de la rentabilité des investissements dans des mesures d’économie d’énergie, 3E, KUL, IBGE, septembre 2005
  • EUROBAROMETRE Spécial 217 « Attitudes des citoyens européens envers l’environnement », publié en avril 2005
  • Etude sur les modalités de mise en œuvre d'un mécanisme de Tiers investisseur et d'autres formules de financement", TPF- Econoler, Réseau Financement Alternatif, juin 2007 

 

[1] L'obligation chiffrée pour la Belgique consiste à une réduction de ses émissions de GES de 7,5% par rapport à 1990 pour 2008-2012.

[2] Pays de l'Annexe I : EU-15*, Bulgarie, République Tchèque, Estonie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Monaco, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suisse, Canada, Hongrie, Japon, Pologne, Croatie, Nouvelle Zélande, Russie, Ukraine, Norvège, Australie, Island

[3] Inventaire national des émissions de gaz à effets de serre, 2007 – la contribution des principaux secteurs aux émissions totales et leur évolution – www.climat.be

[4] Cette nouvelle réglementation européenne se doit d'être transposée en droit national par les Etats membres depuis janvier 2006. http://ec.europa.eu/energy/demand/legislation/buildings_en.htm

[5] La performance énergétique des bâtiments et le climat intérieur des bâtiments, - fiche technique Energie, IBGE, juillet 2007

[6] EURIMA – isolation des murs en Europe; pertes d'énergie annuelle par les murs en Europe

[7] Conférence de presse Conférence de presse d'Evelyne Huytebroeck Ordonnance sur la performance énergétique des bâtiments, 2 mars 2007

[8] Analyse technico- économique de la rentabilité des investissements dans des mesures d’économie d’énergie, 3E, KUL, IBGE, septembre 2005

[9] EUROBAROMETRE Spécial 217 « Attitudes des citoyens européens envers l’environnement », p. 50, publié en avril 2005, disponible sur http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_217_fr.pdf

[10] EUROBAROMETRE Spécial 217 « Attitudes des citoyens européens envers l’environnement », p. 37, publié en avril 2005, disponible sur http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_217_fr.pdf

[11] "Etude sur les modalités de mise en œuvre d'un mécanisme de Tiers investisseur et d'autres formules de financement", TPF- Econoler, Réseau Financement Alternatif, juin 2007

[12] Nimby – Not In My Back Yard - désigne de façon péjorative le combat d’associations de riverains créées pour défendre leur environnement local, sans tenir compte de l’intérêt général. – www.Wikipedia.org

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Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Sommaire

Le chauffage des bâtiments est la première source d'émissions de gaz à effets de serre en Belgique. Fort de ce constat une des volontés du plan climat national est de réduire en substance la consommation énergétique du secteur des bâtiments. Détaillons les incitants financiers mis en place pour atteindre cet objectif.

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2007
Date d'édition
07/2007
Mois d'édition
Juillet