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La taxation des transactions financières : une idée pas toute jeune

Soumis par Anonyme le

En 1936, quelques années après la grande crise, John Maynard Keynes proposa de taxer légèrement certaines transactions financières afin de décourager la spéculation et de favoriser l'investissement à long terme. Cette proposition portait uniquement sur les transactions boursières de Wall Street et visait spécifiquement à maintenir la stabilité des prix. Mais à défaut d'être mise en œuvre, elle tomba rapidement, et pour près de 35 ans, dans les oubliettes de l'Histoire.

Taxe Tobin1

Le sujet refait son apparition à la suite de l'écroulement, en 1971, du système de Bretton Woods, qui réglait depuis 1945 le système monétaire mondial. Le marché monétaire vit alors une période d'incertitude liée à l'installation du système d'échange flottant des monnaies. Dans ce système, le taux de change entre les monnaies n'est plus déterminé que par les aléas du marché et presque plus par les décisions des banques centrales. Craignant que la spéculation à court terme n'engendre une grande instabilité dans le cours des monnaies, James Tobin, professeur d'économie à l'Université de Yale, propose en 1972 de taxer les transactions monétairesinternationales. Cette taxation se ferait à taux très faible, de l'ordre de 0,05 % à 1 % de la valeur de la transaction, et permettrait, d'après son concepteur, de limiter la volatilité des prix sur le marché monétaire par une réduction du nombre de transactions liées à la spéculation à court terme.

L'idée de Tobin, si elle reste peu connue du grand public, en arrive, dès les années 80, à être appliquée sous différentes formes, notamment en Suède en 1984,2 mais aussi dans plusieurs pays sud-américains, plus récemment. En 1995, l'économiste allemand Paul-Bernd Spahn adapte l'idée de Tobin. Il la modifie légèrement en introduisant deux niveaux de taxation sur les transactions de devises. Celles-ci sont taxées à 0,02 % en général et à 80 % en cas de forte fluctuation du taux.On parle dès lors de la taxe « Tobin-Spahn » et c'est ce modèle de taxation qu’adoptera la Belgique en 2004. Bien qu'inscrite dans la législation, cette loi n'est toutefois destinée à être mise en application que si les autres pays européens s'y conforment également.

Au cours des années 90 s'engage un double mouvement qui va transformer radicalement l'idée de Tobin. Le changement est d'abord technique : la taxe n'est plus uniquement axée sur les transactions monétaires, mais s'applique plus généralement aux transactions financières. Le changement est aussi idéologique. On assiste, dans la seconde moitié de la décennie, à l'émergence d'un courant altermondialiste qui, devant la phénoménale croissance de la finance mondiale, s'empare de l'idée pour réclamer une meilleure justice sociale : taxer les banques c'est à la fois s'en prendre au capitalisme et dégager des moyens pour l'aide au développement. Dans le monde francophone, l'idée d'une taxe Tobin internationale se diffuse largement à partir de 1997. Cette année-là, dans l'éditorial de l'édition de décembre du Monde diplomatique3, Ignacio Ramonet invite à la création d'une organisation de promotion d'une taxe Tobin, appel qui conduira l'année suivante à la fondation de l'Association pour une taxe Tobin d'aide aux citoyens(ATTAC). À contre-courant, James Tobin surprend en 2001, en se détachant des initiatives altermondialistes qu’inspire son projet4. Il se réaffirme comme penseur libéral, fervent partisan du libre-échange.

Crise et popularisation

L'idée de taxer les transactions financières s'ouvre définitivement au grand public après la crise financière de 2008. Aujourd'hui, face à une crise qui demeure incompréhensible pour beaucoup, nos dirigeants souhaitent mettre en place des mécanismes de prévention pour s'assurer qu'un tel phénomène ne puisse pas se répéter. Par ailleurs, il existe un sentiment assez largement partagé de rancune envers le milieu bancaire et financier et un désir de faire payer ceux que l'on considère comme responsables de la crise.

Les changements initiés au cours des années 90 prennent, à partir de 2008, toute leur mesure. Non seulement plus personne n'envisage de limiter une éventuelle taxe aux transactions monétaires, mais les objectifs défendus au début de la décennie par les altermondialistes gagnent en légitimité auprès de la population comme des politiques. Si l'on cherche toujours à limiter la spéculation, on souhaite également à présent taxer les acteurs financiers sur les profits qu'ils réalisent. Cet aspect, comme la volonté de les voir couvrir le risque qu'ils font courir à la société, a quelque peu supplanté l'objectif premier de la taxe : stabiliser les prix du marché.

Pas si simple

La mise en œuvre d’une telle taxe aujourd'hui constituerait sans nul doute une victoire de la solidarité sur le profit. Pourtant, si l'entrée en vigueur d'une taxe de ce type était simple, nous n'en serions plus à l'envisager. Ainsi, des questions se posent non seulement sur son efficacité potentielle, mais aussi sur les problèmes qu'elle pourrait engendrer.

Le premier problème est celui de l'ampleur et du niveau auquel il convient d'établir cette taxe sur les transactions financières (TTF). Il est en effet fort probable qu'adopter une taxation à tout niveau moindre que mondial conduirait à une évasion fiscale vers des régions non soumises à la taxe. La Suède a ainsi dû abandonner sa politique en la matière moins de dix ans après l'avoir adoptée, après avoir constaté une chute des échanges imputable aux investisseurs qui ont progressivement placé leurs ordres de transactions à l'étranger5. Ce phénomène d'évasion fiscale peut toujours se produire à l'heure actuelle, mais dépend considérablement de l'échelle géographique concernée par la taxation. Plus cette dernière sera mise en place de manière large, moins il sera aisé d'y échapper. Dans le même ordre d'idée, il faut également tenir compte d'un risque lié à un déplacement de la spéculation vers un type de transaction non taxé.

Enfin plusieurs économistes tels Joseph Eugene Stiglitz, ancien chef économiste de la Banque mondiale et prix Nobel américain ont soulevé le problème des modalités techniques de la taxation. La nature des produits échangés rend en effet fort complexe le mécanisme de prélèvement, pas tant sur les opérations boursières que sur les opérations de gré à gré6. Mais, sur ce sujet, Stiglitz et d'autres économistes font tout de même montre d'optimisme et estiment que les nouvelles technologies offrent à l'heure actuelle de meilleurs instruments de contrôle qu'il y a quelques dizaines d'années7.

Mais en fait... si

Aujourd'hui, même si les quelques éléments précités semblent encore plaider contre la mise en œuvre de cette taxe, elle semble plus que jamais en passe de voir le jour. Pour la première fois, sa mise en place est envisagée à un niveau international. Nous avons aujourd'hui, plus que jamais, les moyens de contrôler sa mise en place et enfin, il semble que même les puissants de ce monde, économistes et politiques, en arrivent à considérer la mise en application d'une TTF8.

En envisageant les différents problèmes que pose la taxation des transactions financières, on peut entrevoir les caractéristiques de la TTF idéale. Cette taxe devrait :

 

  • agir universellement : elle ne devrait pas permettre d'opérer ses transactions ailleurs et devrait donc être mise en application à l'échelle mondiale ;
  • agir sur tous ceux qui réalisent des transactions : elle ne devrait pas permettre les passe-droits et devrait donc être appliquée à tous les acteurs de la finance ;
  • agir sur tous les produits financiers et s’appliquer à tous les types de transaction : elle ne devrait pas offrir la possibilité d'être contournée et devrait donc s'appliquer à toutes transactions financières, en bourse ou de gré à gré.

Le législateur doit s'assurer de la mise en place d’une législation ouverte qui ne se limite pas aux acteurs et aux produits financiers existants, mais qui se veut « englobante », de sorte qu'il ne soit pas possible de détourner la taxe en créant des produits de substitution ou des organismes qui n'y seraient pas soumis.

Le paradoxe de la taxe

A ce stade, on peut relever un fait pour le moins étonnant : si l'on parle aujourd'hui beaucoup des implications de la taxe pour ceux qui la payeront, on ne mentionne que de manière secondaire ce à quoi serviront les rentrées financières escomptées pour les pouvoirs publics. Bien qu'elles puissent se chiffrer en milliards, selon l'échelle envisagée pour la taxe, l'affectation des recettes éventuelles apparaît, surtout depuis 2008, comme secondaire par rapport à l'objectif premier qui consiste à diminuer le nombre de transactions, donc la spéculation et les excès de la finance.

Quand vient sur la table la question du réinvestissement de l'argent qui pourrait être ainsi récolté, chacun y va de ses propres objectifs. Les politiciens nationaux évoquent la nécessité pour les banques et organismes financiers de rembourser l'investissement consenti pour les renflouer. Gordon Brown et Nicolas Sarkozy ont, eux, parlé d'utiliser ces fonds pour lutter contre les effets du réchauffement climatique9. La Commission européenne considère qu'il s'agirait d'une manière efficace de s'assurer une autonomie financière afin de ne plus dépendre uniquement des États membres10. Enfin, comme d'autres l'ont souligné11, les sommes astronomiques qui pourraient être engrangées permettraient d'atteindre des objectifs inégalés en matière de lutte contre la pauvreté, la maladie ou le sous-développement. L'atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement12 ne serait ainsi plus une chimère, même si les retombées escomptées d'une TTF étaient largement sous-estimées.

Pour aujourd'hui ou pour demain ?

Qu'attendre, finalement, d'une taxe sur les transactions financières, à supposer qu'elle puisse être adoptée universellement et sans restrictions ? La stabilisation des prix sur les marchés ? Des avis informés et controversés ont été émis sur le sujet et il est loin d'être garanti que cela fonctionnerait. Une décroissance de la spéculation ? Si c'est déjà plus probable, rien ne prouve à l'heure actuelle que cela serait réellement efficace. Une meilleure justice fiscale ? Oui ! Très certainement. Il est probable que la finance qui est actuellement peu taxée au regard des revenus qu'elle génère payera ainsi une plus juste contribution à la société. Mais surtout, on peut attendre d'une taxe universelle sur les transactions financières qu'elle dégage des revenus très considérables qui pourraient être investis dans des projets sociaux ou de développement absolument nécessaires. Et cet argument seul suffirait à défendre sa mise en place immédiate.

 

Jérémie Nélis

Juillet 2011

 


 

2 La Suède a introduit en 1984 une taxe de 0,5 % sur l'achat et la vente d'actions. La taxe était prélevée directement sur les services de courtages suédois et concernait les échanges opérés par les Suédois ou via une société de courtage suédoise. L'initiative ne dura cependant que 6 années. Elle prit fin en 1990 sous l'effet conjoint d'une chute des volumes échangés concernés par la taxe et d'un revirement politique.

3 I. RAMONET, « Désarmer les marchés », décembre 1997. www.monde-diplomatique.fr/1997/12/RAMONET/9665

4 C. VON REIERMANN - M. SCHIESSL, « Die missbrauchen meinen Namen », DerSpiegel, 03/09/01. http://www.spiegel.de/spiegel/print/d-20017795.html

5 M. G. WROBEL, Financial Transactions Taxes: The international experience and the lessons for Canada, juin 1996. http://dsp-psd.pwgsc.gc.ca/Collection-R/LoPBdP/BP/bp419-e.htm

6 Une opération de gré à gré (OTC)est une opération qui se déroule en dehors du marché organisé, entre deux parties qui fixent elles-mêmes les modalités de la transaction, comme son prix.

7 E. CONWAY. “Joseph Stiglitz calls for Tobin tax on all financial trading transactions” The Telegraph, 05/10/09.http://www.telegraph.co.uk/finance/financialcrisis/6262242/Joseph-Stiglitz-calls-for-Tobin-tax-on-all-financial-trading-transactions.html

8 En plus des avis favorables d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, on notera l'initiative de 1000 économistes de tous pays qui ont exprimé par écrit au G20 en avril dernier leur souhait de voir une TTF être mise en place. http://www.cncd.be/1000-economistes-ecrivent-au-G20

9 « For Global Finance, Global Regulation », Wall Street Journal, 09/12/09. http://online.wsj.com/article/SB10001424052748704240504574585894254931438.html

10 Proposition de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l'Union européenne, Réf.:COM(2011) 510 final, 29/06/11. http://ec.europa.eu/budget/library/biblio/documents/fin_fwk1420/proposal_council_own_resources_fr.pdf

11 Voir notamment les articles publiés sur leur site par le Centre national de coopération au développement.

12 Les OMD sont huit objectifs adoptés en 2000 par les Pays membres de l'ONU pour le développement supposés être atteints en 2015. Parmi les objectifs figurent notamment la réduction de l'extrême pauvreté et de la faim, la préservation de l'environnement, la promotion de l'égalité des sexes et la réduction de la mortalité infantile. http://www.un.org/fr/millenniumgoals/

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L'idée de taxer les transactions financières ne date pas d'hier. Depuis 1694, en Angleterre, l'achat d'actions d'entreprises britanniques est sanctionné d'une taxe de 0,5 %1. Pourtant, la taxe dite « Tobin » est en évolution perpétuelle, sur tous les plans : que taxer ? Pourquoi taxer les transactions ? Que faire des recettes ?

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European Parliament: Beefing up credit Rating Agency Rules

Soumis par Anonyme le
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La spéculation sur la dette grecque

Soumis par Anonyme le

D’un côté, prenez les gens, comme vous et moi, qui consomment et parfois empruntent pour se payer une voiture, un logement, un nouveau canapé... et qui, quand ça va mal, empruntent pour se payer un bien de consommation courante, de la nourriture, etc. Lorsque survient une perte d'emploi, un accident ou une maladie, certains se retrouvent tout à coup en difficulté de paiement et plus tard peut-être en médiation de dettes. Les créanciers essaieront tant bien que mal de récupérer leur argent par des saisies sur leurs biens ou directement sur salaire.

De l'autre côté, prenez un pays – la Grèce par exemple, qui fait beaucoup parler d'elle. Voilà un pays qui, comme tous les autres, doit financer des activités, payer des salaires, réparer les routes, soutenir le système de santé, etc. Pour ce faire, il encaisse les impôts de ses contribuables et emprunte également de l'argent, en émettant des obligations que des banques, des particuliers ou des fonds peuvent acheter sur le marché financier. Ainsi, la Grèce émet des titres contre de l'argent et promet de rembourser après une certaine période avec un intérêt. Le taux d'intérêt tourne en général autour de 2 %, mais dans le cas de la Grèce, il était en mars 2010 de 6,25 %. La Grèce se retrouve donc dans une situation où elle est obligée d'emprunter pour faire face à ses dépenses et cet emprunt terriblement onéreux l'endette encore davantage. Elle se retrouve donc dans l'obligation d'emprunter à nouveau pour rembourser ses anciennes dettes. Les prêts qu'elle reçoit n'ont alors plus aucune utilité économique pour le pays et rendent sa situation plus fragile encore. Pour attirer de nouveaux emprunteurs, le taux d'intérêt lié aux obligations doit encore être relevé, ce qui oblige la Grèce à rembourser plus cher encore sa dette. Celle-ci s'élève à l'heure actuelle à 300 milliards d'euros.

Comment en est-on arrivé là ?

La faute notamment aux hedge funds, les fameux fonds spéculatifs dont le but est de faire de l'argent sur le dos de... l'argent, en dehors de toute considération économique ou sociale. Un des inventeurs des hedge funds est Georges Soros qui, en 1992, fit sombrer la livre sterling. Il avait vendu pour des milliards de cette devise sans avancer d'argent. Du coup, la livre inondant les marchés, son prix chuta fortement et Georges Soros en racheta alors à un prix nettement inférieur. Cela lui permit d'empocher au passage un milliard de dollars et contraignit la livre sterling à sortir du système monétaire européen !

Revenons à la Grèce. Ce pays a plus que probablement manqué de rigueur budgétaire, et s'est ainsi mis dans une situation financière délicate. Les spéculateurs ont vu là une bonne opportunité de gagner de l'argent. Ils ont misé sur la baisse du prix des obligations émises par la Grèce et ont acheté des credit default swaps (CDS) avant de les revendre.

Les CDS, dans leur forme originelle, sont une invention d’une mathématicienne de la banque JP Morgan en 1997. Il s'agit d'une sorte d'assurance protégeant l'acheteur contre le défaut de paiement de l'emprunteur (ici, la Grèce). Si le risque de défaut de paiement augmente – c'est ce qu'on entend constamment dans les médias –, le prix de ces assurances augmente également. Les spéculateurs ont donc acheté des CDS, attendu que les prix montent et puis les ont revendus en empochant au passage une belle plus-value.

Dans le même temps, le prix des CDS augmentant, les financiers (les agences de notation) en concluent que la capacité à rembourser de la Grèce diminue, de sorte qu'il devient de plus en plus cher pour cet État d'emprunter puisqu’il est plus risqué pour les prêteurs de lui octroyer des crédits. C'est ainsi que la Grèce emprunte actuellement à 6,25 %, pénalisant davantage encore son économie et sa population puisque les politiques d'austérité imposées à la Grèce se font forcément au détriment des politiques sociales.

Pour rappel, les CDS étaient déjà à l’origine de la crise des subprimes. Des assureurs comme AIG avaient garanti des CDS en masse, mais, quand les gens n'ont plus pu rembourser leur emprunt hypothécaire, les banques qui avaient acheté ces CDS se sont retrouvées devant la perspective d'une faillite et, d'une perte conséquente de la valeur de leur portefeuille. Seule une intervention publique de 88 milliards de dollars de la Réserve américaine a permis d'éviter ce scénario catastrophe.

Dans le cas de la Grèce, l'augmentation du cours des CDS se base sur un risque élevé de faillite de ce pays, risque qui est en réalité... faible.

Le danger de produits tels que les CDS ne vient pas réellement de leur nature profonde. Après tout, le contrat d'assurance permettant de se protéger contre un risque est bien légitime. Il permet, en échange d'une certaine somme, de se débarrasser d'un risque et de le faire endosser par un autre. Par contre, les produits de ce type amplifient la spéculation. Ainsi, ils permettent de parier sur la baisse ou la hausse du produit auquel ils sont « adossés » (ici, la dette). Les investisseurs vendent ou achètent ce risque, dont le prix ne dépend plus en grande partie que de la hausse ou de la baisse de la demande, elle-même liée aux bruits qui courent sur les places financières. Bruit que font courir... les agences de notation financées par les émetteurs de produits financiers comme les CDS. Fondées ou pas, les « rumeurs » gouvernent l'économie. Tous les sites de conseil en investissement boursier ont d'ailleurs une rubrique « rumeurs ». La santé financière de la Grèce, puis celle de l'Espagne furent tributaires de ces bruits. Des rumeurs concernant l'incapacité pour Madrid à rembourser sa dette ainsi que la dégradation de sa note par les principales agences de notation furent à l’origine d’une vente massive des titres de sa dette. Le serpent se mord la queue. L'argument visant à démontrer la virtuosité des marchés et leur capacité à s'autoréguler semble bien faible au regard de la stratégie des « rumeurs » que font courir les émetteurs de produits financiers.

Quel rapport avec la finance éthique ?

Aucun bien sûr ! Tout d'abord, la plupart de ceux qui liront cet article ne s'appellent pas Georges Soros et n'ont pas spéculé sur la dette grecque en achetant des CDS. Quoique ! Des milliers d'épargnants ont fait les frais de la dernière crise, non pour avoir spéculé, mais pour avoir été victimes de leur banque, qui leur a vendu un chat dans un sac. De petits épargnants ont ainsi perdu toutes leurs économies pour avoir acheté des créances malsaines à leur insu.

Ensuite, la majorité des gens qui liront cette analyse seront conscients que l'argent ne peut pas servir qu'à faire de l'argent. Les publications du Réseau Financement Alternatif mettent autant que possible l'accent sur l'investissement dans des activités réelles et positives. La finance éthique – à travers les fonds d'investissement éthiques – permet d'investir dans des entreprises respectueuses de l'être humain et de l'environnement. La finance sociale va un pas plus loin. Elle permet de soutenir financièrement des projets qui améliorent la cohésion sociale. Il peut s’agir d’associations œuvrant dans les domaines de la culture, de la formation, de la lutte contre l’exclusion... ou d’entreprises – commerciales ou non – qui, dans leur secteur, tentent de limiter les disparités entre les individus.

Laurence Roland

Mars 2010

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Depuis le début de l'année 2010, la Grèce a subi un véritable séisme financier. À tel point qu'on peut lire régulièrement dans les médias que la Grèce risque de devoir enchaîner les mesures d'austérité pour redresser la barre. Au-delà d'une gestion publique probablement lacunaire, la Grèce est victime de la spéculation sur sa dette, mais aussi de la « rumeur » que font courir les agences de notation sur sa situation financière. À côté de la filouterie des opérateurs financiers visant à gagner de l'argent à tout crin, on peut opposer le « capital lent » basé sur l'économie réelle et l'investissement pour la création d'activités utiles.

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