Compétition
Ces super-ordinateurs sont en réalité de petits bijoux d’intelligence artificielle : en quelques nanosecondes, ils sont capables d’apprendre et de réagir en vendant/achetant des ordres et même de se moquer des machines concurrentes. Car la compétition est rude dans le secteur : c’est à celui qui ira plus vite que la lumière. Entre 90 et 99 % des opérations effectuées sont en effet annulées avant même d'avoir été exécutées, et ce, afin de tromper l’adversaire sur la position à prendre ! Ces manipulations de cours, qui sont donc réalisées uniquement pour gagner du temps et de l’argent sur le dos d’autres opérateurs, sans aucune connexion avec la réalité du cours de l’action, peuvent d’ailleurs donner lieu à des mini-krachs boursiers, comme le « flash krach » de Wall Street en 2010. Une machine plus maligne avait en effet passé 2000 ordres en 100 millisecondes puis les avait annulés encore plus rapidement. Mais les autres opérateurs, moins rapides, avaient suivi la tendance sans pouvoir l’inverser directement. Résultat : 27 000 opérations ont suivi dans les 14 secondes, provoquant du même coup une baisse de 9,7 % de l'indice principal de Wall Street, soit près de 1000 milliards de dollars !
Manipulation
La course à la vitesse ne connaît actuellement plus aucune limite. Il faut dire que le commerce est lucratif (20 milliards pour les principaux opérateurs HFT en 2009), mais risqué. Il faut rester sur le feu de la balle pour ne pas risquer de voir les bénéfices s’envoler. C’est donc une véritable bataille technologique qui se joue entre les principaux acteurs du marché. Le projet Hibernia, un tunnel de fibre optique construit sous l’Atlantique reliant Londres à New York à haute vitesse (en 60 millisecondes !), qui a récemment vu le jour, est une belle illustration des enjeux sur la table. Ce gigantesque chantier a été décidé pour faciliter le trading à haute fréquence il servira à faire gagner cinq milli-secondes aux traders des deux principales places financières du monde – et n’a donc absolument aucune autre vocation ! Pour l'anecdote, la compétition ne s'arrête pas là. À Londres, les banques se battent pour louer les bâtiments les plus proches de la plate-forme boursière de la City : de cette façon, le temps de latence entre envoi et transmission de l’ordre véhiculé par fibre optique est plus court, de quelques millièmes de millième de seconde ! On s'y perdrait.
Et l’arbitre dans tout ça ?
À l’heure actuelle, plus de la moitié des transactions mondiales sont automatisées grâce au HFT : il serait donc temps de réguler !
Aux États-Unis, la CFTC (Commodity Futures Trading Commission) s'intéresse au sujet : des discussions ont eu lieu depuis le début de l'année. Cependant, cet organe semble n’avoir pas encore pris de mesures harmonisées.
En Europe, MIFID II (note) a instauré quelques limitations au trading à haute fréquence, mais ces projets de régulations restent abstraits. Parmi les avancées, on notera une plus grande transparence (les opérateurs HFT devront fournir plus d'informations aux régulateurs sur leur mode de fonctionnement et leurs objectifs), ou encore un enregistrement des traders algorithmiques similaire à celui requis pour toute entreprise d'investissement. Une autre mesure centrale sera la réduction de la « taille du tick » : actuellement, les variations de prix sur lesquelles jouent les ordinateurs HFT sont infimes (à plusieurs décimales). Plus la taille du tick est élevée, plus il est facile de multiplier les transactions. Enfin, en cas d'annulation excessive d'ordres (voir l'exemple du mini-krash de Wall Street un peu plus haut), des frais devraient être imposés aux opérateurs HFT.