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Réforme de la surveillance du secteur financier

Soumis par Anonyme le

Introduction

Après la crise financière historique de 2008, une réforme du contrôle du secteur financier était nécessaire.

Le Parlement a créé une Commission parlementaire spéciale, chargée d’examiner la crise financière et bancaire. Cette Commission a formulé en avril 2009, une série de recommandations concernant l’organisation du contrôle financier.1

Le Gouvernement a, de son côté, chargé le Baron Lamfalussy de développer un projet pour un nouveau contrôle financier en Belgique. Le rapport publié en juin 2009 propose de renforcer sensiblement le modèle de coopération entre la Banque Nationale de Belgique (BNB) et la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA), avant d’envisager une réforme plus fondamentale de l’architecture de contrôle des établissements financiers.2

Deux textes ont alors été négociés au sein du gouvernement :

  1. le premier relatif à la surveillance du secteur financier et aux services financiers;
  2. le second relatif à l'optimalisation et l'extension de la protection des consommateurs dans le secteur financier.

Le premier a donné lieu au projet de loi du 5 février 20103 qui a été adopté par le Parlement et est devenu la loi du 2 juillet 2010.4

Le deuxième projet de loi contenant des mesures supplémentaires pour assurer la protection des consommateurs n'a quant à lui jamais été déposé suite à la chute du gouvernement.

Revenons sur celui qui concerne la surveillance du secteur financier.

Ce qui change

Les évolutions les plus récentes dans plusieurs pays, et spécialement dans les pays de la zone euro, montrent une convergence croissante dans le rapprochement des composantes micro et macro du contrôle prudentiel, sans toutefois que ce modèle ne montre sa supériorité. Expliquons-nous.

D'abord le contrôle prudentiel. Il consiste en une surveillance de l'activité financière fondée sur la prudence. On va notamment vérifier si les banques sont solvables, c'est-à-dire si elles sont capables de payer leurs dettes sur le court, moyen et long termes. Un peu comme un ménage qui analyse son budget avant de décider d'un achat, sauf qu'ici ce sont des organismes publics externes aux banques qui font l'analyse.

Pour coordonner ce contrôle au niveau international a été créé en 1974 le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (en anglais Basel Committee on Banking Supervision, BCBS), communément appelé Comité de Bâle. Il s'agit d'un forum qui rassemble des représentants des banques centrales et des autorités prudentielles de 27 pays5 et qui traite de manière régulière (quatre fois par an) les sujets relatifs à la supervision bancaire.

Pour surveiller l'activité financière, le Comité de Bâle édicte des ratios qui sont ensuite utilisés par les banques centrales et les autorités prudentielles. Par exemple, celui appelé « ratio Cooke » recommandé par le Comité de Bâle dans le cadre de ses premières recommandations, du nom du directeur de la Banque d'Angleterre qui avait été un des premiers à proposer la création du Comité de Bâle et fut son premier président. Ce ratio Cooke fixe la limite du montant total des prêts qu'un établissement financier peut accorder en fonction de ses fonds propres, c'est-à-dire de ce qu'il possède (bâtiments, terrains, machines, trésorerie) moins ce qu'il doit (ses dettes). Par exemple, si une banque a 3 millions de fonds propres, elle ne pourra prêter que 24 millions d'euros. De cette manière, elle est censée pouvoir faire face aux impondérables : retournement de la conjoncture et augmentation des impayés de la part de ménages moins solvables ou retraits soudains aux guichets de la banque.

Voilà pour le contrôle prudentiel. Mais -écrivions-nous- il peut avoir des composantes micro et macro économiques. C'est-à-dire ? Ce contrôle peut, comme nous venons de le voir, s'exercer au niveau microéconomique, c'est-à-dire en surveillant le comportement économique des entités individuelles comme les banques. Mais il peut également s'exercer au niveau macroéconomique. La macroéconomie quant à elle ne se place pas au niveau des entités individuelles mais cherche à expliciter les relations entre les grands agrégats de l'économie et à prédire leur évolution face à une modification des conditions, qu'il s'agisse d'un choc (augmentation de prix du pétrole, par exemple) ou d'une politique économique délibérée. En d'autres termes, on passe à une vision beaucoup plus large.

Surveiller l'activité financière en élargissant le pannel des entreprises financières prises individuellement au système qu'elles constituent ensemble est l'option qu'a retenu le gouvernement en rapprochant les composantes micro et macro du contrôle prudentiel. En réalité, cette tendance n'est pas nouvelle puisqu'elle était déjà inscrite dans la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, qui avait mis en place un Comité de stabilité financière pour renforcer la collaboration entre la BNB et la CBFA en matière de contrôle des marchés financiers.6 Cette tendance est maintenant confirmée par la création du nouveau Comité des risques et établissements financiers systémiques (CREFS) que l’on peut considérer comme le successeur du Comité de stabilité financière. Nous reviendrons ci-dessous sur le CREFS qui n'est, en réalité, qu'une structure transitoire avant le transfert complet de la compétence de contrôle prudentiel au sein de la BNB.

Ainsi, la Belgique s'oriente vers un modèle de contrôle bipolaire, dit "Twin Peaks", qui doit traduire, sur le plan structurel, les deux finalités majeures dudit contrôle :

  1. d'une part, maintenir la stabilité macro- et microéconomique du système financier, sous la responsabilité de la BNB, et,
  2. d'autre part, assurer un traitement honnête, équitable et professionnel des clients (règles de conduite), sous la responsabilité de la CBFA.

Cette réforme du contrôle du système financier est organisée en deux phases par la loi du 2 juillet 2010.

La création du Comité des risques systémiques

La première phase consiste donc en la création du CREFS, chargé de surveiller les risques financiers systémiques. Mais de quoi s'agit-il ?

Le terme systémique exprime un changement d'échelle, une prise en considération globale du mécanisme et de ses causes, qui inclut donc l'environnement dans lequel il s'inscrit. Ainsi, un risque financier systémique consiste en un risque de dysfonctionnement à même de paralyser l'ensemble du système financier dans une vaste zone, par le biais des engagements croisés entre les institutions financières. La réalisation de ce risque peut conduire à un effondrement du système financier par l'effet d'une sorte d'effet domino. Parmi les crises financières ayant comporté un aspect systémique, on pense bien sûr à la crise des subprimes de 2008 ou à la crise de la dette publique grecque qui a secoué l'ensemble de la zone euro l'année dernière. Citons également, dans un passé plus lointain, les crises pétrolières de 1973 et 1979.

C'est donc pour faire face à ce risque systémique qu'a été créé le CREFS, qui est une structure transitoire composée des comités de direction de la CBFA et de la BNB. Il est présidé par le gouverneur de cette dernière. Le CREFS exerce un contrôle prudentiel sur tous les établissements financiers dits systémiques. Il s'agit des banques, assureurs, groupes financiers, sociétés holding d'assurances et sociétés exerçant des activités internationales qui sont susceptibles d'entraîner d'autres établissements lorsqu'ils connaissent des difficultés, ce qui implique donc un risque pour la stabilité de notre système financier. Cela comprend notamment des établissements de crédit comme Dexia Banque Belgique SA, Fortis Banque SA (BNP Paribas Fortis), ING Belgique SA et KBC Bank SA, des compagnies financières comme Dexia SA et KBC Groupe SA, des entreprises d'assurances comme AG Insurance SA, Axa Belgium SA, Dexia Insurance Belgium SA, Ethias SA et KBC Assurances SA ou encore la société holding d'assurances Ageas SA/NV mais aussi des établissements jouant un rôle prépondérant en Belgique dans les opérations de conservation ou les opérations de compensation ou de règlement-titres comme The Bank of New York Mellon SA ou Euroclear Bank SA.

Le CREFS se voit également confier une nouvelle compétence, consistant à approuver les décisions stratégiques de ces établissements.

Le contrôle des établissements financiers passe à la Banque nationale

Dans une deuxième phase, la BNB deviendra responsable du contrôle de tous les établissements financiers en Belgique et se verra donc également attribuer les compétences du CREFS. La Belgique sera alors dotée du modèle de contrôle bipolaire dit "Twin Peaks" que nous évoquions ci-dessus : stabilité macro- et microéconomique du système financier sous la responsabilité de la BNB et traitement honnête, équitable et professionnel des clients sous la responsabilité de la CBFA.

De son côté, la CBFA deviendra donc responsable du contrôle des marchés financiers (comme les opérations de bourse, les fusions et reprises, les délits d'initiés, les manipulations des cours) mais aussi du respect des règles de conduite par les établissements financiers (comme la protection du consommateur). La CBFA change par ailleurs de nom et est rebaptisée Financial Services and Markets Authority (FSMA).

A cet effet, le Conseil des ministres du 3 décembre 2010 a approuvé un projet d'arrêté royal portant exécution de l'article 26 de la loi du 2 juillet 2010. Cet article donne en effet compétence au Roi d'élargir les missions de la BNB en y intégrant les compétences et missions du CREFS et de la CBFA en ce qui concerne le contrôle de nature prudentielle et d'organiser ce transfert de compétence.

Conclusions

Comme on le voit, la crise politique que traverse notre pays a retardé mais n'a pas empêché la poursuite du processus devant mener la Belgique vers une nouvelle – et supposée plus efficiente – architecture du contrôle prudentiel. Mais celle-ci sera-t-elle à la hauteur des espérances ? En 2009, le choix de confier à la BNB le contrôle prudentiel des banques et des compagnies d’assurance établies en Belgique, jusqu’alors réalisé par la CBFA, avait été justifié par des décisions similaires prises dans d’autres pays. De fait, quelques grands pays voisins, à commencer par l’Allemagne, ont opté pour le modèle dit "Twin Peaks".

L’idée, c’est que le risque d’un effet de contagion - à savoir que la faillite d’une banque mette en péril tout le système bancaire - n’est pas local. D’où l’intérêt que le contrôle soit exercé par la Banque nationale, qui dispose des données macroéconomiques et d’une communication plus directe avec les autres institutions internationales.

Mais, s'ils est évident qu'il faut renforcer le contrôle du secteur financier et éviter un effet de contagion, ne faut-il pas également et prioritairement adopter des mesures plus fondamentales qui modifient les règles du jeu et anticipent les risques plutôt que seulement les contrôler ? Nous pensons à limiter et contrôler les mouvements spéculatifs de capitaux, stopper les transferts financiers vers des paradis fiscaux et accentuer la lutte contre les pratiques de blanchiment dans l'Union européenne et en dehors, ou encore strictement réglementer les agences de notation, pour ne prendre que quelques exemples.

Bref, à établir une réglementation belge et européenne contraignante qui prévienne le risque plutôt que de tout miser sur son contrôle. Enlever les allumettes aux pyromanes plutôt que parier sur le nouvel extincteur réputé plus efficace que l'ancien.

Bernard Bayot,
mars 2011

 

1 Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner la crise financière et bancaire, DOC 52 1643/002 (Chambre), 4-1100/1 (Sénat).

2 High level committee on a new financial architecture, Final report, 16 juin 2009.

3 Projet de loi modifiant la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, ainsi que la loi du 22 févirer 1998 fixant le statut organique de la Banque Nationale de Belgique, et portant des dispositions diverses, DOC 52 2408/001.

4 Moniteur Belge, 28 septembre 2010, 59140.

5 Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chine, France, Allemagne, Hong Kong RAS, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Corée, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, la Russie, l'Arabie saoudite, Singapour, Afrique du Sud, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Royaume-Uni et les États-Unis.

6 Moniteur Belge, 4 septembre 2002, 39121.

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