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La demande en ISR des institutions publiques

Soumis par Anonyme le
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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Le Réseau Financement Alternatif a mené une enquête, auprès de promoteurs belges de fonds socialement responsables pour recueillir des informations sur la demande de ce type de produits par les institutions publiques belges. Les principaux enseignements sont, qu'actuellement, les communes et les organismes parapublics sont les institutions publiques les plus intéressées par les produits ISR, que les exigences en termes de qualité extrafinancière sont plutôt faibles et que les freins à l'ISR des institutions publiques, tels qu'identifiés par les promoteurs, sont de l'ordre de la méconnaissance de ce type de produits. Il semble alors qu'un long chemin reste encore à parcourir avant que les deniers publics soient gérés de manière responsable et en cohérence avec l'action publique. Le travail de pédagogie et d'incication citoyenne est plus que jamais nécessaire.

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2011
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05/2011
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Mai

La notation financière des États

Soumis par Anonyme le

Définition

Tout comme une entreprise, un État peut être soumis à examen et recevoir une notation – ou « rating » selon l'expression anglo-saxonne – concernant sa solvabilité financière. Les critères de cette notation peuvent varier d'une agence de notation à l'autre, mais portent au moins sur les politiques budgétaire et monétaire de l'État ainsi que la situation économique en général. Un ratio fréquemment utilisé est le rapport endettement/produit intérieur brut (PIB). La stabilité du gouvernement en place constitue aussi un critère important. En résumé, la notation correspond à la capacité de remboursement de l'État, en fonction de ses engagements, envers ses créanciers.

Ce rating, donné par les agences de notation financière, permet à l'investisseur de mieux évaluer le risque de son investissement.

Bref historique

La notation financière existe depuis le début du XXe siècle. C'est en 1909 qu'un dénommé John Moody a publié la première notation d’un titre. En 1916, la compagnie Poor’s Publishing Corporation fait de même et Fitch suit la même voie en 1924. Aujourd'hui encore ce sont ces trois agences de notation qui dominent 95 % du marché1.

En février 2011, la Belgique est bien notée par les agences de notation financière sur le long terme : Standard & Poor’s lui accorde 'AA+', Moody's, 'Aa1' et Fitch Ratings, 'AA+' – notations qui correspondent toutes à la mention « bonne qualité ».

Type de notation

Il existe deux catégories de notation : la notation sollicitée et la notation non sollicitée. La première, on l’aura compris, se fait sur demande de l'émetteur et la seconde à l'initiative de l'agence de notation financière. Un règlement européen2 oblige toute agence de notation à déclarer à quelle catégorie appartient sa notation. Il est intéressant d'observer que la notation de l'État belge par Standard & Poor’s est du type « non sollicitée » : il n'existe, en effet, pas de contrat de notation entre les deux entités.

Construction d'une notation financière d'un État

Chaque agence de notation possède sa propre méthodologie pour évaluer une entité. Afin de mieux comprendre comment une agence de notation note un État en particulier, nous décrirons ici dans les grandes lignes la méthodologie utiliséea href="#sdfootnote3sym">3 par l'agence de notation Standard & Poor’s.

Tout d'abord, elle attribue un score sur 6 (1 étant la meilleure note et 6 la moins élevée) à l'État dans les cinq domaines suivants :

  1. l'efficacité institutionnelle et les risques politiques ;
  2. la structure économique et la possibilité de croissance du pays ;
  3. la liquidité externe et la position internationale d'investissement ;
  4. la performance et la flexibilité fiscale ainsi que la charge de la dette (politique budgétaire) ;
  5. la flexibilité monétaire et de financement.

Les éléments pris en compte par les deux premiers points permettent de dresser le profil sociopolitique de l’État en question. Tandis que les éléments visés par les trois derniers points dessinent les contours de son profil « flexibilité et performance ».

De ces deux profils est tirée une première notation indicative de l'État évalué. Celle-ci peut ensuite être ajustée en fonction de certains paramètres exceptionnels, tels qu'une catastrophe naturelle ou un haut risque de sécurité, par exemple.

La notation globale de l'État obtenue se décline aussi en quatre notations plus spécifiques. Ainsi, l'État se voit attribuer une notation sur sa dette en devises étrangères sur le long terme et le court terme. De même, des notations sur la dette en monnaie locale sont données pour le long terme et le court terme. Cette différentiation faite au niveau de la dette émise en devises étrangères ou en monnaie locale vise à cerner le risque distinct de ces différents types de dettes. En général, il n'y a pas d'écart entre les notations en devises étrangères et en monnaie locale quand un État souverain est membre d'une union monétaire, comme c'est le cas pour la Belgique.

Ainsi, l'État belge est noté globalement 'AAA' par Standard & Poor’s en décembre 2010, ce qui est une notation correspondant à une « très forte capacité à remplir ses engagements financiers ». Ce résultat provient des quatre notations suivantes : 'AA+' (long terme en devise), 'A-1+' (long terme en monnaie locale) et 'AA+' (court terme en devise) et 'A-1+' (court terme en monnaie locale).4

Attachées à la notation financière d'un État, les agences de notation financière utilisent un système de perspective, dit « outlook » en anglais, sur les notations données. Cette perspective vise à évaluer la direction potentielle d'un crédit à long terme sur le moyen terme (entre 6 mois et 2 ans). C'est à ce niveau-là que, le 14 décembre 2010, Standard & Poor’s a annoncé la révision de « stable » à « négative » la perspective de la Belgique. En clair, ceci signifie que la notation globale pourrait être abaissée dans les prochains mois, suivant les évènements.

Pourquoi une agence de notation change-t-elle de perspective ?

Le système de perspective des agences de notation est une sorte de mise en garde pour l'entité en question. Il faut donc que des éléments menaçants dans l'un ou plusieurs des cinq domaines cités plus haut se manifestent. Cela peut être lié par exemple à la stabilité politique ou à la situation économique d'un pays.

Dans le cas de la Belgique, il semblerait que ce soit dû au fait qu'il n'y a pas de réel gouvernement depuis juin 2010.

Dans ce cas, il y a lieu de se demander pourquoi Standard & Poor’s a choisi la mi-décembre pour pour annoncer son changement de perspective de « stable » à « négative » ? Certains analystes5 du marché financier pensent que cette réaction est due, au moins en partie, au rapport du Fonds monétaire international sorti le 13 décembre. Celui-ci dresse un état des lieux de l'économie belge en précisant que le budget 2011 n'est pas encore décidé6. Comme mentionné plus haut, la politique budgétaire est un élément important dans la notation d'un État. En plus de l’absence de gouvernement, le fait de ne pas avoir de vision claire à ce sujet pourrait avoir incité Standard & Poor’s à changer de perspective.

Conséquences de la perspective « négative » pour l’État belge

Le mécanisme de base est que les notations des États reflètent la qualité de leurs dettes. Si une notation d'État est abaissée, cela signifie que celui-ci devra payer un taux d'intérêt plus élevé sur le marché pour pouvoir émettre de la dette.

Dans le cas de la Belgique, il ne s'agit pas de la baisse d'une notation, mais d'une mise sous surveillance d'une notation – à cause de problèmes politiques à résoudre. Les conséquences directement perceptibles de ce changement de perspective n'ont pas été très lourdes. Si l'on regarde la courbe des taux d'intérêt des emprunts de référence à 10 ans de la dette publique tout au long du mois de décembre 2010, on voit qu'elle a légèrement augmenté à l'annonce faite par Standard & Poor’s. Cette fluctuation n'est pas excessive, mais montre tout de même le pouvoir des agences de notation.

 

Source : Banque Nationale de Belgique7

Direction à prendre ?

L'incertitude politique en Belgique est donc à l'origine de ce changement de perspective. Sans gouvernement depuis bientôt neuf mois, la Belgique n'inspire plus autant confiance sur les marchés financiers. Critiqué pour sa politique budgétaire peu marquée, le gouvernement belge en affaires courantes veut rassurer les marchés financiers en réduisant le déficit budgétaire. Ainsi, il a récemment décidé d'un objectif ambitieux : réduire le déficit public à 3,6 % du produit intérieur brut contre 4,1 %, comme initialement prévu8.

Ces objectifs suffiront-ils à convaincre les agences de notation de la bonne santé fiscale de la Belgique ? Ou le fait de ne toujours pas avoir de gouvernement sera-t-il pris comme un facteur déstabilisant ? Affaire à suivre en juin 2011...

 

Annika Cayrol
mars 2011

 

1 Pour une information plus détaillée, voir CAYROL, Annika, Les agences de notation financière, Réseau Financement Alternatif, novembre 2010.

2 Article 10, point 5, RÈGLEMENT (CE) No 1060/2009 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

sur les agences de notation de crédit, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:302:0001:0031:FR:PDF, 16 septembre 2009

3 Il est intéressant de remarquer que deux méthodologies sont citées pour la notation de l'État belge, l'une datant du 29 mai 2008, Criteria | Governments | Sovereigns: Sovereign Credit Ratings: A Primer, et l'autre plus récente, datant du 26 novembre 2010, soumise à commentaires : Criteria | Governments | Request for Comment: Sovereign Government Rating Methodology And Assumptions, Standard and Poor's, EU Disclosures - EC 1060/2009, 22 février 2011

5 Dont Oscar Bernal, économiste à la Banque ING, voir article La dette de la Belgique sous surveillance, 14 décembre 2010,http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20101214_049

6 Belgique - 2010 Article IV Consultation Concluding Statement of the Mission, Bruxelles, 13 décembre 2010, http://www.imf.org/external/np/ms/2010/121310a.htm

7 Données disponibles sur le site Internet de la Banque Nationale de Belgique, http://www.nbb.be/belgostat/PresentationLinker?Order=true&TableId=527000090&Lang=F&prop=null

8 « La Commission européenne salue la réduction du déficit belge », La Libre Belgique, 21/03/2011, http://www.lalibre.be/economie/actualite/article/650073/la-commission-europeenne-salue-la-reduction-du-deficit-belge.html

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Mi-décembre 2010, l'une des trois grandes agences de notation financière, Standard & Poor's, a émis la possibilité de revoir la notation financière du Royaume de Belgique dans les six mois, pour cause d'incertitude politique. Effectivement, l'État belge, sans gouvernement depuis juin 2010, semble inquiéter Standard & Poor's sur sa capacité à mettre en place des réformes afin maîtriser sa dette. Mais qu'est-ce que cela veut dire concrètement ? Comment note-t-on un État ? Les quelques lignes qui suivent proposent un décryptage de la notion de notation financière d'un État à travers l'exemple de la Belgique.

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03/2011
Mois d'édition
Mars

Résumé rapport ISR 2011

Soumis par Anonyme le
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2011
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2011

Système d'échange local (SEL) : Une monnaie pour les bobos ?

Soumis par Anonyme le

Alors qu'on reconnait aux monnaies alternatives le mérite de repenser la monnaie et ses fondements, on leur reproche souvent de ne s'adresser qu'à un certain public, qui, au fond, vivrait très bien sans. Les systèmes d'échange local n'attirent-ils que des personnes favorisées ? Quelques éléments de réponse...

Introduction

Le SEL ne vise pas, en principe, à toucher un certain public. Au contraire, il cherche plutôt à être ouvert à tous les profils afin « de contribuer par là au renforcement d'un tissu social local qui ne reproduit ni les rapports sociaux ni la hiérarchie des qualifications »(1). Seulement, cette bonne intention n'implique pas pour autant que tout le monde se reconnaisse dans une telle organisation.

Afin d'éclaircir la question, cette analyse dresse en premier lieu un profil, à plusieurs niveaux, de l'utilisateur des SEL. Dans la seconde partie, nous verrons ce qui peut motiver des personnes à y adhérer et pourquoi certains groupes peuvent être, plus que d'autres, tentés par cette expérience.

Un profil des utilisateurs

Les différentes études sur les SEL semblent a priori contradictoires au sujet du profil des utilisateurs. Ainsi, une source2 affirme en 1999 que « l'on compte en moyenne, selon les SEL, entre 40 et 60 % de personnes en situation précaire », tandis que Jérôme Blanc, qui a longtemps étudié ces systèmes, rappelle que « de façon générale, les personnes qui recourent à ces systèmes sont plutôt bien insérées dans des réseaux de sociabilité [...] et, si leurs revenus ne sont pas très élevés, ils ne sont pas dans une situation de stress quotidien pour la survie matérielle »3, ce qui entretient un certain flou sur la question.

L'enquête nationale sur les SEL réalisée en France en 20044 – sans équivalent en Belgique à notre connaissance – apporte un éclairage utile. Cette enquête a permis d’interroger 270 utilisateurs dans 72 SEL, ce qui offre une vision assez générale de la situation des SEL dans ce pays. D'autres enquêtes, réalisées dans des banques de temps (à peu près équivalentes aux SEL), réalisées dans d'autres pays, sont également très instructives et confirment souvent les résultats de l'enquête sur les SEL français.

À la ville ou à la campagne ?

En France, les membres des SEL sont majoritairement urbains : 51 % d'entre eux vivent dans un environnement « relativement urbain », tandis que 29 % habitent dans un environnement « très urbain ». En fait, ceci traduit une évolution assez forte, car, à l'origine, les SEL français étaient situés dans des régions rurales, voire très rurales (le premier SEL est né en Ariège, dans le Massif central). Or, aujourd'hui comme hier, ces SEL ruraux sont en grande majorité composés de... « néo-ruraux ». Tant au niveau géographique que sociologique, le phénomène touche donc désormais en majorité des personnes qui vivent ou ont vécu en ville. Des éléments d'explication à ce sujet seront fournis dans la suite de cette analyse.

Notons qu'en Belgique, les SEL belges francophones sont répartis sur à peu près tout le territoire, à l'exception des régions situées au sud du sillon Sambre-et-Meuse dans les provinces de Namur, Liège et Luxembourg, où la densité de SEL par habitant est plus faible5.

Travailleurs, sans-emplois ou précaires ?

L'enquête sur les SEL français révèle que 23 % des personnes ayant répondu au questionnaire sont sans emploi. Ceci ne veut pas dire que 23 % de tous les utilisateurs (qui sont à peu près 30 000) le soient, mais la proportion est tout de même assez forte et en tout cas au-dessus des statistiques nationales sur le chômage. En deuxième rang se retrouvent les retraités (18 %) et les travailleurs à temps partiel (17 %), ce qui porte à « seulement » 36 % les « sélistes »6 qui travaillent à temps plein.

La question des revenus n'a pas été posée. On peut néanmoins postuler que les sans-emplois, ainsi que les travailleurs à temps partiel et les retraités ne gagnent pas des sommes mirobolantes. Une enquête similaire réalisée aux États-Unis a révélé que le revenu des utilisateurs était plus bas que la moyenne. Savoir si leur situation est précaire est, en revanche, plus difficile à définir, car cette situation tient non seulement compte du statut des personnes concernées, de leurs revenus, mais aussi de la stabilité de leur situation, on se gardera donc d’émettre une hypothèse à ce sujet.

Un public averti

Un trait qui frappe quand on s'intéresse au profil des utilisateurs des SEL est certainement le fait qu'il s'agit majoritairement d'un public « averti », en ce sens qu'il est fort éduqué, mais aussi cultivé et sensible aux questions politiques. Une enquête sur le profil des utilisateurs de banques du temps aux États-Unis montre que 45 % des personnes interrogées sont titulaires d’un diplôme de l'enseignement supérieur.

La forte sensibilisation politique est rapportée par l'enquête sur les SEL français, qui note que c'est un trait courant aux associations de retrouver une prédominance de « profils politiques ». On peut constater aussi que le fait d'être militant est souvent corrélé au niveau du diplôme obtenu7.

En résumé

Une illusion se dissipe donc : les SEL ne sont pas qu'un refuge de nantis, qui pourraient se permettre d'explorer d'autres modes d'échanges parce qu’ils en ont les moyens. A contrario, les SEL ne sont pas non plus, comme certains ont voulu le croire, un refuge destiné aux pauvres et aux exclus de la société qui développeraient une économie de survie via les SEL. Il est en revanche important de noter que les SEL semblent bien s'adresser à un public favorisé lorsqu'on se place du point de vue de l'éducation. D'un point de vue plus sociologique, on pourra dire que les utilisateurs ont un « capital culturel » plus élevé que la moyenne. Ce capital peut être associé à des revenus plus faibles, par exemple lorsqu'on est professeur, militant dans le milieu associatif ou encore sans emploi.

Pourquoi adhérer à un SEL ?

L'enquête sur les SEL français offre une indication assez claire : parmi les répondants, 36 % sont venus dans un SEL en premier lieu pour « défendre une autre vision de la société ». Ils sont ensuite 29 % à déclarer que leur motivation première est d'y « créer des liens » et enfin 13 % disent vouloir avant tout « y faire des échanges ». On pourrait donc dire que la motivation politique prime sur la motivation sociale, laquelle prime sur la motivation économique. Nous allons développer ces différents aspects, ainsi qu'un quatrième point qui nous semble également pertinent : le mode de consommation.

Une volonté politique : défendre une autre vision de la société

Comme expliqué dans une analyse précédente sur les SEL8, la volonté de promouvoir une autre vision de la société et de l'économie via les échanges au sein d'un SEL est assez forte. Pour rappel, on pourrait la résumer en trois grands principes : le premier est de promouvoir des échanges qui soient enrichissants pour les personnes, plutôt que le creuset de conflits d'intérêts entre le producteur et le consommateur. Le second est de promouvoir la démocratie dans le système économique. Le troisième enfin est de chercher à ce que les citoyens soient sur un pied d'égalité dans le cadre de leurs échanges. Le SEL est un moyen opportun de concrétiser ces idéaux lorsqu'on cherche des alternatives au système dominant. En effet, il s'agit réellement de recréer une communauté qui fonctionne selon ces principes. Pour reprendre le titre d'un livre de Smaïn Laacher, à cet égard, les SEL peuvent être qualifiés d'« utopie anticapitaliste en pratique »9. Comme nous l'avons dit, cet engagement militant ne se retrouve pas de manière uniforme dans toutes les couches de la société et, si l'on y trouve des chômeurs ou des personnes en situation difficile, il s'agit en fait des « moins dominés des catégories les plus dominées »10.

Une volonté sociale : créer des liens

Par son fonctionnement11, le SEL offre beaucoup d’occasions de rencontres et de contacts, que ce soit dans le cadre de l'échange d'un bien ou d'un service, ou au cours des réunions régulières. Comme la dimension réciprocitaire est fortement mise en avant dans le SEL (on reste redevable aux autres membres, même si l'on « paie »), ces moments de contacts peuvent facilement se prolonger. Le SEL n'est alors plus seulement l'occasion de faire des échanges, mais aussi de voir certaines personnes. Il devient un cadre propice au développement d'une solidarité entre les membres. Celle-ci peut dépasser le cadre des échanges, les membres s'aidant de manière plus régulière ou sans comptabiliser leurs échanges. Ce rapprochement peut également être vu sous un mode plus relationnel, recréant alors de la convivialité entre les membres. Cette solidarité et cette convivialité offrent à l'adhérent la possibilité de reconstituer un réseau de relations, qu'il avait peut-être perdu. Il trouve également par là une certaine valorisation de sa personne, de ses activités ou de ses compétences, surtout s'il n’est pas actif sur le marché du travail. Tous ces effets combinés facilitent l'insertion des membres dans le groupe, ce qui peut constituer un levier d'insertion dans la société.

Cette création de nouvelles relations peut être vue sous un angle plus théorique, celui du capital social. Ce concept a été développé par Bourdieu (1980) qui a, pour la première fois, établi cette distinction entre capital économique et capital social. Le capital économique réfère logiquement au niveau de richesse matérielle dont dispose un individu. Le capital social exprime, lui, l'ensemble des relations, contacts, réseaux sociaux dans lesquels chacun se trouve. Ce capital peut être mobilisé pour obtenir un service, une aide, une embauche. Tout comme le capital économique, le capital social peut s'accumuler.

Deux chercheurs12 ont ainsi analysé les relations qui se créent dans un SEL et une banque du temps. Ils ont, assez logiquement, conclu que ces systèmes étaient des structures très « productives » en termes de capital social. En effet, chaque échange provoque une nouvelle rencontre, qui est l'occasion de faire la connaissance d'une nouvelle personne. Cette rencontre est d'autant plus « fructueuse » qu'il ne s'agit pas simplement de venir payer pour un service, mais bien de s'accorder ensemble sur la nature du service et sur la valeur de l'échange. Ce qui peut apparaitre au départ comme une contrainte devient alors l'élément provocateur de cette rencontre. Des évènements réunissant tous les membres permettent aussi de développer des contacts et un réseau, en lien avec la création d'une certaine solidarité, évoquée plus haut. Ces contacts ne débouchent pas nécessairement (en fait, plutôt rarement) sur des relations d’amitié, mais le capital social n'en est pas diminué pour autant. En effet, un autre chercheur13 a montré que dans un réseau de relations, ce sont souvent les personnes les plus éloignées du réseau habituel, fréquentant justement d'autres réseaux, qui offrent le plus de nouvelles opportunités. Le SEL réunissant souvent quelques dizaines ou centaines de membres, qui se croisent mais gardent chacun un réseau personnel, correspond très bien à cette description.

Cet aspect fortement social est peut-être celui qui permet d'expliquer pourquoi tant d'utilisateurs des SEL vivent dans un environnement urbain ou en proviennent : le SEL permet de rencontrer des gens. Ce besoin est souvent plus grand en ville où les liens sociaux sont distendus entre les habitants. Dans beaucoup de villages, ces liens sociaux sont encore présents entre les habitants, mais ce réseau s'ouvre assez difficilement aux néo-ruraux qui font face à la même solitude que les urbains. Ceci pousserait donc chacun d'entre eux à rechercher, via le SEL, la constitution d'un nouveau réseau.

Une volonté économique : augmenter son bien-être matériel

Au-delà des aspects politiques et sociaux, il reste tout de même des avantages matériels à utiliser le SEL. Cet avantage peut se traduire en termes de substitution de consommation (« J'achète ma nourriture via le SEL au lieu de l'acheter au magasin »), mais bien plus souvent en termes de complément de consommation (« Grâce au SEL, j'ai pu trouver quelqu'un pour tailler ma haie »). Les utilisateurs peuvent, en effet, s'offrir des biens et services indisponibles ailleurs, soit parce qu'ils seraient trop chers (c'est particulièrement le cas pour les services), soit parce qu'ils sont peu ou pas disponibles dans le circuit conventionnel (on pense ici à des pratiques anciennes, artisanales, trop peu rentables, ou les trois à la fois).

La substitution permet bien de diminuer les dépenses, donc d'épargner de l'argent. Mais l'effet à ce niveau est certainement très faible, car les biens disponibles dans le SEL sont souvent limités et une grande partie des achats doit encore se faire à l'extérieur : c'est le cas du logement, de l'énergie, des transports... En revanche, le complément se traduit par une comptabilité personnelle inchangée : on ne dépense pas moins, mais une plus grande palette de biens et services est disponible. Ces avantages sont mesurés davantage en termes de bien-être : on peut vivre mieux avec le même revenu.

Retenons donc simplement qu'un utilisateur peut potentiellement trouver un avantage économique, mais que cet avantage est obligatoirement limité. Ceci explique peut-être en partie pourquoi si peu d'utilisateurs du SEL cherchent avant tout à réaliser des échanges en y adhérant.

Une autre manière de consommer ?

Le SEL n'engage pas ses adhérents à consommer de manière plus responsable ou écologique. Chacun restant évidemment libre de faire des choix de consommation personnels. Il n'existe pas non plus, à notre connaissance, d'études empiriques visant à déterminer l'impact de l'adhésion à un SEL sur les modes de consommation. On peut malgré tout relever que, par le système qu'il met en place, le SEL promeut de fait certaines habitudes particulières de consommation. Nous pouvons en relever trois.

La première est la promotion de circuits d'échange courts, tant au niveau de la distance qu'au niveau du nombre d'intermédiaires : les échanges se font souvent dans un espace assez réduit et il y a moins souvent un intermédiaire entre le producteur et le consommateur. La seconde est le développement de pratiques de réparation, de réutilisation, de réemploi ou de fabrication par soi-même. En effet, peu d'utilisateurs trouveront de l'intérêt à acheter une tarte provenant du magasin via le SEL alors qu'il est très courant de proposer des plats qu'on a préparés soi-même. De même, il existe de nombreuses offres de petits travaux (réparation de vélo, petite menuiserie, artisanat), de cours ou d'artisanat. Par là, le consommateur apprend aussi à sortir de son rôle habituel, pour se rapprocher de celui du producteur... jusqu'à devenir lui-même producteur d'autres biens. Les rôles se croisent et chacun prend conscience de la situation de l'autre, ce qui aide à fixer un prix juste entre les deux personnes. La troisième manière de consommer, enfin, est l'absence totale de publicité dans le système. Celle-ci est non seulement interdite, mais elle se révélerait inefficace tant elle est contraire à la logique qui sous-tend le SEL : on n'achète pas quelque chose pour rivaliser avec son voisin, mais bien pour faire vivre la communauté et développer les échanges entre les utilisateurs.

Conclusion

Différents profils peuvent se rencontrer au sein d'un SEL : tant celui du chômeur, que celui du travailleur. Que l'un soit plus pauvre que l'autre, cela importe finalement peu et le SEL permet justement à ces gens de se rencontrer sur un pied d'égalité. Il reste que le phénomène semble cantonné à des personnes plus sensibles aux enjeux sociaux et politiques et majoritairement urbaines. Le fait que le SEL soit aussi un mouvement militant n'y est certainement pas étranger. La possibilité d'y retrouver une convivialité et une solidarité disparues, non plus. Le SEL saura-t-il à l'avenir garder ses principes tout en attirant un public plus large et en l'intéressant à d'autres formes d'échanges ? C'est un défi, qu'il doit en tout cas, selon nous, relever.

 

Julien Didier
Décembre 2010

 

1 Modèle de Charte pour un SEL, http://lesel.be/

2 Servet (1999).

3 Blanc (2006).

4 Lenzi (2004).

6 Nom donné aux utilisateurs des SEL.

7 Mathieu (2004).

8 Julien Didier, Systèmes d'échange local : À quoi ça sert ? Objectifs et principes, Réseau Financement Alternatif, janvier 2010.

9 Laacher(2003).

10 Lenzi (2004).

11 Ce paragraphe est issu de l'analyse précédente sur les SEL : Julien Didier, Systèmes d'échange local : À quoi ça sert ? Objectifs et principes, Réseau Financement Alternatif, janvier 2010.

12 Hontschoote (2001) et Ozanne (2010).

13 Granovetter (1973).

Bibliographie

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COLLOM E., (2007), « The Motivations, Engagement, Satisfaction, Outcomes, and Demographics of Time Bank Participants: Survey Findings from a U.S. System », International Journal of Community Currency Research, Vol. 11, pp. 36-83.

GRANOVETTER M., (1973). « The Strength of Weak Ties », American Journal of Sociology, Vol. 78/6, pp. 1360-1380.

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Décembre

Système d'échange local (SEL) : Un autre monde est-il possible ?

Soumis par Anonyme le

Ce système propose à ses adhérents d'échanger au jour le jour des biens et des services sur de nouvelles bases, en réinventant l'argent. Cette nouvelle approche fait rêver certains : les SEL ne seraient-ils pas la voie rêvée vers une société plus juste ? Cette dernière d'une série de quatre (1), explore les possibilités de cette monnaie, mais aussi ses limites.

Introduction

Dès les premières expériences de LETS (ancêtre anglo-saxon des SEL) au Canada, beaucoup ont voulu croire dans le potentiel formidable que pouvait représenter cette nouvelle forme de monnaie. On lui a attribué tour à tour un rôle de lutte contre la pauvreté, contre le chômage ou, plus dernièrement, contre l'exclusion. Un système citoyen qui revendique de telles qualités peut, dès lors, laisser rêveur et même donner des idées : alors que le budget de l'État est au plus bas, ces systèmes ne peuvent-il pas jouer un rôle social, à moindre coût ?

Avant de conclure à l'existence d'une panacée dans ce domaine, il semble pertinent de s'attarder sur ce que peuvent vraiment faire les SEL, mais aussi sur leurs limites. Nous tenterons donc, en premier lieu, d'analyser l'impact que le SEL peut avoir dans certaines situations : la pauvreté, le chômage ou l'exclusion. Nous analyserons ensuite les potentialités qu'il présente en tant que facteur de transition : le SEL peut-il constituer un des moyens d'accéder à une autre société ?

Un outil de lutte contre la pauvreté ? 

Certaines monnaies sociales, principalement dans les pays du Sud, ont pour objectif affiché de lutter contre la pauvreté2. Les SEL n'annoncent pas aussi clairement ce but, ils se situent plus sur un terrain politique et social3. Mais, par l'égalité et la démocratie qu'ils promeuvent, ne peuvent-ils pas « rendre du pouvoir » aux pauvres, ce qui les aiderait à sortir de la pauvreté ?

La réponse dépend en fait de la définition qui sera donnée à la lutte contre la pauvreté. Si on pense que celle-ci doit passer par une augmentation de revenus pour les plus pauvres, les SEL ne constituent pas un bon moyen. En effet, beaucoup d'utilisateurs ne se servent pas du SEL comme d’un moyen de substitution, mais comme un complément. Par ailleurs, les biens disponibles sont limités dans le système. En particulier, les biens les plus chers, comme le logement, les transports ou l'énergie, sont très rarement proposés (même si le cas d'utilisateurs payant leur loyer ou recevant leur salaire via le SEL a été relaté4).

Si l'on envisage le problème autrement, une réponse différente est néanmoins possible : si le SEL ne résout pas la pauvreté, en augmentant les revenus disponibles, il peut néanmoins la rendre plus douce, moins honteuse et moins dépendante. Ainsi, les premiers SEL créés en France étaient composés d'une grande partie de personnes sans emploi (qui en cherchaient un ou non) et qui compensaient leur pauvreté matérielle et leur faible insertion professionnelle par une richesse relationnelle, culturelle ou associative et par l'échange de petits travaux. Le SEL a pu être d'une grande utilité à ces personnes, car il leur a permis d'avoir une certaine activité et des avantages matériels. Les contacts développés grâce au SEL fournissent aussi un réseau de solidarité sur lequel s'appuyer. Le SEL peut dès lors aider à sortir d'une relation d'assistance, à sentir qu'on reprend la main sur le cours de sa vie.

Les membres de ces premiers SEL ont ainsi pu passer d'une pauvreté « subie » à une pauvreté plus « assumée », moins stigmatisante et moins pénible à vivre au quotidien.

Un outil de lutte contre le chômage ?

Le chômage est, selon les pays et les systèmes sociaux, toujours plus ou moins lié à la pauvreté, il n'en est en tout cas jamais totalement indépendant. La question de l'impact potentiel du SEL sur ce phénomène est donc tout à fait légitime : dans la mesure où il est adopté par des chômeurs, mais aussi par des personnes ayant un emploi, le SEL ne pourrait-il pas, directement ou indirectement, favoriser la reprise d'emploi ?

Le SEL ne crée pas d'emplois directement, car il se destine exclusivement à des activités privées et non professionnelles. Cela veut dire qu'un professionnel ne peut y adhérer pour exercer son métier. Est-il néanmoins possible de créer une activité professionnelle ou semi-professionnelle à l'intérieur du système ? C'est difficile, car les unités gagnées via le SEL ne peuvent être dépensées qu'à l'intérieur du système et, comme nous l'avons précisé plus haut, beaucoup de biens ne sont pas disponibles dans un SEL : cela dépend de ce que les adhérents proposent et il faudrait que beaucoup de professionnels adhèrent au système pour que cela devienne avantageux. La taille des SEL, qui se limitent souvent à quelques dizaines d'adhérents, est aussi un frein.

Malgré cela, certaines personnes peuvent se servir du SEL comme point de départ vers une reprise d'activité. Celle-ci est nécessairement très variée et reste peu enviable en comparaison avec la situation d’un travailleur salarié. Cependant, s'il n'offre pas les avantages d'un emploi stable, ce travail permet à tout le moins de retrouver une dynamique d'activité valorisante, car reconnue et appréciée par les membres du SEL.

En fait, tant en ce qui concerne le chômage que la pauvreté, on voit que le SEL n'apporte pas de réponses directes. Les voies qu'il offre sont indirectes. En premier lieu, parce qu’elles proposent des pistes en dehors du cadre strict de la pauvreté et du chômage, ce qui nous amène à nous intéresser au cadre, plus large, de l'exclusion sociale. En second lieu, parce qu’elles ne se situent pas dans la logique économique dominante, dans laquelle le capital social est nettement moins pris en compte.

Exclusion et insertion

Le phénomène de l'exclusion sociale touche bien sûr, avant tout, des pauvres et des sans-emplois, mais l’exclusion concerne aussi des travailleurs isolés, des mères au foyer ou des retraités. Ce qui caractérise ces personnes, au-delà de difficultés matérielles rencontrées pour certaines, c'est l’insuffisance de moyens de socialisation. Ce manque entraine le manque d'autres moyens, comme des moyens de locomotion, des opportunités pour « s'en sortir » ou même l'estime de soi nécessaire à la vie en société ce qui accentue encore l'exclusion.

Comme déjà évoqué dans une précédente5 le SEL offre beaucoup d'opportunités de rencontres et de contacts, que ce soit à l’occasion de l'échange d'un bien ou d'un service ou dans le cadre des réunions régulières. Comme la réciprocité est fortement mise en avant dans le SEL (on reste redevable aux autres membres, même si on les « paye »), ces moments de contacts peuvent facilement se prolonger. Le SEL n'est dès lors plus seulement le moyen de faire des échanges, il se fait aussi lieu de rencontres. Il devient un cadre propice au développement d'une solidarité entre les membres. Celle-ci peut dépasser le cadre des échanges, les membres s'aidant de manière plus régulière ou sans comptabiliser leurs échanges. Ce rapprochement peut également être vu sous un angle plus relationnel, eu égard à la convivialité qu’il crée entre les membres. Cette solidarité et cette convivialité offrent à l'adhérent la possibilité de reconstituer un réseau de relations, qu'il avait peut-être perdu auparavant. Il trouve également par là une certaine valorisation de sa personne, de ses activités ou de ses compétences, surtout s'il est inactif sur le marché du travail. Tous ces effets combinés facilitent l'insertion des membres dans le groupe et peuvent constituer un levier d'insertion au niveau plus général de la société.

Une réserve doit être toutefois émise : les SEL sont un bon moyen de prévention contre l'exclusion, dans le sens où ils permettent à des personnes seules de ne pas se couper définitivement du reste de la société. Il ne sont, en revanche, pas du tout l'outil approprié lorsqu'il s'agit de réinsérer des personnes déjà exclues au point de ne plus arriver à réintégrer d'elles-mêmes un groupe6. Ces personnes requièrent un suivi personnalisé afin de retrouver le chemin vers l'intégration, ce que le SEL ne peut offrir.

Un SEL plutôt économique ou plutôt social ?

Pour rappel, les SEL ont pu fournir à des inactifs, des chômeurs ou des pauvres l’occasion de trouver des moyens pour compenser les conséquences négatives de leur condition. C'est donc principalement par le biais d'un réseau de solidarité et de convivialité qu'ils ont pu rassembler ces moyens, ce qui leur a permis aussi de se réinsérer, de trouver une place dans la société.

Il faut néanmoins savoir que cette qualité « inclusive » est très dépendante de l'approche que les membres du SEL développent. Les SEL présentant cette qualité sont, en effet, fort orientés vers une approche pratique de fourniture de biens et des services aux meilleures conditions. En ce sens, ils s’apparentent au modèle anglo-saxon des Local Exchange Trading Systems (LETS), qui affichent clairement ce but de service économique7.

Or, comme le signale une enquête sur les SEL en France, c'est un autre type de SEL, plus axé encore sur la réciprocité dans les échanges et la recherche d'une alternative, qui s'y est surtout développé – et c'est également le cas en Belgique. Jérôme Blanc8 résume bien ce glissement : « On lutte moins contre la pauvreté (absence de pouvoir d'achat) que contre l'exclusion (coupure de lien social avec un groupe donné) [...] Plus précisément, on lutte contre une exclusion pour promouvoir, au travers d'une nouvelle inclusion, des comportements différents. » Il y a donc la volonté de réintégrer ces échanges dans une nouvelle logique, hors de la logique dominante. Cette recherche a poussé les SEL à se détourner d'une fonction économique pour se centrer sur une fonction politique (recherche de la démocratie, de l'égalité et d'une autre forme d'échange) et de socialisation.

Seulement, cette transition s'est inévitablement accompagnée d'un glissement du profil des adhérents, les SEL devenant de plus en plus réservés à des profils militants. Ceci n'empêche pas un public défavorisé d'y adhérer, mais, comme nous l'avons précisé dans une autre analyse sur les SEL9, il existe une corrélation entre le niveau de politisation et le niveau d'instruction10, lui-même corrélé à l'origine sociale. Si les SEL comprennent toujours une certaine « proportion » de personnes défavorisées, il s'agit en fait des « [personnes les] moins dominées des catégories les plus dominées »11. La recherche de solidarité et d'égalité reste toujours présente, mais, simplement, elle concerne un public moins diversifié, ce qui amoindrit certainement la force d'action sociale des SEL.

Vers une société plus égalitaire et plus solidaire ?

On peut donc se demander à quel point les SEL sont en mesure de réaliser une réelle transition. Ils semblent en effet bloqué entre deux alternatives :

Il existe, on l'a vu, des exemples où le SEL peut être un outil d'insertion sociale, via la solidarité qu'il crée entre ses membres, et que cette insertion peut compenser, sous certains aspects, les affects personnels dûs au chômage et à la pauvreté. Or, il a été également montré que cette aptitude du SEL à s'orienter vers un public défavorisé (tant au niveau des revenus, que du capital social et que de l'éducation) est assez dépendante de l'orientation qu'il prend. Les exemples les plus tangibles d'insertion sont en effet constatés là où les principes marchands sont les moins rejetés12 : c'est-à-dire les SEL qui assument leur volonté de toucher un public défavorisé par des avantages pratiques. Souvent cette volonté implique d'assouplir le système des SEL : la monnaie devient convertible et, par exemple, les professionnels et les magasins peuvent être inclus. Seulement, ce type de système est aussi plus propice à la reproduction des inégalités sociales13. Il se pose plutôt en complément et non en alternative au système économique actuel.

Les SEL qui parviendraient à réaliser une transtion sociale réuniraient, selon nous, deux conditions : l'insertion sociale de personnes moins favorisées et la concrétisation de principes plus égalitaires dans l'économie. Or, il semble que la réalisation conjointe de ces deux buts soit difficile. Chaque SEL est donc devant le dilemme suivant : doit-on chercher à faire accéder des individus à un certain niveau de bien-être matériel dans un système qui risque de les rendre à nouveau dominés, voire de les exclure à nouveau ? Ou doit-on, au contraire, chercher à réaliser l'intégration de personnes dans un cadre novateur et plus égalitaire ? Ceci quitte à ce que moins de gens, et en premier lieu ceux qui disposent déjà de plus de ressources, bénéficient de cette action.

Une troisième voie ? L'exemple de l'accorderie

Une piste d'évolution peut toutefois être suggérée afin de résoudre ce dilemme. Il s'agit de l'exemple de systèmes similaires au Québec : les accorderies, qui allient des mécanismes égalitaires à une action d'insertion sociale. Elles combinent en fait un système d'échange en monnaie interne complètement égalitaire14 à des systèmes d'échange collectifs en dollars (achats groupés, prêts solidaires) qui présentent des avantages plus directement pratiques. L'accorderie, enfin, rémunère en monnaie interne les personnes qui rendent service à l'association. Il n'y a pas de bénévolat, car celui-ci peut être une source d'inégalité entre des personnes qui n'auraient pas besoin d'argent et d'autres.

L'idée est en fait de rassembler, dans une même organisation, des services pratiques, destinés à tout le monde et un système de monnaie interne égalitaire. L'accorderie espère ainsi faciliter les échanges entre les personnes utilisant les différents services, chacune profitant en partie des avantages des deux systèmes.

Conclusion

Le constat est donc le suivant : malgré une perspective novatrice et une réelle recherche de justice, les SEL ne parviennent pas à résoudre l'équation suivante : comment toucher un public défavorisé, qui pourrait bénéficier de l'apport du SEL, tout en gardant l'âme des SEL, c'est-à-dire une volonté de démocratie, d'égalité et de convivialité ? La réponse est peut-être simplement que le SEL n'est pas l'outil approprié pour enclencher une transition sociale de cette envergure. Il peut être un moyen parmi d'autres, certainement, mais aux perspectives limitées.

Ceci doit aussi nous amener à conclure que d'autres acteurs, comme l'État, gardent leur place. Il est illusoire de penser qu'une initiative purement citoyenne, fût-elle novatrice et pleine de bonnes intentions, puisse engendrer des changements significatifs dans la société. L'État doit prendre conscience de son rôle et ne pas simplement compter sur la force associative de ses citoyens pour assumer ses missions. Et ce, d’autant plus en période de crise économique et budgétaire, lorsque la tentation se fait la plus grande d'oublier ce genre de responsabilités.

 

Julien Didier
Décembre 2010

 

1 Julien Didier, Système d'échange local : une monnaie, mais différente ; Systèmes d'échange local : À quoi ça sert ? Objectifs et principes ; Système d'échange local : une monnaie pour les bobos ?, Réseau Financement Alternatif, décembre 2010.

2 Voir notamment le cas de la banque Palmas au Brésil.

3 Voir Julien Didier, Systèmes d'échange local : À quoi ça sert ? Objectifs et principes, Réseau Financement Alternatif, décembre 2010.

4 Servet (1999)

5 Julien Didier, Système d'échange local : une monnaie pour les bobos ?, Réseau Financement Alternatif, décembre 2010

6 Servet (1999)

7 Mais qui sont également ceux qui, suite à une logique plus marchande, constatent plus d'inégalités dans les échanges.

8 Économiste qui a fait des monnaies complémentaires sa spécialité, Blanc (2000)

9 Julien Didier, Systèmes d'échange local : une monnaie pour les bobos ?, Réseau Financement Alternatif, décembre 2010.

10 Mathieu (2004)

11 Lenzi (2004)

12 Servet (1999)

13 Bowring (2000)

14 La monnaie n'est pas convertible et une heure de travail est payée au prix d'une autre heure de travail, quel que soit le travail réalisé.

Bibliographie

BLANC J., (2000), Les monnaies parallèles. Unité et diversité du fait monétaire, Paris, L’Harmattan.

BOULIANNE M., (2008), L’Accorderie de Québec, Résultats de l’enquête par questionnaire réalisée auprès des membres du réseau à l’hiver 2008 dans le cadre du projet de recherche, Université de Laval, Département d'anthropologie, disponible en ligne sur http://www.accorderie.ca/spip.php?article119

BOWRING F., (1998), LETS: An Eco-Socialist Initiative?, New Left Review, Vol 232, pp. 91-111.

LENZI C.,(2004), « L’enquête nationale sur les systèmes d’échanges locaux (SEL) en 2004 : éléments d’analyse », in BLANC J., (dir.), Exclusion et liens financiers : Monnaies sociales, Rapport 2005-2006, Paris : Économica, disponible en ligne sur http://clenzi.free.fr/spip.php?article2

MATHIEU L., (2004), Comment lutter ? Sociologie et mouvements sociaux, Paris, Textuel, coll. La discorde.

SERVET J.-M., (dir.), (1999), Une économie sans argent : les systèmes d’échange local, Paris, Le Seuil.

SIMONSON M., (2006), Étude d'un système d'échange de services sans argent, Mémoire de sociologie. Promoteur : BASTENIER A., Université Catholique de Louvain, Département des sciences politiques et sociales.

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2010
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12/2010
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Décembre

Système d'échange local (SEL) : À quoi ça sert ? Objectifs et principes

Soumis par Anonyme le

Quels sont les objectifs de la monnaie nationale ? Favoriser les échanges, permettre des prêts, des emprunts, des achats..., faire de l'argent. Un peu court, non ? Surtout quand d'autres monnaies se targuent de promouvoir la démocratie, la rencontre entre les gens, l'égalité. Utopique ? Ou pas ?

Introduction

Faisant suite à l'analyse sur le fonctionnement des systèmes d'échanges local (SEL)(1), cette analyse s'attache à définir les principaux objectifs poursuivis par ces systèmes. Nous nous attarderons également sur les différents moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs, qui s’apparentent parfois à des idéaux inaccessibles, mais qui permettent de nourrir une réflexion utile sur le rôle de la monnaie. Cette analyse reprendra trois fonctions accomplies par les SEL, ainsi que trois principes qui fondent l'idéal de cette monnaie très particulière.

Les fonctions économiques des SEL

Jérôme Blanc2 attribue au système des SEL les trois fonctions économiques suivantes : localiser les échanges, dynamiser les échanges locaux et promouvoir d'autres formes d'échange. Les deux premières sont en fait secondaires dans le cas des SEL et sont plus caractéristiques d'autres monnaies alternatives. La troisième fonction est, elle, centrale dans les SEL.

La relocalisation des échanges découle assez naturellement de la structure des SEL : la monnaie interne est inconvertible, ce qui signifie que les membres sont obligés de la dépenser à l'intérieur de la communauté des membres. Cette communauté étant souvent localisée sur un territoire restreint, les échanges réalisés via le SEL sont automatiquement locaux.

La dynamisation des échanges au sein de cet espace est également favorisée par les SEL. Ceux-ci permettent en effet à des personnes, qui ne se connaissaient pas avant, de rentrer en contact. Grâce au mécanisme de dette et de créance, ces personnes se sentent également plus libres de solliciter un service. La peur de paraitre pressant ou intrusif empêche en effet souvent des voisins de se demander de l'aide, surtout dans des milieux urbains où les liens sociaux sont distendus.

La volonté de promouvoir d'autres formes d'échange est, quant à elle, réellement centrale dans les SEL. Seulement, il convient avant tout de préciser ce que l’on entend par « d’autres formes d’échange ». Bien souvent, dans le chef d’adhérents des SEL, est ainsi visé le système dominant, ressenti comme néfaste parce que trop « marchand » ou trop « capitaliste ». Une fois défini cet « ennemi » ou, en tout cas, le système duquel on veut se démarquer, il reste à savoir comment se positionner par rapport à lui.

Il existe, a priori, des divergences assez fortes entre les SEL à ce sujet. Certains veulent inclure le SEL dans le système économique, mais comme complément adapté à certains biens et services, tandis que d'autres voient le SEL comme porteur d'une alternative au système : « le SEL est surtout un acte de résistance constructive, de militantisme, contre la mondialisation »3. Les derniers vont jusqu'à définir le SEL comme uniquement social et non économique et ne souhaitent pas : « être des acteurs de la réforme économique, ni écologique, ni politique »4, aspirant simplement à recréer des endroits de partage et de sociabilité.

Ces approches semblent contradictoires, mais nous allons voir qu'elles sont en fait sous-tendues par des principes communs. Nous en avons retenu trois qui seront développés ici : accorder de la valeur à l'échange, promouvoir la démocratie dans le système économique et rendre les rapports plus égalitaires.

L'échange à sa juste valeur

Ce premier principe se focalise sur la place qui est donnée à l'échange de biens ou de services entre deux personnes. Très souvent, on considère l'échange comme un moyen utilisé par les agents économiques pour maximiser leur bien-être matériel, c'est-à-dire, pour avoir plus et plus de choix. Cette idée est à ce point dominante dans la société qu'une très grande partie de l'économie, du supermarché au taxi, est organisée sur cette base.

Au contraire, les utilisateurs du SEL cherchent à démontrer que l'échange a de la valeur en soi et qu'il doit aussi être pensé comme une fin – pas seulement comme un moyen. L'échange a de la valeur car il permet de créer du lien entre les personnes et, partant, de renforcer le tissu social. Ainsi, les utilisateurs du SEL estiment que, si les structures économiques ne cherchaient plus à nous mettre en compétition par le prix, mais nous amenaient plutôt à coopérer et à nous rencontrer par l'échange, les citoyens ne s'en porteraient pas plus mal. Le système économique serait, quant à lui, construit sur de meilleures bases. Les SEL se sont donc mis en tête de construire eux-mêmes ces nouvelles bases.

Cette volonté est confirmée par une enquête nationale sur les SEL en France, réalisée en 20045,

de laquelle il ressort que la première motivation qui pousse les adhérents à choisir la forme d'échange promue par le SEL est de « défendre une autre vision de la société » (36 %), suivie par celle de « créer des liens » (29 %)6.

Cette manière de concevoir l'échange n’est pas si farfelue qu’il y paraît. Elle se rapproche en fait très fort de théories alternatives en économie qui mettent en avant un mode d'échange différent du mode marchand : la réciprocité. Ce concept de réciprocité est inspiré des travaux de Karl Polanyi, économiste, et de Marcel Mauss, anthropologue, sur l'importance du don entre les individus dans les sociétés dites « primitives ». Le don renvoie à une logique d'échange dans laquelle deux individus sont mutuellement liés par l'obligation de donner, recevoir et rendre. Un exemple actuel pourrait être l'obligation (sociale, non juridique évidemment) que chacun ressent d'accepter une invitation faite par un ami ou une connaissance (à moins d'avoir un réel empêchement). On se sent donc obligé de recevoir ce don et, par la suite, on se sent redevable envers la personne qui nous a invités, ce qui donnera souvent lieu à une nouvelle invitation et ainsi de suite. Toute la société se trouve alors liée, de proche en proche, par ces mécanismes de réciprocité et c'est ce qui constitue notre tissu social.

Mauss et Polanyi affirment que ce don revêt toujours une importance majeure dans les sociétés modernes, via la logique réciprocitaire. Ils estiment en revanche que les structures économiques, trop tournées vers le marché, détruisent petit à petit cette logique et qu'elles détricotent en même temps le tissu social : la solidarité, la proximité, la convivialité sont autant de valeurs associées à cette logique de réciprocité qui semblent de moins en moins présentes dans les sociétés modernes.

Les SEL cherchent en fait à recréer cette logique réciprocitaire7 en valorisant l'échange et le lien qu'il crée entre ses membres. La solidarité et la convivialité que l'échange apporte sont le tissu social qui permet de renforcer les liens entre les utilisateurs

En ce sens, on dit souvent des SEL qu'ils sont un système de réciprocité multilatérale. La réciprocité « classique » engage une personne par rapport à une autre et ce que la personne reçoit, elle le rendra à celle qui lui a donné quelque chose. Dans un SEL en revanche, le service rendu ou le bien échangé n'engage pas le bénéficiaire par rapport au donateur précisément, mais bien par rapport à l'ensemble de la communauté des adhérents. Il pourra en effet rembourser sa dette à n'importe quel autre membre. Cette innovation permet ainsi de passer de la relation entre deux personnes à un mécanisme plus large où les échanges circulent de manière multilatérale et où tout le monde est redevable envers la communauté.

À la lumière de ces éléments, on comprend que le rôle du prix dans le SEL est central. Celui-ci devient un révélateur de la valeur que chacun accorde à l'échange, voire à la personne avec qui l'échange est réalisé. L'objectif n'est donc pas de tout faire pour obtenir le prix le plus bas, mais plutôt de s'accorder sur un prix, qui refléterait tant le travail réalisé que la satisfaction de l'acheteur et que le plaisir pris par les deux parties à échanger entre elles.

La démocratie dans le système économique

Ce principe part du constat que le système économique ne fonctionne pas selon des bases démocratiques. En effet, même si les rapports économiques sont censés se faire sous le contrôle de l'État, qui fixe les règles dans un cadre démocratique, les acteurs des SEL perçoivent que les grandes décisions économiques (et particulièrement celles qui concernent la monnaie) sont prises dans des cénacles fermés. Ceux-ci sont, en effet, composés d'un petit groupe de décideurs, au pouvoir bien plus étendu que le simple citoyen, du fait de leur expertise ou de leur pouvoir économique. Pour (ré)instaurer la démocratie dans les décisions économiques, il faudrait notamment que l'État dispose d'une plus grande étendue régulatrice et que les décideurs économiques soient responsables devant la population, y compris au sein des entreprises.

Ce programme semble évidemment vaste et peut-être même trop flou, mais on peut pourtant définir certaines lignes directrices.

En ce qui concerne les SEL, on pourrait dire qu'il faut respecter deux conditions. La première est que le SEL obtienne le pouvoir de décision concernant sa monnaie et la seconde est que, à l'intérieur même du SEL, les décisions soient prises de manière démocratique. Si les deux conditions sont remplies, alors on peut parler d'un « processus de réintroduction de la monnaie dans la sphère démocratique, ou, pour le dire autrement, [d’]une réappropriation citoyenne de la monnaie »8.

En ce qui concerne le pouvoir de décision du SEL, le jeu est assez clair : si la monnaie interne est inconvertible et que son cours est détaché de celui de la monnaie officielle, comme c'est très majoritairement le cas, le SEL dispose en théorie de toute liberté pour fixer les modalités (taux d'intérêt, masse monétaire, crédits...) de cette monnaie.

La deuxième condition, celle d'une démocratisation interne au SEL demande par contre une attention particulière. Le problème est que, souvent, la démocratie dans les groupes humains se limite à des déclarations de bonnes intentions (« Oui, on va l'installer, mais c'est difficile vous savez ») ou à une illusion optimiste (« Les gens chez moi ont l'air content, je leur parle souvent avant de prendre une décision »). Les SEL eux-mêmes en sont conscients et ont développé, à cet égard un certain nombre de bonnes pratiques et de principes.

Le cadre classique est bien sûr celui de l'ASBL, censé garantir l'absence de but lucratif et un certain contrôle démocratique de la part des membres envers les gestionnaires. Il formalise l'existence d'une assemblée générale réunissant tous les membres, qui décide des orientations de l'association et élit le conseil d'administration. Ce dernier, responsable de ses actes devant l'assemblée générale, est chargé de la gestion quotidienne et de l'exécution des décisions prises par l'ensemble des membres. Cependant, comme nous l'apprennent beaucoup d'expériences en économie sociale, ce cadre est loin de garantir l'existence réelle de pratiques démocratiques.

En raison de cette faiblesse, mais aussi de la forme de démocratie qu'il promeut, ce statut d'ASBL est rejeté par beaucoup de SEL. La démocratie en ASBL est en effet représentative, forme jugée trop institutionnalisée et trop peu démocratique par ces SEL, qui cherchent le moyen d'exercer une démocratie plus participative ou plus radicale9. Ainsi, comme le montre l'enquête nationale sur les SEL (2004), si 70 % des SEL français sont des associations de loi 190110, 40 % d'entre eux n'ont pas mis de bureau en place, lui préférant des « pratiques participatives ». Le constat est similaire en Belgique où les SEL préfèrent souvent la possibilité de constituer une association de fait à l'ASBL.

Les SEL ne nient pas la fonction de représentant, ni celle de coordinateur, mais essayent de trouver des formes plus horizontales et participatives qui concrétisent ces fonctions. Ainsi, conscients de la nécessité de formaliser certaines règles, ils rédigent souvent, avec tous les membres intéressés, une charte propre au SEL. Cette charte fixe les modalités monétaires développées plus haut, comme la fixation du prix, les limitations du montant crédité ou débité, mais aussi le processus de décision interne.

Une autre pratique mise en place est la formation de groupes par thèmes (communication, fêtes, web, coordination...). Chaque adhérent est tenu d'être membre passif d'au moins un des groupes et la participation active est fort conseillée. Les efforts sont également réalisés au niveau de l'assemblée des adhérents, que les coordinateurs, quand il y en a, essayent de faire vivre.

Seulement, ce n'est pas parce que les SEL refusent le cadre établi des ASBL et leur préfèrent des pratiques plus innovantes, qu'ils évitent tous les problèmes auxquels font face beaucoup d'associations. Plusieurs chercheurs11 ont ainsi décrit les difficultés à mettre en place ce processus démocratique dans les SEL, dès le stade de leur création. Ils observent un engagement très inégal selon les membres ; le retrait de compétences à des représentants se traduit par un allongement des discussions en séance plénière, ce qui a pour effet de décourager certains membres ; l'équilibre entre l'autorégulation et l'excès de règles se révèle difficile à trouver ; le risque de dérive autoritaire autour d'un leader charismatique, enfin, ne peut pas toujours être évité.

En résumé, les SEL, en créant une monnaie différente, n'ont pas de problème à être indépendants pour la gestion de cette monnaie. Et la volonté d'installer la démocratie à l'intérieur du SEL est sincère, mais parfois plus difficile à mettre en œuvre qu'on ne le pensait.

Des rapports plus égalitaires

Si la question de l'égalité des rapports économiques et sociaux est à ce point importante dans les SEL, c'est qu'elle représente une réponse possible aux inégalités engendrées par le système économique et ressenties comme profondément injustes. Une plus grande égalité entre les citoyens constitue également un corollaire presque indispensable à l'idéal de démocratie. En effet, des inégalités fortes menacent inévitablement le principe démocratique qui voudrait qu'un homme égale une voix. C'est pourquoi la volonté de restaurer cette égalité est invariablement exprimée dans les chartes des différents SEL.

Il s'agit d'un objectif très ambitieux car, pour garantir l'égalité au sein du SEL, il ne s'agit pas, dans une perspective réductrice, d'accorder les mêmes droits à tout adhérent. Il faut surtout empêcher que le système offre la possibilité de reproduire les inégalités existantes. En d'autres mots, le chef d'entreprise doit pouvoir échanger avec le chômeur, qui doit pouvoir échanger avec le professeur d'université, d'égal à égal.

C'est en partie cette ambition qui justifie que les SEL adoptent strictement la règle de non-convertibilité de leur monnaie et la liberté de cours de celle-ci. L'inconvertibilité empêche un adhérent fortuné de se fournir en monnaie interne en grande quantité et de profiter davantage du système qu'une personne à faibles revenus. La liberté du cours permet de libérer le prix des conventions officielles et de rémunérer les biens ou les services « à leur juste valeur », c'est-à-dire à la valeur de l'échange réalisé. Si ceci n'empêche pas les adhérents de réfléchir eux-mêmes à la valeur marchande des biens ou des services, on peut s'attendre à ce que la différence de prix entre biens luxueux et biens de base diminue.

La liberté du cours de la monnaie implique aussi qu'il est possible de décider que le prix de l'heure de travail échangée est unique. C'est-à-dire qu'un utilisateur payera le même prix, que ce soit pour une heure de baby-sitting, de cours de cuisine ou de réparation de plomberie. Cette approche permet de résoudre les inégalités de qualification, mais ne résout quand même pas le problème de la pénibilité12 : une heure de baby-sitting ne demande pas le même effort qu'une heure de taille de haie. Comme nous l'avons expliqué dans l'analyse précédente, cette règle ne peut pas non plus s'appliquer pour l'échange des biens. À moins de le fabriquer soi-même (ce qui ne tient pas encore compte du prix de la matière première), on ne peut pas calculer le temps que « vaut » un objet. Ceci pousse certains SEL à ne plus autoriser que les échanges de services.

Ces règles peuvent paraître très strictes et assez peu justifiées, mais l'expérience tend à donner raison aux SEL. Une étude13 a en effet montré que lorsqu’une monnaie complémentaire devient partiellement ou totalement convertible14 et que son cours suit davantage le cours de la monnaie officielle, les inégalités présentes dans la société ont tendance à se reproduire à l'intérieur même du système. Pire, étant donné le caractère informel et peu contrôlé de ces systèmes, cela peut parfois constituer une occasion d'employer des travailleurs à moindres frais et hors du cadre du droit social.

Conclusion

Le principal objectif des SEL est donc de promouvoir des échanges qui se baseraient sur des principes nouveaux : au lieu d'échanger pour simplement avoir plus, nous pourrions échanger pour rencontrer des gens et faire vivre l'esprit de la communauté ; au lieu de voir notre monnaie gérée par des institutions aussi floues que lointaines, nous pourrions discuter ensemble du rôle que nous voulons lui donner ; enfin, au lieu de faire rentrer en compétition des gens qui ne partent pas sur la même ligne de départ, nous pourrions les faire coopérer sur un pied d'égalité. En fait, tout ceci existe déjà et porte un nom : il s'agit de chercher à construire une économie solidaire15. C'est certainement un idéal lointain, mais rien qu'en cherchant à l'atteindre, les SEL participent déjà à sa construction.

 

Julien Didier
Décembre 2010

 

1 Julien Didier, Système d'échange local (SEL) : une monnaie, mais différente, Réseau Financement Alternatif, janvier 2010.

2 Blanc (2000)

5 Lenzi (2004)

6 Ce qui n'empêche pas la plupart des adhérents de trouver des avantages pratiques au SEL ; la motivation « faire des échanges » était d'ailleurs la troisième citée.

7 Blanc (2000).

8 Blanc (2006).

9 Neamtan (2003).

10 Statut français d'association, équivalent, sous beaucoup d'aspects au statut belge d'ASBL.

11 Liatard (2005) et Hubaud (2002).

12 Servet (1999)

13 Bowring (2000)

14 Comme en Angleterre, où les SEL sont habituellement plus orientés vers les rapports marchands.

15 Laville (2008)

Bibliographie

BLANC J., (2006), « Les enjeux démocratiques des dispositifs de monnaies sociales », IVth International Conference PEKEA, « Democracy and Economy », Université de Rennes 2, 4-6 novembre 2005, disponible en ligne sur http://ideas.repec.org/p/hal/journl/halshs-00078575_v1.html#provider

BLANC J. (2000), Les monnaies parallèles. Unité et diversité du fait monétaire, Paris, L’Harmattan.

HUBAUD M., (2002), Une expérience associative dans un système d'échange local, Connexions, Vol. 77/1, pp. 77-88.

LENZI C.,(2004), « L’enquête nationale sur les systèmes d’échanges locaux (SEL) en 2004 : éléments d’analyse », in, BLANC J., dir., Exclusion et liens financiers : Monnaies sociales, Rapport 2005-2006, Paris : Économica, disponible en ligne sur http://clenzi.free.fr/spip.php?article2

LIATARD B. et LAPON D., (2005), « Un SEL entre idéal démocratique et esprit du capitalisme », Revue du MAUSS, Vol. 26/2; pp. 317-338.

NEAMTAN N., (2003), « L'économie solidaire comme radicalisation de la démocratie », Revue du MAUSS, Vol. 21/1, pp. 128-134.

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Décembre

Système d'échange local (SEL) : Une monnaie, mais différente.

Soumis par Anonyme le

Marre de l’euro ! Marre de l’argent géré par des banques qui spéculent ! Marre d’en être dépendant ! En réaction à ce ras-le-bol, des citoyens ont inventé une monnaie alternative, dont la particularité est de fonctionner... sans argent. Première d’une série de quatre analyses sur les systèmes d’échange local (SEL), cette analyse présente le système ainsi que son fonctionnement et ses implications sur les mécanismes de la monnaie.

Introduction

Le SEL fait partie des monnaies alternatives. Celles-ci ont pour caractéristique de fonctionner parallèlement à la monnaie officielle ou conventionnelle, au sein d’un groupe de personnes, d’une ville ou d’une région. Les monnaies alternatives peuvent revêtir des formes très diverses et chacune tente, à sa manière, d’apporter des solutions aux problèmes qu’engendre la monnaie officielle : l’inflation, l’anonymat des échanges, la délocalisation de l’économie vers les grandes villes... Parmi ces monnaies, le SEL occupe une place particulière, car il s’agit du système qui s’éloigne le plus de la conception que nous avons d’une monnaie. Organisé en groupes de petite taille, c’est aussi le système qui fonctionne le plus simplement, d’un point de vue technique. En voici une première présentation.

Historique et état des lieux

Le SEL, arrivé en France en 1994, s’inspire directement d’un système inventé au Canada, le Local Exchange Trading System (LETS). L’idée est assez simple : organiser un système d’échange de biens et de services entre les participants, un peu comme le troc, mais un troc amélioré et plus pratique. L’objectif à l’origine de cette initiative1 était de pallier les effets de la crise, dans une région particulièrement touchée par celle-ci. L’arrivée en Belgique francophone se fait quant à elle en 1996 avec la création du BruSEL2. Ce système a, depuis lors, connu une évolution très rapide puisqu’aujourd’hui on compte pas moins de 416 SEL en France3 et 55 en Belgique francophone4.

Des modèles équivalents aux SEL existent en Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis sous la dénomination de « banques du temps ». Il existe aussi, sous la dénomination « LETS », comme au Canada, des équivalents de nos SEL en Flandre, mais ceux-ci sont davantage inspirés par le mouvement anglo-saxon, dont les orientations diffèrent sensiblement sur des aspects à la fois techniques et idéologiques. Nous ne les inclurons donc pas dans cette étude.

Comment ça marche ?

Le SEL est donc un instrument d’échange de biens et de services au sein d’une communauté d’adhérents. C’est cette communauté qui définit les « contours » du SEL puisqu’il faut être adhérent pour y participer. Le SEL reste aussi localisé dans un espace, souvent celui d’une commune (p. ex., SEL à Amay), d’une ville (p. ex., BruSEL), ou d’un territoire plus grand (p. ex., SEL « Coup d’pouce » couvrant Villers-la-Ville, Sombreffe, Chastre, Court-St-Etienne et L.-L.-N.).

Les adhérents pratiquent l’échange au moyen d’une unité de compte interne – une « Fleur », un « Bonheur », un « Truc » ou encore un « Nœud » – et c’est via cette unité que se fixe le prix des biens et services qui sont échangés. Afin que tout le monde sache ce qui peut être échangé, chacun établit, au préalable, une liste des biens et services qu’il est prêt à offrir ou désire recevoir. Les personnes prennent contact les unes avec les autres, fixent le prix (nous verrons comment) et réalisent l’échange. Chaque participant dispose d’un compte géré par le SEL. Comme il n’y a pas de billets ni de pièces, chacun communique au SEL l’opération qui a été réalisée, avec, pour effet, le débit ou le crédit du nombre correspondant de Trucs ou de Nœuds. En pratique, plusieurs cas de figure existent. Souvent, les adhérents ont des bons à trois coupons. Le montant de la transaction, ainsi que le nom des membres, sont inscrits sur les trois coupons ; chacune des deux parties en prend un et le troisième est transmis au système de comptabilisation central. Le prix doit évidemment être le même sur les trois coupons.

Les caractéristiques de la monnaie dans les SEL

La monnaie utilisée au sein des SEL est très différente de la monnaie officielle, c’est d’ailleurs ce qu’ont recherché les fondateurs du système. Ces différences peuvent être résumées en trois caractéristiques techniques. La première est que cette monnaie est totalement inconvertible en monnaie conventionnelle. Il n’est donc possible ni d’acheter ni de vendre des unités en payant avec des euros ; le seul moyen de gagner des unités est de réaliser un échange dans le SEL. La seconde caractéristique est un corollaire de la première : le cours de la monnaie interne n’est en rien lié au cours de la monnaie officielle. Certaines monnaies alternatives ont un taux de change fixe avec leur monnaie officielle, mais ici, chaque unité est définie uniquement à l’intérieur du système. La troisième caractéristique enfin, est que cette monnaie est scripturale, c’est-à-dire qu’elle n’existe pas sous forme papier, mais uniquement sur le compte de chacun des membres. Ces trois caractéristiques entraînent beaucoup d’autres phénomènes, qui font que la monnaie à l’intérieur d’un SEL ne respecte pas les mêmes logiques que la monnaie officielle, ce que nous allons développer ici.

Y a-t-il des crédits ?

Comme il vient d’être précisé, la monnaie utilisée dans les SEL est inconvertible, non liée à une monnaie officielle, et scripturale. La première implication de ces caractéristiques est que l’usage du crédit est automatique et presque libre. Chaque nouvel adhérent démarre en effet avec un compte à zéro et, en l’absence de billets, il n’y a pas d’émission monétaire au préalable. L’adhérent est du coup obligé de s’endetter ou de vendre un bien ou un service, ce qui endettera un autre membre. Chaque échange donne en somme lieu à la création simultanée d’une dette et d’une créance égales, il n’est donc pas possible d’échanger sans que l’une des deux parties ne s’endette. Cet endettement est libre dans le sens où le SEL ne doit pas autoriser cette création de dette. Ce n’est pas non plus une source de problème puisqu’il assez simple de rembourser sa dette : il suffit de proposer des biens ou des services.

Afin d’éviter que certains membres soient en surendettement (ou amassent trop d’argent) la plupart des SEL ont néanmoins établi des limites. En effet, le compte des adhérents ne peut pas dépasser un montant fixé, en négatif ou en positif. Le SEL s’impose donc une responsabilité financière assez forte, contrairement aux acteurs du monde financier classique !

Dans la pratique, quelques SEL créditent le compte de tout nouvel adhérent d’un certain montant pour favoriser les premiers échanges. Certains membres sont en effet réticents à s’endetter dès le début. La liberté du crédit ne s’en trouve néanmoins pas affectée et le constat général est que cette pratique ne fragilise pas l’équilibre entre dettes et créances.

Comment se fixent les prix ?

Une deuxième implication des caractéristiques citées plus haut concerne la fixation des prix. En effet, la monnaie est inconvertible et son cours n’est pas fixé en fonction d’une autre monnaie. Les SEL retrouvent le pouvoir de fixer eux-mêmes les prix au départ de rien, ils peuvent, en quelque sorte, refixer les priorités dans l’économie ! Mais cet avantage peut vite devenir un casse-tête : comment décider de la valeur du travail de quelqu’un ou du prix d’une tarte fabriquée soi-même ? D’autant plus que le SEL ne peut contrôler tous les échanges et que la règle doit donc être acceptée (et comprise) par tout le monde.

Plusieurs pratiques, fort différentes, existent selon les SEL. Le groupe peut ainsi décider, malgré l’inconvertibilité, de fixer son cours sur celui de la monnaie nationale. Cette pratique est souvent rencontrée à la naissance d’un SEL pour offrir des repères aux utilisateurs. Elle apparait néanmoins peu satisfaisante à la plupart des SEL qui essayent de s’affranchir de l’emprise de l’économie conventionnelle et cherchent précisément d’autres possibilités. L’une d’entre elles est de fixer le prix d’une heure de travail à un certain nombre d’unités, faisant valoir l’égalité des membres dans le SEL : tout travail se vaut et il n’y a pas de petit métier. C’est d’ailleurs de ce principe que vient le nom des « banques du temps » italiennes, britanniques ou américaines. Cette approche est bien adaptée à l’échange de services, mais elle ne règle pas le problème de l’échange de biens. La plupart des SEL adoptent dès lors le principe d’une libre négociation : le prix du bien est négocié entre les deux parties, avec tout de même certaines balises. En pratique, beaucoup de SEL mêlent différents principes, tentant de trouver le bon équilibre entre régulation et libéralisation.

Un certain nombre de SEL en Belgique francophone, sous la dénomination « SEL à caractère social »5, ont tranché ce problème en décidant de ne plus accepter que des échanges de services ou de savoirs. Cette approche leur permet d’adopter comme règle unique et formelle celle d’une heure de travail à prix fixe. Certains autres SEL adoptent des principes plus radicaux, qu’ils soient régulateurs (une unité de compte par échange, quel qu’il soit) ou libéraux (possibilité de fixer un prix différent pour les deux parties, ce qui déséquilibre alors le système de dettes et de créances).

La diversité prévaut donc largement dans ce domaine et les discussions peuvent être intenses à ce sujet au sein des SEL. En fait, nous le verrons dans une autre analyse6, cet aspect revêt une importance particulière puisqu’il influence le fonctionnement du SEL, mais surtout parce qu’il reflète un choix politique : celui de la valeur qu’on accorde au prix et à l’échange entre deux personnes.

Taux d’intérêt, inflation, etc.

La combinaison du caractère inconvertible de la monnaie et d’un cours libre a une autre implication : les SEL peuvent choisir le taux d’intérêt de leur monnaie, c’est-à-dire ce que rapporte la monnaie à ceux qui l’épargnent et ce qu’elle coûte à ceux qui l’empruntent. Dans les faits, presque tous les SEL décident de ne pas pratiquer de taux d’intérêt ou, autrement dit, de le fixer à 0 %. Ceci veut dire que les utilisateurs qui sont endettés dans le système ne doivent pas payer d’intérêts.

Puisque, comme nous l’avons dit, il n’y a pas de création – ni d’émission – monétaire et que le montant des dettes est égal au montant des créances, un taux d’intérêt nul signifie également que la « masse monétaire » totale est en permanence nulle : si tout le monde égalisait son compte, il n’y aurait plus de monnaie interne du tout. Or, une masse monétaire qui augmente au cours du temps, comme c’est le cas dans le système économique7, amène de l’inflation : il y a toujours plus d’argent, donc les prix augmentent. Ce phénomène est totalement absent des SEL : les prix n’augmentent pas. Il se peut néanmoins que les prix augmentent indirectement si les membres évaluent les biens en fonction des prix en monnaie officielle, qui, eux, augmentent constamment.

Certains SEL, développés dans la lignée de l’économiste Silvio Gesell8, pratiquent même un taux d’intérêt négatif, ce qui signifie que l’argent perd de sa valeur lorsqu’on ne l’utilise pas. Ceci a pour but de favoriser d’autant plus les échanges. En effet, les utilisateurs n’ont aucun intérêt à amasser une monnaie qui perd constamment de la valeur !

Toutes les implications développées dans cette analyse, au départ des trois caractéristiques de la monnaie des SEL, sont résumées dans le schéma suivant :

Conclusion 

On le voit donc, par la reconstruction d’un système simple d’échange, les SEL parviennent à déconstruire toute la logique monétaire dominante et à annuler, voire à inverser, ses effets perçus comme néfastes : l’inflation, le surendettement, le taux d’intérêt, la grande mobilité des capitaux... Ceci grâce à la volonté de citoyens de reconstruire un système économique sur des bases sociales. Cela ne veut pas pour autant dire que les SEL sont la solution directe à tous les problèmes, car, si leurs innovations sont très intéressantes, ces systèmes sont évidemment limités. Toutes ces questions feront l’objet de trois analyses ultérieures.

 

Julien Didier

Décembre 2010

1 Les objectifs actuels du SEL seront détaillés dans une analyse distincte.

2 SIMONSON M., (2006), Étude d'un système d'échange de services sans argent, Mémoire de sociologie. Promoteur : BASTENIER A., Université Catholique de Louvain, Département des sciences politiques et sociales.

6 Julien Didier, Système d'échange local : À quoi ça sert ? Objectifs et principes, Réseau Financement Alternatif, décembre 2010.

7 Les banques créent en permanence de l'argent en prêtant, à intérêt, de l'argent qu'elles n'ont pas.

8 BLANC J. (2000), Les monnaies parallèles. Unité et diversité du fait monétaire, Paris, L’Harmattan.

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BP et la marée noire dans le golfe du Mexique : réactions de la Bourse

Soumis par Anonyme le

BP est responsable de la pire marée noire accidentelle de l'histoire, les investisseurs veulent-ils encore financer une telle compagnie ?

Introduction

Le 20 avril 2010 restera une date inoubliable dans l'histoire du groupe pétrolier britannique BP, mais aussi dans l'histoire environnementale mondiale. À la suite de l'explosion de la plateforme pétrolière offshore Deepwater Horizon, puis de son naufrage deux jours plus tard, onze personnes sont décédées et pas moins de 4,9 millions1 de barils de pétrole brut, soit environ 780 millions de litres, se sont échappés du puits pour se répandre dans le golfe du Mexique et souiller les côtes étasuniennes, sans parler du volume de gaz naturel échappé. Ce n'est que le 5 août 2010 que BP a réussi à colmater définitivement la fuite du puits qu'il exploitait. Il est difficile aujourd'hui d'évaluer l'ensemble des dégâts, mais il est certain qu'ils seront désastreux, autant du point de vue écologique qu'économique et social.

Cette marée noire est la deuxième marée noire la plus importante de l'histoire après celle qui a touché le golfe Persique en 1991. Cette dernière fut intentionnellement provoquée par les autorités irakiennes pendant la guerre du Golfe. La catastrophe pétrolière de BP est donc la marée noire accidentelle la plus grave de l'histoire.

La responsabilité du groupe BP dans cette tragédie est incontestable. L'objet de cette analyse est d'étudier la réaction des investisseurs face à cette implication. Vont-ils encore vouloir financer une entreprise qui porte une telle responsabilité ? Quel impact cette catastrophe a-t-elle sur la réputation du groupe ?

Si l'on a pu constater un désinvestissement massif des actionnaires de BP après la marée noire, marquant une perte de confiance indéniable, on observe depuis juillet 2010 la remontée du prix de l'action BP. Cependant, les investisseurs qui prennent en compte des critères extrafinanciers dans leur calcul de profitabilité, tels que l'impact environnemental et social et la gouvernance de l'entreprise, sont amenés à remettre en question leur politique d'investissement en faveur de cette compagnie. Aujourd'hui, il est possible d'affirmer que la valeur extrafinancière de l'entreprise est largement menacée tandis que sa valeur financière tend à se restaurer.

Valeur financière : des inquiétudes qui n'inquiètent pas tellement

La marée noire a causé beaucoup de dégâts financiers à BP car elle a apporté de profondes inquiétudes sur les marchés financiers à propos de l'avenir de la compagnie. Mais les investisseurs croient toujours dans le potentiel de cette entreprise, catastrophe écologique ou non. Si les analystes rencontrent des difficultés à estimer la valeur du groupe, le cours de ses actions permet d'avoir une idée des prévisions des investisseurs.

La dégringolade de BP

Le graphique ci-dessous montre la dégringolade spectaculaire de la valeur de l'action BP durant les deux mois qui suivirent l'accident du 20 avril 2010.

Évolution du cours du titre BP en pence sterling du 1er avril 2010 au 28 février 2011 à la Bourse de Londres (rappel : 100 pence = 1 livre sterling)

 
Source : site Internet du London Stock Exchange.

Alors qu'elle se situait à un niveau très honorable avant l'accident, l'action de BP a progressivement perdu la moitié de sa valeur en à peine deux mois à partir du 20 avril 2010, date de l'explosion de la plateforme offshore. De 655,40 pence (soit environ 78 euros) le 20 avril 2010, elle a régulièrement diminué jusqu'à atteindre 302,90 pence (soit environ 36 euros) le 29 juin 2010. À cette date-là, BP a atteint sa plus basse valeur boursière depuis treize ans. Même au plus fort de la crise financière de 2008, le cours de BP n'était pas descendu aussi bas.

Bien que cette chute s'inscrive dans un environnement financier globalement défavorable aux valeurs pétrolières, ces chiffres montrent clairement que les investisseurs ont perdu confiance en BP à la suite de la catastrophe. Leurs inquiétudes portaient sur la capacité du groupe à verser des dividendes, voire à survivre à un tel choc. Leurs craintes se sont révélées tout à fait fondées puisqu'en juin 2010, l'administration de Barack Obama a défendu au groupe de verser des dividendes. Parallèlement à cette annonce, BP a vu sa facture s'alourdir de jour en jour à la suite de la catastrophe. Aujourd'hui encore, BP continue de payer pour ses dégâts. Bon nombre de commentateurs du monde financier prédisaient même la faillite du groupe sous le poids de la note, tandis que d'autres craignaient une OPA. Au second trimestre 2010, BP a subi la plus grosse perte trimestrielle de l'histoire des entreprises britanniques (-16,9 milliards de dollars).

La facture de BP 2 :

  • gestion de la marée noire (colmatage du puits, récupération du pétrole et nettoyage des côtes) : 3 milliards de dollars.
  • dons aux organisations publiques sanitaires et environnementales : 57 millions de dollars.
  • fonds d'indemnisation des chômeurs de la plateforme pétrolière : 100 millions de dollars.
  • création d'un centre de recherche pour étudier les impacts environnementaux et sanitaires de la marée noire : 500 millions de dollars.
  • indemnisations des victimes : 20 milliards de dollars. Pour l'instant, 5,4 milliards de dollars ont été redistribués aux sinistrés (3,9 milliards aux entreprises et particuliers et 1,5 milliard à l'État fédéral et aux États du Golfe : Louisiane, Alabama, Floride, Mississippi et Texas)3.
  • amendes : le ministère fédéral de la Justice a porté plainte contre BP à la mi-décembre 2010. Il est difficile de prédire le montant de l'amende car il dépend du degré de responsabilité qui sera attribué à BP. Or, le groupe Transocean, propriétaire de la plateforme qui a explosé, est lui aussi inculpé. Le sous-traitant Halliburton, chargé de la consolidation du puits avant l'explosion, est lui aussi sur la sellette, même si aucune plainte n'a encore été déposée contre lui. De plus, BP peut tenter de faire baisser son amende en mettant en avant son engagement et sa bonne volonté dans le nettoyage du pétrole et l'indemnisation des victimes. L'amende de BP pourrait ainsi s'élever de 5 à 20 milliards de dollars.

Selon le principe du pollueur-payeur, BP devrait prendre en charge la totalité des coûts engendrés par la marée noire. Cependant, il sera aidé par ses assurances, mais il est difficile de connaître le montant de la prise en charge. De plus, BP bénéficiera d'une aide de 1,6 milliard de dollars du Oil Spill Liability Trust Fund, qui est un fonds public étasunien créé en 1990 à la suite du naufrage de l'Exxon Valdez pour indemniser les victimes de marées noires ayant lieu aux États-Unis. Il est alimenté par une taxe de 8 cents prélevée sur chaque baril de pétrole produit ou importé dans la fédération américaine. Enfin, BP ne devrait pas être le seul acteur à payer.

Son sous-traitant Transocean devrait lui aussi participer aux frais d'indemnisation. BP a également réclamé à la société Moex Offshore, qui détient 10 % de la plateforme Deepwater Horizon, de payer les 10 % de pertes occasionnées.

Début novembre 2010, BP déclarait avoir déjà dépensé 11,6 milliards de dollars en conséquence de la marée noire, mais le coût final estimé est de 40,9 milliards de dollars4.

Une reprise lente mais sûre

Malgré ces dépenses imprévues énormes et une perte de 16,9 milliards de dollars pour les mois d'avril, mai et juin 2010, BP a su faire face financièrement. Le graphique précédent montre la lente remontée de la valeur du titre BP.

La reprise de BP début juillet est principalement due à la circulation de rumeurs concernant une prise de participation massive d'un fonds souverain arabe au capital de BP, mais aussi aux premières annonces positives de colmatage du puits. Ce redressement progressif s'avère tout à fait durable. En effet, le groupe reconquiert peu à peu la confiance des marchés financiers avec des arguments convaincants.

Tout d'abord, BP a réalisé 40,9 milliards de dollars de provisions, notamment à la demande des autorités étasuniennes. Cela signifie que le groupe a mis de côté une part de ses profits ainsi que les revenus issus de la vente d'actifs pour constituer une réserve destinée à financer toutes les dépenses estimées de la catastrophe. Grâce à ces provisions, les coûts dus à la marée noire ne se répercuteront pas sur les futurs résultats financiers du groupe, puisque pour les payer, il puisera dans cette réserve. Cela rassure les investisseurs quant à la capacité de BP à assumer les coûts de la catastrophe sans porter atteinte à ses profits.

Et de fait, BP a très vite renoué avec les profits. Les troisième et quatrième trimestres se sont soldés par des résultats positifs (1,8 milliard de dollars pour juillet-août-septembre et 4,6 milliards de dollars pour octobre-novembre-décembre). Même si ses résultats sont inférieurs aux attentes, le quatrième trimestre 2010 a été meilleur que celui de 2009. En effet, la hausse du cours du pétrole a permis de compenser une réduction de 9 % de la production en conséquence de la marée noire. L'année 2010 reste cependant une année de perte puisque le résultat annuel de BP a été de -4,9 milliards de dollars. C'est la première perte du groupe depuis 1992. Elle s'explique en grande partie par la réalisation de provisions, car si celles-ci n'avaient pas été réalisées, le profit de BP pour 2010 aurait été largement positif et comparable à ceux des années précédentes, puisque l'extraction et la production de pétrole et de gaz ont été très lucratives cette année, et même davantage que l'année passée. Voici un tableau rappelant les derniers résultats annuels du groupe BP :

Évolution des résultats de BP de 1998 à 2010 en milliards de dollars

Source : site Internet de BP

Ensuite, BP a initié une large politique de restructuration, notamment aux États-Unis où le groupe vend deux raffineries devenues moins rentables. Les cessions d'actifs prévues pour 2011 devraient rapporter 30 milliards de dollars au groupe. Enfin, de nouveaux projets et partenariats pour 2011 laissent présager une bonne année pour le groupe pétrolier.

Enfin, BP a rapidement travaillé à la reprise du versement de dividendes pour attirer les actionnaires. Début février, le groupe a annoncé le versement de 7 cents par action pour le quatrième trimestre de 2010. C'est deux fois moins que ce que le groupe versait avant la catastrophe car il souhaite accorder plus de ressources à l'investissement, notamment dans la recherche de nouveaux gisements d'hydrocarbure. Cette annonce a cependant été une nouvelle preuve que BP peut faire face à cet événement et que le groupe compte bien redresser sa situation très rapidement.

Aujourd'hui, les agences de notation financière recommandent l'achat des actions de BP. Néanmoins, il faudra attendre que BP en finisse avec la marée noire et ses coûts avant que ses actions ne regagnent la valeur qui était la leur avant la catastrophe.

Valeur extrafinancière : la responsabilité sociale de BP remise en cause

Tous les investisseurs ne se limitent pas à examiner la valeur financière d'une entreprise dans l'élaboration de leur portefeuille. Pour certains, l'impact environnemental et social d'une société, ainsi que la manière dont elle est dirigée et dont elle interagit avec ses différents partenaires, sont des critères tout aussi importants. De ce point de vue extrafinancier, BP a nettement perdu de sa valeur.

BP rayé de la liste des entreprises responsables ?

Avant la marée noire, BP bénéficiait d'une image verte qui lui était favorable. Le groupe faisait même partie de beaucoup de fonds d'investissement socialement responsables. Bien que son activité repose essentiellement sur la production de pétrole et de gaz, produits hautement polluants, BP était considéré comme une entreprise best-in-class, c'est-à-dire une des entreprises les plus conformes, au sein du secteur des énergies fossiles, aux critères de respect de l'environnement et de la société et de bonne gouvernance qu'établissent les promoteurs de fonds socialement responsables. L'activité n'était pas jugée condamnable en soi par la plupart des gestionnaires de ces fonds et ces derniers considéraient BP comme une des moins mauvaises compagnies pétrolières. Leurs arguments5 étaient que le groupe BP investissait beaucoup dans les énergies renouvelables, qu'il avait élaboré des règles rigoureuses de lutte contre la corruption, qu'il bénéficiait d'une bonne image auprès des ONG et qu'il était exemplaire en matière de gouvernance (notamment en termes de dialogue avec les actionnaires).

Cependant, en conséquence de la marée noire, la présence de BP parmi ce type de fonds fait plus que jamais débat. BP est en effet responsable de la plus grave marée noire accidentelle de l'histoire. Son activité a été la cause d'une très grave pollution dans le golfe du Mexique, menaçant sérieusement l'écosystème de la région. Les causes de cet accident ne sont pas encore officiellement établies par la justice étasunienne mais BP reconnaît qu'il y a eu des manquements aux règles de sécurité, de sa part comme de la part de ses sous-traitants6.

Plusieurs gestionnaires de fonds qui se veulent socialement responsables ont décidé de vendre leurs actions BP à la suite de la marée noire. C’est le cas, entre autres, du gestionnaire belge KBC Asset Management, ou encore du gestionnaire suédois Nordea. Ce dernier a fondé sa décision sur le non-respect par BP des règles de sécurité et d’environnement et par son manque de transparence dans la gestion de la marée noire du golfe du Mexique, mais aussi lors d'autres accidents similaires7. Certains lui reprochent également d'avoir minimisé les débits de fuite du pétrole et des risques occasionnés. Autant d'arguments pour vendre ses actions BP. Ainsi, BP n'est pas officiellement banni de ces fonds pour la marée noire qu'il a causée, mais pour sa mauvaise gestion de cet accident et pour son opacité envers les actionnaires, dont certains estiment qu'ils n'ont pas été assez informés sur les conséquences multidimensionnelles de la marée noire. Il est également reproché à BP d'avoir pris des risques inconsidérés en creusant un puits aussi profond dans l'océan de manière précipitée et de ne pas avoir préparé de plans de secours viables en cas de fuite du puits.

Pourtant, cela fait maintenant quelques années que BP est à la limite du socialement responsable. Certains fonds avaient déjà vendu leurs parts de BP bien avant la catastrophe de 2010. En 2004 déjà, NorthWest&Ethical Investments avait cessé d'investir dans cette compagnie car des manquements à la sécurité avaient déjà pu être observés. Puis, la présence de BP dans les fonds responsables avait été remise en question par suite des importantes fuites de pétrole d'un oléoduc rouillé en Alaska en 2006. Dans cet accident, les règles de protection de l'environnement n'avaient pas été respectées. Pourtant, l'entreprise bénéficiait toujours d'une image verte auprès de bon nombre d'acteurs de la finance responsable. Certains acteurs, pourtant, étaient en fait tout à fait conscients des défauts de BP en matière de sécurité et d'environnement. Vigeo avait relevé des failles en termes de prévention des pollutions, mais aussi des manquements au respect des droits humains sur les lieux de travail de ses sous-traitants et une certaine opacité de l'entreprise à ce sujet8. Mais elle le considérait toutefois comme faisant partie du best-in-class du secteur des énergies fossiles.

Aujourd'hui encore, après la marée noire, tous les gestionnaires de fonds socialement responsables n'ont pas cessé de financer les activités de BP et ceux qui l'ont fait n'excluent pas de racheter des actions lorsque les questions liées à la responsabilité de BP et de sa gestion de la marée noire auront été éclaircies. Certains affirment qu'ils préfèrent garder leurs actions BP pour avoir accès aux assemblées générales de la société et ainsi faire jouer leur pouvoir de vote et de proposition de résolutions. Par ces moyens, ils espèrent pouvoir faire changer le comportement de BP. Cela s'appelle de l'« activisme actionnarial » (ou « engagement actionnarial », ou « actionnariat actif »). D'autres, pour légitimer leur conservation des titres BP, arguent du fait que cette marée noire est surtout le résultat des défaillances du sous-traitant Transocean.

Le monde de la finance responsable n'a donc pas fini de débattre de la définition des critères d'un investissement socialement responsable, discussion que la catastrophe de BP vient raviver.

Vers une amélioration des critères de sélection des investissements responsables ?

La présence de BP dans des fonds qui se disent socialement responsables pose la question des critères de sélection des entreprises pouvant bénéficier de tels financements. Un rapport de l'ONG Les Amis de la Terre montre que ces critères sont largement insuffisants9. Selon elle, BP ne devrait pas faire partie de ces fonds de placement, tout comme beaucoup d'autres entreprises qui y figurent. Il est vrai qu'on peut se poser la question de savoir si les clients de tels fonds ne se sentiraient pas trahis en apprenant qu'ils financent une entreprise polluante alors qu'ils souhaitent investir leur argent de manière saine pour la société et l’environnement.

En effet, des entreprises qui produisent du pétrole peuvent-elles être considérées comme socialement responsables alors que leur activité pollue de manière inévitable ? Là n'est pas l'objet de cette analyse, mais la question mérite d'être posée. Doit-on bannir toutes les entreprises pétrolières du monde des investissements socialement responsables car leur production pollue, ou doit-on bannir uniquement BP pour l'accident qu'il a causé ? Toute entreprise pétrolière n'est pas à l'abri d'un écoulement de pétrole, qui est malheureusement inhérent à ce genre d'activités. Même les entreprises best-in-class ne sont pas infaillibles et l'activité pétrolière reste polluante, que l'on respecte les normes de sécurité ou non. Les fuites répétitives (Amnesty International estime à l'équivalent d'un naufrage de l'Exxon Valdez, la quantité de pétrole qui fuit chaque année dans le delta du Niger) étaient déjà un argument récurrent pour condamner la présence des compagnies pétrolières dans les fonds d'investissement responsable.

BP avait réussi à se donner une image verte par une politique mercatique active qui ne reflétait pas forcément la réalité. Certains gestionnaires de fonds socialement responsables ne se sont-ils pas laissé berner par cette manipulation verbale et visuelle ?

La marée noire de 2010 aura-t-elle l'avantage de faire évoluer les critères de sélection des investissements socialement responsables ? Plusieurs agences de notation extrafinancière se posent la question et sont amenées à réviser leur politique d'investissement responsable. Vigeo pense par exemple à inclure un critère de gestion du risque environnemental dans l'élaboration de ses portefeuilles d'actions10.

Une autre manière de promouvoir la responsabilité : l'engagement actionnarial

L'investissement socialement responsable peut prendre la forme d'un actionnariat actif. Il s'agit d'investir dans une entreprise dans laquelle l'investisseur espère pouvoir améliorer les attitudes des dirigeants par une prise de position lors des assemblées générales des actionnaires. Cette facette de l'investissement socialement responsable en plein essor peut, elle aussi, amener à l'affinement des critères de sélection des entreprises pouvant bénéficier de fonds responsables.

BP a connu plusieurs campagnes d'activisme actionnarial de la part de gestionnaires de fonds responsables, notamment au sujet de l'exploitation des sables bitumineux au Canada. La dernière en date porte sur la marée noire du golfe du Mexique. Il s'agit d'un groupe d'actionnaires qui a décidé de proposer une résolution lors de la prochaine assemblée générale annuelle de BP. Cette résolution demande une révision des risques causés par la marée noire dans les domaines économique, environnemental, réputationnel et social, mais aussi l'élaboration d'un programme pour diminuer chacun de ces risques. Le but est de faire adopter à BP une attitude responsable face à la gestion de l'accident. Il s'agit de la seule résolution proposée qui concerne la marée noire du golfe du Mexique. Ce mouvement a été lancé par le Christian Brothers Investment Services qui a placé 3,6 milliards de dollars au capital de BP et qui travaille en collaboration avec d'autres gestionnaires de fonds à ce projet. L'assemblée générale aura lieu à la mi-avril 2011, il sera intéressant de voir les répercussions de cette résolution à ce moment-là.

Conclusion en guise d'ouverture

À prendre toujours plus de risques pour aller chercher du pétrole, les compagnies en viennent à causer des catastrophes aux conséquences toujours plus graves. Mais le monde financier continue à financer de telles entreprises. Même le secteur de l'investissement responsable se demande encore s'il faut ou non investir dans de telles activités. BP rétablira sa valeur financière cela ne fait aucun doute. En revanche, sa valeur extrafinancière est plus largement menacée.

Cette catastrophe aura néanmoins permis de donner du grain à moudre au débat autour des critères de sélection des investissements socialement responsables. En réalité, ces critères dépendent de la définition que l'on se donne d'un investissement socialement responsable. De la notion de best-in-class à une vision d'un investissement complètement sain, en passant par l'engagement actionnarial, le panel est large. Peut-être faudra-t-il diviser en différentes catégories le monde de la finance responsable afin que les polémiques autour de la présence d'entreprises telles que BP dans des fonds socialement responsables trouvent une issue constructive.

Devant les questions soulevées par cette analyse, nous avons trouvé intéressant de poursuivre avec le sujet. La prochaine analyse portera donc sur la légitimité des critères de sélection des entreprises pouvant bénéficier d'un fonds d'investissement socialement responsable.

Coralie Marcelo
Février 2011

1 Selon le rapport de la National Oceanic and Atmospheric Administration d'août 2010 intitulé « BP Deepwater Horizon Oil Budget: What Happened To the Oil? ». Consulté en ligne le 16/02/2011 URL : http://www.noaanews.noaa.gov/stories2010/PDFs/OilBudget_description_%2083final.pd

2 Encadré réalisé à partir des communiqués de presse de BP du 20 avril 2010 au 28 février 2011.

3 Rapports du Gulf Coast Claims Facility du 19 février 2011. Consultable en ligne URL : http://www.gulfcoastclaimsfacility.com/GCCF_Overall_Status_Report.pdf

4 Communiqué de presse de BP du 2 novembre 2010, consultable en ligne URL http://www.bp.com/extendedgenericarticle.do?categoryId=2012968&contentId...

5 Voir par exemple le communiqué de Vigeo « BP : le temps venu des actionnaires responsables ? » Consultable en ligne http://www.vigeo.com/csr-rating-agency/images/PDF/Publications/chronique...

6 BP, « Deepwater Horizon Accident Investigation Rport », 8 septembre 2010. Rapport consultable en ligne http://www.bp.com/liveassets/bp_internet/globalbp/globalbp_uk_english/in...

7 Communiqué de presse de Nordea « Nordea Funds divests and suspends investments in BP », 7 juin 2010, consultable en ligne http://www.nordea.com/Press/Nordea+Funds+divests+and+suspends+investment...

8 Op. cit. le communiqué de Vigeo (note de bas de page 3)

9 Soisic Rivoalan et Yann Louvel, Investissement socialement responsable : l'heure du tri, septembre 2010. Rapport consultable en ligne http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/RAPPORT_ISR.pdf

10 Op. cit. le communiqué de Vigeo (note de bas de page 3)

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Février

La régulation des agences de notation

Soumis par Anonyme le

Les défaillances des agences de notation ont été spectaculaires ces derniers mois. Des problèmes de qualité et d'indépendance se posent, qui appellent une riposte énergique en matière de régulation. Mais améliorer la qualité du thermomètre ne suffit pas à guérir un malade! Deux actions complémentaires doivent être menées : réduire la spéculation sur les marchés, d'une part, et moins lui donner de prise, d'autre part.

Le problème

Une agence de notation est un organisme privé spécialisé dans l'analyse des comptes d'une société, d'un État ou d'une opération financière1. Elle publie des notes sur la capacité de ces entités à respecter leurs engagements.2
Mais font-elles correctement leur travail ? De nombreuses critiques avaient été émises par le passé, lors de la crise financière asiatique et dans le cas de l’Argentine en 1997, ou encore lors de la bulle internet et de la faillite de Lehman Brothers (noté A jusqu’à sa banqueroute de l’automne 2008), en passant par Enron (2001) ou Parmalat (2003). À chaque fois, les agences ont accordé d’excellentes notations à des organisations au bord du gouffre et sous-estimé jusqu’au dernier moment les risques de défaut de paiement. La qualité de leur travail d'analyse est donc régulièrement mis sur la sellette.
Avec la crise des subprimes3, un autre grief a vu le jour. On se souvient que des crédits hypothécaires risqués ont été accordés aux États-Unis mais que cette pratique, dangereuse en soi, s'est, en outre, accompagnée d'une autre, qui l'a été tout autant, la titrisation. De quoi s'agit-il ? Les banques d'affaires ont émis des titres représentant une société, pas une entreprise produisant des biens et des services, mais une société spécialement créée pour acheter le portefeuille de crédit d'un organisme prêteur et ces banques ont ensuite vendu ces titres à des investisseurs. En d'autres termes, le prêteur s'est dégagé de son risque et celui-ci, par la pratique de la titrisation, a été dispersé loin de tout contrôle régulatoire.

Ici aussi, l'analyse des agences de notation s'est avérée inexacte : 93 % des titrisations de produits hypothécaires commercialisés en 2006 avec la note AAA (la meilleure note) ont maintenant la note « d’obligation pourrie ». Mais il y a plus et c'est le deuxième grief invoqué à l'encontre de ces agences , elles se sont trouvées en conflit d'intérêts patent. Déjà, d'habitude, elles se font rémunérer par les promoteurs des produits qu'elles jugent, ce qui est évidemment critiquable en terme d'indépendance d'analyse. Mais, avec les subprimes, il y a plus : elles ont d'abord travaillé avec les banques pour concevoir les produits toxiques et obtenir le rating recherché, avant d'évaluer ceux-ci et d'accorder ledit rating ! Dans le cas des crédits titrisés, les agences de notation notent et sont en même temps parties prenantes de la titrisation. La constitution du produit et la notation sont complètement imbriquées. Sans la notation, le titre n’a pas d’existence4, peux-t-on lire en France. À la veille de la crise, la notation des produits structurés représentait (selon Michel Prada, ancien président de l’Autorité française des marchés financiers, AMF) la moitié du chiffre d’affaire des agences !5

Quelle régulation ?

Jusqu’à la crise des subprimes les agences de notation n’étaient pas réellement supervisées. En 2003, l’Organisation internationale des autorités de régulation des marchés financiers (OICV ou IOSCO, selon l'acronyme de son nom anglais, International Organization of Securities Commissions) qui regroupe les autorités nationales de marché (la Commission bancaire, financière et des assurances [CBFA] pour la Belgique, la Securities and Exchange Commission[SEC]pour les États-Unis…), a rédigé un code de conduite auquel les agences se soumettaient sur une base volontaire. Cela s'est manifestement révélé insuffisant.

Le 16 septembre 2009 a dès lors été adopté le Règlement (CE) n° 1060/2009 du Parlement européen et du Conseil sur les agences de notation de crédit.6 Ce texte, entré en vigueur le 7 décembre 2010, reprend pour l’essentiel les règles définies dans le code de l’OICV tout en leur donnant un caractère juridiquement contraignant. Il vise à encadrer l’activité des agences de notation de crédits en vue de protéger les investisseurs et les marchés financiers européens contre le risque de mauvaises pratiques. Il fixe les conditions d’émission des notations de crédit ainsi que des règles relatives à l’enregistrement et à la surveillance des agences de notation de crédit.

Comment ce Règlement gère-t-il les questions évoquées ci-dessus de la qualité et de l'indépendance des agences de notation ? Sur cette dernière question, l'objectif est que l’émission des notations de crédit ne soit affectée par aucun conflit d’intérêt ni aucune relation commerciale. Pour ce faire, les agences de notation de crédit sont soumises à des exigences organisationnelles et opérationnelles particulières. Le conseil d’administration ou de surveillance de l’agence assure l’indépendance du processus de notation. Il veille à ce que les conflits d’intérêts soient identifiés, gérés et divulgués adéquatement, et enfin, à ce que l’agence de notation se conforme aux exigences fixées par le règlement.

Pour ce qui est de la qualité, les méthodes de notation des agences et les descriptions des modèles et des principales hypothèses de notation, telles que les hypothèses mathématiques ou corrélatives, font l’objet de publications de caractère général. Par ce biais, les agences garantissent la qualité des notations de crédits qu’elles produisent, de même que la transparence des méthodes utilisées.

Comment s’exerce la surveillance sur ces activités de notation ? Les agences de notation doivent s’enregistrer auprès du Comité européen de régulation des valeurs mobilières (CERVM), qui est un organe indépendant de conseil, de contrôle et de réflexion, chargé d’assister la Commission européenne dans le domaine des valeurs mobilières. Le CERVM assure une application cohérente du Règlement en facilitant et renforçant la coopération des autorités nationales compétentes dans l’exercice de leur mission de surveillance, et en coordonnant les pratiques de surveillance.

La crise grecque

Le débat des agences de notation a repris de plus belle lorsque, au début de l'année 2010, Standard & Poor's, une des trois grandes agences au plan mondial, a baissé la note de la Grèce en catégorie spéculative. On se souvient que cette décision avait lourdement pesé sur les efforts de soutien à la Grèce et sur l'euro. La Commission cherche depuis lors à réduire l'influence des agences de notation sur les marchés financiers afin d'éviter que ce genre de scénario ne se répète et le 30 avril 2010 Michel Barnier, commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, a déclaré qu'il réfléchissait à la création d'une agence de notation européenne.

Le 5 novembre 2010, la Commission a lancé une consultation sur les agences de notation.>Nous devons tirer toutes les leçons de la crise, selon Michel Barnier. Nous avons déjà introduit des règles au niveau de l’UE pour améliorer la surveillance et renforcer la transparence sur le marché de la notation du crédit. Il s’agissait d’une étape importante, mais nous devons réfléchir à l’étape suivante: le rôle des notations proprement dites et l’incidence qu’elles peuvent avoir sur les marchés. Aujourd’hui, nous lançons une consultation où nous posons toutes les questions qui doivent être posées. Les contributions que nous recevrons nous aideront à définir les futures actions à prévoir.» Parmi les pistes envisagées, la Banque centrale européenne (BCE) ou les banques centrales nationales pourraient également être autorisées à émettre des notes pour accroître la concurrence et les agences privées pourraient être contraintes à publier gratuitement la totalité de leurs recherches sur la dette publique.

Qu'en penser ?

Les défaillances des agences de notation ne font aucun doute, pas plus que les problèmes évoqués plus haut de qualité et d'indépendance. Une riposte énergique s'impose. La réglementation européenne adoptée en 2009, qui remplace un code de bonne conduite particulièrement inopérant est sûrement un pas dans la bonne direction. Reste à vérifier que cette initiative soit efficace et suffisante. L'avenir nous le dira.

Il est toutefois illusoire de penser que la seule régulation des agences de notation va régler les mouvements spéculatifs hasardeux sur les marchés financiers et l'instabilité consécutive de ceux-ci. Améliorer la qualité du thermomètre ne suffit pas à guérir un malade ! Deux actions complémentaires doivent être menées: réduire cette spéculation, d'une part, et moins lui donner de prise, d'autre part.

Il faut d'abord dissuader la spéculation à court terme, qui se caractérise par des échanges financiers très rapides et très nombreux avec des marges bénéficiaires très faibles. Cette dissuasion peut se faire par l'introduction d'une taxe sur les transactions financières, qui serait trop faible pour entraver les transactions productives mais constituerait, par l'effet de la répétition, un frein aux transactions spéculatives. S'appliquant à chacune des transactions, elle grèverait de façon importante le bénéfice final du spéculateur.7

Mais on peut aussi s'interroger en tant qu'entrepreneur ou décideur politique sur la pertinence de confier aux marchés financiers l’allocation d’une part toujours croissante de nos besoins de capitaux ou de crédit. L'entreprise ne gagnerait-elle pas à s'associer davantage un actionnariat stable et diversifié, à la manière des coopératives8 et les pouvoirs publics à se financer auprès de leur population ? En Belgique, par exemple, la dette publique ne pèse pas loin de 350 milliards d’euros, alors que plus de 200 milliards d’euros reposent sur des livrets d’épargne. D’où cette idée, émise par Eric De Keuleneer (professeur à la Solvay Brussels School of Economics – ULB) et reprise par le ministre des Finances Didier Reynders, d'accorder une exonération de précompte mobilier aux souscripteurs de bons d'État, comme on le fait pour les dépôts sur les livrets d’épargne.9

Dans la mesure où les marchés deviennent générateurs de risques pour les émetteurs, ceux-ci seraient en effet bien inspirés d'appliquer ce principe de précaution qui consiste à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

Bernard Bayot,

février 2011

1 "Agence de notation", in L'économie de A à Z, Alternatives Economiques, hors-série poche n°40, septembre 2009 et DEMONCHY, Anne-Sophie, "Qu’est-ce qu’une agence de notation ?", 1er juillet 2010, disponible sur internet : http://www.politique.net/2010070102-qu-est-ce-qu-une-agence-de-notation.htm

2 Annika Cayrol, Les agences de notation financière, Réseau Financement Alternatif, novembre 2010.

3 Voir Bernard Bayot, Mon toit et mes finances, Réseau Financement Alternatif, novembre 2010.

4 Michel Aglietta, La crise. Pour quoi en est-on arrivé là - Michalon 2009.

5 Patrick Jolivet, Les agences de notation dans la tourmente, Les Echos, 7 janvier 2011.

6 JO L 302 du 17.11.2009.

7 Bernard Bayot, Les produits dérivés, Réseau Financement Alternatif, février 2011.

8 Voir par exemple Bernard Bayot, La Caja Laboral Popular, Réseau Financement Alternatif, avril 2005 .

9 Yves Cavalier, Aider l’Etat à s’en sortir, La Libre Belgique, 29 janvier 2011.

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Le manifeste de la finance responsable et solidaire

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