Blended values & Social Return on Lending
L'exclusion bancaire
Aujourd’hui, les particuliers n’ont pas le choix, il leur est indispensable d’avoir un accès approprié aux produits bancaires pour mener une vie décente. Le problème est que ces derniers sont distribués par des établissements soumis à des exigences croissantes de rentabilité et de compétitivité. Tel est le propos de Georges Gloukoviezoff, membre du conseil de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) en France, dans son nouvel ouvrage intitulé « L’exclusion bancaire. Le lien social à l’épreuve de la rentabilité ».
Fondé sur un travail d’enquête approfondi, ce livre donne à voir les causes et conséquences des difficultés bancaires et propose une évaluation poussée de réponses potentielles comme l’éducation financière, le microcrédit mais aussi et surtout la régulation du secteur bancaire.
Le manifeste de la finance responsable et solidaire
Mesdames et Messieurs les élu(e)s, quelles sont vos trois priorités politiques pour changer la finance ?
La crise a démontré que ni les banques, ni les États, ni les citoyens n'étaient immunisés contre les dérives spéculatives. Si ce dossier met en avant les progrès réalisés en matière de régulation, il n'en démontre pas moins les lacunes persistantes. Le chemin pour faire évoluer la gouvernance des banques est encore long. La finance ne pourra servir le citoyen qu'en adoptant un comportement plus responsable, plus éthique et plus solidaire.
Le Réseau Financement Alternatif a publié en novembre dernier le Manifeste de la finance responsable et solidaire. Ce document balaie 12 points essentiels sur lesquels peuvent agir les différents niveaux de pouvoir pour œuvrer à une société plus juste et plus humaine. Le Réseau Financement Alternatif a demandé aux quatres grands partis politiques francophones de Belgique de choisir trois mesures prioritaires parmi les 12 points de ce manifeste.
1) Tenir l'épargne hors de portée des spéculateurs et l'injecter dans l'économie réelle.
La recherche des profits les plus importants et les plus rapides, qui caractérise la spéculation financière, a des conséquences désastreuses sur les conditions sociales des travailleurs, sur l’emploi en général, sur l’économie réelle mais aussi sur l’environnement. Il faut d’urgence arrêter cette marche folle. Il faut notamment veiller à ce que les milliards d’euros investis, avec l’aide des Etats, dans des fonds de pension privés soient orientés vers des investissements durables et de qualité. Cette épargne énorme, qui est celle des travailleurs, doit profiter à l’emploi plutôt que de le détruire. Pour cela, les pouvoirs publics doivent fixer des règles d’investissements beaucoup plus contraignantes et durables à des fonds de pension, qu’il s’agisse de la durée des placements effectués (stabilité plutôt que spéculation), pour exclure certains secteurs d’investissements (armement, nucléaire, matières premières alimentaires) et au contraire soutenir une autre économie (économie sociale, énergie propre,…).
2) Stimuler un financement de la transition vers une société éco-solidaire dans le monde.
L’avenir de notre économie est dans la mise en place de processus de production à faible impact sur l’environnement et à faible coût énergétique. Notre Terre est arrivée à la limite de ses capacités d’absorption de la charge que font peser sur elle les activités humaines et industrielles. Pour préserver notre planète tout en assurant une activité économique qui permette à chacun de se nourrir et de vivre dignement, quel que soit son lieu de vie, il faut d’urgence réorienter l’économie et viser à l’autosuffisance de chacune et chacun à travers le monde. Tout doit être mis en œuvre pour orienter les fonds publics et privés vers cet objectif. Cela peut créer des milliers d’emplois, ici et ailleurs. Il s’agit d’un défi passionnant et structurant.
3) Responsabiliser les banques sur le plan sociétal.
Les banques ont une responsabilité énorme dans la crise financière qui frappe le monde entier. Avec l’épargne qui leur a été confiée par les travailleurs, elles ont posé des choix risqués, en négligeant les règles prudentielles dont elles n’auraient jamais dû se départir, aveuglée par la recherche de gains toujours plus élevés. Cela a eu des conséquences budgétaires énormes pour tous les Etats et pour les contribuables. Au-delà de leurs règles internes et de l’autorégulation du secteur bancaire, il convient de leur imposer des règles prudentielles beaucoup plus exigeantes, de séparer les activités spéculatives et celles de récolte et de gestion de l’épargne, de mettre fin à l’octroi d’avantages salariaux démesurés, de garantir l’accès à des services bancaires de qualité pour toutes et tous, quel que soit le niveau de revenu et d’informer beaucoup plus clairement leurs clients sur les choix de placement effectués, pour permettre aux citoyens de choisir en toute connaissance de cause leur établissement bancaire et d’opter plus souvent encore pour des banques durables, éthiques et solidaires.
1) Tenir l’épargne hors de portée des spéculateurs et l’injecter dans l’économie réelle.
La commission spéciale chargée d’examiner la crise financière du Parlement, présidé par notre député Joseph George, a largement mis en avant la nécessité de revoir notre système financier suite à la crise financière afin de réintroduire un modèle bancaire transparent et sûr pour les clients. Une partie des réglementations ont déjà été adaptées, comme les obligations de Bâle, mais le chemin reste long. Il est indispensable de continuer à renforcer les obligations en termes de solvabilité, de liquidité et de transparence pour le monde bancaire.
Pour le cdH, il est crucial que tout citoyen ait le droit de savoir précisément où son argent sera utilisé, qu’il soit investi en bourse ou simplement placé sur un compte, pour lui garantir ainsi des investissements sûrs et dans l’économie réelle. La finance doit rester au service de l'économie. Et c’est pourquoi, il faut lutter contre les spéculateurs, qui par leur cupidité, rendent notre finance instable.
Par ailleurs, pour les clients empruntant de l’argent, cet accès au compte bancaire et au crédit doit aussi être garanti. Cela passe notamment par une législation claire et précise pour les banques et établissements de crédit, par exemple en ce qui concerne les publicités et l’information aux clients. Toute personne doit pouvoir continuer à investir en lui garantissant une parfaite information sur les risques du surendettement.
2) Déterminer une norme minimale de l’investissement socialement responsable.
Pour le cdH, déterminer une norme minimale pour l’investissement socialement responsable est une priorité. Cette position a été concrétisée par le dépôt d’une proposition de loi, tendant à assurer un cadre normatif pour les investissements socialement responsable (ISR), afin, in fine, d’une part de permettre l’émission d’une information claire et précise pour l’investisseur désireux d’investir de manière socialement responsable et, d’autre part, d’éclairer les entreprises sur les comportements à adopter aux fins d’être admises sur ce marché du futur que représente les fonds « éthiques ». Cette proposition de loi est inspirée directement de l’étude sur l’ISR réalisé en 2008 par le Réseau Financement Alternatif, où un projet de norme minimale avait fait l’objet d’un consensus au sein de la société civile et du secteur financier. Ainsi, le cdH entend stimuler le financement de la transition vers une société éco-solidaire en Belgique et dans le monde, et positionner notre pays comme précurseur dans le domaine de l’ISR.
3) Etablir une fiscalité éco-solidaire.
Pour le cdH, l’impôt doit être compris comme un moyen de financer les politiques publiques, de redistribuer les revenus et d’encourager des comportements socialement responsables. Il convient de rétablir une véritable égalité entre les Belges en luttant énergiquement contre la fraude fiscale, source d’injustice sociale entre les contribuables et de concurrence déloyale entre les entreprises. Ainsi, le cdH entend participer activement à la mise en œuvre des 108 recommandations émises par la Commission d’enquête parlementaire sur la grande fraude fiscale, par exemple en levant le secret bancaire (tout en veillant au respect de la vie privée des contribuables), en luttant contre les paradis fiscaux et en veillant à doter l’administration fiscale de moyens humains et techniques suffisants. Par ailleurs, il convient de procéder à la simplification de la législation et de réduire la pression fiscale sur le travail en encourageant l’adoption de mesures luttant contre la spéculation financière et le développement d’une fiscalité verte.

1) Déterminer une norme minimale pour l’investissement socialement responsable.
Cette crise nous a rappelé que des non-professionnels de la finance (épargnants, déposants et actionnaires) ont pu, bien malgré eux, être transformés en spéculateurs parce que les « professionnels » chargés d’investir leurs fonds ne rendaient de comptes à personne et que leurs choix d’investissement ne faisaient l’objet d’aucun contrôle.
On ne peut le nier, dans cette crise le choix de l’investissement a le plus souvent été guidé par des impératifs de rentabilité financière. Or, il est important de rappeler que les investissements ne doivent pas uniquement répondre à des critères financiers. Ils doivent également intégrer des préoccupations sociales, éthiques, environnementales et de bonne gouvernance.
2) Garantir l'accès aux services bancaires de base mais aussi d'épargne et de crédit.
Pour le PS, la fonction première des marchés financiers est de mettre en contact ceux qui disposent d’une capacité d’épargne (les ménages essentiellement) et ceux qui sont à la recherche d’un financement à plus long terme pour planifier leur développement (entreprises, pouvoirs publics). Or, on a assisté ces trois dernières décennies à un détournement de cette fonction première. Les marchés financiers n’apparaissent plus en effet comme un moyen de tendre vers le développement économique mais comme une fin en soi. Les marchés financiers sont de plus en plus mus par une logique de court terme, où la rentabilité et le profit constituent un facteur déterminant des choix et des décisions des investisseurs.
3) Rendre les investissements bancaires transparents.
Le parti socialiste n’a pas attendu la crise financière pour prendre conscience de ces réalités. Dès 2004, nous avons en effet déposé une série de propositions de loi sur l’investissement socialement responsable. Ces propositions ont d’ailleurs été reprises dans la note d’actions adoptée par le Bureau du parti socialiste le 6 novembre 2008. Cette note intitulée « 52 propositions pour mieux protéger les épargnants, les investisseurs, les emprunteurs et les assurés » a été déclinée sous forme de propositions de loi. Certaines de ces propositions sont depuis lors devenues des lois, d’autres sont en passe de l’être.
À l’avenir, les pouvoirs publics doivent encourager le développement de nouveaux modes d’investissement privilégiant une approche sociétale. Pour le PS, les pouvoirs publics ne sont pas les seuls à devoir jouer un rôle. La société civile doit aussi pouvoir faire entendre son point de vue.
N.B. : Les trois points du Manifeste que le PS considère comme ses priorités sont à mettre en lien direct avec notre souhait de disposer en Belgique d’une Agence chargée de la protection des consommateurs de services financiers. Ce souhait sera prochainement rencontré puisque le Gouvernement s’apprête à déposer sur les bancs du Parlement un projet de loi octroyant à la CBFA de nouvelles compétences en matière de protection du consommateur de services financiers.
1) Établir une fiscalité éco-solidaire.
Nous soutenons les objectifs de ce point mais les modalités de mise en œuvre que nous proposons sont différentes.
Diminuer la fiscalité sur le travail fait partie de nos priorités. L’enjeu est de rendre du pouvoir d’achat aux citoyens et valoriser le travail de manière à créer les bases d’une croissance durable et équitable. Notre pression fiscale reste trop élevée, en particulier en ce qui concerne les revenus du travail. Notre projet se fonde sur cinq axes complémentaires pour une politique fiscale ambitieuse :
1. Libérer et valoriser le travail ;
2. Rendre du pouvoir d’achat aux citoyens ;
3. Préparer la reprise en misant sur l’entreprise ;
4. Lutter pour l’environnement par des incitants fiscaux ;
5. Assurer la juste perception de l’impôt.
2) Rendre les investissements transparents.
Les établissements financiers doivent se recentrer sur leurs activités de base, l’octroi de crédit à l’économie, en portant une attention accrue à la gestion des risques et à la transparence de leurs produits.
Pour le MR, il convient de mieux encadrer les produits dérivés et d'assurer la traçabilité des produits financiers. Par ailleurs, pour une meilleure information et protection des consommateurs, nous voulons renforcer le contrôle et les sanctions et améliorer les connaissances financières de chacun.
Ce sera notamment la tâche de la nouvelle CBFA en exécution de la réforme du contrôle du secteur financier (twin peaks).
3) Arrêter les investissements dans les activités socialement nuisibles.
De manière générale, nous pouvons soutenir ce point mais il manque de précisions et reste vague. Les termes « socialement nuisibles » doivent être précisés, qu'entend-on par ces termes?
La commission d'enquête sur la fraude fiscale demande au législateur et aux autorités de contrôle des banques d’adapter leur réglementation sur certains points (par exemple, règles en matière de solvabilité et de fonds propres) pour encourager l’activité bancaire classique.
Inclusion bancaire en Belgique : les apports de l'enquête européenne
La situation belge en matière de bancarisation est relativement bien documentée. La législation garantissant un droit à un service bancaire de base et deux études du dispositif sont à la base de cette connaissance. L'enquête européenne SILC 2008 nous apporte toutefois des données à jour représentatives. Alors, quoi de neuf ?
Introduction
La possibilité d'accéder à un compte bancaire est généralement considérée comme le premier pas vers une inclusion financière objective. En Europe, c'est en tout cas à garantir cette première condition que de nombreuses associations1 travaillent. Et les responsables de la régulation du marché intérieur semblent progressivement manifester une volonté d'y parvenir eux aussi.
En Belgique, où le droit d’accès à un compte existe depuis 20032, la situation devrait être exemplaire. Est-ce réellement le cas ? Reste-t-il des marges de progression ? Les données européennes nous livrent certaines pistes de réflexion.
Enquête européenne SILC 2008 : de quoi s'agit-il?
SILC est l’acronyme de Survey on Income and Living Conditions, soit « enquête sur le revenu et les conditions de vie ».
En deux mots :
« L’instrument EU-SILC est la source de référence européenne en matière de statistiques comparées sur la répartition des revenus et l’inclusion sociale au niveau européen. Il fournit deux types de données annuelles pour les pays de l’Union européenne, l’Islande et la Norvège :
- des données transversales concernant un moment donné ou une période donnée, avec des variables relatives au revenu, à la pauvreté, à l’exclusion sociale et à d’autres conditions de vie ;
- des données longitudinales concernant des évolutions dans le temps au niveau individuel, observées régulièrement sur une période de quatre ans.
L’EU-SILC se fonde sur l’idée d’un cadre commun et non plus d’une enquête commune. Le cadre commun définit les listes harmonisées de variables cibles primaires (annuelles) et secondaires (tous les quatre ans ou moins) à transmettre à Eurostat ; des lignes directrices et des procédures communes ; des concepts communs (p. ex. : ménage et revenu) ; et des classifications visant à assurer la plus grande comparabilité de l’information produite. »3
SILC se compose d'un tronc de questions commun à toute l'Europe, source principale de comparaisons, et d'une partie laissée à la discrétion de chaque institut national – celui-ci pouvant juger utile d’enquêter sur des éléments identifiés comme pertinents dans le contexte particulier de son pays.
Outre cette base de questions annuellement mise en œuvre, SILC développe aussi des modules ad hoc, partagés par l'ensemble des États membres. Ces focus permettent d'approfondir des dimensions particulièrement sensibles. Au nombre des thèmes déjà traités :
- La transmission intergénérationnelle de la pauvreté (2005) ;
- La participation sociale (2006) ;
- Les conditions de logement (2007) ;
- Le surendettement et l'exclusion financière (2008).
Notre analyse se concentrera sur l'étude des résultats de ce dernier module, et plus particulièrement sur la dimension « inclusion bancaire ».
L'inclusion bancaire selon SILC
Le questionnaire du module SILC 2008 a été construit pour collecter de l’information sur 38 variables, censées permettre une mesure du surendettement et de l'exclusion financière à travers l’Europe.
Eurostat a focalisé son étude sur les dimensions suivantes :
- l'accès à et l'usage d'un compte bancaire, y compris le découvert ;
- l'accès à et l'usage des cartes de crédit et des magasins ;
- le type d'usage des crédits et prêts ;
- les arriérés (estimation des volumes) ;
- les pertes de revenus et les évolutions prévues des revenus ;
- les raisons du non-usage d'un compte bancaire ;
- les raisons de non-usage du crédit (hors prêt hypothécaire).
Dans cette analyse dédiée à l'inclusion bancaire, nous nous concentrerons sur les dimensions 1 et 6. Nous passerons en revue et analyserons les variables qui y sont attachées. Dans une prochaine nous procéderons de même pour les dimensions relatives au crédit et au surendettement.
Avant d'entamer l'analyse des variables collectées, rappelons à toutes fins utiles que l'unité d'étude est le ménage. Ce n'est qu'à titre exceptionnel que, dans certains pays, il en a été autrement (p. ex. : au Royaume-Uni où, vu les pratiques significatives de colocation, un filtre supplémentaire a dû être aménagé).
SILC 2008 : un défi de taille
Compte tenu de la technicité du thème abordé et des différences observables sur les marchés nationaux en termes d'offre de produits et de services financiers, la mise en place d'une étude de variables comparables à grande échelle est véritablement un défi. Cette première collecte de données à l'échelon européen fait donc l'objet d'une importante évaluation (processus en cours). Les données sont-elles comparables ? Ont-elles donné lieu à des difficultés particulières dans certains pays ? Quelles sont les pistes de correction ? Les réponses à toutes ces questions sont encore en partie pendantes, et notre regard sur les données belges contribuera modestement à avancer de premiers éléments de réponse.
Les résultats SILC par variables
Accès à et usage d'un compte bancaire et des découverts en compte
1. le ménage dispose d'un compte courant en banque
Ce compte est défini comme un compte de dépôt qui permet une gestion quotidienne via des modes variés de paiement, qui permettent la « distribution » d'argent à d'autres. Parmi les éléments standards offerts, on trouve notamment les chèques, la possibilité de mettre en œuvre des ordres permanents, de faire des débits directs et des paiements par carte de débit.
Au niveau européen, la réponse la plus fréquente est « oui ». La moyenne EU est de 84 %.
La Belgique se situe au-dessus de cette moyenne européenne, avec un résultat de 99,11 % de « oui ». À titre de comparaison, on notera que seuls trois pays enregistrent « non » comme réponse majoritaire : la Bulgarie (84 %), la Grèce (73 %) et la Roumanie (77 %). On soulignera aussi le fait que, dans deux pays, le taux de « oui » est de 100 %: au Danemark et en Finlande.
Les résultats belges de SILC concordent avec les données publiées dans deux études4 mises en œuvre en vue, d'une part, de mesurer le niveau de l'exclusion bancaire en Belgique (RFA, 2001) et, d'autre part, d'évaluer une première fois l'impact de la loi instaurant un droit à un service bancaire de base (RFA, 2003). L'évaluation a été réalisée au travers d'une enquête menée auprès des CPAS quant à leur connaissance de personnes non bancarisées. Le niveau mesuré dans cette évaluation était estimé à moins de 1 % des personnes de plus de 18 ans.
2.Avez-vous ou toute autre personne de votre ménage a-t-elle un découvert sur un compte bancaire ?
Le ménage est en « négatif » sur un de ses comptes bancaires en raison de difficultés financières (et des charges d'intérêt y sont attachées). Ici, on ne vise donc pas les plans de paiement relatifs à un crédit, mais on a bien affaire à un découvert « non prévu ».
Au niveau européen, la réponse la plus fréquente est « non ». La moyenne est de 92 %.
La Belgique se situe légèrement en dessous de la moyenne européenne, avec un résultat de 90,4 % de « non ».
Deux pays se démarquent par un taux de « oui » très significatif : l'Allemagne (23 %) et la Slovaquie (26 %). Pour les autres pays, Belgique comprise, le taux de « oui » est partout inférieur à 17 %.
Il ne nous est pas possible de réaliser un test de cohérence de cette variable avec d'autres sources de données, car la seule donnée approchante n'est pas une donnée publique. Il s'agit en effet des dépassements non autorisés en compte courant qui sont enregistrés dans le fichier des « enregistrements non régis » tenu par la Centrale des crédits aux particuliers (CCP) de la Banque nationale belge (BNB), et alimenté et consultable par les seuls organismes membres.
3.Le montant total estimé en découvert sur les comptes courants des ménages, classé par intervalles.
Les découverts ont été regroupés en quatre intervalles, en proportion du revenu mensuel disponible des ménages. Les quatre tranches sont : « moins de 10 % », « entre 10 et 33 % », « entre 33 et 100 % », et « plus de 100 % du revenu disponible mensuel ».
Au niveau européen, la tranche la plus présente est « entre 10 et 33 % ». La moyenne y est de 30 %.
En revanche, en Belgique, la tranche la plus importante est celle des pourcentages inférieurs : 37 % ont un découvert de moins de 10 % du revenu disponible mensuel. Vient ensuite la seconde tranche, avec 32 %, puis la troisième, avec 23 % et enfin la quatrième, avec 7%.
Deux exemples contrastés, la Norvège, d'une part, qui force le trait de la situation belge, à savoir que les découverts en compte courant sont moins nombreux au fur et à mesure que les montants sont importants : tranche 1=52 %, tranche 2=27 %, tranche 3=11 %, tranche 4= 10 %. La situation la plus éloignée s'observe quant à elle en Italie, où l’on enregistre d'autant plus de découverts que les montants du revenu mensuel disponible sont élevés : tranche 1=8 %, tranche 2=16 %, tranche 3=28 %, tranche 4=47 %.
Les découverts non autorisés en compte courant ont toujours été un écran de fumée en Belgique du fait de la non-publicité des données traitées dans le « fichier des enregistrements non régis ». Les données collectées dans SILC 2008 lèvent un premier voile sur les proportions de ce phénomène et sur la profondeur de l'endettement qui en résulte. Si l'on compare la situation belge à celle observée en Italie, les problèmes semblent sous contrôle. En effet, dans 69 % des cas, l'endettement représente moins de 33 % du revenu disponible par mois. Il n'empêche que, pour un pays volontaire comme la Belgique en matière de prévention du surendettement, on peut s'étonner de ne pas figurer en tête des meilleurs de la classe européenne.
En outre, il n'est plus possible, sur la base de ces résultats, de considérer que ces découverts ne sont pas significatifs d'un endettement problématique, à tout le moins pour les 31 % de situations dans lesquelles l'endettement dépasse 33 % du revenu mensuel disponible.
Conclusion intermédiaire
L'inclusion bancaire est d'un excellent niveau en Belgique. Notre pays se fait toutefois voler la première place par d'autres pays, et ce malgré les dispositifs juridico-légaux mis en œuvre et leur relativement bonne évaluation. Les variables quant au non-usage d'un compte bancaire nous seront très utiles pour déterminer si les personnes qui ne détiennent pas de compte en banque en Belgique le vivent comme un choix personnel ou comme une situation subie.
En matière de découvert bancaire non régularisé, bien que la situation belge soit globalement satisfaisante, comparée à celle observée dans d'autres pays, il n'en demeure pas moins vrai que cette forme d'endettement est tout de même significative et lourde dans plus de 30 % des situations. C'est pourquoi nous soutenons l'idée de généraliser la collecte de cette information auprès de l'ensemble des opérateurs et d'intégrer cette dernière dans le fichier de la CCP.
Explications relatives à l'absence de compte bancaire
Il est heureux que le module SILC 2008 se soit intéressé aux raisons qui expliquent le non-usage d'un compte bancaire. Choix délibéré ou situation subie, le type de réponse est essentiel tant dans l'évaluation de la situation et des carences du marché, que dans d'évaluation de l'efficacité des dispositifs mis en place (à l'instar de la situation belge).
4. Le ménage n'a pas besoin d'un compte et préfère gérer en cash
Parmi les ménages sans compte en banque, la réponse la plus fréquente en Europe est « oui ». La moyenne est de 73 %.
Le « oui » est majoritaire dans tous les pays (dont la Belgique, avec 72,3 %), à l'exception de la France (14 %), de la République de Malte (34 %) et des Pays-Bas (40 %).
Un peu moins de trois quarts des personnes ne disposant pas de compte en Belgique déclarent avoir une préférence pour l'argent comptant. Cette donnée est encourageante dans la mesure où elle ne laisse pas transparaitre directement de « frustration ». S'il devait demeurer des questions, elles porteraient sur les raisons qui font qu'en effet on préfère gérer en cash. Est-ce vraiment plus pratique ? Plus discret ? Est-ce parce que le compte en banque nécessite des connaissances en lecture/écriture, en maîtrise d'une langue nationale ? Ce second niveau d'investigation pourrait être réservé à une enquête qualitative.
5. Car les charges sont trop élevées
Pour les ménages dont la non-détention de compte bancaire est subie, la réponse la plus fréquente en Europe est « non », avec une moyenne de 62 %.
En Belgique, le « non » atteint 69 %, alors qu'il est de 100 % en France, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Norvège.
Le « non » est minoritaire dans quelque pays : en Tchéquie (30 %), en Grèce (13 %), en Italie (21 %), à Chypre (44 %), en Hongrie (31 %) et en Slovaquie (14 %).
Le fait qu'en Belgique plus de 30 % des répondants qui déclarent désirer ouvrir un compte en banque le considèrent comme trop coûteux pour passer à l’acte pose question. Le service bancaire de base (SBB), qui est censé être proposé et disponible dans toutes les banques, peut difficilement être considéré comme affichant un coût dissuasif. Ceci nous conduit à postuler que, soit ce service n'est pas connu ni demandé en agence par ces personnes, qui dès lors se heurtent aux coûts habituels des comptes bancaires « traditionnels », soit ce coût, bien que modeste, est encore dissuasif pour une minorité. Les solutions iraient dès lors dans deux directions : d'un côté améliorer la publicité autour du SBB auprès du public en risque d'exclusion bancaire, et, de l'autre côté, tendre vers la gratuité totale du SBB.
6. ll n'y a pas d'agences bancaires là où vit ou habite le ménage
Pour les ménages dont la non-détention de compte bancaire est subie, la réponse la plus fréquente en Europe est « non », avec une moyenne de 86 %.
En Belgique, le « non » est supérieur à la moyenne européenne et atteint 93 %. S'il n'est pas tout à fait surprenant que 100 % de « non » aient été observés dans certains pays, on s'étonnera sans doute de la présence de certains d'entre eux dans la liste des États concernés: France, Chypre, Luxembourg, Pays-Bas, Islande et Norvège. La France et la Norvège comptent en effet sur leur territoire de vastes zones rurales susceptibles de poser des problèmes d'accès géographique, ce qui ne ressort pas des réponses obtenues. La question de la répartition géographique de l'échantillon est donc essentielle à ce stade pour pouvoir évaluer avec précision la qualité des résultats de cette variable. Le fait que la difficulté d'accès à une agence ait été dissuasive pour certains répondants dans leur volonté d'être bancarisé soulève plus de questions en Belgique qu'il n'apporte de pistes de solution. Un travail plus en profondeur serait en effet nécessaire, car, là encore, la question de la dissémination géographique de l'échantillon se pose.
7. Le ménage a souhaité ouvrir un compte et il se l'est vu refusé.
Pour les ménages dont la non-détention de compte bancaire est subie, la réponse la plus fréquente en Europe est « non », avec une moyenne de 89 %.
Le « non » atteint 100 % des réponses en Belgique, ainsi qu’en Estonie, à Chypre, en Islande ; et on est proche de 100 % en Tchéquie, en Lettonie et en Hongrie.
Le « oui » est véritablement significatif aux Pays-Bas (40 %), en Autriche (31 %) et en Norvège (24 %).
Les réponses belges corroborent l'idée que la législation en matière de SBB a été efficace. Si, au vu du point 5 relatif au coût, on peut douter que les banques présentent toutes à leurs nouveaux clients la possibilité d'ouvrir un SBB (dont précisément le coût est réduit), en revanche, elles ne semblent plus pratiquer de refus quand un client se présente.
8. La banque refuserait le client
Pour les ménages dont la non-détention de compte bancaire est subie, la réponse la plus fréquente en Europe est « non », avec une moyenne de 76 %.
Le « non » est majoritaire dans tous les pays à l'exception notable de la Belgique (37 %), de Chypre (40 %) et de la Lituanie (13 %). Trois pays atteignent 100 % de « non » : l'Estonie, l’Islande et la Norvège.
Cette variable est sans doute une des plus surprenantes, en tout cas pour la Belgique, compte tenu du dispositif légal existant. Elle amène à penser qu'il reste encore un effort significatif de publicité à faire autour du SBB, car ce dernier protège précisément les consommateurs d'un tel refus.
Conclusion
La mesure de l'inclusion bancaire, telle qu'elle a été mise en œuvre dans SILC 2008, au vu des variables qui ont été choisies et collectées, nous paraît extrêmement utile et pertinente pour mesurer la bancarisation en Europe.
Les zones d'ombre laissées en suspens à la suite des réponses obtenues sont globalement assez réduites. Elles permettent par ailleurs d'identifier avec précision les points qui mériteraient une investigation qualitative complémentaire dans l'un ou l'autre pays.
Si des questions techniques restent en suspens – choix des termes/concepts, comparabilité – et que la solidité peut encore être améliorée, il ne fait aucun doute que le module SILC 2008 occupe une place de choix dans l'évaluation des politiques publiques en matière d'inclusion bancaire.
Au niveau des données belges, les données collectées montrent une bonne cohérence. Elles invitent avant tout les autorités à améliorer la publicité du SBB auprès des publics les plus susceptibles d'y recourir et d'intégrer les découverts bancaires non autorisés dans la CCP. Ce dernier point est d'ailleurs en train d'être mis en place.
Olivier Jérusalmy
Février 2010
1BEUC-European Consumer Network (The)www.beuc.eu, EFIN – European Financial Inclusion Networkwww.fininc.eu, ECDN – European Consumer Debt Networkwww.ecdn.eu
2Loi du 24 mars 2003 (AR du 7 septembre 2003)
4Étude relative au service bancaire universel, réalisée en 2001 par le RÉSEAU FINANCEMENT ALTERNATIF à la demande de Monsieur le Ministre de l’Économie, qui avait permis de mettre en évidence que l’exclusion bancaire touchait en Belgique une population que l’on pouvait raisonnablement estimer à plusieurs dizaines de milliers de personnes, avec un seuil minimum de 40 000 personnes.
Évaluation de la loi du 24 mars 2003 (instaurant le service bancaire de base ainsi que son arrêté royal d’exécution du 7 septembre 2003 et qui visent à garantir, à toute personne qui a sa résidence principale en Belgique, le bénéfice de services bancaires déterminés grâce à l’ouverture d’un compte à vue.), le 1er septembre 2003, commanditée au RÉSEAU FINANCEMENT ALTERNATIF par Madame Freya Van den Bossche, Ministre en charge de la protection de la consommation.
Banking the Poor: Policies to Bring Low- and Moderate-Income Households in the United States into the Financial Mainstream
Italian Banks' Credit Approach Towards Low-Income Consumers and Microenterprises: Is There a Bias Against Some Segments of Customers?
Economic Growth and Financial Inclusion: the Case of Poland
The Role of German Savings Bank in Preventing Financial Exclusion
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