Financité Magazine n°28 : La dette dans tous ses États
La dette publique de A à Z p.4 - Annuler sa dette, bonne ou mauvaise idée ? p.8 - Pour une autre finance - Épargnez ensemble avec les CAF p.12 - Finance halal et solidaire ? p.14
La dette publique de A à Z p.4 - Annuler sa dette, bonne ou mauvaise idée ? p.8 - Pour une autre finance - Épargnez ensemble avec les CAF p.12 - Finance halal et solidaire ? p.14
Réponse à l'exclusion financière pour les uns, étape intermédiaire avant un retour aux services bancaires classiques pour les autres, étendard d'un mouvement coopératif au coeur du système financier, les Credit Unions font parler d'elles depuis de nombreuses années, que ce soit dans les pays où elles se développent ou ailleurs. Présentation de leurs caractéristiques, des principales leçons tirées du modèle britannique. Et si les Credit Unions étaient avant tout une source d'inspiration pour doper les pratiques d'épargne des moins nantis ?
À côté de la finance bancaire et des grandes institutions financières - dont l'efficacité et les risques systémiques qu'elles présentent sont parfois remis en cause - coexiste aussi une finance de proximité, de plus petite taille et organisée en « groupes d'épargne collective1 ». Comment les associations de ce secteur régissent-elles leurs activités et se prémunissent-elles contre le risque de défaut de paiement et contre le risque de perte de pouvoir d'achat lié à l'inflation ?
L'action sociale procède parfois à des expériences, au travers de projets pilotes, qui tentent, par une stratégie particulière, de vérifier l'efficacité de dispositifs innovants avant d'envisager une possible généralisation. Dans ces lignes, nous mettrons en évidence les dimensions propres à la thérapie brève présentes dans des expériences menées afin d'encourager les comportements d'épargne auprès de publics en situation précaire, et nous tenterons de dessiner les marges de succès que l'on peut en attendre
Si les régimes fiscaux favorables à la constitution d'épargne sont populaires et répandus dans de nombreux pays, force est de constater qu'ils sont moins efficaces auprès des ménages à revenus modestes. Divers projets menés notamment aux États-Unis, au Canada et au
Royaume-Uni soulignent l'opportunité de développer d'autres dispositifs d'incitation à l'épargne, afin de corriger cette inégalité. Ces
projets démontrent en effet qu'il existe aussi une réelle capacité d'épargne dans les familles dont les revenus sont faibles.
Le taux d'épargne des Belges, traditionnellement élevé et plutôt stable, aurait même tendance à augmenter en ces temps perçus comme particulièrement incertains. Mais nous nous interrogeons ici sur les pratiques d'épargne des personnes plus précaires. Bien que nous ne disposions pas de données primaires sur ce sujet, un faisceau d'informations tend à indiquer que les ménages aux revenus précaires, voire également les ménages aux revenus modestes, éprouvent de plus en plus de difficultés à épargner.
Le 30 mars 2006, les sénateurs Sabine de BETHUNE, Jan STEVERLYNCK, Étienne SCHOUPPE, Lionel VANDENBERGHE et Christian BROTCORNE ont déposé une proposition de loi instaurant une réduction d'impôt pour les participations sous la forme d'actions dans des fonds de développement du microfinancement dans les pays en développement et fixant les conditions d'agrément en tant que fonds de développement. Une proposition reprenant le même texte a été déposée à nouveau le 1er octobre 2007 par les sénateurs Sabine de BETHUNE, Wouter BEKE, Étienne SCHOUPPE, Els SCHELFHOUT et Elke TINDEMANS.
Cette proposition de loi vise à élargir le financement des fonds de développement qui investissent dans des institutions de microfinancement dans le Sud, par le biais de prêts, de participations en capital ou de garanties. Le but est de développer ce type de financement au moyen d'un incitant à créer, en vue d'encourager les particuliers à investir dans les fonds de développement en question. L'incitant consiste à accorder une réduction d'impôt aux particuliers qui prennent des participations dans ces fonds de développement ou qui leur consentent des prêts.
Les auteurs de la proposition se réfèrent à juste titre à des incitants similaires qui existent tant en Belgique qu'à l'étranger. Il est sans doute opportun de faire le point à ce propos.
Le Fonds Starters
La société Fonds Starters a pour objet de contribuer au financement des prêts réalisés par le Fonds de Participation en faveur de personnes physiques ou morales – y compris les demandeurs d'emploi inoccupés – désireuses de créer leur propre entreprise ou installées dans leur activité professionnelle depuis quatre ans au maximum.
Le Fonds de Participation a notamment développé à cet effet la Business Line "Microfinance" qui couvre les crédits octroyés aux demandeurs d'emploi et aux personnes n’ayant pas facilement accès au crédit bancaire classique pour le lancement de leur propre activité économique. Les partenaires du Fonds de participation dans cette Business Line sont des structures d'appui, reconnues et agréées par le Fonds, qui assurent un accompagnement professionnel aux bénéficiaires de ces crédits.
Dans ce cadre, trois produits sont développés par le Fonds de Participation :
Le Fonds de l'économie sociale et durable
Le Fonds de l'économie sociale et durable, constitué par la Société Fédérale d'Investissement conformément à la loi-programme du 8 avril 2003, a pour objet toute forme d’intervention, notamment des prises de participation ou prêts, au bénéfice d’activités relevant de l'économie sociale et durable. Au moins septante pour cent de ses moyens doivent être investis dans celle-ci.
Sont considérées comme relevant de l'économie sociale et durable les activités qui sont développées par une société commerciale ou par une association sans but lucratif et qui appliquent les principes de base suivants :
L'incitant fiscal
Les deux Fonds décrits ci-dessus offrent le même avantage fiscal à l'épargnant.
En cas de souscription d'obligations nominatives à 60 mois, il est accordé aux personnes physiques une réduction d’impôt pour les sommes versées pendant la période imposable pour leur acquisition.
La réduction d'impôt est égale à 5 % des paiements réellement effectués (soit un avantage fiscal à peu près équivalent à 1 % par an) et ne peut excéder 210 euros (actuellement 270 euros avec l'indexation) par période imposable. Chaque conjoint a droit à la réduction si les obligations sont émises à son nom propre.
En France, l'épargne solidaire est favorisée par trois mesures fiscales :
L'épargne solidaire bénéficiaire de ces deux dernières mesures est celle qui est dirigée vers des entreprises solidaires au sens de l’article L.443-3-1 du Code du travail.
Les fonds verts d'épargne et d'investissement ainsi que les fonds socio-éthiques d'investissement doivent investir ou prêter au moins 70 % de leur capital dans des projets respectivement verts ou socio-éthiques, agréés par les autorités pour une durée maximale de 10 ans.
Par projets verts, on entend par exemple :
Par projets socio-éthiques, on entend des projets dans les pays en voie de développement, qui, d’une manière significative, visent la sécurité et l’amélioration alimentaires, le développement social et culturel, le développement économique, l’emploi et le développement régional. Les projets ne peuvent avoir d’effet négatif sur le cadre social et environnemental et doivent être réalisés avec la participation des populations locales et l’aide des connaissances locales.
Depuis janvier 1995, la réglementation sur les fonds verts contient un incitant fiscal prévu dans la loi relative aux impôts sur les revenus. Depuis janvier 2002, un incitant identique a été créé pour les fonds socio-éthiques. Les épargnants de ces fonds ne doivent pas payer l’impôt sur le revenu mobilier (1,2 %) et leur impôt sur les revenus est réduit de 1,3 % du montant investi dans les fonds verts et socio-éthiques, soit au total un rendement complémentaire de 2,5 % par rapport au rendement habituel.
Le Finance Act 2002 a instauré un avantage fiscal, la « Community Investment Tax Relief » (CITR), qui vise à encourager l'investissement communautaire privé.
La CITR est une réduction d'impôt accordée aux citoyens à concurrence de 5 % du montant de leur investissement dans une Community Development Finance Institution (CDFI) agréée, et ce, chaque année pour une période de cinq ans.
Cette mesure, prise en faveur du développement local, vise à encourager les investissements privés dans les organisations, à but lucratif ou non, au sein des communautés défavorisées.
Pour être agréées, les CDFI doivent en effet avoir pour objectif principal de fournir (directement ou indirectement) des financements (prêts ou investissements), accompagnés ou non d’une activité de conseil, aux entreprises engagées dans les communautés défavorisées, c’est-à-dire :
La procédure d'agrément vise à garantir que seuls les investissements des particuliers dans des organisations qui travaillent effectivement à la promotion des entreprises au sein des communautés défavorisées donnent droit à cet avantage fiscal. Parmi les programmes que cette mesure vise à soutenir, figurent l’installation de nouveaux équipements, la rénovation de bâtiments, la création de nouveaux services, ou tout autre programme visant à revigorer les secteurs faibles et à créer un capital social et économique.
On le voit, les incitants fiscaux existants en Belgique et dans les pays voisins visent à favoriser certaines formes d'épargne solidaire, qu'elles soient conçues pour satisfaire les besoins de financement dans le Sud ou dans nos pays.
Ils s'inscrivent dans une démarche de soutien public à cette forme d'épargne qui intéresse des citoyens toujours plus nombreux. C'est dans cet esprit que Finansol (France), le Réseau Financement Alternatif (Belgique) et FEBEA (Fédération Européenne des banques Éthiques et Alternatives) se sont associés, fin 2005, pour mener, avec le soutien de la Commission européenne, un projet visant à favoriser le développement de la finance solidaire à une échelle internationale. D’autres institutions, qui financent l'économie sociale et solidaire, ont collaboré activement au projet et ont apporté leur expertise : Banca Popolare Etica (Italie), Bank für Sozialwirtschaft (Allemagne), Charity Bank (Royaume Uni), Colonya-Caixa Pollença (Espagne), Crédal (Belgique), Crédit Coopératif (France), Merkur Bank (Danemark).
Après une année de travail, ces organisations ont pu établir les bases pour :
Ce label européen de l'épargne solidaire sera lancé durant le premier semestre 2008. Il consacrera toute forme d'épargne et d'investissement socialement responsable qui vise à favoriser la cohésion sociale par le financement, grâce à un mécanisme de solidarité, d’activités de l'économie sociale et solidaire, et ce, dans une transparence totale à l’égard des souscripteurs.
En ce sens, les produits d'épargne labellisés financent des projets et des entreprises qui présentent une valeur ajoutée pour l'homme, la culture et/ou l'environnement.
La question essentielle que pose la proposition de loi est la suivante : pourquoi limiter l'incitant fiscal au financement des fonds de développement qui investissent dans des institutions de microfinancement dans le Sud ?
Le législateur a déjà prévu des incitants similaires pour des fonds publics qui, en Belgique, offrent du microcrédit ou financent l'économie sociale et durable. Des fonds de développement non publics qui, comme Crédal et Hefboom, ont une activité identique ne bénéficient pas, quant à eux, de ce soutien.
Dans leur mémorandum en vue des dernières élections fédérales, Netwerk Vlaanderen et le Réseau Financement Alternatif demandaient un avantage fiscal similaire à celui lié à l’investissement dans le Fonds de l’économie sociale et durable, à savoir une déduction de 5 % du capital souscrit avec un maximum de 250 euros pour :
Plus récemment, dans leurs propositions pour le gouvernement fédéral communiquées en décembre 2007, l'ensemble des financiers solidaires, qu'ils destinent leurs fonds au Sud ou à l'économie sociale belge – à savoir Alterfin, Crédal, Incofin, Hefboom, Netwerk Rentevrij, Oikocredit-be, Trividend et, au nom du secteur, le Réseau Financement Alternatif, SAW-B et VOSEC (Vlaams Overleg Sociale Economie) – demandaient des conditions concurrentielles égales aux initiatives publiques. En particulier sur le plan fiscal, le stimulant fiscal qui existe pour le Fonds de l'économie sociale et durable devrait être reconnu, selon ces organisations, pour les coopératives qui se chargent du financement solidaire de l'économie sociale ou pour les entreprises à finalité sociale et écologique.
La présente proposition de loi, si on élargissait sa portée, offrirait ainsi une double opportunité :
3-1649/1
S. 4-221
Art. 2. § 1er de l'arrêté royal du 16 mai 2003 déterminant les modalités de création de la filiale de financement du Fonds de Participation dénommée « Fonds Starters » visée à l'article 74, § 4, de la loi du 28 juillet 1992 portant des dispositions fiscales et financières, MB 12 juin 2003.
Articles 90 et s., M.B. 17 avril 2003, pages 19.436 et s. ; voir aussi l’arrêté royal du 3 mai 2003 portant exécution du chapitre 11 du titre IV de la loi-programme du 8 avril 2003 portant création du " Fonds de l'Économie sociale et durable ", M.B. 9 mai 2003, 2e éd., pages 25.328 et s.
Loi du 26 juin 2001 approuvant l'accord de coopération du 4 juillet 2000 entre l'État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne, la Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté germanophone relatif à l'économie sociale, M.B., 28 août 2001, 1e éd., p. 28.684.
Chapter 23, schedule 16, Section 57, http://www.uk-legislation.hmso.gov.uk/acts/acts2002/20023-al.htm#sch36.
Netwerk Vlaanderen, Réseau Financement Alternatif, Le rôle des pouvoirs publics en matière d'investissement socialement responsable, mai 2007, http://rfa.be/files/04fr.pdf
Il est question de créer des incitants pour les investissements en faveur du microcrédit dans le Sud. Et si on élargissait cette mesure à toute l'épargne solidaire ?