La première étude du Réseau Financement Alternatif (RFA), réalisée avec TPF-Econoler en 2006, portait sur les modalités de mise en oeuvre d’un mécanisme de tiers investisseur et d’autres formules de financement. Elle a tout d’abord montré la nécessité de faciliter l’accès à des audits énergétiques subsidiés comme outils d’aide à la décision. Cette étape préalable s’avère indispensable pour se convaincre de l’intérêt économique de réaliser un investissement
et pour identifier les interventions prioritaires à réaliser. Deuxième nécessité : offrir des informations pratiques sur la rentabilité et le financement des investissements visant la performance énergétique des bâtiments (PEB) via un service de « facilitateur » ou agence énergie spécifique. Indispensable également : prévoir des incitants directs en faveur des modes de financement des investissements PEB, par exemple en créant un fonds de garantie.
Les recommandations générales du RFA s’accompagnaient d’accents particuliers selon les publics visés. Il est apparu clairement que des mesures spécifiques sont nécessaires pour chacun de ceux-ci, selon qu’il s’agit de personnes physiques et morales privées, de communes ou de tertiaire privé/public et de sociétés de logement collectif. Pour les personnes physiques et morales privées, il était notamment proposé de créer un fonds de garantie pour des prêts accordés à des groupes cibles défavorisés, pour des prêts accordés à tous les particuliers,
pour des prêts accordés aux locataires, pour des « Energy Service Companies » (ESCo) (2) ou pour tout projet l’investissement en PEB.
À la suite de cette première étude, la Région a décidé de focaliser son attention sur les logements détenus par des particuliers. Certes, ceux-ci ont droit aux primes énergie de la Région de Bruxelles-Capitale (précisions p.8-9), mais certains publics défavorisés sans épargne ou manquant de trésorerie sont incapables de financer leurs travaux et de préfinancer les primes énergie. Une deuxième étude fut terminée début 2008, qui visait à élaborer une structure et un mode opératoire d’intervention de la Région en faveur du financement des investissements PEB pour les logements détenus par des personnes physiques.
Pour ce type de projets, démocratiser l’usage d’audits énergétiques et faciliter l’octroi de subsides/primes en faveur de ces audits est une étape préalable indispensable (décisions d’investissement, normes techniques…). Il faut aussi assurer l’offre d’informations pratiques
sur la rentabilité et le financement des investissements en PEB. Mais le nerf de la guerre, c’est l’argent. C’est pourquoi il faut inciter plus directement le financement des travaux. Cela peut passer par la création d’un
fonds de garantie pour favoriser la formule du tiers investisseur. Celle-ci est sans nul doute intéressante pour les investissements en PEB. Mais vu l’importance et le coût de la procédure et de la conception des contrats à mettre
en place entre les parties concernées, le tiers investisseur s’adresse davantage aux projets de grande envergure : bâtiments publics, tels qu’écoles et maisons communales, entreprises… De petits investissements induisant des économies d’énergie faibles en valeur absolue, comme pour les logements détenus par des personnes physiques, sont dès lors peu attrayants – tant du point de vue du tiers investisseur, que de celui du client.
Un fonds de garantie peut également réduire le risque dans le cas d’un emprunt classique et ainsi limiter les intérêts qui sont demandés par un organisme prêteur et qui sont notamment destinés à couvrir ce risque. Ces
pistes ont été examinées, mais finalement le mécanisme du prêt à taux réduit pour le financement des investissements PEB pour les logements détenus par des personnes physiques leur a été préféré par les autorités
bruxelloises. De quoi s’agit-il ?
Le système de primes énergie connaît en Région de Bruxelles capitale un succès croissant : le budget y afférent est passé de 1 à 14 millions € entre 2004 et 2009 et 10 % des ménages bruxellois en ont bénéficié jusqu’à présent. Pour renforcer son rôle d’entraînement, l’idée a germé de le lier à un mécanisme
financier tel qu’un prêt co-bonifié à taux réduit, voire à 0 %, pour sensibiliser un public encore plus large à la question des économies d’énergie, par exemple via un réseau d’agences bancaires. Atout pour les particuliers
: un mécanisme simple, permettant de disposer des fonds au moment de la réalisation des travaux, à un taux d’intérêt bonifié qui rend le remboursement de l’investissement moins lourd. La combinaison des primes et réductions d’impôts rend le temps de retour sur investissement déjà attractif pour les ménages. Y associer un prêt co-bonifié résout le problème du préfinancement, surtout pour les ménages à revenus modestes, et permet de rentabiliser l’investissement en PEB dans des délais courts.
Si l’on veut schématiser, les intérêts payés pour un emprunt couvrent le risque encouru par le prêteur, ses frais ainsi que le loyer de l’argent qu’il doit lui-même trouver, ce qui lui permet, au passage, de dégager un bénéfice. Pour favoriser le financement des investissements
PEB, les autorités publiques bruxelloises étaient donc prêtes à prendre une partie de ces intérêts en charge si, en retour, les prêteurs, banques ou autres, offraient un prêt sans intérêt ou à intérêt très bas. Dans cette logique, le secteur financier devait également faire un effort. En dépit du fait que la procédure administrative imaginée pour le traitement de telles demandes avait été simplifiée autant que possible, pour réduire les frais de traitement, le secteur financier ne s’est pas résolu à accepter le partenariat proposé fin 2007 par la Région de Bruxelles-Capitale.
Au contraire de ce qui se passe dans le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, le prêt à taux zéro pour un large public n’a pas encore pu être mis en oeuvre à Bruxelles, suite aux réticences des banques.
D’autres recommandations de l’étude ont heureusement pu être mises en oeuvre. Elles concernent les ménages à revenus modestes, pour lesquels il est impératif de procéder à un examen approfondi et personnel de la situation du demandeur de prêt et d’offrir à celui-ci un accompagnement approprié. Cet accompagnement doit porter tant sur la gestion de son budget et le remboursement de son prêt que sur le comportement à adopter pour pouvoir bénéficier du potentiel d’économie d’énergie généré par les travaux PEB entrepris. En effet, plus les revenus du bénéficiaire du prêt sont
limités, plus le risque est grand de voir la personne plonger dans le surendettement si l’effort financier supplémentaire n’engendre pas l’effet escompté d’économie d’énergie et donc d’économie financière.
Il était donc indiqué de faire appel à un dispensateur de crédit spécialisé dans l’octroi de financements à cette catégorie de personnes, qui a déjà pu développer le know-how, les outils et les procédures spécifiques en matière
d’octroi et de suivi des prêts. Un organisme de finance solidaire, Crédal, a accepté la proposition de la Région et offre ainsi depuis septembre 2008 des prêts à taux zéro aux ménages à revenus modestes. (cf. pp. 8-9). Enfin, comme souvent, le diable se cache dans les détails, qui sont trop longs pour être développés ici, mais qui méritent une attention accrue pour que les mécanismes envisagés puissent offrir de bons résultats. Ils concernent notamment les propriétaires non occupants qui n’ont – a priori – pas intérêt à investir dans des travaux pour voir le
locataire faire des économies d’énergie. Sans oublier le locataire contraint de faire des travaux dans un bien qui ne lui appartient pas pour réduire sa consommation énergétique, ou encore le copropriétaire qui doit, pour certains travaux, obtenir une décision de l’association des copropriétaires. Que l’on se rassure, à chaque situation correspondent des solutions adéquates pour permettre une meilleure performance énergétique des bâtiments.