Les promesses trompeuses de l'investissement socialement responsable
Le label ISR est censé distinguer des placements respectueux de l'homme et de sa planète, ce qui est loin d'être garanti
Le label ISR est censé distinguer des placements respectueux de l'homme et de sa planète, ce qui est loin d'être garanti
La liste de la cinquantaine de membres de la plateforme sur la finance durable, instance chargée de conseiller la Commission "sur les initiatives politiques et règlementaires sur la finance durable et plus particulièrement la mise en œuvre de la taxonomie", a été dévoilée le 1er octobre. La sélection effectuée parmi plus de 500 candidatures est un subtil équilibre à l’européenne entre nationalités, genres, représentants de l’industrie, de la finance et des ONG sans oublier les expertises sur la finance durable et les technologies environnementales (voir tableau).
Premier phénomène frappant : le nombre très important de représentants de l’industrie à travers une douzaine d’associations de lobbying sectoriels auxquels s’ajoutent les représentants d’Airbus, le constructeur d’avion européen, d’Iberdrola et de E.On, deux énergéticiens. Ce choix répond vraisemblablement au feu nourri de critiques provenant de l’industrie, auquel Bruxelles a été soumis depuis la publication du référentiel de la taxonomie. Mais on peut s’interroger sur la capacité que pourrait avoir ces acteurs à freiner le déploiement d’un référentiel qui a privilégié une définition exigeante des éco activités pour coller aux objectifs environnementaux de l’Union Européenne plutôt qu’une amélioration progressive des techniques existantes.
Autre phénomène frappant, le petit nombre de praticiens de la finance durable présents sur la plateforme. Elles viennent du TEG, comme l’espagnole Helena Viñes Fiestas qui représentera BNP Paribas ou la néerlandaise Brenda Kramer du fonds de pension PGGM. Trois français figurent aussi dans cette catégorie, dont Stéphane Voisin, ancien directeur de recherche ISR chez un broker, qui représente l'Institut Louis Bachelier affilié à Paris Europlace, dont il coordonne le programme de recherche sur la "finance verte et durable". Et deux représentants d'ONG : Thierry Philipponnat pour Finance Watch, qui est aussi le président de la Commission Finance et climat de l’AMF, et Sébastien Godinot qui représentera le WWF et travaille sur la finance durable depuis une quinzaine d’années.
Les autres ONG sont plutôt spécialisées sur un aspect spécifique de la protection de l’environnement. Agent Green, ONG roumaine, travaille sur la déforestation, la fondation Ellen Mac Arthur sur l’économie circulaire, European Water Association sur tout ce qui touche à la protection et la régulation de l’eau. Fait notable, l’ONG suédoise ChemSec qui bataille pour un meilleur respect de la règlementation REACH sur la toxicité chimique est invitée à participer. Les consommateurs, eux, seront représentés par le BEUC.
Dernier fait marquant : la plateforme compte un membre du groupe d’experts de haut niveau auteur du rapport publié en janvier 2018 qui a donné le coup d’envoi de tout le dispositif européen. Il s’agit Sean Kidney, fondateur de Climate Bonds Initiative. Elle sera par ailleurs présidée par Nathan Fabian, directeur des investissements responsables des PRI (Principles for Responsible Investment), qui était observateur du HLEG et qui a porté et piloté les travaux sur la taxonomie au sein du TEG. ■
La Commission Européenne a mis fin aujourd’hui à un suspense de plusieurs semaines en publiant la liste des membres qui vont siéger pendant les deux prochaines années au sein de sa future plateforme sur la finance durable. Elle a modifié en profondeur le profil de la structure qui va succéder au Groupe Technique d’Experts (TEG) : les lobbys industriels y sont beaucoup plus nombreux que les spécialistes de la finance durable.
Le rapport “Allô Bercy” est le premier chapitre publié de CAC40 : le véritable bilan annuel, édition 2020, publication annuelle de l’Observatoire des multinationales. Ici, l'Observatoire met en évidence les multiples sources d’aides publiques directes et indirectes dont bénéficient les grands groupes français depuis le début de la pandémie de COVID-19.
L’investissement d’impact, du capital patient au service de la transformation écologique et social.
715 milliards de dollars / plus de 600 milliards d’euros[1]: tel est le montant que représentent aujourd’hui les investissements d’impact (dont environ 250 milliards pour les obligations environnementales et durables, qui financeront en partie le volet vert du plan Next Generation EU). Cette somme et ces chiffres peuvent impressionner d’autant plus qu’ils s’ajoutent aux investissements colossaux déjà consentis par les États et les institutions publiques pour lutter contre le réchauffement climatiques (100 milliards d’euros par an sur 10 ans prévu par le pacte vert de l’UE).
Né lors du krach financier de 2007, l’investissement d’impact pourrait prendre une nouvelle ampleur à la faveur de cette crise inédite liée à la pandémie de la Covid-19. Dans « le monde d’après » durement touché par la récession, une finance avec des valeurs, qui chercherait à créer des impacts humains, sociaux et écologiques positifs semble plus que jamais nécessaire pour lutter contre la pauvreté, conduire la transition énergétique, réduire les inégalités, répondre aux nouveaux besoins de santé. Le principe est simple : Investir dans des projets de transformation, qui auront un impact positif en acceptant le plus souvent un retour financier moindre. C’est par exemple le cas lors des émissions d’obligations vertes.
Bien plus ambitieux et exigeant que la « finance soutenable ou durable », l’investissement d’impact revient justement à considérer la finance comme un outil de développement pour la société et non simplement comme un moyen d’enrichissement individuel. Si ce terme bénéficie aujourd’hui d’un engouement certain, il peut connaître aussi certaine limite notamment dans la mesure de l’impact (qu’est-ce qu’un impact réellement positif ?) mais aussi la tendance inhérente au secteur privé à se concentrer sur les activités à impact positif qui seraient les plus profitables. L’investissement d’impact, malgré sa puissance, ne remplace pas l’action et le financement étatique, mais doit plutôt les compléter, les amplifier.
Qu’est-ce que l’investissement d’impact ?
Le terme d’investissement d’impact (« impact investing ») est apparu pour la première fois en 2007, lors de l’éclatement de la bulle des subprimes et du déclenchement de la violente crise financière qui s’ensuivit. Au cours d’une rencontre d’investisseurs (dont notamment des gestionnaires de JP Morgan) organisée par la fondation Rockefeller en Italie, fut ainsi émise l’idée d’une finance permettant de générer des impacts sociaux et environnementaux positifs tout en permettant un retour sur investissement ou au minimum une conservation du capital.
L’avènement de l’expression « impact investing » correspond ainsi à un moment clé où la finance, avec la titrisation des dettes et l’activisme débridé des fonds spéculatifs, subit l’opprobre publique. Dans ce contexte, la notion d’une finance alternative, aux effets positifs ne peut que séduire. Dans un monde où l’ambition des Etats n’était pas encore au rendez-vous, l’investissement d’impact permet d’orienter les marchés afin de corriger des dysfonctionnements, d’utiliser leur puissance pour aider à construire une nouvelle économie. Le rapport de recherche co-rédigé JP Morgan, la Rockefeller foundation et le Giin (Global Impact Investing Network) publié en 2010 pose ce principe dès son introduction.
« In a world where government resources and charitable donations are insufficient to address the world’s social problems, impact investing offers a new alternative for channeling large-scale private capital for social benefit. With increasing numbers of investors rejecting the notion that they face a binary choice between investing for maximum risk-adjusted returns or donating for social purpose, the impact investment market is now at a significant turning point as it enters the mainstream[2]. »
L’idée que la « finance » peut servir le « bien commun » n’est certes pas nouvelle: des banques coopératives ont soutenu des agriculteurs ou des artisans, pour des raisons sociales et économiques dès le XIXème siècle. De même, au sortir de la guerre, l’habitat populaire constitue un autre exemple d’investissement social et rentable durablement. L’émergence du mot « impact » au lendemain d’une crise financière génératrice d’une crise économique signe à la fois la prise de conscience du rôle de plus en plus important que va et peut jouer la finance ainsi que la volonté claire de structurer des initiatives jusque-là plutôt disparates.
L’investissement d’impact ne doit pas être confondu avec l’ISR (Investissement Socialement responsable) qui pèse presque 35 fois plus (25 000 milliards de dollar d’encours). Ce dernier exclut de financer des entreprises ou des secteurs qui ont des impacts négatifs sur l'environnement et ou sur la société, voire au contraire oriente ses flux de capitaux vers les structures et les activités qui agissent le mieux en termes de critères ESG (Environnemental, Social et Gouvernance). L’ISR concerne ainsi principalement des entreprises cotées qui certes, limitent leur externalités négatives, mais développent néanmoins des activités commerciales classiques. Il ne cherche pas à investir dans des projets qui s'engagent pour préserver l’environnement ou pour améliorer la société. Là réside la différence avec l’investissement d’impact, qui vise expressément cet impact positif. Il faut également garder à l’esprit que l’investissement d’impact se distingue de la philanthropie (ou du mécénat d’entreprise) qui, certes cherche à produire un impact positif, mais qui n’a pas d’objectifs de retour financier direct.
L’investissement d’impact cible en premier lieu des entreprises, des infrastructures, des organisations ou des fonds afin générer un rendement financier (au minimum la conservation du capital) et un impact social, environnemental important et positif, qui s’aligne sur les valeurs personnelles de l’investisseur. Il peut concerner toutes les classes d’actifs en particulier la dette (la plus large partie des investissements, environ un tiers) à travers notamment les obligations vertes (green bonds) et les obligations durables, le private equity et même les actifs réels, dans des domaines aussi variés que l‘environnement, l’énergie, la santé, l’agriculture, l’eau, l’éducation, la microfinance ou l’entrepreneuriat, dans tous les secteurs géographiques. Les obligations vertes (ou environnementales) représentent aujourd’hui l’un des segments d’investissement qui connaît la plus forte croissance (près de 40%, deux fois plus rapidement que l’ensemble des investissements d’impact). Euronext et la bourse de Paris se positionne d’ailleurs comme un des leaders avec 44 000 green bonds côtés représentant 118 milliards de dollars (+ 40 milliards de dollars en un an)[3].
L’impact investing est une notion qui se construit à l’opposé de la spéculation financière. On parle ainsi de capital-patient, une stratégie d’investissement orientée sur la création de valeur et de croissance pérenne. Il se situe donc dans une perspective de long-terme, notamment pour pouvoir générer cet impact positif et ce rendement, puis d’en rendre compte de manière transparente à l’investisseur. Dans le contexte actuel de prise de conscience des crises environnementales et sociales tout comme du nouveau rôle sociétal des acteurs privés, cette stratégie d’investissement a connu une croissance très rapide de l’ordre de 17% par an, ces 3 dernières années, d’après le GIIN. 50 milliards de dollars ont été investis en 2019 dans 11 000 projets d’impact.
Le retour sur investissement
L’investissement d’impact peut impliquer un retour moins fort que celui d’investissement plus classique. Ce rendement réduit est accepté en échange justement d’un impact environnemental ou social positif important que l’organisation financée réalise avec le capital de l’investisseur. On parle de concessions:
« Some impact investors intentionally target below-market returns in order to achieve a specific type of impact, create a bridge between philanthropy and conventional investing, or catalyze other capital[4].»
Ce type d’investissement “à concessions” est le fait de fondations (par exemple la « Bill & Melinda Gates Foundation ou la Fondation Grameen – Crédit Agricole), de banques ou d’agences de développement (“DFI” Development Financial Institutions” par exemple l’AFD (Agence Française de Developpement) ou la BEI (Banque Européenne d’Investissement). Il peut concerner également des investisseurs privés qui voudrait “verdir” leur image, disposer d’une ligne “socialement responsable” ou compenser un impact négatif.
D’autres investissements d’impact conservent néanmoins un double objectif de résultat : ils doivent avoir cet impact environnemental ou social sans néanmoins de concession financière. Dans l’étude réalisée pour le GIIN en novembre 2017 « Evidence on the Financial Performance of Impact Investments[5] », Abhilash Mudaliar et Rachel Bass démontrent néanmoins certains fonds privés peuvent obtenir des résultats financiers tout aussi compétitifs que ceux des fonds conventionnels
« Impact investors seeking market rate returns can achieve them. Across various strategies and asset classes, top quartile funds seeking market-rate returns perform at similar levels to peers in conventional markets. In many cases, median performance is also quite similar. »
Il faut noter enfin l’existence de contrats à impact social (ou obligations à impact social). Leur principe repose sur un accord entre pouvoirs publics, financeurs, organisme évaluateur et opérateur de terrain pour mettre en place une action sociale précise. Les quatre parties s'entendent sur un objectif de résultat, qui peut être social ou financier. En fait, l’investisseur finance un projet social et prend une plus grande partie du risque associé au projet. Si l'objectif est atteint, l'investisseur perçoit les intérêts, si l’objectif est dépassé, la rémunération est bonifiée, s’il n'est pas atteint, l'investisseur ne bénéficie pas d’un retour et perd son investissement. Ces instruments sont destinés à financer des programmes à vocation sociale et implique le milieu associatif. En France, l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative Économique) qui propose microcrédit et accompagnements pour développer une activité est la seule association à avoir bénéficié de ces contrats. Aux États-Unis, Goldman Sachs a été fortement critiqué pour des CIS destinés à financer des écoles, dont les objectifs (des tests scolaires) étaient soupçonnés d’être biaisés.
L’investissement d’impact repose ainsi sur l’idée que le marché peut corriger des dysfonctionnements et appuyer l’action publique, en adoptant une démarche vertueuse, qui génèrera un impact positif. Reste qu’il faut être capable de définir et d’évaluer cet impact, dans sa réalité et dans sa durabilité.
Un référentiel : les objectifs du développement durable
L’investissement d’impact s’appuie notamment sur les 17 objectifs de développement durable[6] (ODD) adoptés par l’ONU à atteindre avant 2030 comme l’éradication de la pauvreté, « la faim zéro », la santé pour tous, l’égalité hommes / femmes, l’éducation de qualité, l’énergie propre et abordable, la lutte contre le changement climatique, la consommation durable ou la paix. Pour atteindre ces objectifs, le financement nécessaire est estimé à 2500 milliards de dollars ! Face à ces besoins considérables, ces objectifs semblent d’ores et déjà hors de portée pour 2030, mais il apparaît évident que le secteur privé et la société civile ont un rôle à jouer, à côté des pouvoirs publics, dans l’investissement. C’est dans ce contexte qu’une autre notion est venue compléter le secteur de l’investissement d’impact : le financement mixte (ou blended finance) qui permet de joindre financement public et privé dans des investissement commun à destination des marchés émergents, afin de maximiser l’impact positif sur le terrain et d’obtenir un effet de levier particulièrement important. Cette idée développée par le World Economic Forum suscite le plus vif enthousiasme dans le secteur de la finance d’impact. Elle se heurte néanmoins à certaines difficultés très techniques comme la structuration de ces fonds ou l’alignement des objectifs.
La délicate question de la mesure d’impact
Si ce type d’investissement vise intentionnellement à obtenir un impact positif, encore faut-il être capable de le déterminer précisément : qu’est-ce concrètement qu’un impact positif ? Comment d’ailleurs l’évaluer réellement et comment mesurer précisément cet impact ?
Il faut en effet reconnaître que la notion d’impact positif demeure assez ambivalente : quel est l’impact réel d’un fonds qui financerait une société proposant des panneaux solaires pour l’éclairage de maisons en Afrique ? Quantifier certains effets en termes de réduction d’émission de CO2 semble relativement aisé. On détermine les quantités de CO2 économisées grâce à l’activité de l’entreprise, qu’on valoriserait alors par le prix de la tonne carbone. Sauf que l’impact dépend aussi du prix et du mode de commercialisation (location, crédit) de cette technologie, des publics visés. De même, des panneaux fabriqués en Chine puis transportés par cargo, d’une piètre qualité qui ne permettrait pas une durée d’utilisation très longue aurait un impact carbone finalement négatif, bien qu’à première vue une telle initiative pourrait sembler pourtant positive… Dans le même ordre d’idée, comment mesurer l’impact d’un centre de soin par-delà le nombre de patients et mesurer la qualité réelle de soin, l’apport à la communauté ? Comment évaluer la microfinance qui prête certes à des entrepreneurs qui pourront alors exercer une activité ? Quelles sont les conditions de prêt et quelle qualité de vie est obtenue avec l’exercice de l’activité ?
La méthode la plus simple consisterait alors à commander des recherches et des audits : encore faut-il être capable de définir des normes et de collecter des données fiables de mesure quantitatives ESG (environnemental, sociale, gouvernance)… Des organisations indépendantes comme le GIIN (Global Impact Investing Network) mais également des institutions publiques comme l’OCDE tentent d’améliorer le processus de mesure de l’impact, d’autant plus qu’il peut être difficile d’effectuer des comparaisons entre les différents véhicules d’investissement qui utilisent des normes de reporting différentes.
« L'OCDE a proposé de définir l'investissement à impact social comme ciblant les principaux domaines sociaux, environnementaux et de développement qui aident les personnes et les pays qui en ont le plus besoin dans les régions mal desservies ou en développement, et de préciser que l'accent doit être mis en priorité sur la réalisation d'un impact mesurable. Toutefois, aucune définition de ce genre n'est appliquée universellement, et il y a peu de rigueur dans l'établissement des limites de ce qui devrait être considéré comme un investissement à impact. Il manque également des données et des outils d'évaluation comparables à l'échelle internationale[7]. »
Un investissement en plein développement
Malgré cette quantification difficile de ses effets réels, l’investissement d’impact est devenu un terme à la mode, une stratégie tendance avec un aspect fort d’image pour l’investisseur[8]. Cette stratégie est ainsi porteuse d’une intentionnalité, celle de mettre ou de remettre le marché au service de la société, de sortir de l’investissement axé uniquement sur la spéculation ou le profit à court-terme, pour redonner du sens à la finance.
De plus en plus d’entreprises ou d’institutions ont ainsi recours à l’impact investing. Début septembre, l'opérateur Orange a réussi sa première émission d'obligations durables d'un montant de 500 millions d'euros (plus de cinq fois sursouscrite). 60% des fonds seront consacrés à « des projets relatifs à l'efficacité énergétique et à l'économie circulaire », le reste étant dédié à « des projets d'inclusion numérique et sociale ». A la même période, Icade, la foncière de la Caisse des dépôts, a levé pour 600 millions d’euros d’obligations sociales (sursouscrites 10 fois), pour financer ses activités de santé. Dans le même ordre d’idée, des municipalités américaines ont récemment emprunté pour construire une usine de méthanisation, qui permettra ensuite aux camions poubelles de la zone urbaine de rouler au gaz…
Développé au moment où les taux d’intérêt étaient plus élevés, l’impact investing n’en demeure pas moins un outil de financement utile malgré un contexte où l’argent est devenu bon marché. Il permet en effet à des secteurs qui bénéficient d’une faible visibilité auprès des investisseurs d’accéder à des sources nouvelles et importantes de capitaux, notamment les entreprises sociales, celles de l’économie circulaire, certaines start-up dans des pays en voie de développement, des structures financières actives dans la microfinance, des institutions éducatives ou sanitaires.
La définition de l’impact investing reposant avant tout sur l’intentionnalité et sur l’impact positif permet aujourd’hui de couvrir un large spectre de financement. Dans ce sens, un fonds d’investissement qui entrerait au capital d’une entreprise, qui se projetterait sur le temps long et la valeur à long terme (tout le contraire des fonds capitalistes qui cherche à maximiser leur ROI par la revente, la découpe ou les licenciements) financerait en fait l’économie réelle et aurait un impact positif. Dans le même ordre d’idée, des projets de LBO social ont émergé, permettant au fonds acquéreur d’associer les salariés en leur accordant des parts et en transformant l’entreprise en coopérative. Dans ce modèle, l’investisseur sacrifie le retour le plus élevé mais bénéficie du plein engagement du personnel et crée de même un impact positif en termes d’emploi. La réponse à la financiarisation de l’économie, considérée comme l’une des dérives les plus négatives pour la société, ne passe peut-être pas forcément par moins de finance, mais plutôt par une finance mieux-disante, impactante dans laquelle l’Etat aurait pleinement un rôle d’incitateur à travers par exemple la régulation et la fiscalité. C’est tout le débat qui s’ouvrira dans les prochaines années avec l’essor de la finance d’impact.
L’investissement d’impact, du capital patient au service de la transformation écologique et social.
715 milliards de dollars / plus de 600 milliards d’euros[1]: tel est le montant que représentent aujourd’hui les investissements d’impact (dont environ 250 milliards pour les obligations environnementales et durables, qui financeront en partie le volet vert du plan Next Generation EU). Cette somme et ces chiffres peuvent impressionner d’autant plus qu’ils s’ajoutent aux investissements colossaux déjà consentis par les États et les institutions publiques pour lutter contre le réchauffement climatiques (100 milliards d’euros par an sur 10 ans prévu par le pacte vert de l’UE).
Né lors du krach financier de 2007, l’investissement d’impact pourrait prendre une nouvelle ampleur à la faveur de cette crise inédite liée à la pandémie de la Covid-19. Dans « le monde d’après » durement touché par la récession, une finance avec des valeurs, qui chercherait à créer des impacts humains, sociaux et écologiques positifs semble plus que jamais nécessaire pour lutter contre la pauvreté, conduire la transition énergétique, réduire les inégalités, répondre aux nouveaux besoins de santé. Le principe est simple : Investir dans des projets de transformation, qui auront un impact positif en acceptant le plus souvent un retour financier moindre. C’est par exemple le cas lors des émissions d’obligations vertes.
Bien plus ambitieux et exigeant que la « finance soutenable ou durable », l’investissement d’impact revient justement à considérer la finance comme un outil de développement pour la société et non simplement comme un moyen d’enrichissement individuel. Si ce terme bénéficie aujourd’hui d’un engouement certain, il peut connaître aussi certaine limite notamment dans la mesure de l’impact (qu’est-ce qu’un impact réellement positif ?) mais aussi la tendance inhérente au secteur privé à se concentrer sur les activités à impact positif qui seraient les plus profitables. L’investissement d’impact, malgré sa puissance, ne remplace pas l’action et le financement étatique, mais doit plutôt les compléter, les amplifier.
Qu’est-ce que l’investissement d’impact ?
Le terme d’investissement d’impact (« impact investing ») est apparu pour la première fois en 2007, lors de l’éclatement de la bulle des subprimes et du déclenchement de la violente crise financière qui s’ensuivit. Au cours d’une rencontre d’investisseurs (dont notamment des gestionnaires de JP Morgan) organisée par la fondation Rockefeller en Italie, fut ainsi émise l’idée d’une finance permettant de générer des impacts sociaux et environnementaux positifs tout en permettant un retour sur investissement ou au minimum une conservation du capital.
L’avènement de l’expression « impact investing » correspond ainsi à un moment clé où la finance, avec la titrisation des dettes et l’activisme débridé des fonds spéculatifs, subit l’opprobre publique. Dans ce contexte, la notion d’une finance alternative, aux effets positifs ne peut que séduire. Dans un monde où l’ambition des Etats n’était pas encore au rendez-vous, l’investissement d’impact permet d’orienter les marchés afin de corriger des dysfonctionnements, d’utiliser leur puissance pour aider à construire une nouvelle économie. Le rapport de recherche co-rédigé JP Morgan, la Rockefeller foundation et le Giin (Global Impact Investing Network) publié en 2010 pose ce principe dès son introduction.
« In a world where government resources and charitable donations are insufficient to address the world’s social problems, impact investing offers a new alternative for channeling large-scale private capital for social benefit. With increasing numbers of investors rejecting the notion that they face a binary choice between investing for maximum risk-adjusted returns or donating for social purpose, the impact investment market is now at a significant turning point as it enters the mainstream[2]. »
L’idée que la « finance » peut servir le « bien commun » n’est certes pas nouvelle: des banques coopératives ont soutenu des agriculteurs ou des artisans, pour des raisons sociales et économiques dès le XIXème siècle. De même, au sortir de la guerre, l’habitat populaire constitue un autre exemple d’investissement social et rentable durablement. L’émergence du mot « impact » au lendemain d’une crise financière génératrice d’une crise économique signe à la fois la prise de conscience du rôle de plus en plus important que va et peut jouer la finance ainsi que la volonté claire de structurer des initiatives jusque-là plutôt disparates.
L’investissement d’impact ne doit pas être confondu avec l’ISR (Investissement Socialement responsable) qui pèse presque 35 fois plus (25 000 milliards de dollar d’encours). Ce dernier exclut de financer des entreprises ou des secteurs qui ont des impacts négatifs sur l'environnement et ou sur la société, voire au contraire oriente ses flux de capitaux vers les structures et les activités qui agissent le mieux en termes de critères ESG (Environnemental, Social et Gouvernance). L’ISR concerne ainsi principalement des entreprises cotées qui certes, limitent leur externalités négatives, mais développent néanmoins des activités commerciales classiques. Il ne cherche pas à investir dans des projets qui s'engagent pour préserver l’environnement ou pour améliorer la société. Là réside la différence avec l’investissement d’impact, qui vise expressément cet impact positif. Il faut également garder à l’esprit que l’investissement d’impact se distingue de la philanthropie (ou du mécénat d’entreprise) qui, certes cherche à produire un impact positif, mais qui n’a pas d’objectifs de retour financier direct.
L’investissement d’impact cible en premier lieu des entreprises, des infrastructures, des organisations ou des fonds afin générer un rendement financier (au minimum la conservation du capital) et un impact social, environnemental important et positif, qui s’aligne sur les valeurs personnelles de l’investisseur. Il peut concerner toutes les classes d’actifs en particulier la dette (la plus large partie des investissements, environ un tiers) à travers notamment les obligations vertes (green bonds) et les obligations durables, le private equity et même les actifs réels, dans des domaines aussi variés que l‘environnement, l’énergie, la santé, l’agriculture, l’eau, l’éducation, la microfinance ou l’entrepreneuriat, dans tous les secteurs géographiques. Les obligations vertes (ou environnementales) représentent aujourd’hui l’un des segments d’investissement qui connaît la plus forte croissance (près de 40%, deux fois plus rapidement que l’ensemble des investissements d’impact). Euronext et la bourse de Paris se positionne d’ailleurs comme un des leaders avec 44 000 green bonds côtés représentant 118 milliards de dollars (+ 40 milliards de dollars en un an)[3].
L’impact investing est une notion qui se construit à l’opposé de la spéculation financière. On parle ainsi de capital-patient, une stratégie d’investissement orientée sur la création de valeur et de croissance pérenne. Il se situe donc dans une perspective de long-terme, notamment pour pouvoir générer cet impact positif et ce rendement, puis d’en rendre compte de manière transparente à l’investisseur. Dans le contexte actuel de prise de conscience des crises environnementales et sociales tout comme du nouveau rôle sociétal des acteurs privés, cette stratégie d’investissement a connu une croissance très rapide de l’ordre de 17% par an, ces 3 dernières années, d’après le GIIN. 50 milliards de dollars ont été investis en 2019 dans 11 000 projets d’impacts.
Le retour sur investissement
L’investissement d’impact peut impliquer un retour moins fort que celui d’investissement plus classique. Ce rendement réduit est accepté en échange justement d’un impact environnemental ou social positif important que l’organisation financée réalise avec le capital de l’investisseur. On parle de concessions:
« Some impact investors intentionally target below-market returns in order to achieve a specific type of impact, create a bridge between philanthropy and conventional investing, or catalyze other capital[4].»
Ce type d’investissement “à concessions” est le fait de fondations (par exemple la « Bill & Melinda Gates Foundation ou la Fondation Grameen – Crédit Agricole), de banques ou d’agences de développement (“DFI” Development Financial Institutions” par exemple l’AFD (Agence Française de Developpement) ou la BEI (Banque Européenne d’Investissement). Il peut concerner également des investisseurs privés qui voudrait “verdir” leur image, disposer d’une ligne “socialement responsable” ou compenser un impact négatif.
D’autres investissements d’impact conservent néanmoins un double objectif de résultat : ils doivent avoir cet impact environnemental ou social sans néanmoins de concession financière. Dans l’étude réalisée pour le GIIN en novembre 2017 « Evidence on the Financial Performance of Impact Investments[5] », Abhilash Mudaliar et Rachel Bass démontrent néanmoins certains fonds privés peuvent obtenir des résultats financiers tout aussi compétitifs que ceux des fonds conventionnels
« Impact investors seeking market rate returns can achieve them. Across various strategies and asset classes, top quartile funds seeking market-rate returns perform at similar levels to peers in conventional markets. In many cases, median performance is also quite similar. »
Il faut noter enfin l’existence de contrats à impact social(ou obligations à impact social). Leur principe repose sur un accord entre pouvoirs publics, financeurs, organisme évaluateur et opérateur de terrain pour mettre en place une action sociale précise. Les quatre parties s'entendent sur un objectif de résultat, qui peut être social ou financier. En fait, l’investisseur finance un projet social et prend une plus grande partie du risque associé au projet. Si l'objectif est atteint, l'investisseur perçoit les intérêts, si l’objectif est dépassé, la rémunération est bonifiée, s’il n'est pas atteint, l'investisseur ne bénéficie pas d’un retour et perd son investissement. Ces instruments sont destinés à financer des programmes à vocation sociale et implique le milieu associatif. En France, l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative Économique) qui propose microcrédit et accompagnements pour développer une activité est la seule association à avoir bénéficié de ces contrats. Aux États-Unis, Goldman Sachs a été fortement critiqué pour des CIS destinés à financer des écoles, dont les objectifs (des tests scolaires) étaient soupçonnés d’être biaisés.
L’investissement d’impact repose ainsi sur l’idée que le marché peut corriger des dysfonctionnements et appuyer l’action publique, en adoptant une démarche vertueuse, qui génèrera un impact positif. Reste qu’il faut être capable de définir et d’évaluer cet impact, dans sa réalité et dans sa durabilité.
Un référentiel : les objectifs du développement durable
L’investissement d’impact s’appuie notamment sur les 17 objectifs de développement durable[6] (ODD) adoptés par l’ONU à atteindre avant 2030 comme l’éradication de la pauvreté, « la faim zéro », la santé pour tous, l’égalité hommes / femmes, l’éducation de qualité, l’énergie propre et abordable, la lutte contre le changement climatique, la consommation durable ou la paix. Pour atteindre ces objectifs, le financement nécessaire est estimé à 2500 milliards de dollars ! Face à ces besoins considérables, ces objectifs semblent d’ores et déjà hors de portée pour 2030, mais il apparaît évident que le secteur privé et la société civile ont un rôle à jouer, à côté des pouvoirs publics, dans l’investissement. C’est dans ce contexte qu’une autre notion est venue compléter le secteur de l’investissement d’impact : le financement mixte (ou blended finance) qui permet de joindre financement public et privé dans des investissement commun à destination des marchés émergents, afin de maximiser l’impact positif sur le terrain et d’obtenir un effet de levier particulièrement important. Cette idée développée par le World Economic Forum suscite le plus vif enthousiasme dans le secteur de la finance d’impact. Elle se heurte néanmoins à certaines difficultés très techniques comme la structuration de ces fonds ou l’alignement des objectifs.
La délicate question de la mesure d’impact
Si ce type d’investissement vise intentionnellement à obtenir un impact positif, encore faut-il être capable de le déterminer précisément : qu’est-ce concrètement qu’un impact positif ? Comment d’ailleurs l’évaluer réellement et comment mesurer précisément cet impact ?
Il faut en effet reconnaître que la notion d’impact positif demeure assez ambivalente : quel est l’impact réel d’un fonds qui financerait une société proposant des panneaux solaires pour l’éclairage de maisons en Afrique ? Quantifier certains effets en termes de réduction d’émission de CO2 semble relativement aisé. On détermine les quantités de CO2 économisées grâce à l’activité de l’entreprise, qu’on valoriserait alors par le prix de la tonne carbone. Sauf que l’impact dépend aussi du prix et du mode de commercialisation (location, crédit) de cette technologie, des publics visés. De même, des panneaux fabriqués en Chine puis transportés par cargo, d’une piètre qualité qui ne permettrait pas une durée d’utilisation très longue aurait un impact carbone finalement négatif, bien qu’à première vue une telle initiative pourrait sembler pourtant positive… Dans le même ordre d’idée, comment mesurer l’impact d’un centre de soin par-delà le nombre de patients et mesurer la qualité réelle de soin, l’apport à la communauté ? Comment évaluer la microfinance qui prête certes à des entrepreneurs qui pourront alors exercer une activité ? Quelles sont les conditions de prêt et quelle qualité de vie est obtenue avec l’exercice de l’activité ?
La méthode la plus simple consisterait alors à commander des recherches et des audits : encore faut-il être capable de définir des normes et de collecter des données fiables de mesure quantitatives ESG (environnemental, sociale, gouvernance)… Des organisations indépendantes comme le GIIN (Global Impact Investing Network) mais également des institutions publiques comme l’OCDE tentent d’améliorer le processus de mesure de l’impact, d’autant plus qu’il peut être difficile d’effectuer des comparaisons entre les différents véhicules d’investissement qui utilisent des normes de reporting différentes.
« L'OCDE a proposé de définir l'investissement à impact social comme ciblant les principaux domaines sociaux, environnementaux et de développement qui aident les personnes et les pays qui en ont le plus besoin dans les régions mal desservies ou en développement, et de préciser que l'accent doit être mis en priorité sur la réalisation d'un impact mesurable. Toutefois, aucune définition de ce genre n'est appliquée universellement, et il y a peu de rigueur dans l'établissement des limites de ce qui devrait être considéré comme un investissement à impact. Il manque également des données et des outils d'évaluation comparables à l'échelle internationale[7]. »
Un investissement en plein développement
Malgré cette quantification difficile de ses effets réels, l’investissement d’impact est devenu un terme à la mode, une stratégie tendance avec un aspect fort d’image pour l’investisseur[8]. Cette stratégie est ainsi porteuse d’une intentionnalité, celle de mettre ou de remettre le marché au service de la société, de sortir de l’investissement axé uniquement sur la spéculation ou le profit à court-terme, pour redonner du sens à la finance.
De plus en plus d’entreprises ou d’institutions ont ainsi recours à l’impact investing. Début septembre, l'opérateur Orange a réussi sa première émission d'obligations durables d'un montant de 500 millions d'euros (plus de cinq fois sursouscrite). 60% des fonds seront consacrés à « des projets relatifs à l'efficacité énergétique et à l'économie circulaire », le reste étant dédié à « des projets d'inclusion numérique et sociale ». A la même période, Icade, la foncière de la Caisse des dépôts, a levé pour 600 millions d’euros d’obligations sociales (sursouscrites 10 fois), pour financer ses activités de santé. Dans le même ordre d’idée, des municipalités américaines ont récemment emprunté pour construire une usine de méthanisation, qui permettra ensuite aux camions poubelles de la zone urbaine de rouler au gaz…
Développé au moment où les taux d’intérêt étaient plus élevés, l’impact investing n’en demeure pas moins un outil de financement utile malgré un contexte où l’argent est devenu bon marché. Il permet en effet à des secteurs qui bénéficient d’une faible visibilité auprès des investisseurs d’accéder à des sources nouvelles et importantes de capitaux, notamment les entreprises sociales, celles de l’économie circulaire, certaines start-up dans des pays en voie de développement, des structures financières actives dans la microfinance, des institutions éducatives ou sanitaires.
La définition de l’impact investing reposant avant tout sur l’intentionnalité et sur l’impact positif permet aujourd’hui de couvrir un large spectre de financement. Dans ce sens, un fonds d’investissement qui entrerait au capital d’une entreprise, qui se projetterait sur le temps long et la valeur à long terme (tout le contraire des fonds capitalistes qui cherche à maximiser leur ROI par la revente, la découpe ou les licenciements) financerait en fait l’économie réelle et aurait un impact positif. Dans le même ordre d’idée, des projets de LBO social ont émergé, permettant au fonds acquéreur d’associer les salariés en leur accordant des parts et en transformant l’entreprise en coopérative. Dans ce modèle, l’investisseur sacrifie le retour le plus élevé mais bénéficie du plein engagement du personnel et crée de même un impact positif en termes d’emploi. La réponse à la financiarisation de l’économie, considérée comme l’une des dérives les plus négatives pour la société, ne passe peut-être pas forcément par moins de finance, mais plutôt par une finance mieux-disante, impactante dans laquelle l’Etat aurait pleinement un rôle d’incitateur à travers par exemple la régulation et la fiscalité. C’est tout le débat qui s’ouvrira dans les prochaines années avec l’essor de la finance d’impact.
Frédéric Ruaz
[1] D’après l’étude 2020 du GIIN (Global Impact Investing Network) www.thegiin.org
[2] https://www.rockefellerfoundation.org/report/impact-investments-an-emerg...
[3] A comparer au 100 000 milliards de dollars que représentent le marché global des obligations.
[4] https://thegiin.org/research/publication/financial-performance
[5] https://thegiin.org/research/publication/financial-performance
[6] https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-...
[7] https://www.oecd.org/development/social-impact-investment-2019-978926431...
[8] L'investissement d'impact est réservé à des investisseurs professionnels. Il existe quelques rares fonds accessibles au grand public, citons notamment la SICAV LMDF (Luxembourg Microfinance Development Fund) ou en souscrivant au capital de la SIDI (Solidarité Internationale pour le Développement et l'Investissement).
Frédéric Ruaz
[1] D’après l’étude 2020 du GIIN (Global Impact Investing Network) www.thegiin.org
[2] https://www.rockefellerfoundation.org/report/impact-investments-an-emerg...
[3] A comparer au 100 000 milliards de dollars que représentent le marché global des obligations.
[4] https://thegiin.org/research/publication/financial-performance
[5] https://thegiin.org/research/publication/financial-performance
[6] https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-...
[7] https://www.oecd.org/development/social-impact-investment-2019-978926431...
[8] L'investissement d'impact est réservé à des investisseurs professionnels. Il existe quelques rares fonds accessibles au grand public, citons notamment la SICAV LMDF (Luxembourg Microfinance Development Fund) ou en souscrivant au capital de la SIDI (Solidarité Internationale pour le Développement et l'Investissement).
Comment mettre la finance au service de l’humain ?
Les entreprises montrent de mieux en mieux comment elles intègrent les questions environnementales, sociales et de gouvernance dans leurs activités. C’est ce qui ressort de l’analyse des déclarations de performance extra-financières des grandes entreprises françaises. Reste à l'intégrer efficacement dans le business des entreprises et à en mesurer pleinement l'impact économique pour évaluer si elles sont bien sur la voie d’une transformation durable
L’engagement actionnarial est en peine aux États-Unis. L’enquête annuelle de Majority Action montre que les grands investisseurs continuent de voter contre bon nombre de résolutions sur le climat. Et le régulateur met en place de nouvelles règles qui rendront le dépôt de résolutions externes plus difficile qu’avant.
La Commission Européenne a mis fin aujourd’hui à un suspense de plusieurs semaines en publiant la liste des membres qui vont siéger pendant les deux prochaines années au sein de sa future plateforme sur la finance durable. Elle a modifié en profondeur le profil de la structure qui va succéder au Groupe Technique d’Experts (TEG) : les lobbys industriels y sont beaucoup plus nombreux que les spécialistes de la finance durable.
Climate Action 100+ serre la vis. Tout comme la Commission européenne, dont la présidente Ursula von der Leyen vient de proposer de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre de l'Europe d'ici 2030, la coalition veut demander un effort supplémentaire aux entreprises qu'elle suit. Ce groupe de plus de 500 investisseurs mondiaux représentant 47 000 milliards d’euros d’actifs sous gestion, a lancé un appel aux 161 sociétés les plus émettrices de gaz à effets de serre afin qu’elles définissent des stratégies de neutralité carbone. En 2021, l’organisation éditera son nouveau cadre de référence d’engagement actionnarial, le "Climate Action 100+ Net-zero company benchmark", avec pour ambition de clarifier ce qui constitue réellement une politique de neutralité carbone.
Ce nouvel outil contiendra six indicateurs permettant aux investisseurs d’analyser les stratégies climatiques des entreprises. Parmi ceux-ci, les investisseurs devront vérifier si l’entreprise a affiché son ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ou avant et, surtout, si elle a défini des objectifs à court et moyen terme pour y parvenir. Le référentiel de Climate Action 100+ mentionne par ailleurs que cette neutralité carbone s’entend sur les scopes 1, 2 et 3 de l’entreprise.
"Soutenus par l’engagement actionnarial, nous voyons des engagements encourageants et des leaders de la neutralité carbone émerger, mais un changement plus important est requis de manière urgente si on veut limiter le changement climatique à 1,5 degré", confie Stephanie Pfeifer, la directrice générale de l’Institutional Investors Group on Climate Change (IIGCC) et membre du comité de direction de Climate Action 100+.
Ce rehaussement des exigences de Climate Action 100+ a été accueilli favorablement par Follow This, l’organisation d’actionnaires spécialisés dans les compagnies pétrolières. Jusque là, Follow This estimait que les négociations menées par la coalition d’investisseurs avec les majors pétrolières aboutissaient à des résultats trop tièdes. Le cas s’est posé cette année à l’Assemblée générale de Total. Climate Action 100+ appuyait la politique climat ambitieuse du groupe, résultat d’un dialogue qu’elle avait mené. Mais la coalition d'investisseurs n'avait pas soutenu la résolution actionnariale demandant au pétrolier de s’engager plus loin, notamment en tenant compte du scope 3.
"C’est une grande victoire pour le climat que Climate Action 100+ reprenne nos demandes pour des objectifs spécifiques d’émission alignés sur l’Accord de Paris pour les compagnies pétrolières. Cela a été une question clé dans les résolutions actionnariale de Follow This depuis 2017", déclare Mark van Baal, le fondateur de Follow This.
Climate Action 100+ prévoit de publier les détails de son nouveau référentiel en 2021, sans doute à temps pour la saison des Assemblées générales. Ce sera justement à ce moment-là que cette nouvelle politique de la coalition d’investisseurs prendra toute sa mesure.
Climate Action 100+ demande aux entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre de faire un nouvel effort sur le climat. La coalition d’investisseurs veut pousser les 161 entreprises de son panel, à s’engager pour la neutralité carbone d’ici 2050 sur les trois scopes. Elle va publier un nouveau cadre d'engagement actionnarial, pour fixer aux entreprises des objectifs chiffrés à moyen terme alignés sur l’Accord de Paris.
Les Français semblent de plus en plus convaincus par l’économie sociale et solidaire. Selon l’association Finansol, qui assure la promotion de la finance solidaire et gère le label du même nom, l’encours de l’épargne solidaire a atteint 15,6 milliards d’euros en 2019 et a progressé de 24 % par rapport à l’année précédente. L’épargne salariale demeure le principal véhicule, elle représente 62,3 % des encours, devant les livrets bancaires (32,5 %).
La finance solidaire a profité de la forte dynamique des marchés financiers en 2019. Ce sont d’ailleurs les placements dans les OPC (Organismes de placement collectif) qui tirent la croissance, ils représentent 86 % de l’augmentation de la collecte. La part solidaire dans l’épargne des français demeure modeste, puisqu’elle ne représente encore que 0,29 % de leurs placements financiers. Mais elle poursuit sa progression (0,25 % en 2018). Selon le sondage du Forum de l’Investissement Responsable (FIR) et de Vigeo Eiris publié le 23 septembre, plus de la moitié des épargnants seraient prêts à investir dans des produits financiers permettant de lutter contre la pauvreté et les inégalités sociales.
Le groupe BPCE demeure en tête de la collecte d’épargne solidaire, avec 33,3 % de parts de marché, suivi par le Crédit Agricole (20,2 %) et BNP Paribas (13,7 %). Le podium est identique pour la gestion des fonds, Mirova, la société de gestion de la galaxie de Natixis, représentant 21,8 % des fonds sous gestion.
L’année 2020, marquée par le confinement en début d’année et par la récession économique, risque néanmoins d’être plus chaotique pour la collecte. L’association Finansol compte néanmoins sur de nouvelles réglementations pour soutenir le financement solidaire. Les textes d’application de la loi Sapin 2 de 2016, relatif au Livret de développement durable et solidaire (LDDS) ont été publiés. Les fournisseurs de LDDS auront l’obligation à partir du 1er octobre de proposer aux épargnants la possibilité de faire un don aux organismes reconnus de l’économie sociale et solidaire.
Par ailleurs, un décret de juin dernier va obliger les banques à orienter 5 % de la collecte des livrets A et LDDS non centralisée à la Caisse des dépôts vers le financement de l’économie sociale et solidaire. À plus long terme, la loi Pacte devrait également produire un effet positif sur l’épargne solidaire. Elle va obliger les distributeurs d’assurance-vie à proposer au moins une unité de comptes labellisée Finansol à partir de 2022.
Les encours de l’épargne solidaire ont connu des niveaux records en 2019, avec une progression de 24 % par rapport à 2018. L’année 2020 s’annonce plus périlleuse en raison de la crise du Covid-19, mais plusieurs nouvelles réglementations devraient renforcer l’attractivité du financement de l’économie sociale et solidaire.
En stoppant net l’organisation mondiale d’entreprises qui ont externalisé au maximum leurs activités dans des pays à bas coût et à faible fiscalité , la crise du COVID-19 a montré aux citoyens du monde entier les rouages d’un système dont ils pourraient ne pas espérer le retour. Dans cette période de remise à plat de l’économie, les Assemblées générales de grands groupes montreront jusqu’à quel point le primat actionnarial peut être bousculé par d’autres parties prenantes.