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Séparation des métiers bancaires : quelles mesures prendre ?

Soumis par Anonyme le
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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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En accourant au chevet des banques au plus fort de la crise pour protéger l'argent des épargnants, de nombreux États se sont fortement endettés. En cause, le statut de banque universelle qui permet à une banque de « spéculer » avec l'argent des déposants. Depuis lors, ce statut est remis en question. Ne conviendrait-il pas de revenir à une séparation totale de la banque de dépôt et de la banque d'affaires ?

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11/2013
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Novembre

La banque a sa place

Soumis par Anonyme le

BNP Fortis Paribas, Société Générale, Deutsche Bank, Citigroup… quelques exemples de ces méga-banques qui font la pluie et le beau temps à l'ère de l’économie mondiale. À elles seules, elles détiennent plus de capitaux que les PIB nationaux. À tel point qu'on les considère, comme vous l’aurez souvent déjà entendu, « too big to fail » (voir lexique). Depuis la libéralisation des marchés financiers entamée dans les années 80 et actée dans les années 90, les banques ont, en effet, le droit de grossir en taille et en risque via la pratique de deux métiers très différents. Récolter les dépôts citoyens, accorder des crédits et fournir des moyens de paiement, d’un côté ; spéculer sur les marchés financiers, gérer toute une série de produits financiers complexes, de l’autre. Mais rassemblées sous un même toit, ces deux types d’activités deviennent interconnectées : une conséquence qui n'est pas étrangère aux dérives de la finance actuelle. Il suffit de se pencher sur les bilans de ces super-établissements que sont les banques universelles pour constater un déséquilibre criant entre les deux types d'activité. Pour l’ensemble des banques belges, en moyenne 19,5 % de leur actif (seulement) est consacré aux prêts aux ménages et entreprises non-financières1. Mais les 80 % restants, à quoi sont-ils utilisés ? Une répartition aussi disparate justifie-t-elle les milliards d’argent public investi depuis 2008 ?

Des bilans déséquilibrés

Les grandes banques sont donc aujourd’hui très déséquilibrées au niveau bilantaire : les crédits représentent moins d’un tiers de leur actif, alors que plus de la moitié de leur bilan est constitué de titres financiers. Or, les banques bénéficient d'une subvention étatique implicite, leur permettant beaucoup d'excès. D'une part, en cas de problème, l’État préférera les sauver plutôt qu'indemniser les déposants - solution qui serait beaucoup plus coûteuse - et, d'autre part, ce soutien publicest récompensé par les marché financiers, ces derniers octroyant des financements à des taux moins élevés (comparé au taux qui leur serait demandé en cas d’absence de soutien étatique) aux institutions bancaires. Ajoutons à cela des prêts des banques centrales à des taux défiant toute concurrence. Les banques ont donc, en toute logique, fortement développé leurs activités de marché ces vingt dernières années. Un développement quantitatif,bien sûr, lié à une prise de risque proportionnellement accrue. Pour les investisseurs financiers, le jeu est toujours gagnant : soit le risque paie et les profits augmentent, soit la banque subit des pertes importantes et l’État intervient. Exactement ce qu’il s’est passé après la crise de 2008, lorsque les États ont dû s’endetter massivement pour venir au secours des banques, aux dépens du contribuable. Aujourd’hui, tout le monde semble s’accorder pour dire que les contribuables et les finances publiques doivent être protégés d’éventuelles faillites bancaires. Aussi, l’intervention de l’État doit être limitée aux activités vitales à l’économie (dépôt et crédit aux ménages et aux entreprises). Une banque doit pouvoir faire faillite sans mettre en péril toute l’économie entière. C’est pourquoi une réforme du système bancaire est devenue incontournable, mais pas n’importe laquelle. 

Séparer vraiment les métiers

Certains pays ont déjà légiféré à ce niveau. L’Union européenne est, pour sa part, dans l’attente d’une proposition législative de la Commission sur la base du rapport Liikanen. En Belgique, le gouvernement planche actuellement sur la question et devrait accoucher d’une réforme début 2014. Parmi les différentes réformes possibles, la plus efficace, selon Finance Watch, une association européenne dont la mission est de remettre la finance au service de la société notamment, est une séparation totale des métiers bancaires. Toutes les activités de marché doivent être logées dans une entité séparée. « Trading is trading », explique Aline Fares, expertise and campaign coordinator pour l'organisation. Une séparation totale est non seulement la solution la plus radicale, mais aussi la plus simple sur le plan juridique parce qu'elle évite toute ambiguïté dans la mise en place de la réforme. Car, si l’on jette un coup d’un œil du côté des lois bancaires française, allemande ou encore américaine récemment présentées, il y a de quoi être déçu. La nouvelle législation française, par exemple, qui prévoit de cantonner certaines activités spéculatives que la banque mène pour son compte propre (et, donc, dans son seul intérêt), ne concernera finalement que 1 % des revenus bancaires ! La séparation est donc minime… et son effet le sera sans doute aussi. Même chose en Allemagne, où la loi, qui devrait entrer en vigueur début 2014, prévoit d’isoler le trading pour compte propre, les prêts à des fonds spéculatifs et le trading à haute fréquence, mais pas la tenue de marché (voir encadré Dépôt vs Affaires). Pas mieux aux États-Unis, avec la réforme Volckers, qui interdit notamment aux banques de s’impliquer dans une activité de spéculation et d’investir dans des fonds spéculatifs et des fonds d’investissement privés, mais le tout assorti d’une multitude de dérogations vidant sur le terrain la loi de l’essentiel de son contenu. Pour ces trois réformes, les critères utilisés afin de déterminer le degré de séparation sont ambigus. Au final, vu l’étendue des activités qui resteront autorisées au sein de la banque commerciale (de dépôt) et leurs similarités structurelles avec les activités qui doivent être cantonnées, les mesures répertoriées atteindront difficilement leur but initial, à savoir protéger les activités bancaires vitales pour la société des activités de trading risquées. 

Cela fonctionnait avant 

En 1933, le Glass Steagall Act a été mis en place aux États-Unis à la suite de la crise financière de 1929 et a été répliqué un peu partout en Europe. Cette loi a imposé pendant des décennies une séparation hermétique des métiers bancaires. Après son abrogation, dans les années 90, nous en sommes arrivés à la situation que nous connaissons aujourd’hui. Le retour à une séparation radicale est l’option recommandée aujourd’hui par Fairfin, le Réseau Financement Alternatif et le collectif Roosevelt.be. Option logique et efficace, car les activités de marché, basées sur des transactions et construites sur le court terme diffèrent, par leur nature et dans leur gestion, des activités de dépôt. Les deux métiers n’ont donc pas vocation à être menés sous le même toit. À l’inverse, les activités de marché forment un tout. Elles sont de nature similaire et utilisent une infrastructure commune. Séparer les activités de marché entre elles fait perdre des économies d’échelles ; isoler uniquement une partie des activités de marché, économiquement parlant, ce n’est pas logique, renchérit Aline Farès. Enfin, les activités de trading et de dérivés n’ont aucune raison d’être subventionnées par l’État. Elles n’ont en rien un caractère indispensable à la société. Et puis, toujours selon Finance Watch, en isolant les activités de marché, en supprimant un financement non justifié et privilégié à ces activités, celles-ci devraient diminuer naturellement. Sans l’aide de l’État, les banques d’affaires se financeront donc à un coût normal, ce qui pourrait bien s’avérer bénéfique pour tout le monde. À titre d’exemple, seuls 7 % des produits dérivés, qui à l’origine sont là pour protéger les acteurs de l’économie réelle (voir encadré Dépôt vs Affaires)2, échangés par les institutions bancaires, ont une contrepartie non financière ! À l’heure actuelle, c’est au Royaume-Uni qu’on semble avoir approché au plus près une vraie séparation des banques universelles avec la publication du rapport Vickers en 2011. La réforme qui en découle devrait entrer en application début 2019. Ce texte préconise de cloisonner les activités de dépôt au sein d’une filiale ; toutes les autres activités devront être logées en dehors. En Belgique, tout est maintenant à jouer.

1 p 120, http://ec.europa.eu/internal_market/bank/docs/high-level_expert_group/report_fr.pdf, p.120. e Rapport Liikanen ou « Rapport de la commission d’experts européen sur la réforme bancaire » est un ensemble de recommandations publiées en octobre 2012 par un groupe d’experts européens dirigé par Erkki Liikanen,

2 93 % des produits dérivés ne concernent donc pas l'économie réelle !

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Le modèle de banque universelle a montré ses limites. Il est temps de séparer (à nouveau) la banque de dépôt traditionnelle et la banque qui spécule sur les marchés. Oui, mais pas n'importe comment.

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01/11/2013
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La titrisation et ses dérives

Soumis par Anonyme le
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La titrisation a souvent été accusée d'être responsable de la crise financière de 2008. Pourtant, lorsqu'elle est utilisée à bon escient, cette technique offre plusieurs avantages aux acteurs financiers. Alors, en quoi consiste la titrisation ? Faut-il l'interdire ?

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Quelles mesures pour contrer la spéculation alimentaire ?

Soumis par Anonyme le
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Au cours d'une précédente nous avons examiné le lien entre la spéculation sur les denrées alimentaires et la hausse des prix des matières premières agricoles. Nous allons à présent aborder le sujet de la spéculation alimentaire sous un autre aspect, celui de la régulation. Les législateurs ont en effet un rôle fondamental à jouer pour contrer la spéculation excessive sur les denrées alimentaires, d'autant plus que c'est la dérégulation des marchés financiers depuis une quinzaine d'années qui a permis l'entrée sur le marché d'une multitude d'acteurs. Dès lors, quelles mesures peuvent aujourd'hui être implantées pour remédier au problème de la spéculation ?

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La spéculation sur les marchés à terme de matières premières a-t-elle un impact sur les prix des denrées alimentaires ?

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Ces dernières années, la volatilité des prix des matières premières agricoles a engendré des crises alimentaires dans de nombreux pays en développement. Dans le même temps, sur les marchés financiers, de plus en plus de spéculateurs parient sur l'évolution des prix de ces matières premières. Ces deux phénomènes sont-ils liés ? Tentative de réponse dans cette analyse.

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L'euro est-il la cause de tous nos maux ?

Soumis par Anonyme le
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Malgré sa présence dans pas moins de 17 pays représentant 330 millions d’utilisateurs, l’euro vient de fêter ses 10 ans en mode mineur. En cause, la crise de la dette dans la zone euro qui n’en finit pas. Pour la première fois, la question de la survie de la monnaie commune est posée. L’euro doit-il être remis en cause ? Bien qu’il fasse l’objet de certaines critiques, il n’est pas inutile de remettre en contexte son arrivée au sein de l’Europe et d’analyser les enjeux qui y étaient liés. Et, partant de ce point, d’établir un bilan.

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Janvier

Une monnaie fondante pour favoriser les échanges

Soumis par Anonyme le
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Idée de génie ou mauvais raisonnement intellectuel ? Ignoré ou dédaigné par la plupart des économistes, Gesell proposait pourtant une refonte complète du système monétaire. Et si notre monnaie était fondante ? À travers la théorie de Gesell s'ouvre une réflexion sur le concept de la monnaie et son rôle dans notre société.

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2012
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03/2012
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Mars

Les bad banks : solution miracle ?

Soumis par Anonyme le
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Depuis le début de la crise financière, l'idée de regrouper les actifs toxiques des banques dans une structure spécifique (une bad bank) chargée de les liquider est devenue à la mode, comme le montrent en Belgique les exemples de Fortis et, plus récemment, de Dexia. En quoi consiste une « bad bank » ? Quelle est son efficacité ? Existe-t-il des alternatives ?

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11/2011
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Novembre

L'inclusion financière des migrants est-elle facilitée par les mécanismes de transferts de fonds internationaux ?

Soumis par Anonyme le

En bref : 

  • La demande de services financiers des migrants, et notamment le transfert d'argent en direction du pays d'origine, est déterminée par le cycle de migration.

  • Il existe différentes approches au niveau politique en termes de régulation des transferts d'argent.

  • Ces dernières années, l'harmonisation des services de paiement a permis l'apparition sur le marché de nouvelles technologies.

  • Grâce à l'instauration de bases de données comparatives et au renforcement de la concurrence, les coûts moyens de transfert se sont réduits.

Introduction : l'inclusion financière

L'exclusion financière fait référence à une incapacité pour les personnes d'accéder aux services financiers nécessaires afin de mener une vie sociale normale et sous une forme appropriée à leurs besoins. L'exclusion diffère par sa forme et son importance. Elle peut résulter de problèmes d'accès, de prix, de conditions, voire d'une auto-exclusion en réponse à des expériences ou des perceptions négatives.
Dans le cas des migrants, le concept de « sous-bancarisation » est souvent mis en avant, car les services offerts sont généralement peu adaptés à leurs besoins spécifiques. Quels sont ces besoins spécifiques ?

Besoins spécifiques des migrants

Les groupes d'immigrants possèdent souvent des caractéristiques typiques comparables à d'autres groupes socialement exclus, comme un faible revenu, un faible niveau de compétence (des exceptions existent, mais la non-équivalence des diplômes est fréquente dans ces cas), un manque de connaissance de la langue et des aspects techniques (légaux et financiers), une méfiance envers les fournisseurs et des barrières psychologiques incluant un manque de confiance en soi. Cependant, les groupes d'immigrants peuvent différer des autres groupes socialement exclus, au fur et à mesure qu’ils surmontent l’exclusion économique initiale, trouvent un travail, un logement, commencent à épargner et à utiliser des produits et services bancaires.

La demande de services financiers est ainsi déterminée par le cycle de migration et l’ambition migratoire. En effet, selon Anderloni et Vandonne (2008), l'implantation du migrant dans son pays d'accueil peut être divisée en une succession de phases, chacune d'entre elles possédant des priorités différentes en termes de besoins de base et de besoins financiers.

La première phase est celle de l’installation initiale, lorsque les immigrants arrivent dans le pays d’accueil. Leurs besoins basiques concernent alors le logement, le travail et la langue. Il s’agit d’une étape de survie, instable, où il est pratiquement impossible d’épargner de l’argent et donc d’en envoyer aux proches restés au pays. De plus, les immigrants en situation d’illégalité n’auront généralement pas d’accès officiel aux services fournis par les institutions financières.

La deuxième phase est celle de la légalisation. Les migrants en situation illégale cherchent à obtenir un permis de séjour régulier et à trouver un travail régulier. Si le but est de rester de façon permanente dans le pays d’accueil, ils vont tenter de faire venir leur famille en lui envoyant de l’argent. Si la migration n’est que temporaire, alors les migrants effectueront des transferts de fonds vers leur pays d’origine.
Dans cette phase, les besoins financiers consistent donc principalement à épargner et envoyer de l’argent sous la forme de transferts de fonds. La fréquence de ces transferts dépend de leur importance pour la survie de la famille restée dans le pays d’origine. Le montant des transferts dépend, quant à lui, de la part du salaire (parfois faible) que le migrant parvient à mettre de côté.

La troisième phase, « la stabilisation de l’installation », implique un plus grand degré d’intégration dans le pays d’accueil. Les priorités vont au démarrage d'une activité économique, à la consommation et, dans certains cas, à l'achat immobilier. Le montant et la fréquence des transferts de fonds ont tendance à diminuer étant donné que de nombreux migrants ont vu leur famille les rejoindre. Ils préfèrent alors investir la plupart de leurs ressources à l'amélioration de leurs conditions de vie dans le pays d'accueil.

Les services financiers demandés lors de la quatrième phase (« la consolidation ») dépendent des ambitions migratoires. Lorsqu'un retour dans le pays d'origine est prévu, les besoins sont relativement les mêmes qu'à l'étape de stabilisation, avec éventuellement la recherche de plans d'épargne et de pension transférables. Si l'installation est définitive, les besoins financiers deviennent plus sophistiqués, similaires à ceux de la population locale. Les transferts de fonds deviennent moins importants que dans les phases précédentes.

Dans toutes ces phases, les transferts d'argent constituent un service important pour les populations migrantes, même si leur importance relative tend à diminuer alors que les autres besoins augmentent.

Les instruments de transferts de fonds

Il existe différents types de canaux pour envoyer des fonds. La première distinction concerne les transferts formels et informels.

Les canaux informels peuvent prendre une multitude de formes : le transport sur soi, par les migrants eux-mêmes ou par des tiers ; l'envoi d'argent par courrier ; ou l'utilisation de structures parfois très anciennes basées sur des appartenances ethniques et/ou religieuses (1). 
Souvent, le recours à l’informel se fait par défaut de systèmes plus performants dans la sphère d'activité formelle, ou en raison de contraintes d’accès ou de coûts, et non par choix délibéré guidé par des motifs d’ordre sociologique ou culturel. Dans les pays dont la capacité financière est limitée, les systèmes informels de transfert de fonds comblent une lacune importante. 

Les canaux formels regroupent principalement les opérateurs de transfert d'argent non bancaires, les banques commerciales et les réseaux postaux.
On peut décomposer le transfert de fonds en trois étapes. Premièrement, le migrant confie les fonds à transférer à un agent chargé du transfert, en utilisant des espèces, un support papier (chèque, mandat), une carte de crédit ou de débit, ou une instruction de débit envoyée par courrier électronique, téléphone ou via Internet. Ensuite, l'agent chargé du transfert donne à l'agent dans le pays d'origine l'ordre de délivrer le transfert. Enfin, l'agent du pays d'origine effectue le paiement auprès du bénéficiaire. 

Les dispositifs de transfert mis au point par les banques(2) obligent l’émetteur du transfert à ouvrir un compte courant dans une banque de son pays d’accueil. Cependant, de nombreux migrants ne possèdent pas les documents d’identité appropriés et sont en situation irrégulière, ce qui les empêche d’ouvrir un compte. De plus, le processus demeure coûteux dans certains pays (États-Unis notamment), principalement à cause de l’obligation de maintien d’un solde minimum sur le compte et des frais facturés. L’ignorance des méthodes qui peuvent être utilisées pour effectuer des transferts de fonds internationaux, et la médiocrité de l’infrastructure bancaire dans le pays d’origine du migrant jouent aussi un rôle.

Tous ces facteurs expliquent que les migrants finissent souvent par s'adresser aux opérateurs non bancaires (les sociétés de transfert international d’argent telles que Western Union ou MoneyGram), même s’ils craignent de payer des frais élevés. 

Les critères de choix du mode de transfert relèvent des contraintes à la fois des bénéficiaires et des migrants. Pour effectuer un choix entre les différents canaux de transfert de fonds, la décision se base d'abord sur l'accessibilité et la rapidité du service. La proximité géographique (et donc la couverture géographique du réseau de distribution) et la facilité d'utilisation sont en effet primordiales. Les coûts de transfert, la sécurité et la diversité des services proposés sont aussi des facteurs importants de décision. 

Le prix n’intervenant qu’en deuxième niveau dans la prise de décision, les opérateurs restent évasifs sur ce sujet, privilégiant une communication axée sur la qualité des services proposés (proximité, rapidité). Moins ils sont nombreux sur un corridor (3) donné, plus ils font preuve de rétention d’information sur les prix et les volumes afin de préserver un certain niveau de marge. 

Le coût du transfert d’argent varie considérablement d’un pays à l’autre, mais il varie aussi en fonction de la méthode de transfert retenue. Les dispositifs plus formels réduisent considérablement les risques associés aux transferts. En revanche, ils sont aussi beaucoup plus coûteux par rapport aux dispositifs informels. En moyenne, on estime le coût des transferts de fonds internationaux par les canaux formels à 13 % des sommes transférées(4), alors que le coût des canaux informels varie généralement entre 1 et 5 % du montant transféré (5). 

Orozco (2003) a établi une comparaison intéressante des coûts des transferts de fonds formels de petites sommes entre pays (depuis 6 pays d’expédition vers 14 pays de destination). L’étude inclut des banques, des « ethnic stores » (6) et des sociétés de transfert international de fonds. Pour envoyer 200 USD, les frais s’élevaient en moyenne à 6 % si l’on passait par un « ethnic store », 7 % si l’on s’adressait à une banque et 12 % si l’on passait par une société de transfert de fonds.

Depuis quelques années, des innovations technologiques ‒ telles que l'utilisation de cartes bancaires de débit dans le pays d'origine sur un compte rechargeable par le migrant dans son pays d'accueil ou l'utilisation des téléphones portables pour transférer des fonds (mobile banking) ‒ ont permis une baisse effective du prix des transferts de fonds. Dans certains corridors, les entreprises de transfert de fonds sont également de plus en plus nombreuses et efficaces, ce qui entraîne une baisse des coûts de transaction.

Les approches en termes de régulation

Étant donné l'importance croissante des transferts de fonds sur la scène internationale (en tant que source potentielle de financement du développement et de relations interétatiques), la problématique des mécanismes de transferts de fonds est de plus en plus abordée au niveau politique. Certains pays d’accueil et d’origine ont ainsi mis en place des politiques nationales d’optimisation des transferts de fonds. Pour les pays d’accueil, l’optimisation des transferts correspond à une politique nationale de transferts Nord-Sud. Ces politiques nationales ont évidemment un impact sur l'inclusion financière des migrants et sur les outils utilisés afin de transférer leur argent.

Une étude récente de la Banque africaine de développement (7) (2007) distingue trois approches de la régulation des transferts de fonds pour le cas de l’Afrique. Elle les qualifie d’approches anglo-saxonne, hispanique et francophone. Ces approches correspondent à des visions différentes de l’efficacité des transferts d’argent de la part des pays d’accueil.

L’approche anglo-saxonne se concentre sur les modes et les coûts des transferts dans une logique de libre marché qui encourage la concurrence et l’innovation dans les techniques financières. La réduction des coûts et la levée des obstacles à la libre concurrence permettraient ainsi d’augmenter le volume global des fonds utilisables par les bénéficiaires, et d’inciter les opérateurs à plus de performances et d’innovations vis-à-vis de la clientèle. Le Royaume-Uni possède, par exemple, une règlementation plus souple que les autres pays d'Europe.

Cette stratégie permet aussi de réduire fortement la part des transferts informels en améliorant sensiblement le rapport qualité/prix des transferts formels. Adoptée récemment par l’Italie, elle a permis de résorber de plus de 30 % la part des transferts informels au départ de ce pays et de réduire de moitié le coût des opérateurs non bancaires.

Les pouvoirs publics jouent dans ce cas un rôle de facilitateur du libre marché en relâchant les contraintes règlementaires pour les opérateurs non bancaires, et en incitant financièrement les opérateurs à innover et à coopérer, par le biais d'appels à propositions ciblés par exemple. Le principal levier de cette approche est la régulation de marché, nationale et internationale.

Cette approche a permis l’émergence d’opérateurs majeurs du secteur (Western Union, MoneyGram) qui ont eu l’intelligence de choisir un positionnement complémentaire au circuit financier bancaire traditionnel. Elle a aussi donné naissance, plus récemment, à des expériences enrichissantes utilisant la technologie de Mobile-Banking et associant des opérateurs de téléphonie au secteur bancaire.

En termes de règlementation, citons l’exemple des « Matricula consular » entre les États-Unis et le Mexique (8) (lois d’identification bancaire). Il s’agit d’un accord bilatéral qui délivre des cartes d’identification aux migrants mexicains aux États-Unis et qui leur donne un accès officiel au secteur bancaire sans pour autant leur offrir un statut régulier. Ce type d’accord vise à attirer plus de transactions dans le secteur formel et à diminuer les coûts de transaction.

L’approche d’inspiration hispanique (également développée par le Maroc et dans l’espace lusophone) met l’accent sur la bancarisation des migrants eux-mêmes et souligne l’importance du développement potentiel du secteur financier. Elle se fonde sur l’idée que ce secteur est une niche de marché à fort potentiel pour l’économie.

Les migrants se voient proposer par le marché bancaire une offre de plus en plus performante et diversifiée portant sur des thématiques spécifiques qui intéressent cette catégorie de population (conditions préférentielles concernant le logement, les compléments aux retraites, les assurances maladie et le rapatriement des corps en cas de décès). Cette offre groupée, mixant produits d’épargne et produits d’appel, doit inciter les migrants à se bancariser et à utiliser les produits d’épargne et d’assurance.

La politique consiste alors à prélever des commissions aussi faibles que possible sur les transferts vers l’étranger ‒ ces transferts devenant un produit d’appel, parfois à perte, afin d'attirer la clientèle et de l’inciter à épargner. Pour ce faire, les pouvoirs publics, des deux côtés du corridor, facilitent l’implantation des banques du pays récepteur dans le pays expéditeur (les migrants semblent toujours plus attachés aux institutions et entreprises issues de leur pays d’origine lorsque les services sont performants), en visant à améliorer les canaux de transfert entre les deux pays pour faciliter les transferts interbancaires.

Selon la Banque africaine de développement, c'est une approche de long terme, car elle repose sur un suivi rapproché de l'évolution comportementale des bénéficiaires et des migrants vis-à-vis des transferts : « tous les pays montrant un fort taux de bancarisation des migrants (supérieur à 40 %) ont initié ce type de politique volontariste par phases sur plusieurs décennies ».

C'est sans conteste cette approche qui se rapproche le plus des besoins spécifiques des migrants énoncés à travers les 4 phases du cycle migratoire. Le rang des produits et services financiers offerts est ainsi appelé à s'élargir, le besoin initial d'ouvrir un compte pour transférer de l'argent étant complété par des services additionnels plus complexes et plus profitables pour la banque, mais d'une importance grandissante pour les migrants au fur et à mesure de leur installation dans le pays d'accueil.

Enfin, l’approche des pays francophones se place dans une optique de codéveloppement et de cofinancement de projets. Le but est d’inciter les migrants et les bénéficiaires à investir une partie des fonds dans des projets collectifs (des infrastructures telles que des écoles ou des services de santé), la plupart du temps à travers des partenariats public-privé qui contiennent une part de subventions publiques et qui associent des ONG et des associations de migrants. L’État est donc ici un catalyseur et un financeur de projets. 

Des régulations nationales et, dans certains cas, bilatérales semblent donc émerger, suivant des logiques différentes aussi bien du côté des pays d’accueil que de celui des pays d’origine. Ces expériences ne font pourtant pas disparaître les cas où l’intermédiation des transferts de fonds est laissée au marché et au secteur informel, de sorte que l’absence ou l'hétérogénéité des régulations peuvent être à l'origine de coûts parfois non négligeables. Dès lors, la reconnaissance croissante de l’enjeu que constituent les transferts de fonds soulève la question de la transition vers un régime international. 

Depuis quelques années, un relatif consensus apparaît au niveau international sur l'intérêt d'une régulation globale des transferts de fonds afin de maximiser leurs effets bénéfiques dans les pays d'origine et de lutter contre les transferts informels, soupçonnés d'être des canaux pour l'argent du terrorisme ou le blanchiment d'argent. En 2008, au sommet d'Aquila, les chefs d’État du G8 ont ainsi appelé à réduire de 50 % le coût des transferts de fonds dans les 5 années à venir (en les faisant passer de 10 à 5 %). Cet objectif se retrouve également dans la déclaration finale du sommet du G20 de Cannes en 2011 (réduction de 50 % des coûts moyens pour 2014).

En 2006, un groupe de travail réuni sous l’égide de la Banque mondiale a publié cinq principes généraux (9) concernant les systèmes de paiement des transferts de fonds des travailleurs migrants. Ces principes ont été donnés à titre de recommandations pour les pays désireux d'améliorer leur marché des services de transferts de fonds et visent :

1) la transparence et la protection des consommateurs ; 
2) l'amélioration des infrastructures de paiement ;
3) un environnement juridique et règlementaire stable, proportionné et non discriminatoire (les prestataires de services doivent être sur un même pied d'égalité) ;
4) un renforcement de la structure de marché et de la concurrence, à travers notamment l'accès aux infrastructures de paiement nationales ;
5) des pratiques appropriées en termes de gouvernance et de gestion des risques ;

Un ensemble de mesures possibles en réponse à ces principes ont également été abordées. Ces principes se rapprochent de la vision anglo-saxonne. En effet, ceux-ci ont pour objectif une meilleure efficacité du marché à travers l'augmentation de la concurrence et la baisse des coûts. Cependant, ils ne prennent pas en compte le rôle de l'intervention publique dans les pays d'origine, ni les autres approches, en termes de bancarisation du migrant notamment.

Dans le cadre du principe de transparence, l'accès à l'information doit être gratuit et avoir une transparence totale en termes de prix et de caractéristiques du service. Un outil efficace consiste en la création de bases de données comparatives sur le coût des transferts de fonds et accessibles au public. Afin d'uniformiser les méthodes employées et de favoriser la création d'un réseau mondial, la Banque mondiale s'est penchée sur ces bases de données régionales et nationales et a instauré l'octroi d'un certificat basé sur 12 critères qui font office de minimum obligatoire :

1. Recueil de données en double sur les prix des points de vente
2. Recensement des frais à la charge de l’émetteur
3. Recensement des taux de change appliqués
4. Énoncé du montant total des coûts identifiés
5. Rapidité de la transaction
6. Type de service offert
7. Couverture minimale de 60 % du marché par couloir
8. Indépendance des enquêteurs
9. Validation par des exercices d’achat anonyme
10. Politique proscrivant toute forme de publicité
11. Politique proscrivant tout abonnement, mécanisme de financement clair
12. Lien avec d’autres bases de données approuvées par la Banque mondiale

Ces critères sont relativement complets. Cependant, remarquons qu'ils n'incluent pas de façon claire les frais éventuels pour le récepteur, ni la somme que celui-ci recevra effectivement à la fin de la transaction. Il n'y a pas non plus d'obligation de collecter les données à une certaine fréquence. Enfin, il serait utile de préciser la fiabilité et la sécurité offertes par les opérateurs. 

Au niveau européen, la directive européenne sur les services de paiements (DSP) adoptée en mars 2007 (10) a également eu des effets sur les transferts de fonds. Cette règlementation européenne a pour but d'harmoniser les règles de fonctionnement de certains moyens de paiement et les exigences des États membres en matière de lancement d'une activité de transferts de fonds, afin d'assurer le passage à un système unique de paiement européen. 
La principale nouveauté introduite est que des acteurs autres que les banques(11) peuvent maintenant proposer la fourniture de certains moyens de paiements (cartes, virements, services de paiement par téléphone ou internet...), afin d'accroître la concurrence et de diminuer les coûts des services de paiement. L'apparition de ces établissements de paiement devrait faciliter les transferts de fonds pour les migrants.

Quid des banques belges ?

À notre connaissance et après recherche d'informations auprès des principales banques belges, il ne semble pas exister en Belgique d'offres marketing spécifiques destinées aux migrants. 
Comme certains autres pays, la Belgique offre toutefois un « compte bancaire de base », dont les fonctions sont limitées, à l’intention des personnes ne répondant pas aux critères leur permettant de prétendre à un compte bancaire standard. Ces comptes bancaires de base sont uniquement destinés à la réalisation de paiements, et notamment d’envois de fonds.

Conclusion : Comment faciliter l'inclusion financière au niveau des banques ?

Même si une prise de conscience semble avoir lieu et que des efforts sont peu à peu entrepris au niveau international, les coûts des transferts de fonds restent élevés. Comme on l'a vu, la concurrence ne peut pas toujours jouer librement étant donné l’absence de services bancaires dans les localités rurales des pays destinataires, le manque de confiance dans les circuits formels, les obstacles à la réalisation d’opérations bancaires du fait du statut juridique, mais aussi le déficit d’information sur les méthodes bancaires modernes de transfert d’argent. 

Or, les études montrent que les banques ont un intérêt grandissant pour le secteur de marché des migrants. La question primordiale pour les banques est de savoir si une réponse peut être apportée à ces besoins financiers spécifiques (à travers de nouveaux produits financiers ou des approches marketing spécifiques ?) et si les gains potentiels sont suffisants pour couvrir le coût initial des services et la couverture du risque. 

Une réponse positive à cette question nécessite d'adopter une perspective de long terme qui prend en compte la dynamique de changement des besoins des migrants et leur évolution au cours du temps (les 4 phases d'Anderloni). Dans ce cadre, les transferts de fonds, spécifiques de la population migratoire, font partie des services que les banques peuvent être amenées à offrir à leurs clients, avec, pourquoi pas ?, des stratégies marketing spécifiques. En effet, la diminution des coûts des transferts de fonds dans les banques pourrait inciter les migrants à ouvrir un compte, faciliter l'accès à d'autres produits financiers et améliorer l'inclusion financière. L'approche espagnole en est un excellent exemple.

La transparence dans l’établissement des prix et l'amélioration de l'accès à l'information sont des mesures également importantes pour que la concurrence soit équitable et que l'efficience du marché des transferts d’argent soit améliorée. 


Arnaud Marchand
Décembre 2011

 

1 Les « hawala » (au Pakistan et au Bangladesh) ou les « hundi » (en Inde) par exemple sont des systèmes qui reposent sur la confiance dans des intermédiaires.

Idem pour les caisses de crédit mutuel.

3 On entend par « corridor » un ensemble constitué d'un pays d'accueil de migrants et de leur pays d'origine.

Freund & Spatafora, 2005.

5 Freund & Spatafora, 2008.

6 Il s'agit d'entreprises ayant pignon sur rue, créées par des immigrés, qui opèrent des transferts de fonds internationaux. Ces entreprises sont connues sous le nom d'« ethnic stores » aux États-Unis.

7 « Les transferts des fonds des migrants, un enjeu de développement », disponible sur www.afdb.org/fr

D’autres pays d’Amérique centrale et d'Amérique du Sud sont aussi concernés par ce type d’accord : Argentine, Brésil, Guatemala…

10 Entrée en vigueur en Belgique le 01/04/2010.

11 Opérateurs de téléphonie mobile, fournisseurs internet, grands magasins...

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En observant les régulations mises en place au sein des pays et les différents canaux utilisés par les migrants pour transférer des fonds vers leur pays d'origine, on peut se demander dans quelle mesure ces transferts sont accessibles aux migrants et facilitent leur inclusion financière.

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2011
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12/2011
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Décembre

Quelles alternatives aux circuits traditionnels de transfert de fonds ?

Soumis par Anonyme le
  • Pour des raisons juridiques, géographiques ou simplement de coût, les méthodes informelles constituent parfois le seul moyen pour le migrant d'envoyer de l'argent.
  • De nouveaux opérateurs font depuis peu leur apparition sur le marché grâce au développement des nouvelles technologies, principalement la téléphonie mobile.
  • Il existe d'autres manières d'envoyer de l'argent dans son pays d'origine : des méthodes qui lient transferts de fonds et développement ou offrent un service à valeur ajoutée.

Méthodes informelles

Il existe différentes méthodes informelles pour envoyer de l'argent, des méthodes au sujet desquelles il est difficile de trouver de l'information, car elles se situent dans l’anonymat et échappent aux contrôles officiels. Pour ces mêmes raisons, ces canaux informels sont généralement perçus comme étant aussi les principaux canaux utilisés pour le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Cependant, ils constituent souvent la seule alternative valable pour les migrants. Les raisons principales qui poussent les expéditeurs à emprunter les canaux informels sont les coûts de transaction, l’accessibilité géographique, le taux de change et les conditions d’accès juridiques.

Les transferts informels peuvent se faire en espèces, en nature, sous forme de donation à des institutions ou de paiements de services. Le système de porteur est le plus courant : l’argent d’un ou plusieurs membres de la diaspora est transmis à l'un des membres retournant au pays. Ces réseaux informels sont organisés par les migrants eux-mêmes et tissés sur la base des liens familiaux, des solidarités communautaires. Il est aussi possible de faire appel à un porteur spécialisé.

Des structures plus élaborées existent également, parfois anciennes et basées sur des appartenances ethniques ou religieuses (les « hawala » au Moyen-Orient ou « hundi » en Inde), parfois via des commerçants. Elles reposent sur les contacts entre deux agents, l’un dans le pays d’accueil et l’autre dans le pays d’origine. Ce système repose sur la confiance. Les fonds ne transitent pas de façon effective à chaque transaction mais virtuellement, les agents réglant leur solde à intervalles réguliers (système des chambres de compensation). Toutefois, ces systèmes informels n’offrent ni traçabilité, ni couverture du risque (risques de détournement de l’argent, pas de documents écrits), et ne sont pas toujours moins chers.

Une dernière méthode de transfert informelle repose sur l’intervention des ONG ou des missions religieuses. L’expéditeur remet l’argent à une ONG ou à une mission religieuse installée en Belgique. Celle-ci contactera alors des partenaires dans le pays d’origine qui transmettront le montant équivalent au bénéficiaire. Dans ce cas aussi, une petite commission peut être prélevée. Ce système est également utilisé pour faire parvenir de l’argent à des bénéficiaires qui habitent des régions isolées dans lesquelles l’ONG ou la mission religieuse a un partenaire.

Méthodes formelles : des alternatives aux canaux traditionnels

1. Les systèmes financiers décentralisés

Les institutions de microfinance (IMF) et les coopératives d'épargne et de crédit ont un rôle à jouer dans le système des transferts de fonds, en servant d’intermédiaire entre les opérateurs de transfert d’argent et les bénéficiaires. Elles participent à la densification du réseau de distribution et augmentent la concurrence des services de transfert d’argent sur le secteur informel. Le développement du système de microfinance peut ainsi ouvrir de nouvelles perspectives dans l’accès des populations rurales et des personnes disposant d’un faible revenu aux services de transfert de fonds. Les familles de migrants se voient en outre offrir d'autres produits financiers, tels que l'épargne et le crédit.

Problème de taille, toutefois, les IMF ne sont généralement pas autorisées à effectuer des transferts internationaux (en fonction des législations nationales ou transnationales en vigueur), ce qui les oblige à collaborer avec les banques ou les sociétés de transfert d’argent. La mise au point de services de transfert nécessite également des ressources financières, techniques et logistiques que beaucoup de ces organismes ne possèdent pas.

2. Les nouvelles technologies : l’usage du téléphone mobile

Ces dernières années ont vu l’émergence de solutions alternatives de transfert de fonds, comme l'e-banking et, surtout, la technologie du m-banking (mobile banking), qui offre des services bancaires par l’intermédiaire du téléphone mobile et voit s’associer des opérateurs de téléphonie au secteur bancaire : on parle de « banque à distance ».

Dans des endroits (comme l’Afrique) où le taux de bancarisation est faible, où l’accès des populations rurales aux services financiers est réduit et où la pénétration du téléphone mobile est forte, le m-banking constitue un marché prometteur. Il pourrait radicalement abaisser le coût des transferts et accroître leur rapidité et leur fluidité, tout en offrant un accès permanent aux services et la possibilité d’effectuer des transferts d’argent même très faibles de personne à personne.

Le développement de cette technologie a offert aux opérateurs de téléphonie mobile l’opportunité d’intégrer le marché des transferts de fonds, renforçant ainsi la concurrence. Les opérateurs historiques tels que Western Union ne sont, quant à eux, pas en reste et multiplient les partenariats avec des opérateurs de télécommunication afin de commercialiser une offre de transfert par mobile.

Toutefois, si la banque par téléphonie mobile a convaincu des millions de clients dans le monde, il existe encore peu de systèmes à grande échelle de transfert de fonds par téléphonie mobile entre pays et monnaies différents. En Europe, rares sont les services de transferts internationaux par téléphone mobile qui ont été lancés à ce jour : Belgacom, qui a développé à travers ses filiales quelques partenariats en ce sens, est l'un des pionniers.

En Belgique : des partenariats avec Belgacom pour les envois de fonds à destination du Maroc

L’opérateur Belgacom, à travers sa filiale MobiSud, a noué un partenariat avec Maroc Telecom en juillet 2010 afin de proposer le transfert d’argent via le mobile entre la Belgique et le Maroc, la première communauté d’origine étrangère (hors Europe) de Belgique.

Concrètement, ce nouveau service permet de transférer de l'argent d'un téléphone mobile en Belgique vers un téléphone mobile au Maroc. Le service est accessible à tous les titulaires d'un compte PingPing1, la plateforme de paiement mobile de Belgacom, indépendamment de l’opérateur de téléphonie mobile utilisé. Une fois ce compte chargé, il est possible de transférer de l'argent, que ce soit par GSM ou par internet, aux clients de Maroc Telecom ayant souscrit au service MobiCash.

Les tarifs pratiqués sont inférieurs à ceux de certains opérateurs traditionnels, mais, surtout, transférer de l'argent devient également plus pratique, à la fois pour l'expéditeur, qui n'est plus soumis à aucune contrainte de lieu ou de temps, et pour le destinataire, qui voit son compte MobiCash crédité immédiatement. Il peut alors retirer cet argent auprès des agences Maroc Telecom ou d'un distributeur agréé MobiCash, voire même payer certaines factures et certains achats directement à partir de son téléphone mobile.

Récemment, fin septembre 2011, une nouvelle solution de transfert d’argent vers le Maroc au moyen de la téléphonie mobile a été mise en place. Baptisée « Homesend », elle a été lancée par Wafacash (filiale d'Attijariwafa Bank) et BICS (filiale de Belgacom).Les transferts d’argent effectués pourront être récupérés auprès du réseau d’agences de Wafacash au Maroc (500 agences environ). Ils sont facilités par l’interconnexion du module HomeSend de BICS avec la plateforme AlloCash de Wafacash.

Une autre manière d’envoyer de l’argent

1. Les coopératives de transfert d’argent

Les coopératives de transfert de fonds permettent de mutualiser l’épargne afin de réduire les coûts d’envois, tout en améliorant parfois l’utilisation qui en sera faite en attribuant une partie des bénéfices de ces envois au cofinancement de projets de développement.

Contrairement aux opérateurs traditionnels, le regroupement en collectivité permet notamment aux adhérents d'envoyer de faibles sommes à un coût limité, ce qui est d'une grande utilité pour les migrants vivant dans la précarité et qui ont, dès lors, peu d'argent à envoyer. Des systèmes d'épargne solidaire offrent également la possibilité de financer des microprojets dans le pays d'origine.

En Belgique : l'exemple de CODIBU au Burundi de 2001 à 2008

Une initiative intéressante fut celle de la Mutualité des Grands Lacs, issue de la diaspora burundaise, qui a créé une coopérative, la CODIBU2.Moyennant une cotisation mensuelle de 5 euros par membre, l'adhésion à la coopérative supprimait tout frais d'envoi monétaire à destination du Burundi, quel qu'en soit le montant.

Le montant envoyé par l'expéditeur était versé sur un compte en Belgique et la somme des envois était envoyée groupée au Burundi à la fin de chaque semaine, ce qui garantissait des tarifs peu élevés. Entretemps, MUTEC3, le partenaire au Burundi, avançait au bénéficiaire la somme d'argent qui lui était due, dans les deux jours suivant le versement du migrant.

2. Des services à valeur ajoutée

De nombreux migrants se rendent compte que l’argent envoyé n’est pas toujours utilisé pour répondre à l’objectif initial, souvent un besoin bien précis (frais scolaires, santé). Ils cherchent dès lors des moyens pour garantir un emploi utile, efficient, voire durable des fonds envoyés. Des initiatives existent en réponse à ce problème, qui offrent la possibilité pour le migrant de cotiser pour sa famille directement dans des mutuelles de santé ou dans des coopératives alimentaires. L'épargne du migrant peut également permettre l'accès au crédit à un tiers4.

En Belgique : les partenariats avec Moneytrans

Afin de se démarquer de la concurrence, Moneytrans cherche à apporter des services à valeur ajoutée par rapport au produit standard « cash-to-cash » au travers de projets avec des partenaires locaux et internationaux qui partagent un même objectif : répondre à un besoin de la clientèle rarement assouvi, celui de garantir l’utilisation des fonds à la destination.

1. Envoyer l’argent sous forme de chèques : Silver Finance

En partenariat avec la société congolaise Silver Finance, Moneytrans a mis au point en République démocratique du Congo un moyen de transférer l’argent en bons d’achat afin que le migrant puisse déterminer à l’avance l’usage qui sera fait de son envoi par le bénéficiaire à destination.

Concrètement, Moneytrans récolte les fonds et s’occupe du transfert. Une fois l’argent sur place, il se met en contact avec la société locale qui émet des chèques spécifiques (scolarité, alimentation…) pour le bénéficiaire et qui dispose d’un réseau de fournisseurs reconnaissant ces chèques comme moyen de paiement.

2. Combiner services à valeur ajoutée et développement : le Projet Mides de la CAAD

Autre exemple, la CAAD, ONG née au Sénégal et créée en Belgique en 2001, cherche à travers le Projet Mides (en voie de finalisation) à améliorer le système de transfert de fonds vers le Sénégal, en collaboration avec une société de transfert d'argent en Belgique (Money Trans) et une banque africaine.

L'objectif est de fournir une réponse au coût élevé des transferts de fonds et d'offrir au migrant la liberté d’utiliser ses fonds à distance comme il le souhaite, tout en participant au développement économique du pays.

Comment ce système fonctionne-t-il ? Moneytrans collecte les fonds en Europe en tant que société de transfert d’argent et les crédite sur un compte au Sénégal ouvert au nom du client. Cela nécessite un intermédiaire bancaire sur place.

La CAAD intervient alors en fournissant la technologie qui permet à distance une utilisation efficiente des fonds se trouvant sur le compte, grâce à la possibilité offerte au migrant d’utiliser un téléphone mobile pour gérer ses fonds, payer des factures ou des prestataires de services. Le faible coût des envois est lié à une stratégie de réduction des charges de la CAAD : elle possède un seul bureau par pays, l’usage du téléphone mobile permettant un service à distance. Ainsi, le partenariat avec la société de transfert d'argent devrait permettre au migrant client du service de payer un taux réduit (2 % maximum) pour envoyer de l'argent à sa famille.

De plus, une partie de la commission payée par le migrant sera automatiquement ristournée sur un compte de la banque partenaire africaine, fonds qui servira pour la banque de garantie et rendra le migrant bancable, lui permettant l'accès au crédit et à l'investissement. La possibilité est donnée au migrant de participer au fonds afin d'obtenir des possibilités de crédit plus élevées. La CAAD permet ainsi d’épargner une partie des coûts de transfert pour les investir dans un projet futur.

Enfin, devant les coûts élevés des denrées alimentaires, des centrales d'achat et de services (« MIDES Social Market ») sont peu à peu créées dans le pays d'accueil afin d'obtenir des tarifs favorables pour les familles bénéficiaires des transferts d'argent effectués par les migrants. Les bénéfices retirés sont utilisés pour financer des microprojets. De plus, la possibilité est laissée aux migrants et à leur famille d'investir collectivement dans le capital des centrales d'achat, ce qui permet alors à la CAAD de réinvestir cet argent dans de nouvelles centrales.

3. Codéveloppement : les organisations de solidarité internationale issues de la migration (OSIM)

Le codéveloppement consiste à impliquer les migrants dans la coopération au développement en faveur de leur pays d’origine.

Les transferts financiers peuvent créer de la dépendance et, comme nous l'avons vu, les migrants n'ont généralement pas la possibilité de contrôler l'utilisation de l'argent qui sera faite par le bénéficiaire de l'envoi. De plus, on constate que les générations immigrées nées dans le pays d'accueil envoient généralement moins d'argent à leur famille que la première génération de migrants ; ce qui ne les empêche pas d'entretenir des liens étroits avec leur pays d'origine. En réponse à ces constats, une méthode d'expression de la solidarité avec le pays d'origine consiste à s'investir et soutenir des programmes de développement dans le pays d'accueil.

Les OSIM, des organisations créées par des membres des diasporas installées en Belgique, rentrent dans ce cadre. Encore peu connues, elles seraient pourtant environ 300 en Belgique, et contribuent à l'aide au développement, en complément des ONG. Malgré le manque de structures et un fonctionnement généralement bénévole, elles interviennent dans des domaines divers tels que la santé, le développement économique ou culturel. Souvent, elles sont portées par un petit nombre de personnes issues d'une même région et agissent ainsi de manière très localisée. Avec l'avantage qu'elles peuvent, de la sorte, intervenir dans des régions difficilement accessibles aux opérateurs traditionnels.

Certaines organisations tentent peu à peu de quitter le fonctionnement informel et de se professionnaliser, en cherchant du soutien auprès des pouvoirs publics ou en collaborant avec des ONG. Une Coordination générale des migrants pour le développement (CGMD), regroupant environ 130 OSIM, a été fondée, il y a quelques années, afin de faire entendre leur voix.

Conclusion : Quelle méthode privilégier ?

Tout dépend bien sûr des besoins du migrant et de ses attentes par rapport au service : l’argent est-il destiné à sa famille ou au développement de sa communauté ? À la consommation ou à l’investissement ? Quels sont les besoins des bénéficiaires sur place ? Le migrant est-il avant tout intéressé par le coût, l'accessibilité, la qualité du service ? Quelle est la fréquence d’envoi, le montant généralement envoyé ?

D’autre part, la question se pose de savoir si les alternatives proposées sont en état de prendre la relève des opérateurs traditionnels ou si ces derniers sauront adapter leur offre aux nouvelles méthodes étudiées. Ce qui est certain, c’est que le développement des partenariats entre associations de migrants, institutions de microfinance, banques ou encore sociétés de transfert d’argent ne peut qu’être bénéfique au système des transferts de fonds, en augmentant la concurrence sur les marchés, en diminuant les coûts et en offrant au migrant une plus grande variété de choix.

La multitude de moyens utilisés et l’apparition de nouvelles approches garantissent une plus grande liberté au migrant et une plus grande efficience quant à l’utilisation de son argent. Le mot clé est bien celui de liberté. Rien ne sert de chercher à canaliser à tout prix les transferts de fonds vers le développement. En effet, les transferts de fonds constituent au départ une épargne privée pour le migrant et sa famille. De ce fait, l'utilisation de cet argent résulte avant tout d’un choix individuel, et ce n’est qu’en garantissant au migrant la primauté de ce choix, tout en lui offrant une gamme appropriée de services, que l’on pourra allier intérêt individuel et collectif.

La liberté du choix implique de ne pas se limiter essentiellement au coût du transfert, mais également à la disponibilité du service et à sa qualité. Améliorer les transferts de fonds nécessite de travailler sur ces trois fronts en même temps. S’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de service idéal, nous pouvons espérer que la saine concurrence qui doit s’installer entre les opérateurs et le développement des nouvelles technologies permettra à terme de générer une offre optimale pour les migrants et leurs familles.

Arnaud Marchand
Décembre 2011

1 L'ouverture du compte est gratuite.

2 Coopérative de la diaspora burundaise.

3 Mutuelle d’épargne et de crédit.

4 Cf. les systèmes financiers décentralisés.

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Devant les prix élevés pratiqués par les opérateurs de transferts de fonds et le manque d'intérêt dont font montre les banques pour ce type de service, d'autres modes opératoires d'acheminement des fonds envoyés par les migrants dans leur pays d'origine se mettent en place. Les services de transferts de fonds sont multiples et variés (méthodes formelles ou moins formelles, transferts liés au développement ou non, tarifs et partenaires variables). Nous recensons ici quelques autres possibilités face aux opérateurs traditionnels en Belgique.

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