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Activisme actionnarial: le cas Chevron

Soumis par Anonyme le

L'investisseur, en sa qualité d'actionnaire, dispose d'un droit de vote aux assemblées générales des entreprises dans lesquelles il a placé ses économies. Et il peut ainsi tenter d'améliorer le comportement éthique, social et environnemental de celles-ci en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales... C'est ce que l'on appelle « l'activisme actionnarial »(1).

Cette pratique commence à être bien connue des géants pétroliers outre-Atlantique. On sait qu’Exxon subit depuis plusieurs années le feu des activistes en matière de changement climatique. Des résolutions sont déposées à ce sujet en assemblée générale par des actionnaires qui se rassemblent au sein d'organisations comme l’Investor Network on Climate Risk (INCR), créé en novembre 2003 pour favoriser une meilleure compréhension par les investisseurs institutionnels des risques et des opportunités résultant du changement climatique, l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) composé de 275 investisseurs institutionnels religieux qui poussent les entreprises à adopter un comportement responsable sur les plans sociaux et environnementaux ou encore le CERES qui est quant à lui un réseau nord-américain d'investisseurs, d'organismes de protection de l'environnement et autres groupes d'intérêt public travaillant avec des entreprises et des investisseurs pour relever des défis de développement durable comme le changement climatique(2).

Chevron dans la tourmente

C'est à présent Chevron qui est dans la tourmente pour d'autres motifs. Une longue liste reprenant des abus commis par Chevron, des Philippines au Kazakhstan, du Tchad au Cameroun, d'Irak en Équateur et en Angola ainsi qu'en Birmanie, aux États-Unis et au Canada, a en effet été détaillée dans un « rapport annuel alternatif », préparé par un groupe d'organisations non gouvernementales, qui a été distribué aux actionnaires de Chevron lors de leur assemblée annuelle du 27 mai 2009(3).

En outre, lors de cette assemblée, a été soumise au vote des actionnaires une résolution qui rappelle un certain nombre d'éléments factuels. D'abord, le gouvernement des États-Unis a, par trois fois, décrété des sanctions économiques contre la Birmanie, à savoir une interdiction de tout nouvel investissement en 1997, une interdiction des importations en 2003 et d'autres restrictions à l'importation en 2008. Ensuite, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix et chef de la Ligue nationale pour la démocratie, qui a gagné plus de 80 % des sièges lors des élections birmanes de 1990, a réclamé à plusieurs reprises des sanctions économiques contre la Birmanie. Elle a déclaré que les sociétés étrangères installées en Birmanie « créent des emplois pour certains, mais que ce qu'elles réussissent surtout à faire est de rendre une élite déjà riche plus riche encore, et d’augmenter sa cupidité et son désir de s'accrocher au pouvoir » et de poursuivre : « Ces sociétés nuisent beaucoup au processus démocratique. »

Pourtant, Chevron, en partenariat avec le groupe français Total, l'Autorité pétrolière de Thaïlande et Myanma Oil and Gas Enterprise (MOGE), est propriétaire du plus grand projet d'investissement en Birmanie – le champ de gaz Yadana ainsi que le gazoduc qui transporte le gaz en Thaïlande – et aurait versé des millions de dollars au régime birman. Les organisations de défense des droits de l'Homme ont fait état de violations majeures des droits de l'Homme par les troupes birmanes chargées de la sécurité autour du gazoduc, notamment le déplacement forcé de villageois et le recours au travail forcé pour des travaux d'infrastructure liés au projet de pipeline.

En mars 2005, la société Unocal a conclu un règlement transactionnel à hauteur de plusieurs millions de dollars, selon ce qui a été rapporté, dans le cadre d'une action judiciaire fondée sur le fait que la société était complice de violations des droits de l'Homme commises par les troupes birmanes embauchées par le projet Yadana pour assurer la sécurité du pipeline. En achetant Unocal, Chevron a acquis l'investissement d'Unocal en Birmanie, en ce compris ses responsabilités légales, morales et politiques. Chevron fait également des affaires dans d'autres pays controversés sur le plan des droits de l’Homme : l'Angola, la Chine, le Kazakhstan, et le Nigéria.

Le dossier Yadana s'est d'ailleurs encore alourdi en septembre dernier, lorsque l’ONG américano-thaïlandaise EarthRights International (ERI) a rendu publics deux rapports dans lesquels elle accuse Total et Chevron d’être les principaux soutiens financiers de la junte ainsi que d’avoir « contribué à un haut niveau de corruption en Birmanie » et de se rendre indirectement complices de « travail forcé et d’exécutions » sur le site du gisement gazier de Yadana.

Après deux ans d’enquête, ERI révèle en effet que le gisement de Yadana a permis au régime birman d’engranger 4,83 milliards de dollars (3,31 milliards d’euros) entre 2000, début de l’exploitation du site, et 2008. Sur la même période, les enquêteurs avancent que « Total aurait perçu approximativement 483 millions de dollars (331 millions d’euros) et Chevron, 437 millions de dollars (299 millions d’euros) après avoir déduit 30 % de taxes imposées par le régime et 10 % de coûts de production ». Selon les enquêteurs, « 75 % des revenus du projet Yadana vont directement au régime militaire ». Loin d’être versée au budget national, cette manne détournée par les généraux « est localisée dans deux grandes banques offshore à Singapour, réputées pour abriter des fonds des gouvernements de la région et des diasporas ». D’après ERI, il s’agit d’une part de la « Overseas Chinese Banking Corporation (OCBC), qui détient la plupart de ces revenus », d’autre part de « DBS Group ».

EarthRights International conclut que « Yadana a été un élément décisif permettant au régime militaire birman d’être financièrement solvable ». Autrement dit, il a pu « à la fois ignorer la pression des gouvernements occidentaux et refuser au peuple birman toute demande démocratique ».

Une résolution en assemblée générale

Le constat semble donc accablant. Il est évidemment fait pour interpeller des ONG, des syndicats ou encore des congrégations religieuses. Rien d'étonnant à ce que la résolution déposée à l'assemblée générale de Chevron ait été supportée par Amnesty International, mais aussi par la Confédération syndicale internationale (CSI), qui représente 170 millions de travailleuses et de travailleurs au travers de 312 organisations nationales de 157 pays, la Fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie, de l’énergie, des mines et des industries connexes (ICEM) qui est une fédération syndicale internationale (FSI) représentant 467 syndicats de 132 pays, l'American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO), dont les syndicats membres gèrent près de 1.500 fonds, soit environ 400 milliards de dollars d’encours (environ 328,7 milliards d’euros), l'International Brotherhood of Teamsters qui représente 1,4 million de travailleurs aux États-Unis, Canada et à Porto Rico, ainsi que des congrégations religieuses comme The Maryknoll Fathers and Brothers, Mercy Investment Program, the Unitarian Universalist Association, the Ursuline Sisters of Tildonk et des conseillers financiers tels Newground Social Investment.

Cette résolution, qui invitait le conseil d'administration à rédiger en vue de l'assemblée générale de 2010 un rapport sur les critères utilisés par Chevron pour (i) investir, (ii) maintenir des activités, et (iii) se retirer de certains pays, a remporté un succès certain, quoiqu’encore insuffisant, avec 25 % des suffrages(4).

Mais quels sont les arguments qui peuvent sensibiliser les actionnaires de sociétés comme Chevron ou Total ? Du point de vue des investisseurs, les entreprises courent des risques importants liés à la réputation, ainsi que sur les plans financier, juridique et politique, en opérant en Birmanie qui a été condamnée à l’échelon international en raison de son recours au travail forcé, au déplacement forcé et à la répression des minorités ethniques. En reconnaissant ces risques, un grand nombre de sociétés ont désinvesti de la Birmanie au cours de la dernière décennie, notamment British American Tobacco, Texaco (États-Unis), Levi Strauss (États-Unis), Triumph International (Suisse), Premier Oil (Royaume-Uni), Anheuser-Busch (États-Unis), Heineken (Pays-Bas), Adidas (Allemagne) et IKEA (Suède). En 2007, la société Rolls-Royce (Royaume-Uni) a annoncé qu’elle n’opérerait plus en Birmanie. Ivanhoe Mines (CAN) a également annoncé son intention de désinvestir. La campagne britannique Burma Campaign UK tient à jour à ce sujet une liste « sale » (dirty list) des entreprises qui opèrent toujours en Birmanie et une liste « propre » (clean list) des entreprises qui ont désinvesti.

Le premier risque est donc lié à la qualité d'investisseur des sociétés : l’adoption de nouvelles sanctions et l’intensification des campagnes publiques peuvent empêcher les entreprises de vendre leurs actions dans des projets liés à la Birmanie ou les forcer à les vendre à des prix nettement réduits (c'est ce qui est arrivé à la société canadienne Ivanhoe Mines).

Il y a ensuite les risques liés à la réputation: les entreprises opérant en Birmanie sont associées directement ou indirectement à un régime militaire bien connu. La sensibilisation accrue des consommateurs, la couverture médiatique et les campagnes publiques sur la situation en Birmanie peuvent avoir un impact sur la bonne volonté des consommateurs et/ou entraîner une augmentation des risques de boycott des consommateurs.

Ce sont ensuite des risques financiers qui sont encourus, résultant de litiges ou de sanctions. Les entreprises étrangères ne sont en effet pas en mesure de veiller à ce que les transactions financières soient effectuées de manière transparente et responsable, conformément aux normes comptables internationales. Il existe également un risque élevé d’expropriation sans indemnité en raison d’un cadre réglementaire insuffisant et imprévisible en matière d’investissement, d’application irrégulière de la loi et de corruption endémique. Plusieurs entreprises ont ainsi vu saisir leurs avoirs ou ont été forcées par le régime militaire à quitter le pays. Des risques financiers supplémentaires sont liés aux taux de change officiels peu réalistes, au manque permanent de devises étrangères de la junte et au large déficit de la balance des paiements courants.

Il existe enfin des risques juridiques et politiques liés à un renforcement du régime des sanctions internationales, notamment de l’Union européenne, des États-Unis et du Canada. Les opérations en Birmanie courent en outre un plus grand risque de faire l’objet de procès dans des tribunaux étrangers pour violations des droits humains. C'est ainsi qu'une action judiciaire a été portée devant un tribunal américain qui, en 2005, a conclu qu’Unocal, qui avait engagé les services des militaires pour garantir la sécurité dans l’un de ses projets de pipeline, « savait ou devrait avoir su que les militaires commettaient, étaient en train de commettre et continueraient de commettre ces actes atroces ». On se souviendra également du procès intenté en Belgique contre le groupe Total du chef de crimes contre l’humanité.(5)

Conclusions

Comme on le voit, l'activisme actionnarial est loin d'être, tout au moins en Amérique, une activité marginale. Réunir les votes d'un quart des capitaux d'une société comme Chevron n'est pas une mince affaire.

Il se fonde, formellement tout au moins, davantage sur des arguments tirés du risque et donc de la valeur financière des capitaux investis que du respect des droits de l'Homme ou d'enjeux citoyens. Ces risques sont toutefois liés à l'instabilité politique des zones d'activité, mais aussi largement aux réactions citoyennes face à l'inacceptable, qui influencent la réputation de l'entreprise et l'adoption d'éventuelles mesures politiques. C'est dire que les mouvements de défense des droits de l'Homme, au travers de leurs activités de boycott et de plaidoyer, jouent un rôle énorme et apportent de l'eau au moulin des actionnaires activistes.

C'est la bonne compréhension de ces rouages qui peut offrir toute leur force aux mouvements sociaux. Nous avons certainement beaucoup d'enseignements à en tirer dans notre vieille Europe, où l'activisme actionnarial est nettement moins développé, mais ne demande sans doute qu'à s'épanouir.

Bernard Bayot,
décembre 2009

(1) Bernard Bayot, "Activisme actionnarial", Hémisphères, n°25, juin 2004.

(2) Bernard Bayot, "Comment améliorer les pratiques en matière environnementale?", Réseau Financement Alternatif, décembre 2007, http://www.financite.be/s-informer/bibliotheque,fr,11,3,2,1,367.html.

(3) The Ture Cost of Chevron, mai 2009, http://truecostofchevron.com/report.html.

(4)http/::www.workerscapital.org/Chevron_Shareholders_Support_Teamsters_Country_Selection_Criteria_Proposal_%2827_May_2009%29/

(5) Fiche d'information sur la Birmanie et sur les propositions d'actionnaires, http://www.ftq.qc.ca/librairies/sfv/telecharger.php?fichier=5572

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My Last ExxonMobil Annual Meeting

Soumis par Anonyme le
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30/05/2009
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Mai

Actionnaire activiste

Soumis par Anonyme le

Marie-Claude Hessler, qui habite Paris, se rend chaque année à Los Angeles pour assister à l’assemblée générale des actionnaires de Mattel, maison mère de la célèbre poupée Barbie. Depuis 12 ans, elle interpelle sans relâche
la direction du groupe sur les conditions de travail des ouvriers (qui sont surtout des ouvrières) dans les usines où sont fabriqués les jouets.

Comment vous est venue l’idée d’acheter des actions de Mattel ?

J’ai pris cette décision à la suite d’un échange épistolaire avec Mattel. La lettre, proposée par le Réseau solidarité français, questionnait la
multinationale sur ses conditions sociales de production. La réponse standard, sur le ton « N e vous faites pas de souci ! », ne me plaisait pas du tout. J’ai alors acheté le nombre d’actions requises (250, pour une valeur de 2 000 dollars) pour pouvoir participer aux assemblées générales et y met en oeuvre tous mes droits : prise de parole de 3 minutes et trois questions d’une minute chacune... En comptant la réponse du PDG, cela fait, lors de chaque assemblée de 75 minutes, au moins 10 minutes consacrées à la problématique des conditions de travail dans
les usines de fabrication, situées principalement en Chine.

Quelle évolution constatez-vous dans le fonctionnement de cette entreprise ?

« Lors de la première AG à laquelle j’ai participé en mai 1997, Mattel venait de rédiger son premier code de conduite et annonçait la mise en oeuvre d’audits indépendants qui ont démarré quelques mois plus tard. Cette initiative était assez pionnière à l’époque, d’autant plus que les audits indépendants étaient publiés en ligne. Cela m’a permis de les relancer chaque année sur le sujet. La PDG qui avait pris cette initiative a été licenciée en 2000 à la suite d’une malencontreuse opération d’acquisition. Elle a été remplacée par Robert Eckert, toujours en fonction, que j’ai trouvé assez arrogant lors de la dernière assemblée générale, en mai 2009. Comme je lui parlais
des heures supplémentaires auxquelles sont astreintes les ouvrières chinoises, il m’a répondu qu’elles s’ennuyaient quand elles avaient congé ! Ce qui, soit dit en passant, arrive au mieux... un jour toutes les deux semaines ! J’ai compris la raison de ce ton en juin, lors de la publication d’un communiqué de Mattel annonçant la fin de ce programme d’audits indépendants et publiés en ligne. Raison invoquée : Mattel souscrit à présent au code de la fédération internationale des producteurs de jouets, l’ICTI (www.toy-icti.org). Ce code, d’ailleurs très critiqué, est beaucoup moins transparent. »

Quelle conclusion tirez-vous de cette évolution ?

« Si je fais le bilan de ces 12 années d’action, les conditions et sécurité et d’hygiène ont certes été améliorées dans les usines où sont fabriquées les Barbies. Mais pour le reste, les multinationales européennes et américaines ne veulent pas changer leur logique de flux tendu : elles passent leurs commandes en dernière minute, ce qui oblige les ouvrières à travailler nuit et jour à certaines périodes, pour se retrouver ensuite sans travail. Les derniers rapports d’audit publiés étaient très négatifs sur cette question de la pression sur les horaires, ne constatant aucune amélioration d’année en année. Au contraire : d’une moyenne de 60 h par semaine en 1997, on est passé à un régime habituel de 72 h aujourd’hui. Dans certaines usines, l’ouvrière pointe en arrivant, mais c’est son contremaître qui signe l’heure de sortie... Ceci pour éviter le paiement des heures supplémentaires ! »

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Cent fois sur le métier remettre son ouvrage... Trois questions à Marie-Claude Hessler, actionnaire de Mattel depuis 12 ans

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Septembre

Le capital des travailleurs, levier d’action

Soumis par Anonyme le

Autre réalité, autre logique syndicale

En matière de pensions, la priorité des syndicats est de défendre le « premier pilier » (cf. encadré) géré par l’État. D’un pays à l’autre, la situation diffère, mais, en tout état de cause, les syndicats belges et français sont peu enclins à se mêler du fonctionnement des fonds de pension, considérant comme un piège leur implication dans un système privatisé, fût-ce pour l’améliorer. Les détracteurs des fonds de pension soulignent ce point commun entre

la répartition des cotisations (1er pilier) et la capitalisation (2e et 3e piliers) : comme les retraites, les rentes sont toujours prélevées, au cours d’une année, sur les richesses produites et disponibles au cours de cette même année. Les retraites privées sont donc aussi aléatoires que les retraites publiques ! Dans les pays anglo-saxons et en Amérique latine, les syndicats ont dû faire face, dès les années 80, à la privatisation des pensions orchestrée

par leurs gouvernements. Il s’agissait donc de défendre l’intérêt des travailleurs pour que les gestionnaires des fonds gérant leur future retraite prennent réellement en compte l’intérêt de ces millions d’actionnaires. L’établissement, en 1999, du Comité pour la coopération internationale en matière de capital des travailleurs (CWC) fut un premier pas vers la construction d’une « internationale » des travailleurs actionnaires. Un pas plus

décisif encore fut franchi en 2003, quand le Trade Union Congress anglais (communément appelé le TUC) publia « Working capital », véritable petit livre rouge de l’investissement socialement responsable à l’usage des trustees représentant les travailleurs et leurs organisations syndicales dans les conseils d’administration des fonds de pension.

La boîte à outils du parfait trustee

« Working capital » plaide pour l’intérêt du travailleur actionnaire investissant dans un fonds de pension comme pour l’intérêt du travailleur de l’entreprise financée par ledit fond. Ceci sur la base d’études démontrant que le travail décent améliore la productivité, et que l’intérêt à long terme des « propriétaires de l’argent » implique un « capital patient », investi dans des entreprises durables. Ce manuel préconise aussi de s’engager aux côtés des entreprises financées pour améliorer leur gouvernance et de réserver l’exclusion d’entreprises problématiques au dernier recours. Il propose une méthode de travail avec les gestionnaires de fonds, amenés à voter dans les assemblées générales des entreprises financées. Il s’agit donc de contrôler leur activité. Les trustees affiliés au TUC sont invités à s’allier avec d’autres actionnaires activistes pour faire voter des motions dans les assemblées générales des entreprises, à suivre des formations et à former un réseau.

L’internationale de l’argent pour demain

En 2009, ce réseau de trustees britanniques s’est pérennisé. Il collabore au niveau international avec le CWC. Le site www.workerscapital.org, décline lui aussi une véritable « boîte à outils », disponible notamment en français : activisme coordonné d’actionnaires, campagnes de votes par procuration, méthodes coordonnées pour venir à bout d’irrégularités persistantes au sein des transnationales, investissements ciblés en fonction de besoins prioritaires de l’activité économique.

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Via les fonds de pension, les travailleurs sont aussi des actionnaires. A ce titre, ils peuvent agir aussi ! En bref : Petit à petit, à l'échelle globale, les syndicats ont développé une méthode pour orienter les fonds de pension vers des investissements socialement responsables.

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Engagement ou exclusion : quelle est la méthode la plus efficace pour un gestionnaire d'actifs institutionnels ?

Soumis par Anonyme le

Introduction

Dans les faits, un gestionnaire d'actifs institutionnels peut être, entre autres, une société de gestion, une compagnie d'assurance, une caisse de retraite ou un fonds commun de placement. En tout état de cause, son but est d'investir les capitaux qui lui sont confiés dans des actions. Fort de cette mission, il peut influencer la manière dont est utilisé cet argent. C'est ainsi qu'historiquement ce sont des fonds publics, syndicaux ou religieux qui ont voulu orienter les politiques de gestion des entreprises dans lesquelles ils investissaient vers une meilleure prise en compte des facteurs sociaux, environnementaux ou de bonne gouvernance1.

De nos jours – et dans une plus forte mesure encore depuis la crise financière –, les gestionnaires d'actifs institutionnels mettent en place des garde-fous pour assurer une certaine cohérence dans leurs placements. Ainsi, pour augmenter la prise de conscience des critères extrafinanciers, ces différentes organisations appliquent diverses démarches dont celles dites « d'engagement »2 et « d'exclusion »3.

Examinons tout d'abord, ce que signifient ces termes dans le domaine de l'ISR. L'engagement, selon le glossaire de Novethic, média français expert du développement durable et de l’investissement socialement responsable,« est un terme, utilisé surtout dans les pays anglo-saxons, pour désigner une activité de dialogue entre un actionnaire institutionnel (fonds de pension, sociétés de gestion, etc.) et une entreprise dont le but est d'améliorer sa performance financière, à moyen et long terme, en facilitant une meilleure prise en compte des facteurs de risques environnementaux et sociétaux. Quand ce dialogue ne donne aucun résultat, l'investisseur-actionnaire porte le débat sur la place publique, lors des assemblées générales. »4 C’est une sorte d'activisme actionnarial, où le dialogue reste tant que possible dans l'arène privée des entreprises. Il s’agit dès lors d'une méthode dynamique et progressive pour entraîner les entreprises à considérer des aspects environnementaux, sociaux et de transparence.

L'exclusion, ou « screening négatif », ou encore « tamisage négatif », est quant à elle une technique plus brusque. L'auteur de l'article Évolution sémantique de l’investissement socialement responsable5, définit ce concept comme visant « à exclure de son univers d'investissement des entreprises impliquées dans certains secteurs d'activités ou produits et services. [...] L'exclusion sera soit globale – exclusion de l’ensemble du secteur d'activité ou exclusion géographique – soit nuancée, par exemple, exclusion des entreprises dont plus de 10 % du chiffre d'affaires proviennent de la vente d'armes. » Dès lors, la manière dont cette exclusion se fait est plutôt directe et elle peut être perçue comme agressive. Les exemples qui suivent illustrent les avantages et les inconvénients respectifs de ces pratiques.

Deux exemples : F&C Investments en Grande-Bretagne et Kommunal Landspensjonskasse (KLP) en Norvège

Le premier exemple concerne la société de placement F&C Investments. Avec 3 millions de clients, 120 milliards d'euros d'actifs et une présence dans une cinquantaine de pays sur trois continents, cette compagnie de taille relativement importante applique une méthode qu'elle a baptisée Reo ("Responsible Engagement Overlay") qui consiste en trois grandes actions :

  • utiliser les actions de leurs clients comme levier pour encourager les entreprises à améliorer leur performance à long terme à travers une meilleure gestion des risques environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance ;
  • exercer cette influence à travers l'engagement et le vote ;
  • mettre en œuvre les PRI6.

Plus concrètement, l'équipe de Karina Litvack, directrice de la Gouvernance et des Investissements durables, s'attache à faire évoluer les choses de l'intérieur par la technique de l'engagement7. Cette technique se déroule en plusieurs temps. Autant de rendez-vous de dialogue avec l'entreprise ou le secteur concerné que nécessaire sont mis en place pour orienter les décisions des présidents d’entreprises vers un comportement plus respectueux du développement durable.

Le secteur bancaire en Grande-Bretagne fournit depuis plusieurs années un bon exemple de cette pratique. Le gestionnaire F&C Investments interpelle les grandes banques anglaises sur une série de sujets, dont la bonne gouvernance, la tension salariale ou le changement climatique. Une des clefs de la réussite de cette méthode est la fréquence des réunions de dialogue, la participation active à des formations internes des banques ainsi que des sessions de consultation et de feedback avec les décideurs.

Plus particulièrement, la Banque HSBC s’est vu demander des comptes en termes de gestion prudente des risques sur les opérations subprimes aux États-Unis. À la suite de cette démarche d’engagement, la banque a détaillé une série de mesures afin de gérer au mieux ces opérations. F&C Investments continue à exprimer ses craintes à ce sujet et à évaluer les progrès faits en la matière.

La stratégie de dialogue employée par F&C Investments dans ce cas est donc de longue haleine, mais semble apporter une amélioration aux pratiques de la banque en question.

Un deuxième exemple décrit la méthode utilisée par KLP. Malgré son statut « d’une des plus grandes compagnies d'assurance-vie en Norvège », cette entreprise est relativement petite avec ses 442 000 clients et ses 23,12 milliards d’euros d’actifs. Sa manière de gérer les fonds est toutefois très intéressante.

Jeanett Bergan, directrice de l’Investissement socialement responsable, explique la manière de procéder de KLP : « Nous utilisons une stratégie en deux parties : nous utilisons la synergie des méthodes d’engagement et d’exclusion »8. En effet, KLP pratique, d’un côté, l’exclusion selon des critères stricts sur les droits humains, le droit du travail, la protection de l’environnement, l’anti-corruption et les armes9 et, de l’autre, l’engagement afin de faire connaître aux entreprises les démarches à mettre en place ou à rectifier pour faire partie de leur univers d’investissement.

Si certaines entreprises sont exclues d'office du fait de la nature de leurs activités10, comme les entreprises de tabac par exemple, d’autres risquent l’exclusion si elles ne changent pas leur comportement à la suite d’un avertissement du Global Ethic Service (GES), département de KLP analysant les compagnies de manière régulière. Un élément important de la stratégie de KLP : elle publie deux fois par an la liste des entreprises qu’elle exclut de son univers d’investissement et les raisons de cette exclusion.

Un exemple concret est le cas de l’entreprise de services de restauration et de chèques services Sodexho. KLP a d’abord dialogué avec Sodexho pour dénoncer les conditions inhumaines de l’« Immigration Removal Centre — IRC »11 de Harmondsworth en Angleterre géré par Kalyx, une filiale de Sodexho12. Vu les faits de violation des droits humains, elle décide d’exclure Sodexho de son univers d’investissement en 2007 et publie un communiqué de presse sur cette exclusion13. Cette action publique mène Sodexho à régler rapidement la situation à l’IRC et à développer une politique d’entreprise globale sur les droits humains. En décembre 2008, Sodexho réintègre l’univers d’investissement de KLP.

La stratégie de KLP consiste donc en un mélange de dialogue et d’action publique d’exclusion, qui a permis des améliorations concrètes dans le cas décrit.

Conclusions

À travers les deux exemples cités, nous observons que chaque méthode présente des avantages et des inconvénients pour le gestionnaire d'actifs institutionnels. Le tableau ci-dessous en recense les principaux :

 

Avantages de la démarche

Inconvénients de la démarche

engagement

- progressive, dynamique et évolutive

- possibilité de réel changement corporatif

- identification des risques à la source

- maintien de bonnes relations entreprises-actionnaires

- chronophage

- relativement coûteuse

exclusion

- impact de levier du public

- telle que pratiquée par KLP, non définitive

- obtention possible de résultats rapides

- peut couper court à une relation actionnaire-entreprise

Ce tableau permet d’observer qu’aucune des deux méthodes n’est radicalement « meilleure » que l’autre. Il montre également que ces techniques peuvent se compléter et faire partie d’une même stratégie pour tendre vers une meilleure prise en compte des facteurs de risques environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance. KLP semble bien tabler sur la complémentarité pour arriver à faire changer le comportement d’importantes multinationales. F&C Investments, quant à elle, cherche plutôt un changement à long terme à coups de rendez-vous et de votes.

En conclusion, les deux méthodes sont valables et une utilisation « synergique » des deux est probablement la voie la plus ferme et la plus efficace pour orienter les entreprises vers un univers d’investissement socialement responsable.

Annika Cayrol

mars 2009


 

1 Lire les articles L'actionnaire public au balcon ? et Les syndicats et l'investissement responsable de Bernard Bayot, disponibles sur www.financite.be

2 D'origine anglo-saxonne, le terme "engagement" est parfois traduit par l'expression "accompagnement" en français.

3 L’exclusion est une partie de la technique de screening, celle-ci pouvant être négative (exclusion) ou positive (best-in-class). Cet article se limite volontairement à comparer deux pratiques – « engagement » et « exclusion » – qui, à elles deux, ne représentent pas l'ensemble des techniques utilisées.

6 UNPrinciples for Responsible Investment, pour plus d'informations voir : http://www.unpri.org/principles/french.php

7 Conférence Novethic, « Environnement, Social et Gouvernance : nouvelle donne pour les investisseurs institutionnels », 5 décembre 2008

8 Conférence Novethic, « Environnement, Social et Gouvernance : nouvelle donne pour les investisseurs institutionnels », 5 décembre 2008

9 Ces critères proviennent de guidelines tels que les dix principes de l’UN Global Compact, les lignes directrices de l’OCDE sur les multinationales et certaines normes de l’UN.

10 Les entreprises exclues du Fonds de pension du gouvernement norvégien sont automatiquement exclues de leur univers d’investissement.

11 Sorte de lieu de détention où les immigrants sont en attente de rapatriement dans leur pays d’origine, plus d’informations sur : http://www.kalyxservices.com/locations/harmondsworth_irc.aspx

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De plus en plus de gestionnaires d'actifs institutionnels placent leurs avoirs dans l'investissement socialement responsable (ISR). Ils décident de leur univers d'investissement et peuvent influencer les entreprises ou les États qui les composent par divers stratagèmes. Cet article s'attache à comparer les méthodes dites, d'une part, « d'engagement » et, d'autre part, « d'exclusion », à travers deux exemples en Europe.

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Shell : vote hostile sur la rémunération des dirigeants

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21
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21/05/2009
Mois d'édition
Mai

L'investissement socialement responsable - document de base

Soumis par Anonyme le

Cadre de l'ISR

On distingue généralement trois grandes approches de l’investissement socialement responsable.

Une approche active, en fonction de l'engagement ou de l'activisme actionnarial auprès des entreprises du portefeuille de placement. L'activisme actionnarial consiste à exercer son pouvoir d'actionnaire, par le biais de son droit de vote, aux assemblées générales des entreprises cotées en Bourse afin d'améliorer le comportement éthique, social et/ou écologique de l'entreprise dont on est actionnaire, en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales.

Une approche passive, en fonction de l'application de filtres positifs ou négatifs sur la base de critères éthiques, sociaux ou environnementaux, au moment du choix de placement. On parle dès lors de « screening » ou de « tamisage positif ou négatif de l'univers d'investissement ».

Le screening négatif, ou screening d'exclusion, consiste à exclure de son univers d'investissement des entreprises impliquées dans certains secteurs d'activités ou produits et services. De nos jours, les secteurs qui sont remis en question sont généralement : l'armement, l'énergie nucléaire, le tabac, l'alcool, le pétrole, etc. Les pays qui posent problème sont les pays non démocratiques, non respectueux des droits de l'homme ou des conventions de l'Organisation internationale du travail. Quant aux pratiques controversées, citons, à titre d’exemples, les manipulations génétiques, les tests sur les animaux, les organismes génétiquement modifiés…

L'exclusion sera soit globale – exclusion de l’ensemble du secteur d'activité ou exclusion géographique –, soit nuancée – exclusion des entreprises dont plus de 10 % du chiffre d'affaires proviennent d'une activité considérée négative, par exemple la vente d'armes.

A contrario, le screening positif ou screening d'inclusion vise à inclure dans l'univers d'investissement les entreprises qui affichent des pratiques exemplaires ou, du moins, qui adoptent les meilleures pratiques de leur catégorie – technique dite de « best-in-class » –, ou qui apportent une contribution significative au développement durable, par exemple.

Une approche communautaire (ou solidaire ou de partage) en fonction des investissements communautaires ou des investissements dits « de partage solidaire ». On sélectionne, ici, les produits financiers de différentes formes qui visent à fournir du capital en prêtant à des entreprises locales ou à des particuliers ou en faisant des investissements sous forme de participation dans de telles entreprises en vue de favoriser le développement communautaire ou d’appuyer les groupes défavorisés ou à faibles revenus ou de développer l'économie locale ou sociale.

Placements éthiques

De quoi s'agit-il ?

Il s’agit de placements financiers dont le capital est exclusivement investi au sein d'entreprises, qui au-delà des critères financiers traditionnels, respectent des valeurs sociales et environnementales précises. L’éthique se traduit donc, dans le domaine financier, par une sélection qualitative d'entreprises socialement responsables dans lesquelles l'investisseur accepte de placer son argent.

Comment fonctionne un placement éthique ?

Comme tout autre produit financier, mais les entreprises qui font partie du portefeuille d’investissement sont évaluées suivant des critères extrafinanciers.

On regroupe généralement ces critères extrafinanciers sous deux grandes catégories :

  • les critères d'exclusion, qui, comme leur nom l’indique, excluent de l’univers d’investissement certaines entreprises en fonction de leur activité : armement, énergie nucléaire, manipulation génétique, etc. ;
  • les critères positifs, qui sélectionnent dans le portefeuille des entreprises respectant des critères sociaux, environnementaux et de bonne gouvernance.
  • Aujourd'hui, les placements financiers éthiques se classent généralement selon trois catégories.

Les fonds d’exclusion : les gestionnaires de ces fonds excluent de leur univers d’investissement des entreprises impliquées dans certains secteurs d’activités ou produits et services. L’exclusion porte généralement sur plusieurs critères éthiques (armement, tabac, alcool…)

L’exclusion sera soit globale – exclusion de l’ensemble du secteur d’activité ou exclusion géographique –, soit nuancée – par exemple, exclusion des entreprises dont plus de 10 % du chiffre d’affaires proviennent de la vente d’armes ou exclusion de l’entreprise si elle pratique des tests sur les animaux à des fins non médicales, etc.

Les fonds thématiques ISR qui incluent dans la sélection des entreprises entrant dans l’univers d’investissement une série de critères positifs propres à un secteur ou à un thème. Ces fonds investissent leurs capitaux au sein d’entreprises se distinguant dans un aspect bien précis de la gestion socialement responsable tel que, par exemple, la mise en oeuvre d’une politique sociale adéquate ou la mise en place d’un processus de production écologiquement plus responsable. Pour ces fonds, les entreprises sont donc uniquement analysées sous l’angle d’un ou de plusieurs aspects de gestion socialement responsable (respect de l’environnement, bonne politique sociale, bonne gouvernance), mais pas en fonction de tous ces aspects à la fois.

Les fonds « best-in-class », dans lesquels l’univers d’investissement est composé d’entreprises leaders en termes de critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance au sein d’un secteur ou d’un groupe d’entreprises.

La sélection des entreprises est faite soit par des organismes spécialisés indépendants, soit par une cellule de recherche interne à la banque ou au promoteur du produit.

Pourquoi investir « éthique » ?

  • Pour une question de morale personnelle.
  • Pour encourager les entreprises soucieuses de l'homme et de son environnement.
  • Pour concilier intérêt particulier et bien commun.
  • Pour construire un monde durable.

À qui les produits éthiques sont-ils destinés ?

  • À tout particulier ou toute personne morale qui désire placer son argent à court, moyen ou long terme.
  • La gamme des placements éthiques existant s'étend du compte d'épargne au fonds de placement, en passant par des produits d'assurance et d’investissement éthique avec partage solidaire.

Placements éthiques avec partage solidaire

De quoi s'agit-il ?

Les placements avec partage solidaire sont des placements financiers qui soutiennent des associations humanitaires, des projets à plus-value sociale... grâce à la redistribution d'une partie des bénéfices dégagés par le placement de l’épargne.

Le mécanisme de solidarité porte, non pas en amont sur le capital placé, mais en aval sur la redistribution d’une partie des bénéfices éventuels engendrés par le placement du capital. Un placement de partage solidaire place donc son capital selon les critères financiers traditionnels dans des entreprises cotées en Bourse, dans des institutions nationales ou des États, mais redistribue (partage) une partie des bénéfices engendrés par le placement du capital à des associations humanitaires, projets à plus-values sociales…

L'acte « socialement responsable » se situe donc dans le partage des bénéfices générés.

Comment fonctionne un placement de partage solidaire ?

Comme tout autre placement financier, mais une partie des bénéfices sont redistribués au secteur associatif ! Vos bénéfices d’investisseur ? Pas forcément ! Tout dépend du mécanisme de solidarité en vigueur sur le produit choisi.

Actuellement deux mécanismes de solidarité prévalent :

  • soit le promoteur (banque, assurance, société de gestion) cède systématiquement une partie des bénéfices qu’il a réalisés sur le produit (partage des droits d'entrée ou de gestion, cession d’un montant forfaitaire…) au profit d’une association bénéficiaire, et l'investisseur a l’option de céder, lui aussi à une association bénéficiaire, une partie de ses bénéfices s’il le désire;
  • soit l'investisseur cède une partie de ses gains (intérêts ou dividendes) au profit d’une association bénéficiaire;
  • soit le promoteur et l'investisseur cèdent chacun une partie de leur bénéfice.

Qui peut être bénéficiaire de produits solidaires ?

Toute association, toute entreprise de l'économie solidaire ou tout projet porteur de valeurs de développement durable (voir la liste).

Pourquoi investir « solidaire » ?

  • Pour servir une économie citoyenne.
  • Pour soutenir un grand nombre d'associations, de projets… qui disposent de moyens limités au regard de leur mission (pauvreté, exclusion, protection de la nature…).
  • Pour renforcer la cohésion sociale.
  • Pour construire une société plus juste et plus humaine.

À qui les produits de partage solidaire sont-ils destinés ?

À tout particulier ou toute personne morale qui désire placer son argent à court, moyen ou long terme.

La gamme des placements financiers de partage solidaire existants s'étend du compte d'épargne au fonds de placement, en passant par des produits d'assurance.

Investissements éthiques et solidaires (directs ou indirects)

De quoi s'agit-il ?

On parle d'« investissement éthique et solidaire » lorsque des particuliers ou institutionnels décident d'investir directement une partie de leurs fonds dans des organisations ou entreprises non cotées en Bourse et appartenant au secteur de l’économie sociale, afin de leur donner les moyens nécessaires pour développer leurs activités. Un investissement sera considéré comme solidaire si au minimum 50 % de son encours total est placé selon ces principes. En Belgique, certaines formules d’investissement éthique et solidaire (ou de capital solidaire) permettent d’investir 100 % du capital dans des intermédiaires financiers solidaires.

On pense ici aux produits non bancaires tels que les parts de coopérateur, les prises de participation de sociétés à finalité sociale ou les obligations émises par des associations ou des fondations.

Comment cela fonctionne-t-il ?

Comme toute prise de participation dans le capital d'une entreprise, à la différence près que vous n'investissez qu'au sein de structures alternatives à finalité sociale – des ASBL, des fondations, des coopératives agréées, des sociétés à finalité sociale.

Pourquoi investir « éthique et solidaire » ?

  • Par conviction personnelle.
  • Pour allouer des fonds à des personnes ou institutions qui ont des difficultés à lever des capitaux par le biais des canaux classiques.
  • Pour partager le risque de l'investissement lui-même.
  • Pour tenter de réduire les inégalités sociales, les phénomènes d'exclusion, la pauvreté...

À qui les produits d’investissement éthiques et solidaires sont-ils destinés ?

À tout particulier ou toute personne morale qui désire placer son argent hors du système bancaire à court, moyen ou long terme, dans des structures à plus-value sociale forte et qui ne recherche pas une grande rentabilité financière.

La gamme des investissements éthiques et solidaire existants s'étend des parts de coopérateur aux groupes d'épargne de proximité, en passant par l'émission d'obligations.

Voir la liste des produits éthiques et solidaires disponibles en Belgique.

Activisme actionnarial

De quoi s'agit-il ?

L’activisme actionnarial (ou shareholder activism) consiste à exercer son pouvoir d'actionnaire, par le biais de son droit de vote, aux assemblées générales des entreprises cotées en Bourse afin d'améliorer le comportement éthique, social et/ou écologique de l'entreprise dont on est actionnaire, en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales.

L'activisme actionnarial est donc un moyen complémentaire mis à la disposition de tout investisseur en vue de contribuer au développement durable de la société.

Comment l’activisme actionnarial fonctionne-t-il ?

L'investisseur exerce son pouvoir d'actionnaire (notamment son droit de vote) en participant aux assemblées générales.

Pourquoi devenir un actionnaire actif ?

  • Pour infléchir de manière responsable la stratégie des entreprises.
  • Pour interpeller les dirigeants d'entreprises sur leur mode de gestion.
  • Pour dénoncer des pratiques peu responsables

Qui peut faire de l’activisme actionnarial ?

Tout particulier ou toute personne morale détentrice d'un nombre d'actions d'entreprises suffisant pour participer aux assemblées générales annuelles.

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2008
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12/2008
Mois d'édition
Décembre

Cahier FINANcité n°3 : Nouvelle directive européenne

Soumis par Anonyme le
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2006
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10/2006
Mois d'édition
Octobre

Les syndicats et l'investissement responsable

Soumis par Anonyme le

Les expériences syndicales en matière d'investissement socialement responsable (ISR) sont multiples à travers le monde. Développées dans des contextes différents, elles ne sont pas nécessairement transposables. On peut les schématiser en cinq actions, qui peuvent, bien sûr, se cumuler : le boycott, la labellisation, l'actionnariat actif, la gestion des fonds de pension et l'action financière.

Boycott

La première formule consiste à soutenir des mouvements de boycott des investissements dans certains pays (Afrique du Sud du temps de l'apartheid, Chine, Soudan...) ou de certaines entreprises lorsqu'elles se rendent coupables, par exemple, de violation de droits civils ou sociaux.

Labellisation

La labellisation de produits financiers consiste à identifier certains de ceux-ci pour récompenser les producteurs respectant des normes de qualité et pour indiquer ce respect au consommateur. En France, le Comité intersyndical de l'épargne salariale (CIES), créé en janvier 2002, rassemble presque tous les syndicats représentatifs (CFDT, CFECGC, CFTC, CGT) et publie annuellement une sélection d'offres d'épargne salariale socialement responsable qu'il labellise.

Ses critères de sélection sont de trois ordres : le meilleur rapport qualité-prix pour les salariés, des instruments d’investissement socialement responsables et diversifiés, en fonction du risque et de l’orientation souhaités par le salarié, et enfin des garanties fortes (contrôle par un conseil de surveillance composé majoritairement de représentants des salariés, capacité donnée à ce conseil de contrôler régulièrement et concrètement la gestion des fonds, transparence et clarté de la gestion).

Actionnariat actif

L’activisme actionnarial consiste, pour les actionnaires, à exercer leur droit de vote aux assemblées générales annuelles des entreprises cotées dont ils détiennent des parts. Ils utilisent ainsi un levier puissant pour améliorer le comportement éthique, social et/ou environnemental des entreprises, en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales.

À l’occasion d’une réunion qui s’est tenue au début du mois d'avril 2003 à Stockholm, l'alliance syndicale internationale Global Unions [1], regroupant la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)[2], les Fédérations syndicales internationales et la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (CSC-OCDE) [3], a décidé d’intensifier ses efforts en vue d’assurer que les entreprises multinationales assument leurs responsabilités sociales.

Les participants, qui ont passé en revue une large gamme d’initiatives volontaires privées en matière de responsabilité sociale, ont notamment examiné l’essor de l’investissement socialement responsable et le rôle que les investisseurs – tels que les fonds de pension, par exemple – peuvent jouer dans ce domaine.

Le sujet n'est pas neuf : depuis un rassemblement international qui a eu lieu à Stockholm également, en 1999, la coopération intersyndicale s'est accrue en vue d'améliorer l’influence des capitaux des salariés.

Sur le plan mondial, l’objectif poursuivi par les organisations syndicales est d’utiliser comme levier d’action le pouvoir des 11 000 milliards de dollars détenus par les travailleurs et investis pour leur retraite, afin d’améliorer les comportements des entreprises et de les rendre plus socialement responsables.

Cette stratégie syndicale se retrouve également sur le plan national.

Aux États-Unis, les syndicats associés à l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO), qui gèrent presque 1500 fonds, soit environ 400 milliards de dollars d’encours, environ 328,7 milliards d’euros, ont lancé le programme "Capital Stewardship" pour coordonner les activités d’engagement actionnarial, en particulier les résolutions visant à réformer la gouvernance d’entreprise [4].

Ils sont également les auteurs du "Proxy Voting Guidelines", guide du vote par procuration accessible au grand public [5], du "Key Vote Survey", qui dresse une liste des gérants d’actifs et de leur performance de vote sur un nombre sélectionné de résolutions d’actionnaires [6], et de l’"Investment Product Review" qui dresse une liste des canaux d’investissement dans lesquels les fonds des syndicats peuvent investir, car ils créent des "bénéfices collatéraux" ou des retours financiers positifs et défendent des valeurs de travail [7].

Au Royaume-Uni, à l’occasion de la publication d’un rapport intitulé "Working Capital" [8] et d’une conférence qu’elle organisait à Londres, le 24 février 2003, la Confédération syndicale britannique Trade Union Congress (TUC) [9] a adopté une position claire en faveur de l'investissement socialement responsable.

L’objectif qu'elle se fixe est de mobiliser les 260 milliards d’euros détenus par les fonds de pension comportant des administrateurs membres du TUC pour développer des investissements économiquement ciblés afin de combler des fossés sur les marchés de capitaux ou de les orienter sur les projets créateurs ou préservateurs d’emplois ; de désinvestir des entreprises qui ont un comportement social inacceptable ; de sélectionner les entreprises sur la base de leur comportement social ; et, enfin, de pratiquer l’engagement actionnarial aux assemblées générales annuelles.

En France, le Comité intersyndical de l'épargne salariale (CIES) envisage également d’expérimenter des campagnes de vote lors des assemblées générales des entreprises.

Gestion des fonds de pension

Les syndicats interviennent également, à des degrés divers, dans la gestion ou le contrôle de la gestion des fonds de pension et peuvent, à ce titre, agir pour promouvoir l'ISR. C'est le cas, par exemple, au Brésil où les syndicats cherchent la participation au marché financier, en particulier dans la politique de création et de gestion des fonds de pension. Pour cette politique, ils s’appuient sur le discours de gouvernance d’entreprise, de responsabilité sociale, d'investissements éthiques et de défenseurs légitimes des droits des travailleurs.

Ce "dialogue" entre syndicalistes et marché financier présente une nouvelle variable dans l’histoire du syndicalisme brésilien, ainsi qu’une nouvelle nature dans le rapport capital/travail. La méthode de recherche a été constituée à partir des entrevues avec plusieurs syndicalistes des centrales syndicales du Brésil, c'est-à-dire, la Centrale unique des travailleurs (CUT), Force syndicale (FS), et la Centrale générale des travailleurs (CGT). Théoriquement, cette recherche s’inspire des travaux de quelques sociologues, tels Robert Castell, et de grands noms de la sociologie du travail du Brésil [10].

Action financière

Deux exemples québécois, la Caisse d'économie Desjardins des travailleuses et des travailleurs et le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, montrent enfin la possibilité pour un syndicat de devenir lui-même acteur financier.

La Caisse d'économie Desjardins des travailleuses et des travailleurs (Québec) a vu le jour le 24 février 1971 sous le nom de Caisse d'économie des travailleurs réunis de Québec. À l'initiative de militantes et de militants de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) de la région de Québec, cette caisse délaisse l'action conventionnelle des caisses populaires et d'économie. Elle a proposé, dès le départ, une démarche coopérative militante axée essentiellement sur la promotion de l'action collective. Les militants poursuivent deux objectifs : prendre le contrôle de leur épargne et démontrer qu'il est possible de faire autrement sur le plan économique. La Caisse reste au service des travailleuses et des travailleurs, mais elle met en place une nouvelle stratégie de développement, d'abord sur le plan de la collecte de l'épargne collective par la voie syndicale, et elle s'engage plus à fond auprès des groupes populaires et communautaires. Elle se développera pour beaucoup à partir de coopératives d'habitation et de travail.

Par ailleurs, au début des années 80, le Québec traverse une difficile récession. Près du quart des jeunes sont sans emploi. Plus de 14 % de la main-d'œuvre québécoise est au chômage. Les taux d'intérêt démentiels obligent plusieurs petites et moyennes entreprises à fermer leurs portes. En avril 1982, le premier ministre du Québec, René Lévesque, lance un appel à la solidarité lors du Sommet socio-économique convoqué d'urgence à Québec par le gouvernement québécois.

Consciente de la gravité de la situation, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) se dit prête à collaborer. Louis Laberge, alors président de la FTQ, la plus importante centrale syndicale du Québec propose à ses membres de se doter d'une nouvelle politique syndicale face aux licenciements et aux fermetures d'entreprises. « Nous devons répondre à l'urgence de l'heure chez nos membres et dans la société québécoise : le maintien et la création d'emplois, déclare-t-il. Sinon, à quoi servent les syndicats ? »

Un des moyens préconisés est la création d'un fonds d'investissement de solidarité contrôlé par la FTQ. L'objectif est d'investir du capital de risque dans les PME québécoises. Dans les mois qui suivent, des professionnels de la Société de développement des coopératives et des dirigeants de la FTQ se mettent à l'œuvre. Le gouvernement du Québec exprime son appui en accordant aux futurs actionnaires du Fonds des conditions fiscales avantageuses. Il sera d'ailleurs suivi par le gouvernement fédéral quelque temps après. Le 3 mars 1983, la FTQ annonce son projet de créer le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ), une première dans les annales du monde syndical !

Conclusions

Comme on le voit, les pistes ne manquent aux organisations représentatives des travailleurs pour influencer le cours des choses en matière financière. Correctement utilisé, l'effet de levier dont elles disposent au travers de leurs adhérents et des fonds de pension à la gestion desquels elles sont associées est immense. Mais, pour en faire usage, des évolutions de mentalité sont parfois nécessaires, tant il est vrai que les actions possibles en ce domaine n'appartiennent pas au champ d'activité traditionnel des syndicats.

Les réticences sont plus prononcées, ici ou là, en fonction du type de syndicalisme déployé. Pour certains, c'est une véritable révolution culturelle qui est nécessaire, le cas échéant. Mais ne rien faire, revient à refuser d'apporter une réponse syndicale globale dans un contexte qui, lui, est globalisé.

Bernard Bayot, 3 octobre 2008 


 

[1] http://www.global-unions.org.

[2] http://www.icftu.org/default.asp?Language=FR.

[3] http://www.tuac.org.

[4] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital.

[5] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/proxy_voting_guide....

[6] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/keyvotesurvey2002.pdf.

[7] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/2002_IPR.pdf.

[8] http://www.tuc.org.uk/pensions/tuc-6269-f0.pdf.

[9] TRADE UNION CONGRESS - Working Capital - www.tuc.org.uk -février 2003.

[10] Maria Aparecida, CHAVES JARDIM, Nouvelles stratégies syndicales au Brésil : création et gestion de fonds de pension.

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La finance américaine, et donc mondiale, vit des moments dramatiques. Alors que le monde retient son souffle, il nous paraît utile de rappeler que, si capital et monde du travail ont souvent des intérêts opposés, voire contradictoires, il n'est pas dit que le second ne puisse peser sur le premier pour favoriser la prise en compte d'une plus grande responsabilité sociale.

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03/10/2008
Mois d'édition
Octobre

Comment améliorer les pratiques bancaires en matière environnementale ?

Soumis par Anonyme le

Activisme militant

Prenons deux bonnes pratiques aux États-Unis. Bank of America, tout d'abord, qui a pris l’engagement de comptabiliser puis de réduire de 7 % les émissions indirectes de gaz à effet de serre de son portefeuille d’investissement «énergie ». JP Morgan Chase, ensuite, qui a adopté en 2005 une politique qui demande à ses clients de mesurer et publier leurs émissions de gaz à effet de serre et d’adopter des plans de réduction de ces émissions. Ces attitudes positives ne sont pas le fruit du hasard, mais la conséquence immédiate et tangible de l'activisme particulièrement efficace d'un groupe californien de défense de l’environnement : Rainforest Action Network (RAN).

En 2000, celui-ci a demandé à Citigroup, la plus grande banque du monde, d’adopter une politique de prêt prenant en compte les critères environnementaux. La société a tout d’abord refusé et les activistes ont dénoncé l'attitude de la banque. Ainsi, par exemple, le 13novembre 2002, par le biais d’une annonce occupant une page entière du New York Times, RAN dénonçait le fait que Citigroup octroyait des prêts à des entreprises dont les activités ont d’importants impacts environnementaux comme la destruction de forêts fragiles, le déplacement de communautés locales ou l'accélération du réchauffement climatique. Citigroup était, entre autres, associée au projet péruvien d’exploitation du gisement gazeux de Camisea, à l’oléoduc équatorien Crudos Pesados, à la centrale électrique thaïlandaise Ratchaburi, au gisement pétrolifère Gobe, en Papouasie Nouvelle-Guinée, à la coupe d’anciens séquoias en Californie, au pipeline Tchad-Cameroun, etc.

RAN estimait qu'en sa qualité de plus grande banque du monde, Citigroup avait le pouvoir et la responsabilité de mettre en place de nouvelles normes environnementales pour les institutions financières. L'organisation écologique lui demandait en conséquence de mettre fin aux investissements destructeurs dans les combustibles fossiles et la déforestation et de privilégier le financement des énergies propres, renouvelables. Après plus de trois ans de protestations, Citigroup a finalement reconnu qu’il serait plus coûteux que profitable d’accorder des prêts à des industries polluantes, alors que leur refuser un prêt constituerait une bonne publicité, gratuite.

Une fois que Citigroup eut cédé, sa relation antagoniste avec RAN s’est transformée en une collaboration destinée à assurer le respect de ces nouveaux standards – un partenariat qui a apporté encore davantage de publicité gratuite à cette société. Pendant ce temps, RAN a tranquillement rédigé une lettre aux dirigeants de Bank of America, leur demandant d’adopter une politique similaire. Bank of America, ayant pu constater le désordre que des militants déterminés pouvaient causer en s’attachant aux portes des banques, a vite réalisé qu’il était préférable de rejoindre les rangs des banques écologiquement respectables. Après la capitulation de Bank of America, JP Morgan Chase est devenu la cible suivante et n’a pas tardé à suivre l’exemple de la concurrence.

Comme on le voit, même de grands groupes financiers, parmi les plus importants au monde, peuvent trembler et se soumettre aux exigences de militants écologistes déterminés. C'est en quelque sorte le combat de David contre Goliath au pays du réchauffement climatique – la fronde de David s'apparentant à un usage astucieux des médias. Cette forme d'activisme, classique, n'est pas la seule à laquelle le monde économique soit perméable.

Activisme actionnarial

La protection de l’environnement, traditionnellement perçue par les investisseurs comme un frein à la rentabilité, est désormais envisagée par les plus éclairés d'entre eux comme source de profit et de rentabilité. Et ils le font savoir au travers de l'activisme actionnarial : en exerçant leur droit de vote aux assemblées générales annuelles des entreprises cotées dont ils détiennent des parts, les actionnaires utilisent un levier puissant pour améliorer le comportement éthique, social et/ou environnemental des entreprises, en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales. Quelques exemples.

Le géant pétrolier Exxon est depuis des années la bête noire d'un nombre grandissant d'actionnaires responsables et d'ONG luttant contre le changement climatique, qui l'accusent de négliger les impacts de ses activités sur le changement climatique, mais aussi de se livrer à un lobbying forcené auprès du gouvernement fédéral afin que les États-Unis n'approuvent pas le protocole de Kyoto. Un rapport publié par un groupe d'experts américains montre ainsi comment Exxon a organisé et financé une campagne de désinformation sur les changements climatiques en distribuant près de 16 millions de dollars entre 1998 et 2005 à un réseau composé d'une quarantaine de think tanks et de lobbyistes.

Face à cette politique de la direction d'Exxon, ses actionnaires, ou au moins certains d'entre eux, ne sont pas restés inactifs. Dès 2004, 8,8 % des votes en assemblée générale, représentant 475 millions d'actions, se sont déterminés en faveur d'un projet de la résolution qui demandait à Exxon :

  • d'expliquer sur quels fondements elle se basait pour proclamer qu'il existe « des zones inconnues dans la science climatique » ;
  • d'effectuer une comparaison entre les coûts prévisionnels d'une politique prenant en compte le changement climatique et ceux probables induits par une non-prise en compte ;
  • d'expliquer les différences marquantes entre la position de l'entreprise et celle du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC - Intergovernmental Panel on Climate Change/IPCC), le corpsd'experts chargé, à l'échelle internationale, de la recherche sur ce changement, et dont le troisième rapport d'évaluation, en 2001, démontrait clairement que le réchauffement climatique mondial observé au cours des cinquante dernières années était, pour sa majeure partie, dû à l'activité humaine ;
  • de dresser un état des recherches menées par l'entreprise pour justifier son point de vue minoritaire sur le changement climatique.

En 2005, ce projet de la résolution a été déposé à nouveau et a reçu cette fois 10,3 % de soutien, tandis qu'une autre résolution, demandant à la compagnie de présenter des plans sur la manière dont elle pense contribuer à réduire ses gaz à effet de serre dans les pays signataires du Protocole de Kyoto, a reçu 28,3 % de soutien, soit 1,5milliard d’actions d’une valeur sur le marché de 83,3 milliards de dollars. La résolution avait été présentée par le Centre multiconfessionnel pour la responsabilité des entreprises et soutenu par des investisseurs institutionnels des États-Unis et d’Europe, dont CALPERS, le Fonds de pension des employés de l’État de Californie, la Direction du Fonds de pension de la ville de Londres et un groupe-conseil mandataire fondé de pouvoir du nom de Institutional Shareholder Services.

En mai 2006, 17 fonds de pension américains, contrôlant 110 millions d'actions de l'entreprise, ont été reçus par la direction pour évoquer la stratégie du groupe sur ces questions. Par contre, le projet de résolution sur le changement climatique destinée à l'assemblée générale d'Exxon a été, en 2006, écarté par la Securities and Exchange Commission (SEC).

Même si leur action n'a encore produit que des résultats très limités, les actionnaires exercent – on le voit – une pression que la direction d'Exxon aura toujours davantage de difficulté à ignorer.

Ces actionnaires se rassemblent au sein d'organisations comme le Investor Network on Climate Risk (INCR), créé en novembre 2003, pour favoriser une meilleure compréhension auprès des investisseurs institutionnels des risques et des opportunités résultant du changement climatique. Actuellement, l' INCR rassemble plus de 50 membres gérant plus de 3 000 milliards de dollars. Citons également, avec un spectre plus large, le Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) composé de 275 investisseurs institutionnels religieux. L'ICCR et ses membres poussent les entreprises à adopter un comportement responsable sur les plans sociaux et environnementaux. Tous les ans, l'ICCR, au travers de ses membres, dépose plus de 200 résolutions d'actionnaires concernant les principales questions sociales et environnementales. On estime la valeur du portefeuille géré par les membres d'ICCR à 110 milliards de dollars. Enfin, le CERES est quant à lui un réseau nord-américain d'investisseurs, d'organismes de protection de l'environnement et autres des groupes d'intérêt public travaillant avec des entreprises et des investisseurs pour relever des défis de développement durable comme le changement climatique.

Autre exemple de l'intérêt croissant porté par les investisseurs à la protection de l’environnement : le « Carbon Disclosure Project » (CDP), qui regroupe investisseurs et assureurs déterminés à faire pression sur les entreprises pour qu’elles maîtrisent leur « risque carbone » au même titre que d’autres risques liés à la pollution. Les 280 investisseurs institutionnels qui participent au CDP – représentant plus de 41 000 milliards de dollars en gestion – demandent chaque année aux 500 plus grosses entreprises mondiales (celles qui composent l'indice FTSE 500) d’expliquer comment elles prennent en compte le réchauffement climatique dans leurs activités, au moyen d’un questionnaire abordant la production, l’innovation, les consommations d’énergie, etc.

Conclusions

Beaucoup de choses séparent sans doute les Robins des Bois de Rainforest Action Network des investisseurs institutionnels à col blanc qui se préoccupent de réchauffement climatique. À commencer par la motivation profonde sans doute : la défense de l’environnement pour les uns et la recherche de profit et de rentabilité pour les autres. Il n'empêche, les uns comme les autres sont alliés objectifs dans la lutte contre le réchauffement climatique. Et les uns comme les autres réussissent à infléchir la politique des plus grands groupes financiers en la matière.

Ils contribuent, avec des méthodes différentes, à remettre la finance au coeur de la vie et des préoccupations humaines. À n'en pas douter, le réchauffement climatique est de celles-ci. Ainsi l'argent et les flux financiers perdent cette posture désincarnée qui les caractérise si souvent, comme s'ils répondaient à quelque fatalité et non, tout simplement, au choix des habitants de cette bonne terre.

Ce constat à lui seul est réjouissant, même s'il faudra sûrement redoubler d'effort pour faire vaincre la lutte contre le réchauffement climatique et contre les investissements nuisibles à l'homme et à l'environnement.

 


Bernard Bayot, Les banques responsables du changement climatique ?, décembre 2007

Erik Assadourian, Le rôle des différentes parties prenantes, Evolution des sociétés de capitaux - 2ème partie, http://www.delaplanete.org/IMG/pdf/role.pdf

Union of Concerned Scientists, Smoke, Mirrors & Hot Air, How ExxonMobil Uses Big Tobacco’s Tactics to Manufacture Uncertainty on Climate Science, january 2007, http://www.ucsusa.org/assets/documents/global_warming/exxon_report.pdf

Nathalie Fessol, Bon résultat d'un projet de résolution d'actionnaires SR sur le changement climatique chez Exxon, 16 juin 2004, http://www.isr-info.com/library/fr/columns/A80Fn75EdT7WBNItzgu3.htm

Lisa Mastny, Les actionnaires d’ExxonMobil apportent un soutien sans précédent à une résolution concernant les changements climatiques, L’état de la planète Magazine, n°23 : septembre/octobre 2005, Renseignements environnementaux, http://www.delaplanete.org/Renseignements-environnementaux,228.html

Concerned That Exxon Mobil's Handling of Climate Change Lags Behind Other Competitors, U.S. Institutional Investors Seek Meeting with Exxon Board, http://www.incr.com/index.php?page=ia&nid=179

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Les pratiques bancaires en matière environnementale sont très variées. Comment expliquer ce tableau contrasté où l'on retrouve les meilleurs comme les pires exemples ? Ou comment et pourquoi le monde financier peut-il se défaire de mauvaises pratiques dans le domaine environnemental ? Deux acteurs qui y contribuent sont sans conteste : les ONG et les investisseurs.

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2007
Date d'édition
12/2007
Mois d'édition
Décembre