FINANcité Magazine n°11 : Mon argent vous va si bien
FINANcité Magazine n°12 : L'ISR nous sortira-t-il de la crise ?
Coter les fonds
Depuis sa parution en Belgique en 1984 au travers d’un compte d’épargne, l’investissement socialement responsable a le vent en poupe... ou du moins l’avait avant l’éclatement de la crise financière mondiale.
La palette de produits socialement responsable s’est considérablement enrichie et diversifiée, principalement pour les fonds de placement.
D’une septantaine de fonds en 2005, on est passé à 100 en 2006 pour franchir la barre des 150 début 2008. La problématique du changement climatique et la déferlante de la vague verte qui l’accompagne est l’un des facteurs explicatifs de ce positionnement « socialement responsable » de nos institutions financières. L’intérêt croissant des investisseurs institutionnels et des particuliers en est un autre.
La crise financière qui secoue le monde actuellement n’épargne cependant pas la finance socialement responsable et il est certain que peu de fonds de ce type ont vu le jour récemment. Néanmoins, l’avenir nous le
dira, cette crise financière qui est essentiellement une crise du risque sera peut-être un levier considérable pour l’ISR en soulignant toute l’importance de lier son investissement à l’économie réelle et de connaître la composition des portefeuilles et des entreprises dans lesquelles on investit.
Plutôt que de se borner aux seuls aspects financiers, le gestionnaire devrait, selon les principes fondamentaux de l’ISR, prendre en compte les critères extra-financiers tels que l’éthique, le social, l’environnemental et la bonne gouvernance lorsqu’il sélectionne les entreprises ou les Etats pour composer le portefeuille d’investissement. Cette analyse globale lui permettrait d’investir en connaissance de cause en intégrant aux risques financiers et matériels d’une entreprise les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance également.
Beaucoup de promoteurs de l’ISR pourraient « profiter » de cette crise pour mettre ou remettre en avant leurs produits socialement responsables. Cependant, en l’absence d’une définition reconnue de l’ISR, tout fonds qui prend en compte des critères extra-financiers peut se revendiquer d’en être. Même si l’information divulguée par nos institutions financières s’est étoffée depuis les années ‘80, la qualité varie très fortement d’un prospectus à l’autre et l’investisseur n’est pas à l’abri de dérives commerciales.
Pour ne pas acheter un chat dans un sac
Soucieux d’améliorer une lecture qualitative des fonds pour permettre à l’investisseur de faire un choix en toute connaissance de cause, le Réseau Financement Alternatif vient de développer une méthodologie d’évaluation de la qualité des fonds ISR. Cette évaluation des fonds poursuit l’objectif d’aider l’investisseur à s’y retrouver parmi l’ensemble des produits financiers ISR (plus de 160 à ce jour) et leurs variantes dans leurs approches socialement responsables.
Les quelque 160 fonds ont été passés au crible et jugés selon sept critères objectifs, divisés en sous-critères et pondérés en fonction de leur importance et ramenés à une échelle allant de 1 à 4.
Voir le détail de la méthodologie
Les 7 critères pour juger de la qualité d’un fonds :
(1) L’activisme actionnarial consiste à utiliser son droit de vote lors des assemblées générales en vue d’influer sur les décisions de l’entreprise et l’obliger ainsi à se comporter de manière plus responsable. |
Il existe aujourd'hui plus de 160 produits socialement responsables sur le marché belge. L'appellation n'étant pas protégée, la manière dont les gestionnaires financiers s'y prennent diffère fortement d'un produit à l'autre, ce qui rend le choix d'investissement difficile. Désormais, il existe une cotation des produits ISR qui permet de les classer sur une base objective.
Créer une norme minimale légale
Définition variable de l’éthique
Il n’existe aucune définition de ce qu’est ou devrait être un produit financier éthique. La notion même d’éthique peut s’avérer bien différente d’une culture à l’autre, d’un pays à l’autre, voire d’une personne à l’autre. Tandis que certaines activités d’entreprises sont faciles à catégoriser (il est mieux vu de fabriquer des panneaux solaires que des armes), le choix devient plus complexe lorsqu’il s’agit de fabriquer des pilules contraceptives, de produire de l’énergie nucléaire ou même de ne pas vérifier rigoureusement les conditions sociales que des sous-traitants imposent à leurs travailleurs.
Pour sortir de cette impasse et dépasser le simple jugement de valeur, le Réseau Financement Alternatif s’est basé sur une analyse objective en se référant aux conventions internationales signées par la Belgique.
Ces conventions représentent un ensemble de règles que la Belgique s’engage à respecter dans divers domaines. Il est dès lors tout à fait justifiable que ces mêmes règles constituent les normes minimales auxquelles les produits financiers commercialisés en Belgique devraient se conformer par le truchement des entreprises commerciales dans lesquelles ces produits financiers investissent.
Vers une définition objective de l’éthique
Ces conventions ratifiées par la Belgique se comptent par dizaines. Parmi celles-ci, citons celles de l’OIT (3) comme la convention sur la liberté d’association et la protection du droit syndical (4), la Déclaration universelle des droits de l’homme ou la convention sur la diversité biologique (Rio, 1992). En tout, cinq grands domaines ont été identifiés : le droit humanitaire (réglementations en matière de conflit, de guerre,...), les droits sociaux (droits des salariés, des syndicats, trafic des enfants, travail forcé,...), les droits civils, l’environnement (pollution, perturbation de l’écosystème, commerce illégal des matières premières,...) et
enfin tout ce qui concerne la gestion durable (fraude fiscale, corruption, abus de fonction, accords anti-concurrentiels,...).
Ainsi donc, les entreprises contrevenant aux conventions ratifiées par la Belgique devraient automatiquement être exclues des fonds de placement éthiques.
Analyse et transparence
Pour y parvenir et pour pouvoir qualifier un fonds d’éthique, de socialement responsable ou encore de durable, les promoteurs de produits financiers seront dans l’obligation d’exclure de leurs placements les entreprises figurant dans les black lists pour leur non respect des normes minimales citées plus haut. Ils seront également tenus de réaliser une analyse extra-financière (5) des entreprises dans lesquelles ils comptent investir. Pour ce faire, ils disposeront d’une totale liberté dans le choix des critères qu’ils utiliseront mais devront jouer la transparence vis à vis des candidats investisseurs.
A ce stade, cette étude sur les normes minimales est une simple proposition. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le secteur bancaire est demandeur car la plupart des banques créent leur propre black list, essayant de devancer la réglementation. De son côté, l’autorité publique manifeste un intérêt grandissant pour une définition des normes minimales. Cette mise en place de normes légales permettrait de protéger le consommateur-investisseur qui pourrait ainsi investir dans un produit financier éthique sans peur d’acheter un chat dans un sac. Elle permettrait aussi d’inciter aux bonnes pratiques mais surtout d’agir au niveau fiscal. On se souviendra peut-être qu’en décembre 2006, la secrétaire d’État au développement durable, Els Van Weert, proposait de conditionner l’épargne pension à la qualité éthique du fonds. Cette proposition est restée lettre morte, notamment parce qu’elle exigeait qu’il existe une définition de ce que devrait être un fonds éthique !
(3) OIT = organisation internationale du travail. Elle a notamment pour vocation de faire respecter les droits de
l’homme dans le monde du travail.
(4) OIT C87 (1948)
(5) Ce type d’analyse ne prend pas uniquement en compte les considérations économiques pour coter une entreprise mais également des aspects sociaux, environnementaux,...
Ces dernières années, la demande en produits financiers socialement responsables (1) (ISR ) n'a cessé d'augmenter mais, d'un produit à l'autre, la qualité varie énormément. Y aurait-il alors moyen de déterminer le plus petit commun dénominateur à tous les produits socialement responsables ?
La finance solidaire, un modèle anti-crise
Exiger des retours sur investissement de 15, 20 voire 30 % par an est incompatible avec l’économie réelle, qui n’offre pas une croissance aussi forte.
De tels rendements ne peuvent par conséquent être obtenus qu’au détriment de la rémunération des autres facteurs de production, du travail en particulier – ainsi, la part de la rémunération des salariés dans le PIB
belge a fortement chuté depuis 1981, passant de 57 % à 51 % (1) – mais aussi, par exemple, des réserves que l’entreprise ne peut plus investir en recherche et développement. Exiger que ces rendements soient obtenus à court terme est par ailleurs en contradiction avec la logique d’entreprise la plus élémentaire qui demande du temps pour que les investissements puissent sortir leurs effets. Enfin, fermer les yeux sur l’impact social et environnemental des activités financées ne fait qu’accentuer ce phénomène de rupture entre finance et réalité.
Une rupture qui a emporté le vieux modèle de la finance, mais qui est aussi porteur de graves conséquences sur le plan économique et social.
Patience et modération
La finance solidaire, fondée sur la responsabilité, la patience et la modération, a toujours pris le contre-pied de cette logique mortifère. Elle consiste à placer le souci de cohésion sociale avant celui du rendement financier immédiat. Ce faisant, elle permet de répondre à des besoins réels de financement de personnes ou de groupes pour sortir de la précarité, de favoriser l’émergence d’activités nouvelles rencontrant des difficultés de financement auprès des banques classiques (environnement, éducation, action sociale, particulièrement sur le plan local) ou encore de faire la preuve que l’économie peut être utilisée de façon plus humaine au service des hommes.
C’est une finance responsable car elle s’inquiète des impacts sociaux et environnementaux de l’activité économique. Elle intègre dès lors, aux côtés de l’analyse financière, l’évaluation que l’on peut porter sur ces impacts dans ses choix d’épargne ou d’investissement, d’une part, de financement, d’autre part. Cette approche, qui favorise une économie bénéfique pour l’homme et l’environnement, permet, mieux que d’autres, de construire des portefeuilles solides, sur des thématiques d’avenir qui conservent leur validité à long terme.
La patience est d’ailleurs la deuxième vertu de la finance solidaire, qui ne se comprend que comme un outil au service de l’économie. S’il est évident que des mouvements financiers à court terme sont nécessaires pour répondre notamment aux nécessités de trésorerie, ils ne peuvent se justifier pour des investissements qui demandent du temps pour sortir leurs effets. Il faut donc remettre à l’honneur ce que les Anglo-saxons appellent le capital patient, c’est-à-dire un capital qui reste dans l’entreprise pour soutenir ses opérations et appuyer ses investissements pour le développement de nouvelles activités.
Enfin, la finance solidaire inverse la logique de la ponction démesurée du profit par l’actionnaire au détriment de l’activité économique et privilégie des modèles économiques qui imposent des limites à la course au profit. Il faut que la plus-value réalisée grâce à l’activité économique d’une entreprise soit modérément distribuée pour rémunérer le capital, et davantage réinvestie dans l’entreprise elle-même. C’est ce que nous pourrions appeler la modération actionnariale qui est d’application dans les sociétés à finalité sociale et les coopératives agréées par le Conseil national de la coopération (CNC). Les conditions de cet agrément reprennent en effet les cinq grands principes de la coopération que sont l’adhésion volontaire, le principe d’égalité ou la limitation du droit de vote aux assemblées générales, la désignation des administrateurs par l’assemblée générale, un dividende modéré servi aux parts sociales (actuellement 6 % net) et une ristourne aux associés.
On le voit, des modèles financiers responsables et solidaires existent, qui soutiennent l’économie réelle et l’intérêt général, au lieu de les détruire. Les favoriser passe par une action publique déterminée qui incite les détenteurs de capitaux à les utiliser davantage qu’ils ne le font aujourd’hui.
Bernard Bayot
(1) Robert Plasman, Michael Rusinek, François Rycx et, Ilan Tojerow, La structure des salaires en Belgique, document de travail, N°08-01.RR , Dulbea, février 2008.
La finance doit changer ! L'ancienne, nourrie de la seule logique du profit le plus élevé, souvent à (très) court terme et sans égard aux conséquences sociales et environnementales de l'investissement, est allée droit dans le mur.
Et qu'en pense la société civile ?
Depuis plusieurs semaines, les mondes financier et politique, des experts et analystes en tous genres ne cessent de s'exprimer sur les causes et les conséquences de la crise actuelle. On a par contre fort peu (voire pas du tout) entendu la société civile. Pourtant, les combats qu'elle mène s'inscrivent eux aussi dans ce qu'il convient d'appeler maintenant l'économie réelle.
C'est l'effet papillon... Petites causes, grandes conséquences...
Prenez un pays où les emplois sont de plus en plus précaires, et un marché du crédit complètement dérégulé, où tout est permis, même et surtout des « prêts rapaces », que l’on va refiler en masse aux consommateurs nsolvables, en les appâtant : « vous aussi, vous pouvez devenir propriétaire. Il ne faut pas de capital de départ, le taux d’intérêt n’est que de 2 % les deux premières années, il est variable ensuite, mais soyez sans crainte, en cas de pépin vous ferez une bonne affaire en revendant votre logement, les prix sont à la hausse. D’ailleurs, tout le monde fait comme vous et les autorités vous y encouragent ». Et bien, puisque tout le monde est d’accord... Les consommateurs insolvables signent.
L’institution prêteuse se débarrasse aussitôt de la responsabilité d’encaisser à l’avenir les remboursements de ces créances douteuses en les titrisant (cf. glossaire). Une fois ces titres (papiers commerciaux « adossés » à des actifs... qui sont en fait des créances) vendus, l’institution prêteuse peut retirer les créances titrisées de son bilan. Elle peut alors réduire le volume des réserves qu’elle est tenue de constituer, et utiliser les capitaux libérés pour prêter à nouveau.
Mais qui donc a acheté ces créances titrisées ? Des courtiers les ont revendues à de gros investisseurs : banques, fonds de pension, assureurs, partout dans le monde. Il faut dire que ces titres avaient tout pour plaire : avantages fiscaux, intérêts juteux, possibilité d’être revendus ou joués en Bourse. Ils ont aussi servi de « levier » pour d’autres emprunts. Ainsi, Lehman Brothers a emprunté, avec ce levier, jusqu’à 30 fois la valeur de son lot de titres adossés à des créances. Quant au risque, des assureurs spécialisés en ont fait leur affaire en couvrant les opérations des spéculateurs. Les agences de notation, payées par les émetteurs de titres, étaient de connivence.
Le destin d’une bulle : éclater !
Mais il y a des limites à la hausse des prix de l’immobilier. Quand les « subprimes» (cf. glossaire) deviennent des
« surprimes » impayables, une masse croissante de consommateurs insolvables ne remboursent plus leurs emprunts. Leurs biens se retrouvent tous sur le marché, et du coup, l’offre étant plus forte que la demande, la valeur de ces actifs s’écroule. Les organismes prêteurs ne peuvent plus se rembourser par la vente des maisons car celles-ci ne valent plus rien.
Les institutions financières tombent à court de liquidités, elles ne peuvent plus rembourser leurs épargnants, ni emprunter à d’autres banques qui connaissent le même problème ou ne souhaitent pas, en ces temps difficiles,
prêter à des organismes en difficulté. Quant à celles qui avaient racheté ces titres toxiques, elles se retrouvent avec des titres qui ne valent pratiquement plus rien et qu’elles ne peuvent plus utiliser comme garantie pour emprunter à d’autres. C’est alors que les États sont appelés à la rescousse...
Glossaire
- Prime : prix ou mensualité minimale, à payer pour une hypothèque ou une assurance. Aux USA, le secteur «prime» désigne les emprunteurs considérés comme solvables.
- Subprime : l’emprunteur qui n’est pas « prime » n’est pas tenu de prouver sa solvabilité, il n’est donc pas fiable. Les Américains rechignent à admettre que la plupart des emprunteurs « subprime » sont des pauvres. Ils préfèrent l’idée que leur situation précaire est accidentelle. La rentabilité des crédits subprime n’est assurée que par la hausse des prix, le gage étant le bien acquis. Tant que celui-ci peut être revendu plus cher, tout va bien...
- Alt -A : les emprunteurs Alt-A se situent entre ces deux catégories, « prime » et « subprime ».
- Bulle : surévaluation des prix dans un secteur. Quand la bulle (immobilière, internet, boursière) éclate, les prix dégringolent.
- Produits dérivés : contrats dont la valeur dépend de celle d’un actif ou d’un indice sous-jacent : contrats à terme d’instruments financiers « futures », contrats d’échanges de taux d’intérêt (swaps), options.
- Produits structurés : produits financiers combinant des placements sûrs à des placements plus risqués (ex SICAV).
- Titrisation : transformation d’un énorme paquet de créances (des milliers de prêts individuels), en petites tranches égales pour en faire des titres financiers, vendus sous des formes diverses, ex. les ABS.
- ABS « Asset-backed securities » ou « asset-backed Commercial Papers » : papiers commerciaux adossés à des actifs ou plus exactement, à des créances. « Adossé » est une trouvaille linguistique pour éviter d’utiliser le mot « garanti », car la relation entre le titre et l’actif en question est éloignée.
- Equities : le pluriel de « equity » désigne des fonds, capitaux propres, un capital d’actions, ou des actions cotées en Bourse. Sont-elles équitables, rien n’est moins sûr ! Même si le terme choisi pourrait le faire penser...
- Secur ities : le pluriel de « security » désigne soit une caution, une garantie, soit une valeur, un titre. Que le titre soit une garantie de sécurité, rien n’est moins sûr ! Même si le terme choisi... (refrain connu)
- Futures : Le pluriel de « future » désigne des marchandises achetées à terme, (c’est-à-dire plus tard mais au prix fixé au moment de la transaction) ou le marché à terme.
- Predatory lending : prêt rapace, usurier. Ainsi, la technique « bait and switch » (appâter et déconnecter) consiste à promettre, puis à faire signer quelque chose qui ne correspond pas du tout à la promesse...
- Credit crunch : restrictions dans l’octroi de crédits, du fait de la crise bancaire.
- Hedge funds : fonds « de couverture », en réalité ce sont des fonds spéculatifs.
Comment la crise survenue aux États-Unis a-t-elle un impact aussi considérable sur notre économie?
Dossier Finance 2.0 : témoignages sur l'exclusion financière
Inclusion ou exclusion financière : témoignages
Des actionnaires à l'assaut des dictatures?
Quand internet limite les libertés
Alors que certaines multinationales se targuent d'être plus puissantes que les gouvernements démocratiquement élus ou non, elles n'hésitent pas à faire profil bas lorsqu'il s'agit de conquérir des marchés dans des pays peu soucieux du respect des droits de l’Homme, de la liberté d'expression ou de la liberté d'association.
De telles multinationales, aussi puissantes soient-elles, se plient en effet aux conditions imposées par les gouvernements antidémocratiques et, par pure recherche du lucre, mettent à la disposition des régimes en place des outils et des systèmes efficaces limitant l'accès à l'information et la liberté d'expression et/ou bafouant le droit fondamental au respect de la vie privée des utilisateurs de ces réseaux.
Cisco Systems, Dell, Yahoo, Apple, Google, Nokia... toutes ces multinationales ont en commun le développement des nouvelles technologies : des systèmes de communication en réseau à l’élaboration d'outils ou de programmes qui ont permis, au cours de ces dernières décennies, la révolution de l'information. Malheureusement, tout le monde ne peut pas en profiter.
À l'heure des réseaux sociaux, de l'information instantanée, des échanges globaux, certaines populations sont soumises à un contrôle très strict de leurs faits et gestes sur la Toile. Cette situation n'indigne pas que les ONG de défense des droits de l’Homme ou les représentants politiques de pays démocratiques : aujourd'hui, de nombreux actionnaires remettent en cause les pratiques de l'entreprise qu'ils financent, la trouvant souvent trop peu transparente et éthiquement très contestable. C'est la prise de conscience renouvelée du pouvoir des actionnaires : l'activisme actionnarial.
Le cas Cisco
30 % des investisseurs de Cisco, détenant 24 millions d'actions pour une valeur globale de 580 millions de dollars, ont décidé de réagir face aux doutes émis sur la responsabilité sociétale de cette compagnie : ils ont en effet déposé à plusieurs reprises des résolutions exigeant des explications sur les dérives des activités développées en Chine, en Arabie Saoudite ou ailleurs, ainsi que la prise de mesures qui engageraient véritablement l'entreprise sur la voie de la responsabilité sociale et du respect de son code éthique.
Ces cinq dernières années, le responsable juridique de Cisco a été convoqué à deux reprises devant le Congrès américain pour expliquer le rôle présumé de l'entreprise dans les restrictions à la liberté d'expression en Chine ou ailleurs. Cisco est par exemple accusée d'avoir aidé les autorités chinoises à mettre en place des mécanismes de filtrage et de surveillance sur le Net.
L'éthique des TIC est-elle du toc ?
Ce changement de cap dans le comportement des investisseurs démontre la réflexion qui a été entamée sur la responsabilité des activités développées par leur entreprise à travers le monde. L'éthique n'était pas monnaie courante dans le secteur des nouvelles technologies, mais ces revendications des actionnaires eux-mêmes ouvrent le débat interne et prouvent le pouvoir que peuvent avoir ces investisseurs sur la direction des multinationales qui ne sont plus à l'abri des critiques internes et doivent donc rendre des comptes dans leur propre maison. La recherche du profit maximal et la conquête des marchés émergents ont toujours été mises en avant pour réfuter catégoriquement ces revendications. Cependant, on assiste aujourd'hui à un certain renversement de cette tendance. Un renversement qui ne serait pas uniquement basé sur une volonté humaniste de répandre les valeurs éthiques de par le monde. On se trouverait face à une compréhension économique que l'investissement socialement responsable n'est plus négligeable et que les risques financiers liés à des pratiques éthiquement douteuses seraient préjudiciables à long terme pour l'entreprise.
L'activisme actionnarial interroge aussi le secteur privé sur sa capacité à apporter des améliorations en matière de droits fondamentaux dans les politiques de gouvernements antidémocratiques. En effet, si toutes les entreprises étaient tenues par une législation stricte en matière d'investissement dans les pays non respectueux des droits de l'Homme, peut-être assisterait-on à un véritable changement dans les fondements de la finance au service de l'Homme et non seulement de quelques-uns.
Les douze « Ennemis d’internet »
Arabie Saoudite, Birmanie, Chine, Corée du Nord, Cuba, Égypte, Iran, Ouzbékistan, Syrie, Tunisie, Turkménistan, Viêt-nam ont tous transformé leur réseau en intranet, empêchant les internautes d’accéder aux informations jugées « indésirables ». « Tous ces pays s’illustrent non seulement par leur capacité à censurer l’information en ligne, mais encore par la répression quasi systématique des internautes gênants », a déclaré Reporters sans frontières.
Cisco Systems a investi plus de 16 milliards de dollars en Chine, entre autres pour y créer des logiciels de surveillance. Des investisseurs l'interpellent...
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