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Financial Sector Taxation

Soumis par Anonyme le
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Commission européenne
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Document de travail de la Commission européenne sur la faisablitité et l'opportunité d'une TTF ou d'une Taxe sur les activités financières.

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DE-EC2010-1
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2010
Jour d'édition
7
Date d'édition
07/10/2010
Mois d'édition
Octobre

Taxer les transactions financières internationales : état des lieux théorique et politique

Soumis par Anonyme le
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CNCD-11.11.11
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2010
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11/2010
Mois d'édition
Novembre

Worldwide investments in CLUSTER MUNITIONS a shared responsibility

Soumis par Anonyme le
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2011
Date d'édition
05/2011
Mois d'édition
Mai

Shareholder engagement: A promising SRI practice

Soumis par Anonyme le
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2011
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02/2011
Mois d'édition
Février

Bâle, troisième !

Soumis par Anonyme le

« Nous devons instaurer une réforme complète de la régulation et combler les lacunes existantes en matière de contrôle.» L'appel, lancé le 24 mars 2009 par le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, devant la Chambre des représentants, répond à un constat sur lequel tout le monde s'accorde : la supervision a fait défaut depuis le début de la crise financière. Pour apporter une solution au moins partielle à ce constat, un nouvel accord, dit de Bâle III, a été trouvé au mois de septembre 2010.

Surveillance et régulation bancaire

Trois organes internationaux de surveillance et de régulation bancaire existent : le Comité de Bâle, le Forum de stabilité financière (FSF) et le Fonds monétaire internationaI (FMI). Le premier a une fonction de renforcement de la régulation prudentielle, c'est-à-dire une surveillance de l'activité financière fondée sur la prudence. Le second est une sorte d'institution tiroir, chargée de « promouvoir la stabilité financière», où se regroupent pays du G7, organisations internationales et autorités nationales de marché. Quant au FMI, il use de son pouvoir de surveillance essentiellement dans le domaine monétaire et très peu sur les marchés financiers.

Voyons de plus près le premier d'entre eux. Le Comité de Bâle ou Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (en anglais Basel Committee on Banking Supervision, BCBS) est un forum où sont traités de manière régulière (quatre fois par an) les sujets relatifs à la supervision bancaire. Il est hébergé par la Banque des Règlements Internationaux (BRI) qui est une organisation internationale qui regroupe les banques centrales ou autorités monétaires de cinquante pays ou territoires et qui a pour mission de stimuler la coopération des banques centrales et d'autres agences dans la poursuite de la stabilité monétaire et financière.

Le Comité de Bâle a été instauré en décembre 1974 pour améliorer la coopération entre autorités de contrôle des banques. Il coordonne le partage des responsabilités prudentielles entre autorités nationales, dans le but d’assurer une surveillance efficace de l’activité bancaire à l’échelle mondiale.

Bâle I

En 1988, il a formulé des recommandations appelées accord de Bâle sur les fonds propres ou encore accord de Bâle I, en vue de parvenir à une convergence internationale de la mesure des fonds propres des banques et de fixer des exigences minimales.

De quoi s'agit-il ? Les fonds propres désignent ce que l'entreprise, ici la banque, possède (bâtiments, terrains, machines, trésorerie) moins ce qu'elle doit (ses dettes). Le principal avantage des fonds propres est de représenter un matelas de sécurité pour les créanciers de l'entreprise. En cas de grave difficultés financières, les chances de survie de l'entreprise sont proportionnelles à l'importance de ses fonds propres, beaucoup plus qu'à sa taille. Une très grande entreprise ayant trop peu de fonds propres peut disparaître très rapidement. L'utilité des fonds propres est donc d'assurer que l'entreprise soit solvable, c'est-à-dire en capacité de payer ses dettes sur le court, moyen et long terme.

Le pivot de l’accord de Bâle I est la mise en place d'un ratio minimal de fonds propres par rapport à l'ensemble des crédits accordés, le ratio Cooke, qui prévoit que le rapport des deux valeurs ne doit pas être inférieur à 8 %. En d'autres termes, si on a 8 de fonds propres, on peut prêter 100, mais pas davantage, avec les dépôts reçus des clients. La grande limite du ratio Cooke, et donc des réglementations issues des premiers accords de Bâle, est liée à la définition des engagements de crédit. La principale variable prise en compte était le montant du crédit distribué. À la lumière de la théorie financière moderne, il est apparu qu'était négligée la dimension essentielle de la qualité de l'emprunteur, et donc du risque de crédit qu'il représente réellement.

Bâle II

Le Comité de Bâle a donc publié le 15 juillet 2004 la recommandation « Bâle II »1 dans laquelle est définie une mesure plus pertinente du risque de crédit, avec en particulier la prise en compte de la qualité de l'emprunteur, y compris par l'intermédiaire d'un système de notation interne propre à chaque établissement (dénommé IRB, Internal Rating Based). Le nouveau ratio de solvabilité est le ratio McDonough.

En fait, les recommandations de Bâle II s'appuient sur trois piliers (terme employé explicitement dans le texte des accords) :

  • l'exigence de fonds propres (ratio de solvabilité McDonough) ;
  • la procédure de surveillance de la gestion des fonds propres ;

     

  • la discipline du marché (transparence dans la communication des établissements).

Le premier pilier, l'exigence de fonds propres, affine l'accord de 1988 et cherche à rendre les fonds propres cohérents avec les risques réellement encourus par les établissements financiers. Parmi les nouveautés, signalons la prise en compte des risques opérationnels (fraude et pannes de système) et des risques de marché, en complément du risque de crédit ou de contrepartie. Pour le risque de crédit, les banques peuvent employer différents mécanismes d'évaluation. La méthode dite standard consiste à utiliser des systèmes de notation fournis par des organismes externes. Les méthodes plus sophistiquées (méthodes IRB) impliquent des méthodologies internes et propres à l'établissement financier d'évaluation de cotes ou de notes, afin de peser le risque relatif du crédit. Les différentes mesures ont une incidence directe sur la capitalisation requise.

Pour ce qui est du deuxième pilier, la procédure de surveillance de la gestion des fonds propres, comme les stratégies des banques peuvent varier quant à la composition de l'actif et la prise de risques, les banques centrales auront plus de liberté dans l'établissement de normes face aux banques, pouvant hausser les exigences de capital là où elles le jugeront nécessaires...

Enfin, dans le troisième pilier, la discipline de marché, des règles de transparence sont établies quant à l'information mise à la disposition du public sur l'actif, les risques et leur gestion.2

Bâle III

Au mois de septembre 2010, un nouvel accord, dit de Bâle III, a été trouvé. Il porte sur un vaste plan de réforme du secteur bancaire, prévoyant un relèvement des fonds propres des établissements financiers. C'est que la crise de 2007-2008 a vu de nombreuses banques et non des moindres ne devoir leur survie qu'à l'intervention musclée des pouvoirs publics. Sans celle-ci, elles seraient tombées en faillite, entrainant sans aucun doute dans leur chute d'autres banques et des pans entiers de l'économie.

L'idée est donc de rendre les banques moins vulnérables et d'éviter qu'elles ne recourent aux fonds publics en cas de nouvelle crise financière. Pour ce faire, les nouveaux accords prévoient que les fonds propres « durs », c'est à dire composés uniquement d'actions et de bénéfices mis en réserve, devront représenter 7% des activités de marché ou de crédit des banques, contre 4 % dans les accords de Bâle II. L'augmentation de ce ratio vise à contribuer à limiter l'incitation à la prise de risque. Est-ce assez, est-ce trop ?

Pour Simon Johnson, l'ancien directeur des études du FMI, le ratio aurait dû être de 15% :  le meilleur moyen d’instaurer un système plus sûr consiste à imposer des ratios de fonds propres très élevés et robustes, fixés par la législation et difficilement contournables ou révisables. En portant à 15 ou 25 % le ratio de fonds propres — ce qui reviendrait à renouer avec les ratios capital/actifs en vigueur aux États-Unis avant la création de la Réserve fédérale en 1913 — et en fixant par précaution des ratios de fonds propres trop élevés pour les instruments dérivés3 et autres structures financières complexes, nous mettrons en place un système beaucoup plus sûr avec des règles plus difficiles à détourner.4

Pour les banques, le ratio de 7 % est trop élevé : si elles doivent « geler » plus de fonds propres, il y aura moins de ressources pour le crédit. La régulation pèsera inévitablement sur le financement de l'économie et notamment le volume et le coût du crédit, a ainsi prévenu la Fédération bancaire française. Une conséquence d'autant plus dommageable pour l'économie européenne que 80% de son financement est assuré par les banques, quand les grandes entreprises américaines misent essentiellement sur le marché.5

Et les banques éthiques ?

Nous avions déjà relevé que, pour ce qui est de l’évaluation du risque, les plus grandes banques sont avantagées dans l’utilisation de l’évaluation interne ou externe des crédits pour désigner les taux de risque à appliquer. Les plus petites banques recourant à une approche standardisée sur la base de la structure de risque existant doivent utiliser l’évaluation de risque proposée dans la directive européenne qui a transcrit les accords de Bâle II6 ou avoir recours à des agences d’évaluation des risques de crédit. Celles-ci sont toutefois coûteuses et, en outre, il leur est difficile de comprendre l’économie bancaire sociale sans analyser les transactions financières sur plusieurs années. Il est par conséquent fort peu probable que les banques d'économie sociale soient capables de sortir de l’approche standardisée des risques avant plusieurs années.7

Il faut également relever des divergences dans les coefficients de risques appliqués dans les différents États membres de l'Union européenne. Ainsi, les entreprises sociales, les organisations non reconnues et les associations sans but lucratif se voient attribuer un coefficient de risque de 100 % en Italie, contre seulement 75 % pour les particuliers, alors même que les statistiques de défaillances des premières sont inférieures à celles des seconds. Dès lors, une banque comme la Banca Etica, spécialisée dans le crédit à de telles institutions est injustement pénalisée. Cela est d'autant plus étrange que, à l'inverse, dans un pays comme la Pologne, les prêts inférieurs à 1 million d'euros sont toujours affectés d'un coefficient de risque de 75 %, quelle que soit la qualité du client concerné.8 Harmonisation, quand tu nous tiens !

Conclusions

Nous sommes sans doute encore loin d'avoir instauré une réforme complète de la régulation et comblé les lacunes existantes en matière de contrôle, comme le souhaitait Timothy Geithner. Par certains aspects, le nouvel accord de Bâle III peut paraître timide et insuffisant pour contenir les effets d'une nouvelle crise sur les institutions financières. Au moins sur celles qui développent une activité fondée sur la prise inconsidérée de risque.

On peut sûrement se demander à cet égard s'il ne faut pas, d'abord, adopter des mesures plus fondamentales qui anticipent les risques plutôt que de tenter de les contrôler. Notamment limiter et contrôler les mouvements purement spéculatifs de capitaux.

Et, ensuite, différencier davantage les exigences de solvabilité selon la nature des institutions financières et les activités, plus ou moins spéculatives, qu'elles développent. De façon à ce que les prises de risques de certaines ne préjudicient pas à d'autres qui se voient, de ce fait, contraintes d'augmenter leur capitalisation. Il faut demander plus de garantie à ceux qui prennent plus de risque et pas à ceux qui, comment les banques éthiques, financent l'économie réelle en exerçant le métier de base du banquier : recueillir des dépôts pour fournir du crédit.

 

Bernard Bayot,

février 2011

 

1Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Convergence internationale de la mesure et des normes de fonds propres, dispositif révisé, juin 2004, http://www.bis.org/publ/bcbs107fre.pdf.

2 Bernard Bayot, L'Europe réglemente les fonds propres des banques, Réseau Financement Alternatif, juillet 2006.

3 Contrat entre deux parties qui prévoit un échange (un achat par exemple) dans le futur à des conditions fixées au préalable. Normalement, il sert à couvrir le risque mais est de plus en plus utilisé à des fins spéculatives.

4 Les bonus et le «cycle apocalyptique», Finances & Développement, mars 2010, page 43.

5 Laura Raim, La réforme bancaire de Bâle 3 pour les nuls, L'Expansion, 13 septembre 2010.

6 Directive 2006/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement et des établissements de crédit, JO L 177 du 30.6.2006, p. 201–255.

7 Bernard bayot, op ; cit.

8 Alessia Vinci, Banca Etica, tra regole vecchie e nuove, Valori, décembre 2010, page 32.

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Février

Les produits dérivés

Soumis par Anonyme le

Les produits dérivés sont un des outils favoris des fonds spéculatifs. Initialement prévus pour couvrir les risques, ils sont de plus en plus utilisés pour en retirer un bénéfice immédiat. Ils ont été accusés d'avoir précipité la crise financière.

Définition

Un produit dérivé est un instrument financier qui revêt trois caractéristiques :

  • sa valeur fluctue en fonction de l'évolution du taux ou du prix d'un produit appelé sous-jacent ;
  • il ne requiert aucun placement net initial ou peu significatif ;
  • son règlement s'effectue à une date future.

Sa fonction, à l'origine, est de se prémunir du risque. Prenons un exemple : une chocolaterie a besoin de cacao pour fabriquer ses produits ; pour se préserver du risque de fluctuation du prix d'achat de cette matière première, elle acquiert, pour un prix déterminé, des options d'achat de cacao pour chacune des dates où elle doit se faire livrer ; ainsi l'augmentation éventuelle du prix de cette matière première n'aura pas d'incidence sur le prix de revient de ses produits et elle pourra vendre ceux-ci à un prix constant. Ce qui vaut pour les risques de cours des matières premières vaut également pour d'autres types de risques comme le risque de change. Ainsi, je peux vouloir me prémunir contre la variation de cours de deux devises, celle avec laquelle j'achète mon cacao (le dollar, par exemple) et celle que j'utilise pour la vente de mon chocolat (l'euro, par exemple). Ou encore, je veux me prémunir d'un risque de crédit : j'accorde un prêt mais je ne veux pas assumer le risque de défaut de l'emprunteur et je vends ce risque sur le marché.

Fondamentalement, c'est donc un principe d'assurance : le fabricant laisse les risques à d'autres qui spéculent sur le fait que ceux-ci n'arrivent pas ou dans une mesure limitée. Parce qu’ils redistribuent le risque, ils peuvent être utilisés pour s’assurer (se couvrir) contre un risque particulier ou, inversement, pour prendre un risque (investir ou spéculer).

Les transactions sur les produits dérivés sont en forte croissance depuis le début des années 1980 et représentent désormais l'essentiel de l'activité des marchés financiers. Les transactions sur produits dérivés, toutes catégories confondues, qui représentaient moins de 1 T$ (soit mille milliards de dollars) au début des années 1980 se montent vingt-cinq ans plus tard à 1,406 T$ (soit 1 million quatre cent six mille milliards de dollars !).1

Gestion des risques

On se rappelle la quasi-faillite de Bear Stearns, une des plus grandes banque d'investissement, d'échange de valeur mobilière et agent de change qui, le 16 mars 2008, a été rachetée par le géant bancaire américain JPMorgan Chase pour seulement 236 millions de dollars, avec l'aide financière de la banque centrale américaine (Federal Reserve System, FED). On se souvient de la faillite de Lehman Brothers, banque d'investissement multinationale proposant des services financiers diversifiés, le 15 septembre 2008.

On a encore en mémoire le sauvetage de l’assureur américain American International Group, Inc. (AIG), un des chef de file mondial de l’assurance et des services financiers, le lendemain, 16 septembre. Actif dans plus de 130 pays, AIG est aux États-Unis, le plus grand arbitre d’assurance pour les secteurs commercial et industriel. Longtemps numéro un mondial par son chiffre d'affaires, AIG est passée en troisième place en 2008 en raison de la crise des subprimes et en dépit de son sauvetage par les pouvoirs publics. C'est que l'assureur a dû recevoir dans l’urgence plus de 180 milliards de dollars du trésor et de la FED pour avoir vendu imprudemment des assurances contre le défaut des emprunts subprimes. L'État américain détient désormais 80% de AIG.

Ces événements ont révélé au grand jour les risques encourus par les contreparties2 qui spéculent sur les produits dérivés et les dysfonctionnements du marché des dérivés de gré à gré3. Ils ont clairement montré la nécessité d'encadrer les produits dérivés, en particulier, la gestion des risques liés aux instruments dérivés traités de gré à gré (over-the-counter, OTC). Aujourd’hui, les dérivés s’échangent en effet le plus souvent sous forme bilatérale entre une banque et son client (la plupart du temps une autre banque), en dehors d'une chambre de compensation ou d'une bourse. Cette situation engendre une forte opacité et se traduit par une hétérogénéité des pratiques prudentielles des différents acteurs financiers.

Le G20 de Pittsburgh de septembre 2009 en a pris conscience et a adopté une approche commune visant à mieux contrôler ces risques. Deux orientations ont été retenues : la compensation centralisée par des contreparties centrales (CCP) de tous les produits jugés suffisamment standardisés et l’enregistrement de ces transactions par des infrastructures dédiées (trade repositories). Ces exigences ont plusieurs objectifs : accroître l’efficience de ces marchés, empêcher les fraudes et abus et surtout prévenir le risque systémique généré par les produits dérivés.

Régulation européenne

Cette approche s'est traduite dans l'Union européenne par la proposition faite le 15 septembre 2010 par la Commission d'un Règlement sur les dérivés de gré à gré, les chambres de compensation multilatérales et les référentiels centraux. Consciente des risques engendrés par le système actuel, l’objectif affiché de la Commission européenne est d'accroître la transparence dans les dérivés négociés sur le marché de gré à gré et les rendre plus sûrs en réduisant le risque de contrepartie et le risque opérationnel. La nouvelle législation ne devrait toutefois pas être mise en place avant fin 2012 et devra au préalable faire l'objet de longues négociations avec le Parlement et les États membres.

Premier objectif : accroître la transparence. Actuellement, il n'est pas obligatoire de déclarer les contrats dérivés de gré à gré, de sorte que ni les responsables politiques, ni les autorités de régulation, ni même les participants au marché, n'ont de vision claire de ce qui se passe sur le marché. La proposition de la Commission prévoit que les transactions sur les produits dérivés de gré à gré réalisées dans l'UE devront être déclarées à des centres de conservation des données, appelés «référentiels centraux». Les autorités de régulation de l'UE auront accès à ces référentiels, ce qui leur permettra d'avoir une meilleure idée de ce que chacun doit et à qui, et de détecter plus rapidement d'éventuels problèmes, comme l'accumulation de risques.

Dans l'intervalle, la nouvelle Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) sera chargée de la surveillance des référentiels centraux et de l'octroi ou du retrait de leur enregistrement. En outre, les référentiels centraux devront publier des positions agrégées par catégorie de dérivés, de manière à ce que les participants au marché aient une vision plus claire du marché des dérivés de gré à gré. En d'autres termes, il s'agit d'avoir une photographie instantanée et fiable des risques pris par les uns et les autres.

Deuxième objectif : réduire les risques de crédit de la contrepartie. Actuellement, les participants au marché des produits dérivés de gré à gré ne tiennent pas suffisamment compte du risque de crédit de la contrepartie, c'est-à-dire le risque de perte lié au fait qu'une partie ne s'acquitte pas des paiements dus le moment venu. La proposition de la Commission prévoit que les dérivés de gré à gré qui sont normalisés (c'est-à-dire qui remplissent des critères d'éligibilité prédéterminés, par exemple un niveau élevé de liquidité) devront être compensés par des contreparties centrales. Ces contreparties centrales sont des entités qui s'interposent entre les deux contreparties à une transaction, en devenant ainsi l'acheteur vis-à-vis de tout vendeur et le vendeur vis-à-vis de tout acheteur. Cela permettra d'éviter que la faillite d'un participant au marché ne provoque celle d'autres participants et ne mette en danger l'ensemble du système financier. Pour les contrats qui ne sont pas éligibles et ne sont donc pas compensés par une contrepartie centrale, différentes techniques de gestion des risques devront s'appliquer (par exemple l'obligation de détenir davantage de capital). Étant donné que les contreparties centrales devront assumer des risques supplémentaires, elles devront se soumettre, pour des raisons de sécurité, à des règles de conduite rigoureuses et à des exigences harmonisées sur les plans organisationnel et prudentiel (règles de gouvernance interne, audits, exigences de capital accrues, etc.). En d'autres termes, il s'agit d'atténuer les conséquences de la faillite d'un acteur : les transactions se font en principe par l'intermédiaire d'une contrepartie centrale qui paie de toute façon et, si elles se font sans contrepartie centrale, les cocontractants doivent se soumettre à des règles plus rigoureuses pour réduire le risque de faillite.

Troisième objectif : réduire le risque opérationnel. Le marché des dérivés de gré à gré autorise une grande souplesse dans la définition des termes économiques et juridiques des contrats. De ce fait, le marché compte un grand nombre de contrats très complexes conçus sur mesure, qui demandent encore beaucoup d'interventions manuelles à différents stades du traitement. Cela augmente le risque opérationnel, c'est-à-dire le risque de pertes liées par exemple à l'erreur humaine. La proposition de la Commission exige des participants au marché qu'ils mesurent, contrôlent et atténuent ce risque, par exemple en confirmant par voie électronique les termes des contrats dérivés de gré à gré.

Qu'en penser ?

Le besoin de couverture des risques par des opérateurs économiques ne fait pas de doute et les en priver serait préjudiciable à ceux-ci mais à aussi à l'économie dans son ensemble. C'est que cette couverture est facteur de stabilité, profitable à tous. Là où le bât blesse, c'est lorsque la contre-partie qui prend le risque -c'est sa fonction- le fait davantage dans un but spéculatif -donc, souvent à court terme, dans le but de le replacer vite et à meilleur compte- que dans le cadre d'une activité d'assurance ou d'investissement – fondé sur une gestion de risques à long terme. Cette activité spéculative, souvent éloignée de l'opération économique sous-jacente, devient alors elle-même facteur d'instabilité comme les crises à répétition l'ont montré.4

Quelles mesures prendre pour contrer ce biais ? L'option retenue par le G20 et la Commission européenne consiste à « encadrer » les transactions. Ce qui n'est d'ailleurs pas du goût de tous. C'est ainsi que des entreprises non financières qui recourent pour leur activité industrielle à l'achat de produits dérivés craignent que la nouvelle régulation n'entraîne de nouvelles contraintes en terme de liquidité et de capital, auxquelles elles ne pourraient faire face.

Mais, par ailleurs, cet « encadrement » est-il suffisant ? C'est que le risque de faillite d'une chambre de compensation n'est pas nul. Ainsi, en France, la volatilité exceptionnelle du prix du sucre, multiplié par 45 entre 1966 et 1974 avant de s'effondrer, a favorisé des manipulations du marché qui ont conduit à la faillite de la chambre de compensation de la bourse de commerce de Paris en raison de la défaillance d’un opérateur qui possédait plus de la moitié des positions.

On se souviendra également qu'en 1995, la Barings, la plus vieille banque d'Angleterre (250 ans d'existence), a été mise en faillite à cause de placements à découvert supérieurs aux fonds propres de la banque. Un bureau de trading basé à Singapour et opérant sur les marchés dérivés d'action avait en effet été en mesure de générer 850 M£ de pertes, engloutissant plus du double des capitaux propres de la banque et la précipitant dans la faillite à la stupeur de son propre top management basé à Londres. Pourtant, le marché à terme de Singapour était régulé par une chambre de compensation...

Les mesures d'encadrement envisagées, pour importantes qu'elles soient, ne paraissent pas suffisantes. Il faut en outre dissuader la spéculation à court terme, qui se caractérise par des échanges financiers très rapides et très nombreux avec des marges bénéficiaires très faibles. Cette dissuasion peut se faire par l'introduction d'une taxe sur les transactions financières, qui serait trop faible pour entraver les transactions productives mais constituerait, par l'effet de la répétition, un frein aux transactions spéculatives. S'appliquant à chacune des transactions, elle grèverait de façon importante le bénéfice final du spéculateur.

 

Bernard Bayot,
février 2011

1Lionel Jospin et François Morin, Faire face à la déraison financière, Le Monde, 5 septembre 2008.

2La contrepartie est une des deux parties qui conclue le contrat (l'acheteur ou le vendeur),

3Les contrats de gré à gré s'effectuent « à l'amiable » sans passer par une autorité supérieure. Concernant les produits dérivés, le contrat s'établit directement entre deux banques.

4Romain Thomas, Produits dérivés de gré à gré – Les paradoxes de la régulation, Le nouvel économiste, 13 janvier 2011.

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Février

Les paradis fiscaux

Soumis par Anonyme le

Ils peuvent être partout où un État a décidé de supprimer peu ou prou la fiscalité d'entreprises qui s'y installent mais dont l'activité se situe ailleurs.

Suite à la crise financière, le G20 d’avril 2009 de Londres, à grands renforts de publicité, a porté la lutte contre les paradis fiscaux parmi les priorités des politiques publiques internationales. Un choix qui prolongeait celui de la Commission européenne en faveur d'un approfondissement des contraintes en vigueur à l’encontre des paradis fiscaux. Pourtant, un rapport du CCFD-Terre Solidaire1, basé notamment sur des documents comptables officiels, montre que les 50 principales sociétés européennes possèdent toutes des filiales dans les paradis fiscaux (96 chacune en moyenne). Avec une mention spéciale pour BNP Paribas, qui en compte 347.2 N'a-t-on donc pas avancé ?

Qu'est-ce qu'un paradis fiscal ?

Il n'existe pas de définition précise et univoque de ce qu’est un paradis fiscal mais il est admis qu'on puisse les classer en quatre grandes catégories :

  1. les "zero tax havens", c’est-à-dire les pays où la fiscalité est tout à fait inexistante, tant pour les opérations domestiques qu’étrangères;
  2. les "quasi tax havens", c’est-à-dire les pays où la fiscalité est si faible qu’on peut les assimiler à des "zero tax havens";
  3. les pays qui ne taxent que sur la base territoriale, c’est-à-dire qui excluent de tout ou de presque tout impôt les sociétés qui opèrent exclusivement en dehors de leur territoire - de telles sociétés sont qualifiées de "sociétés offshore";
  4. les pays qui excluent de toute ou presque toute taxation certains types de sociétés "spécialisées".

Quels sont les problèmes ?

Les paradis fiscaux posent trois problèmes.

D'abord, ils attaquent la souveraineté des États auxquels ils soustraient des recettes fiscales. Cela représente un manque à gagner de 125 milliards d'euros pour les finances des pays en développement et un report de la fiscalité sur les consommateurs et les PME (Petites et Moyennes Entreprises), qui subissent un taux d'imposition réel sur leurs bénéfices de 21%, contre 13% pour les grandes entreprises bénéficiaires de l'évasion fiscale.3

Ensuite les paradis fiscaux nourrissent l’instabilité financière.

Enfin, ils offrent des instruments de blanchiment à l’argent mafieux et favorisent la corruption. Les paradis protègent ainsi des criminels financiers : Une fois une opération suspecte détectée, nous devons vérifier si elle est illégale ou pas ; si cette recherche conduit à des mouvements dans des pays non-coopératifs, c’est un obstacle infranchissable pour nous, explique Jean-Claude Delepière, président de la CTIF4. Il existe, à travers le monde, quantité de territoires où l’on peut dissimuler de l’argent. Ces paradis fiscaux ne facilitent pas la lutte contre la grande criminalité de nature financière. C’est un problème très délicat car chaque pays applique ses propres règles et, en période de crise financière, aucun ne voudra se tirer une balle dans le pied en prévoyant une législation plus stricte, de crainte de ne plus bénéficier de l’effet de richesse dont il profite. Il existe bien des accords internationaux sur la lutte contre la criminalité financière, mais leur application n’est pas toujours évidente. Pour le patron de la CTIF, chaque pays doit balayer devant sa porte. Certes, publier une liste d'États non-coopératifs met une certaine forme de pression. Mais il faut un travail de beaucoup plus longue haleine pour parvenir à un résultat. 5

Comment lutter contre les paradis fiscaux ?

En 1989, le G7 a mis en place le Groupe d’Action financière (GAFI), organisme intergouvernemental visant à développer et promouvoir des politiques nationales et internationales afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En 1990, le GAFI a adopté 40 recommandations portant sur la prévention et la répression du blanchiment. Une liste allongée, depuis, par 9 autres recommandations contre l'argent du terrorisme. Chaque année, le GAFI fait un rapport sur l’application de ces recommandations par ses 33 Etats membres, mais elles n’ont pas de force juridique contraignante… Le GAFI publie également une « liste noire » des pays et territoires non coopératifs (PTNC) qui s'est progressivement vidée passant de 19 pays en 2001 à zéro depuis que la Birmanie en est sortie en octobre 2006.6 On pourrait donc conclure, comme le fait le GAFI que « cette procédure a été largement couronnée de succès ». En réalité, il suffit pour sortir de la liste d’adopter les textes recommandés : le GAFI n’a d’autre moyen que la « pression des pairs» pour en imposer l’application effective.

C’est à l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économiques (OCDE) que tente de se réguler l’évasion et la concurrence fiscales. Au milieu des années 1990, elle met en place un « Forum sur les pratiques fiscales dommageables ». Sont ainsi stigmatisés les pays et territoires pratiquant une imposition faible ou nulle, autorisant l’existence de sociétés écrans et refusant de façon chronique l’échange de renseignements. Trente-cinq « paradis fiscaux » sont mis à l’index en juin 2000. Pour sortir de la liste, ils doivent lever le secret concernant les bénéficiaires réels des sociétés, trusts… et pratiquer effectivement l’échange d’informations. La dynamique est considérablement freinée en 2001 par la contre-offensive menée par un groupe de places offshore montrant du doigt les propres responsabilités des pays de l’OCDE. L’arrivée au pouvoir des Républicains aux États-Unis, auxquels les lobbies du pétrole et de l’armement font valoir l’intérêt de l’évasion fiscale, ont encore ralenti le processus. Le Forum se limite depuis à promouvoir des normes non contraignantes de transparence et d’échange d’informations en matière fiscale. En 2008, seuls restaient labellisés « paradis fiscaux non coopératifs », selon ces critères, Andorre, le Liechtenstein et Monaco. Suite à leurs engagements de mettre en œuvre les principes de l’OCDE de transparence et d’échanges effectifs de renseignements en matière fiscale et à l'adoption d'un calendrier pour la mise en œuvre de ces engagements, le Comité des affaires fiscales les a retirés en mai 2009 de la liste des juridictions non coopératives. Il n’y a donc plus actuellement aucune juridiction dans la liste des paradis fiscaux non coopératifs du Comité des affaires fiscales de l’OCDE.

Lors du G20 d’avril 2009, la lutte contre les paradis fiscaux a fait l’objet de quatre décisions essentielles :

  1. l’affirmation d’un double objectif : s’attaquer à ces territoires pour éviter les fuites de recettes fiscales et pour protéger le système financier, ce qui reconnaît leur rôle de facilitateur de l’instabilité financière ;
  2. l’identification publique des territoires par l’intermédiaire de listes. Une liste blanche – voulue par les Etats-Unis – des pays au comportement adéquat. Une liste grise de pays pas encore au point (dont l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg, Singapour, la Suisse…) et une liste noirede mauvais élèves qui s’est rapidement vidée ;
  3. une liste de sanctions possibles à l’encontre des territoires récalcitrants, pouvant aller jusqu’à la suspension des relations financières ;
  4. le FMI et le Conseil de stabilité financière devront établir un suivi du respect des règles prudentielles internationales dans ces territoires et pointer les dérives des centres financiers offshore en tant que paradis réglementaires.

Force est de constater que ces décisions se sont avérées insuffisantes, en raison essentiellement de la composition des listes : suite à la pression de la Chine, Hong Kong n’est pas explicitement dans la liste des pays douteux – même si elle est suivie de près par l’OCDE. Jersey, Guernesey, l’île de Man, l’Irlande, etc., autant de territoires régulièrement cités pour leurs pratiques fiscales ou financières douteuses, ne sont pas dans la liste non plus, ce qui a entamé sa légitimité aux yeux de la société civile. De plus, rapports de force politique oblige, la City de Londres ou bien le Delaware ou le Nevada aux États-Unis ne sont pas non plus pointés du doigt alors qu’il est facile, rapide et peu coûteux d’y ouvrir des sociétés écrans servant tous types de flux financiers obscurs.7

De son côté, le réseau d’ONG et d’experts Tax Justice Network (TJN) a publié en novembre 2009,la liste des « territoires opaques » qui a été réalisée en deux étapes :

  1. le calcul du degré d’opacité selon une batterie de 12 critères dont, par exemple, la conformité aux normes anti-blanchiment, l’existence ou non de sociétés écrans ou de véhicules juridiques permettant de masquer l’identité des détenteurs, ou encore la qualité et l’intensité de la coopération fiscale.
  2. TJN a combiné cet indice au poids de chaque territoire dans la finance offshore (part du marché mondial des services financiers aux non-résidents), afin d’évaluer la nocivité réelle de chaque territoire pour l’économie mondiale.

Cette liste comporte 60 états classés par ordre décroissant d'opacité, dont voici les vingt premiers :

  1. USA (Delaware)
  2. Luxembourg
  3. Switzerland
  4. Cayman Islands
  5. United Kingdom (City of London)
  6. Ireland
  7. Bermuda
  8. Singapore
  9. Belgium
  10. Hong Kong
  11. Jersey
  12. Austria
  13. Guernsey
  14. Bahrain
  15. Netherlands
  16. British Virgin Islands
  17. Portugal (Madeira)
  18. Cyprus
  19. Panama
  20. Israel

Comme on le voit, la Belgique est jugé le neuvième pays le plus opaque au monde !

Que fait l'Union européenne ?

L'Union européenne semble peu se soucier des paradis fiscaux. Pour preuve, le 11 novembre 2010, le Parlement européen a approuvé, à une très grande majorité, la Directive sur les gestionnaires de fonds d'investissements alternatifs appelée aussi directive AIFM (Alternative Investment Fund Managers).

Cette directive s'intéresse aux fonds spéculatifs, hedge funds en anglais, qui utilisent massivement les techniques permettant de spéculer sur l’évolution des marchés, à la baisse comme à la hausse (utilisation massive de produits dérivés8, de la vente à découvert9 et de l’effet de levier10). Ils sont peu transparents et souvent implantés dans les paradis fiscaux11. Le problème, c'est que la directive qui vient d'être adoptée ouvrira le marché européen à ces fonds localisés dans les paradis fiscaux.

Ainsi, contrairement aux fonds OPCVM12 qui doivent nécessairement être localisés dans l’Union européenne, les fonds spéculatifs pourront continuer d’être gérés depuis Londres et localisés aux Caïmans. Ces fonds offshore pourront même, deux ans après l’entrée en application de la directive, bénéficier d’un passeport leur permettant d’être commercialisés dans toute l’Europe.

Certes une disposition de la directive conditionne l’accès des fonds spéculatifs aux marchés européens à la signature d’un accord de coopération fiscale et d’un échange effectif d’informations entre le pays où le fonds est domicilié et celui où il est commercialisé. Ainsi, les fonds spéculatifs, situés dans des pays qui n'assurent pas un échange effectif d'informations, notamment fiscales, ne pourront plus être commercialisés dans l'Union européenne. La question est d'importance quand on sait que 80 % des hedge funds sont situés dans ces centres offshore.

Cependant, suite aux pressions de Londres, le texte final limite le champ de la directive à la commercialisation dite « active ». Cela signifie concrètement que rien n'empêchera un investisseur européen, une banque, une compagnie d'assurance, un organisme de placement collectif, d'acheter des parts de fonds, situés hors de l'Union européenne, qui n'auraient pas obtenu le passeport européen pour non-respect des critères de la directive. Cette disposition donne ainsi accès au territoire européen aux capitaux placés dans les paradis fiscaux en relation avec la City, tels les territoires anglo-normands et les îles Caïmans ou par exemple, ceux gérés directement par les États-Unis, tel le Delaware.13

Et en Belgique ?

On se souviendra que le Parlement belge a créé une Commission parlementaire spéciale, chargée d’examiner la crise financière et bancaire. Cette Commission a formulé en avril 2009 deux recommandations en matière de paradis fiscaux :

« 57. Afin de rétablir l’équité fiscale entre les pays et entre les contribuables, il est donc indispensable:

  • d’éliminer l’intégralité des paradis fiscaux sous toutes ses formes (liste OCDE);
  • d’éradiquer le secret bancaire irrévocable, destiné à masquer des opérations d’évasion fiscale ou des activités illicites. Ce type de secret bancaire, qui s’éloigne considérablement des objectifs louables de protection de la vie privée et de maintien du secret professionnel, aboutit en effet à favoriser l’émergence et le développement de véhicules financiers opaques et inutilement complexes, eux-mêmes vecteurs d’instabilité financière et de concurrence régulatoire déloyale entre pays;
  • et de mettre en place des mécanismes visant à la juste perception de l’impôt dû.

58. La commission entend soutenir la proposition du G20 visant à éliminer les paradis fiscaux, tels que désignés dans la liste de l’OCDE, invitant les États concernés à tout mettre en œuvre pour y arriver, sous peine de sanctions imposées par la communauté internationale. »14

Suite des décisions prises par le G20 en matière de paradis fiscaux et des directives européennes en la matière15, la loi belge oblige de déclarer, sur un formulaire distinct à joindre à la déclaration à l’impôt des sociétés ou à l’impôt des non-résidents/sociétés, les paiements effectués à des personnes établies dans des États déterminés.

Depuis le 1er janvier 2010, les paiements qu’une société effectue directement ou indirectement à des personnes établies dans les paradis fiscaux visés ne sont en effet plus déductibles au titre de frais professionnels lorsque la société soit omet de déclarer ces paiements sur le formulaire ad hoc, soit ne peut justifier que ces dépenses répondent à des opérations réelles et justifiées.

Quels sont les paradis fiscaux visés ? Les États visés peuvent être répartis en deux catégories :

  1. d’une part, il y a les États qui n’appliquent pas effectivement et substantiellement le standard OCDE en matière d’échange d’informations (liste non encore définie) ;
  2. d’autre part, les États sans impôt des sociétés ou avec un taux nominal d’impôt des sociétés inférieur à 10 pc.

Conclusions

Il est encore trop tôt pour évaluer les effets des nouvelles dispositions prises en Belgique, mais une chose est sûre : les faits sont têtus et ils indiquent que les bonnes intentions exprimées dans les enceintes internationales n'ont pas, à ce jour, été transformées dans la réalité. Sans doute faudra-t-il que ces dernières s'accompagnent d'une dose suffisante de courage politique pour qu'elles soient réellement mises en œuvre. Et que les paradis fiscaux et leur cortège de conséquences inacceptables soient définitivement éradiqués.

Bernard Bayot
Février 2011

 

1 CCFD-Terre solidiaire : ONG française de développement.

2 "L'économie déboussolée. Multinationales, paradis fiscaux et captation des richesses", décembre 2010

3 Manuel Domergue, Paradis fiscaux: rien n'est réglé!, Alternatives Economiques n° 298 - janvier 2011.

4 Cellule de traitement des informations financières. Créée en 1993, la CTIF est au cœur du dispositif belge de lutte contre le blanchiment d'argent d'origine criminelle et le financement du terrorisme. Autorité administrative indépendante,elle est composée d’experts financiers et d’un officier supérieur de la Police fédérale et chargée d'analyser les faits et les transactions financières suspectes de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme qui lui sont transmises par les institutions et les personnes visées par la loi.

5 Philippe Galloy, Paradis fiscal, refuge du crime, La Libre Belgique, 24 avril 2009.

7 Christian Chavagneux, Pittsburgh et après : un plan d’action contre les paradis fiscaux en 10 propositions, 8 septembre 2009.

8 Voir Bernard Bayot, Les produits dérivés, Réseau Financement Alternatif, février 2011.

9 La vente à découvert consiste à vendre à terme un titre que l'on ne détient pas le jour où cette vente est négociée mais qu'on se met en mesure de détenir le jour où sa livraison est prévue. Si la valeur du titre baisse après la vente à découvert, le vendeur peut racheter les titres au comptant et dégager une plus-value. Si, à l'inverse, elle monte, le vendeur s'expose à un risque de perte illimitée, tandis qu'un acheteur ne peut pas perdre plus que sa mise de fonds.

10 Cette stratégie d’investissement consiste à mobiliser, à côté de son propre argent, des sommes empruntées aux banques pour se lancer dans des opérations spéculatives. Autrement dit, l’effet de levier permet aux hedge funds de démultiplier les gains potentiels de leurs placements. Cependant, lorsque leurs paris spéculatifs tournent mal, ils peuvent mettre en difficulté les banques qui leur ont prêté de l’argent.

11 Voir Bernard Bayot, Les paradis fiscaux, Réseau Financement Alternatif, février 2011.

12 Un OPCVM, ou Organisme de Placement Collectif en Valeurs Mobilières, est une entité qui gère un portefeuille dont les fonds investis sont placés en valeurs mobilières.

13 Bernard Bayot, Bernard Bayot, Les fonds spéculatifs, Réseau Financement Alternatif, février 2011., Réseau Financement Alternatif, février 2011.

14 Chambre des représentants et Sénat de Belgique, La crise financière et bancaire, Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner la crise financière et bancaire, DOC 52 1643/002 (Chambre) 4-1100/1 (Sénat), 27 avril 2009.

15 Directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE, JO, L 2007 319 ; Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, JO, L 2005 309.

16 Abu Dhabi, Ajman, Andorre, Anguilla, Bahamas, Bahreïn, Bermudes, Iles Vierges britanniques, Iles Cayman, Dubai, Fujairah, Guernesey, Jersey, Jéthou, Maldives, Ile de Man, Micronésie (Fédération de), Moldavie, Monaco, Monténégro, Nauru, Palau, Ras al Khaimah, Saint-Barthélemy, Sercq, Sharjah, Iles Turks-et-Caicos, Umm al Quwain, Vanuatu et Wallis-et-Futuna (article 179 AR/CIR 92) ; voir Circulaire Ci. RH 421/607.890 du 30 novembre 2010.

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