Les nouvelles voies du mobile
Une révolution en marche
Trois milliards et demi d'êtres humains n'ont pas accès aux services financiers, que ce soit en matière d'épargne, de crédit, de transaction ou de transfert d'argent1...
Or l'accès à ces services financiers est souvent considéré comme le moteur de la croissance économique et une des solutions les plus efficaces de lutte contre la pauvreté.
Pour les institutions financières classiques, ce segment de clientèle n'est pas attractif : petites transactions trop fréquentes (journalières), présence dans des zones géographiques reculées... Même pour la microfinance, servir ces clients entraîne un coût très élevé, qui se répercute dans des taux d'intérêt et/ou des tarifs élevés eux aussi.
Et si la solution venait d'ailleurs ?
Une nouvelle source de développement économique et d'inclusion sociale et financière a fait son apparition depuis quelques années, et se développe très rapidement. Cette source n'est autre que le GSM, ce moyen de communication que nous sommes 83 % à posséder en Belgique (et même 10 % à posséder en double).
On estime aujourd'hui que 4 milliards d'individus dans le monde2 ont accès au GSM3, dont 1 milliard qui n'ont pas accès aux services bancaires, et dont 3 milliards proviennent de pays en développement.
Quatre-vingts pour cent des nouvelles acquisitions de GSM sont faites dans les pays en développement, principalement par des clients à faibles revenus (+128 millions de clients en Inde en un an, +90 millions en Chine).
Fournir des services financiers par le biais des GSM est l’un des développements récents du secteur financier.
Le GSM comme alternative à la banque ? Une réalité des pays du Sud principalement, où l'infrastructure bancaire est largement insuffisante. Mais rien qu'en Belgique, alors que la couverture bancaire est globalement satisfaisante, 12 % de la population se dit prête à effectuer des opérations bancaires via GSM4.
La promesse de ces nouveaux intermédiaires financiers est de réduire les coûts fixes en utilisant les infrastructures existantes. Est-ce vraiment une réalité ?
Peut-on espérer une révolution du « mobile banking » qui verrait l'inclusion financière de 1,5 milliard de personnes supplémentaires ?
Quels types de services peut-on obtenir par GSM ?
Les services proposés sont principalement de 4 types (Williams and Torma, 2007) :
1. Information sur les comptes (mini-relevés bancaires, alertes, suivis des dépôts effectués, accès aux informations sur les crédits) ;
2. Transactions financières (transferts nationaux et internationaux) ;
3. Conversion en cash (in and out : que ce soit pour approvisionner le compte virtuel sur le GSM ou récupérer en cash une transaction ; toujours par l'intermédiaire d'un agent ou d'un distributeur) ;
4. Paiement (rechargement, paiement des factures comme celles d'électricité).
Les possibilités ouvertes par le mobile sont nombreuses : depuis les applications liées au commerce telles que données météo, cours des prix et conseils dispensés aux fermiers par SMS en réponse à leurs questions (« Farmer’s Friends » de MTN, Google et Grameen App Lab ; « Nokia Life Tools ») en passant par la mise en relation des acheteurs et vendeurs sur un marché virtuel par SMS (« Google trader ») ; et jusqu’aux conseils de santé : SMS d’alerte sur le SIDA, rappel pour prendre des médicaments, ou traitement basique à distance par le biais des photos envoyées aux médecins.
50 projets sont en cours de développement sur le seul créneau de la santé par le biais du GSM, dans le but de permettre à des populations isolées ou pauvres d’avoir accès à ces services sans se déplacer et à faible coût.
Les GSM ont un rôle non négligeable à jouer dans les transferts d'argent des migrants. Le migrant peut envoyer directement l'argent de son GSM à celui du bénéficiaire, qui n'a plus qu'à se présenter à un agent de son opérateur mobile ou à un distributeur d'argent pour l'échanger contre du cash.
Le transfert par mobile est sûr, rapide, pratique et bien moins cher que ce qui existe sur le marché, que ce soit les banques postales ou les opérateurs tels que Western Union.
Entre modèle bancaire et non bancaire, avantages et limites
Deux modèles s'affrontent aujourd'hui : le modèle dit « bancaire » et le modèle non bancaire5.
Dans le modèle bancaire, le client réalise ses opérations financières par l'intermédiaire de son GSM, mais la conversion en cash se fait obligatoirement auprès d'une banque ou d'un distributeur d'argent.
Dans le modèle non bancaire, le client n'est pas obligé d'avoir un compte dans la banque. Les transactions financières se font également par le biais du GSM, mais en utilisant des comptes virtuels, localisés sur les serveurs des opérateurs mobiles ou téléphoniques. Le réseau physique de ces opérateurs est généralement plus étendu, ce qui permet au client de changer facilement en cash ses transactions en se rendant auprès d'un détaillant de l'opérateur mobile.
Les banques ne sont utilisées que pour créer les comptes virtuels.
Le choix d'un modèle plutôt que l'autre est souvent lié à la réglementation en vigueur dans le pays concerné. Si l'émission de monnaie virtuelle – aussi appelée « e-monnaie » – par des intermédiaires financiers non bancaires n'est pas autorisée par le législateur, alors le choix du modèle bancaire s'impose.
Aujourd'hui les deux modèles se sont développés avec succès.
Bénéfices de cette source nouvelle de développement
Le succès du mobile dans les pays en développement s’explique par le fait qu’il est souvent le premier accès aux télécommunications (pas de ligne fixe, pas d’internet…). Il s’explique aussi par l’introduction des cartes prépayées, ne nécessitant pas d’avoir un compte en banque (utile quand on sait que 2/3 de la population de ces pays en est dépourvue). La réduction du prix des GSM à l’achat (divisé par plus de 10 en 10 ans, de 250 $ à 20 $) a contribué à cet essor.
Le microcrédit a permis à ceux qui ne pouvaient se l’offrir d’accéder au mobile : Grameen Phone (une des filiales de la célèbre Grameen Bank) s’est développé au Bangladesh, au Cameroun, en Indonésie, au Rwanda, en Ouganda,…
En quoi est-ce un outil de développement ?
En ce qu’il permet à de petits entrepreneurs d’avoir une activité sans avoir une boutique fixe, de s’informer sur le cours de prix pour vendre au meilleur moment, ….
De nombreuses études ont démontré que l'accès aux télécommunications accélère le flux d'informations, augmente la productivité, et facilite l'accès aux marchés.
La Banque mondiale a estimé en 2009 qu'une augmentation de 10 % du nombre de téléphones portables en circulation dans les pays en développement se traduisait par une augmentation du PIB par habitant de 0,8 %6.
Pourquoi les clients utilisent-ils ce système ? D'après une enquête menée en 2009 par Caroline Pulver auprès des clients de M-Pesa au Kenya, les principales raisons sont : la rapidité, la sécurité, le côté pratique et le coût moindre de ces services.
Le service est principalement utilisé par les clients pour envoyer de l'argent à leur famille tous les mois (86 %).
Les bénéfices sont non négligeables :
- Le mobile banking s'appuie sur un réseau existant, facilement accessible, permettant de toucher les populations rurales et les plus isolées. Pas besoin d'investir dans des distributeurs d'argent ou des succursales bancaires, car le réseau mobile existant permet de couvrir les zones les plus isolées.
- Il permet également au client de réduire ses coûts de transaction en n'ayant pas besoin de se déplacer à sa banque pour faire ses transactions financières. Ceci est parfaitement illustré par l'exemple de l'Afrique du Sud : pour payer leur électricité, les Sud-Africains doivent traditionnellement se rendre dans une boutique spécialisée, faire la queue pendant 2 h 30 (temps d'attente moyen), ce que tout le monde n'est pas en mesure de faire, notamment les personnes âgées ou malades. Le déplacement coûte 20 rands, soit l'équivalent du salaire d'une demi-journée de travail. Désormais, les Sud-Africains ont la possibilité de payer leur facture par l'intermédiaire de leur GSM pour le prix de 1 rand et sans avoir à se déplacer ni à attendre (Williams and Torma, 2007).
- Enfin, le GSM permet des services financiers plus accessibles financièrement. Au Cameroun et au Nigeria, il faut l’équivalent du PIB/habitant pour ouvrir un compte en banque7. En Afrique du Sud, le coût annuel des services bancaires d'une banque classique équivaut à 11 journées de salaire, tandis que celui des services bancaires d'un fournisseur de ces services par GSM équivaut à 7,5 journées de salaire.
Coûts comparés des banques vs de Wizzit en Afrique du Sud
-
Coûts de transaction – utilisateurs WIZZIT ($) Mêmes transactions avec les 4 grosses banques ($) Charges bancaires par mois 5 7 Coût des minutes de téléphone par mois
0.3 0 Coût des transports jusqu’à la banque par mois
1 1 Coût mensuel total
6 9 Coût annuel 70 103 Coût annuel en nombre de jours de travail 7.5 11 Coût annuel en % du revenu 2.1% 3.1%
Source : Ivatury, Gautam and Pickens, Mark. 2006. ‘Mobile Phone Banking and Low-Income Customers. Evidence from South Africa). CGAP, United Nations Foundation (UNF) and Vodafone Group Foundation
Les effets indirects ne sont pas négligeables : les GSM permettent de stocker de l'argent de façon sécurisée, permettant de réduire les risques liés au fait de se déplacer avec des quantités importantes de cash jusqu'à la banque ou de se le faire voler chez soi. Il permet aux populations pauvres dont les sources de revenus sont faibles, irrégulières et difficiles à prévoir8, de gérer ce flux.
Sucess stories à travers le monde
Selon la Banque Mondiale (CGAP), il y aurait 120 services monétaires par GSM dans le monde en 2009.
Grameen a développé un modèle avec succès au Bangladesh, M-Pesa au Kenya, Wizzit en Afrique du Sud, G-Cash aux Philippines,… Les expériences fleurissent à travers le monde.WIZZIT en Afrique du Sud est un exemple du modèle bancaire, lancé en 2004 par l'intermédiaire de la Banque sud-africaine d'Athènes.
Il s'agit d'une banque virtuelle, sans succursale physique. Les clients utilisent les SMS pour payer des produits, transférer de l'argent à d'autres détenteurs de comptes WIZZIT ou recharger leur GSM. Leur salaire peut leur être directement versé sur le compte virtuel lié à leur GSM. Les clients peuvent déposer ou retirer leur argent auprès des bureaux de poste ou auprès de certains guichets de banques. Ils peuvent également disposer d'une carte de débit Maestro, utilisable dans tous les distributeurs ou magasins l'acceptant, sans disposer pour autant d'un compte bancaire.
WIZZIT ne fait pas payer d'abonnement mensuel et ne demande pas un solde minimum sur le compte. L'ouverture d'un compte se fait au domicile ou au travail du client potentiel par un agent WIZZIT.
Selon une enquête menée en 2006 par le CGAP (Banque mondiale), la Fondation des Nations Unies et la Fondation Vodafone, les clients utilisent ce service en raison de son faible coût (70 %), de sa sécurité (69 %), de son côté pratique (68 %), et de sa rapidité (68 %) en comparaison avec les banques classiques.M-PESA au Kenya est un exemple du modèle non bancaire, lancé en 2007 par Safaricom (opérateur kenyan) et Vodafone, pour les utilisateurs de GSM à cartes prépayées.
Un compte virtuel distinct est créé pour les clients et géré par la Commercial Bank of Africa.
Pour ouvrir un compte, il faut une carte d'identité kenyane. Safaricom fournit alors une carte SIM qui permet les transactions financières. Les clients peuvent transférer des fonds à n'importe quel utilisateur de GSM, quel que soit son opérateur téléphonique. Avec le SMS reçu, le bénéficiaire se présente chez un agent habilité (typiquement un petit commerçant) qui l'échange contre du cash. Un compte M-PESA peut servir à acheter des biens et des services (une course de taxi par exemple peut se payer par SMS), effectuer des transactions financières ou des transferts d'argent. La possibilité d'effectuer des transferts d'argent internationaux (par les Kenyans à l'étranger) est en cours de développement.Aujourd'hui, 7 millions de clients utilisent ce service (sur 38 millions d’habitants, dont 18 millions de détenteurs de GSM), transférant près de 2 millions de dollars par jour à travers le système, à raison de 20 dollars en moyenne par transaction. À ce jour, 1,7 milliard de dollars ont transité par le système. Mais 70 % des clients de M-Pesa étaient déjà bancarisés avant d’utiliser ce service.
Challenges à relever
Ces beaux succès ne doivent pas faire oublier les défis qui attendent encore les opérateurs de mobile banking, particulièrement lorsque l’on sait que 120 projets sont en cours de développement dans ce secteur9
Le premier défi à relever est d'identifier les besoins réels et attentes des utilisateurs du mobile banking. Paiements et transferts d'argent ne sont qu'une première étape, les clients réclament de pouvoir épargner à travers leur GSM (ils le font déjà en pratique pour 30 % des clients de M-PESA), ce qui nécessite une législation adaptée et un produit adéquat.
Un autre défi non négligeable provient de l'illettrisme des clients, qui est aujourd'hui un frein au développement du mobile banking. Cet illettrisme peut être de trois types : 1) les clients ne savent pas lire et/ou écrire ; 2) les populations pauvres et/ou âgées subissent une exclusion technologique ; 3) les clients ne sont pas toujours à même de comprendre les contrats qu'ils signent, et une protection du consommateur s'avère nécessaire.
Les opérateurs réfléchissent actuellement à des moyens de faire face à ces formes d’illettrisme et de proposer une alternative à ces clients.Un autre défi majeur attend les opérateurs : la régulation. Aujourd'hui, le manque de cadre juridique adéquat pose la question de la responsabilité en cas de problème.
La législation devrait permettre à des opérateurs non bancaires d'entrer dans les différents marchés pour servir les clients, en créant une catégorie spécifique avec sa propre législation pour cette monnaie électronique, et bien sûr une protection du consommateur (information adéquate, transparence, recours, protection des données...).
Ceci sera particulièrement nécessaire si les opérateurs veulent développer la partie épargne de leur service (ce que les clients font déjà en pratique avec M-Pesa). Or la collecte d’épargne est une activité restreinte aux seules banques. Il faudra alors nécessairement aux opérateurs obtenir le statut de banque, ou une dérogation, ou s’associer avec une banque pour proposer ce service.
La Banque centrale des Philippines est souvent citée en modèle dans ce domaine, puisqu’elle a su créer un environnement propice et sécurisé pour le développement de ces acteurs (2 acteurs y existent actuellement pour le mobile banking).À quand en Belgique ?
À l’heure actuelle, le mobile banking se développe principalement dans les pays du Sud, où le pourcentage de population exclue des services bancaires est très élevé (2 personnes sur 3).
En Belgique, le réseau bancaire est bien développé. Le pays se classe au 13e rang mondial en termes de développement financier, et au 2e rang en termes de pénétration du réseau bancaire (en nombre de comptes et de succursales de banques)10. De même, le pourcentage de population exclue du service bancaire est faible (moins de 5 %). Ces deux facteurs rendent le service moins nécessaire. Le transfert d'argent hors d'Europe serait sans doute un des marchés qui pourrait offrir des opportunités de développement.
Sans perspectives économiques suffisamment prometteuses, il y a peu à parier sur un développement rapide de cette technologie dans nos frontières, d'autant qu'il devrait s'adapter à la législation en place en matière d'activité bancaire et financière. L'enjeu de la protection du consommateur, qui a d'ores et déjà été cité, est évidemment essentiel et ne doit pas être menacé par l'arrivée du mobile banking : ce dernier devra, dès sa mise sur le marché, offrir toutes les garanties pour les consommateurs- épargnants que nous sommes.
Conclusion
Les exemples réussis sont autant de raisons d'espérer, qui ne doivent pas faire oublier les nuages qui planent à l’horizon du mobile banking.
Il y a 10 ans, personne n'aurait imaginé l'importance qu'allait prendre le GSM dans notre vie quotidienne, et encore moins qu'il puisse être utilisé comme moyen d'inclusion financière pour les plus pauvres.
Aujourd'hui, les possibilités offertes par le mobile en termes de services bancaires ou de santé semblent plus qu’attrayantes.Des facteurs tels qu'un nombre croissant de jeunes dans les pays en développement, la mise en place de cadres légaux par les gouvernements et le développement d'internet via les téléphones portables, plaident en faveur d'une adoption rapide du mobile banking.
On estime que d’ici 10 ans au maximum, quiconque souhaitera avoir accès à un GSM sera en mesure de le faire.Sans nul doute, le mobile banking a la capacité de révolutionner les services financiers, en permettant à une large majorité de ceux qui en sont exclus aujourd'hui – dans les pays en développement – d'y avoir accès.
Les promesses sont grandes, les obstacles le sont aussi. Gageons que les opérateurs sauront les dépasser pour faire du mobile un outil de développement, de croissance et de lutte contre l'exclusion financière dans les pays en voie de développement.Le prochain défi sera sans nul doute celui de l’accès à internet. Aujourd’hui, 1 milliard de personnes dans le monde y a accès, ce nombre ne devrait pas dépasser les 2 milliards à l'horizon 2013 (vs 6 milliards attendus de personnes ayant accès à un GSM).
Or, on estime que 10 % de pénétration supplémentaire d’internet se traduit par +1,4 % de PIB/habitant (vs 0,8 % pour le mobile).
Les notebooks seront probablement une des solutions à cette expansion, si leur prix passe en dessous des 100 dollars. Mais le manque d’éducation et l’illettrisme risquent de constituer des freins à ce développement qu’il faudra dépasser.Aurélie Dagneaux
décembre 2009Bibiographie
Lyman, Timothy R.; Ivatury, Gautam and Staschen, Stefan. 2006. ‘Use of agents in branchless banking for the poor: rewards, risks and regulation’. Focus Note 38. Washington, DC : CGAP
Lyman, Timothy R., Pickens, Mark and Porteous, David. 2008 ‘Regulating Transformational Branchless Banking: Mobile Phones and Other Technology to Increase Access to Finance.’ Focus Note 43. Washington, DC : CGAP
Mas, Ignacio and Kumar, Kabir. 2008. ‘Banking on Mobiles: Why, How, for Whom?’ Focus Note 48. Washington, DC : CGAP
Morawczynski, Olga and Pickens, Mark. 2009. ‘Poor People Using Mobile Financial Services: Observations on Customer Usage and Impact from M-PESA.’ Brief – August 2009. Washington, DC : CGAP
The Economist. 2007, “A bank in every pocket?” November 15th 2007
The Economist. 2007, “The End of the Cash Era”, February 15th 2007
The Economist. 2009. “Mobile Marvels: A special report on telecoms in emerging markets”, September 26th 2009
Williams, H. & Torma, M., 2007 'Trust and fidelity: from under the mattress to the mobile phone', in D. Coyle (Ed) The Transformational Potential of m-Transactions, Policy Paper Series, No.6, Vodaphone, London. - http://www.vodaphone.com/m-transactions
-
1 Pickens, 2009.
2 GSM Association.
3 Nous faisons ici la différence entre accès et possession d’un GSM, un GSM peut être utilisé par plusieurs personnes, notamment dans le Sud.
5 Bueno, 2008 ; Infogile Technologies, 2007.
6 The Economist, Septembre 2009
7 Beck, Demirquc-Kunt, and Soledad Martinez Peria, 2008
8 Collin et al., 2009
9 Consultative Group to Assist the Poor (CGAP) - http://www.cgap.org
10 Financial Development Report 2009
Le mobile banking pourrait bien révolutionner l'accès aux services financiers des pays en développement et constituer une source nouvelle d'inclusion financière en Europe.
Accès aux services financiers : comment garantir des différences de traitement proportionnées aux clients, en présence de segmentation?
Accès aux services financiers : comment garantir des différences de traitement proportionnées aux clients, en présence de segmentation ?
La segmentation de la clientèle est d'ores et déjà une pratique très courante dans l'industrie des services financiers. Le projet de directive européenne prévoit d'autoriser dans certains cas (âge, handicap) des différences de traitement proportionnés. Voici quelques éléments de réflexion quant à cette notion floue et quant aux moyens d'en contrôler le respect...
Introduction
Nous faisions dans une précédente analyse une critique assez vigoureuse du principe de segmentation de la clientèle. En effet, dans le secteur des assurances, mettre à mal le principe mutualiste de solidarité, c'est toucher à l'essence même du système, et il n'est pas certain que les arguments présentés par l'industrie justifient d'y toucher. Toutefois, dès lors qu'une interdiction complète du principe de segmentation ne semble plus à portée de main, il nous paraît approprié de poser clairement le problème et d'envisager quel type de solution pourrait être mis en place. Les marges de manoeuvre sont toutefois minces !
Zoom avant sur la segmentation et sa dimension discriminatoire
Historiquement, le marché américain est certainement un des premiers à avoir poussé très loin la segmentation du marché, et en parallèle, la réflexion sur les problèmes que celle-ci peut soulever en matière de discrimination. Cette section repose principalement sur les lectures des d'articles repris dans la note de bas de page, issus de la littérature américaine1.
Dans quelle circonstance la segmentation génère-t-elle une discrimination disproportionnée?
Une fois admis le principe de segmentation, qui par essence est discriminatoire, encore faut-il pouvoir identifier ce qui distingue une différence de traitement proportionnée d'une différence de traitement disproportionnée?
Pour répondre a cette question, nous vous proposons une clé de lecture qui semble particulièrement appropriée. L'idée directrice de cette clé est le fait que, sur base des prix différenciés appliqués à certains publics (selon la minorité à laquelle le consommateur appartient – âge – handicap - ...), la rentabilité économique de ces publics soit, in fine, différente (plus élevée) que celle tirée de la clientèle moyenne.
En effet, considérons par exemple le public des personnes âgées. Ces dernières sont perçues comme générant plus de frais que la moyenne de la clientèle. Dès lors, pour compenser ce manque à gagner sur cette clientèle, il leur est demandé un montant de prime plus élevé. Ce supplément de prime sera considéré comme discriminant si ce dernier permet à la compagnie de réaliser un bénéfice proportionnellement plus important sur les personnes âgées que sur le reste de la clientèle.
La difficile question de la preuve
A la lecture de cette littérature, nous sommes frappés par la complexité des analyses et des hypothèses auxquelles doivent recourir les chercheurs pour tenter de vérifier si oui ou non les pratiques industrielles génèrent ou non ce type de différentiel de rentabilité. Les conclusions ne sont d'ailleurs jamais clairement tranchées, puisque construites sur des hypothèses tendant à remplacer le manque d'informations que ces chercheurs rencontrent dans leurs démarches.
En effet, prendre pour indicateur de la présence de discrimination le différentiel de rentabilité des publics considérés est sans conteste extrêmement pertinent. Toutefois, pour pouvoir en vérifier l'existence, il est nécessaire de disposer d'informations comptables et financières très précises de la part des compagnies. En l'absence de ces dernières, les chercheurs doivent recourir à approximations qui affaiblissent la solidité des conclusions auxquels ils arrivent. Ces dernières ne permettent pas dès lors pas la mise en oeuvre d'éventuelles sanctions.
L'absence de sanction
Il découle de cette approche l'impossibilité de mettre en place une mesure objective et opérationnelle de la présence éventuelle de pratiques discriminatoires. La mise en lumière de la présence d'une différence de traitement non proportionnée est particulièrement délicate voir impossible.
Conclusion intermédiaire
Cette question du contrôle possible du respect de la législation soulève un élément essentiel de l'efficacité de la politique élaborée.
Si le projet de directive est finalisé, il faudrait que préalablement y soient ajouté les éléments objectifs et critères qui seront pris en compte pour permettre d'identifier la présence ou non de pratiques illégales. Si tel n'est pas le cas, on risque de se retrouver dans une situation parfaitement confortable pour l'industrie qui se saura à l'abri des contrôles. Ceci en tant que tel détourne totalement l'esprit de la loi. Autant, dans ce cas, éviter de légiférer, car cela renforcerait aux yeux du public l'illusion d'une protection et enverrait à leur égard une information qui nuirait au bon fonctionnement du marché.
La segmentation, toujours source de discrimination ?
Si on se penche sur la méthode mise en oeuvre pour segmenter le marché, par l'offre sur le marché de primes d'assurances différentes en fonction de l'âge ou du handicap, il est inévitable que parmi les membres de ces segments, certains individus ne correspondent pas au niveau moyen de frais propre à ce segment et que dès lors ces derniers se retrouvent injustement pénalisés par rapport au reste de la clientèle.
Nous qualifierons cette approche de segmentation « ex-ante », car elle différencie les publics au moment de la signature du contrat, sans que le prix de la prime proposé n'intègre la réalité comportementale (la réalité des montants de sinistres générés) du client.
Une toute autre approche est la pratique de la ristourne « ex-post », à savoir la pratique d'une prime identique au moment de la signature du contrat, dès lors non discriminante pour l'ensemble de la clientèle et la mise en oeuvre de ristournes pour les clients n'ayant pas connu de sinistre.
Cette pratique est par ailleurs déjà mise en oeuvre par certaines compagnies, sur certains produits d'assurances. En calculant « ex-post » la ristourne, la compagnie ne se base plus sur des prévisions ou probabilités, mais bien sur la réalité individuelle et comportementale de chaque client. De cette manière, chaque client peut être traité de façon appropriée, du « sur-mesure » en somme. En outre les ristournes peuvent être élaborées de manière à ce que la rentabilité par client soit identique, et donc cette méthode semble la plus performante pour éviter les différentiels de rentabilité provoqués par une approche « ex-ante ».
Dans le secteur de l'assurance automobile, la méthode de bonus-malus mise en place est, dans une certaine mesure, une approche qui reprend de manière simplifiée ce principe.
En guise de conclusion
Les arguments statistiques présentés par l'industrie pour justifier d'une segmentation « ex-ante » de la clientèle sont définitivement insuffisants pour rendre cette dernière acceptable.
Sous des dehors « d'évidence », ces arguments ne prouvent en rien ce que l'industrie énonce et cette dernière font passer des corrélations statistiques pour des relations causales à portée explicative. Valider cette approche est en soi une source extrême de confusion et se révèle dommageable pour le consommateur.
Elle ne peut qu'être source de discrimination et son contrôle est quasi impossible dès lors que cette segmentation ne donne pas la possibilité de mettre en place un contrôle efficace du respect du principe de proportionnalité qu'elle énonce, quand bien même celui-ci aurait été clairement et objectivement défini... La situation américaine est a ce propos tout à fait parlante.
En revanche, les approches qui reposent sur une évaluation « ex-post » du risque et une valorisation des comportements plutôt que des données identitaires sont certainement des techniques à explorer et évaluer, afin de vérifier qu'elles pourraient effectivement renforcer la durabilité du secteur sans mettre en place de discrimination.
Olivier Jérusalmy,
septembre 2009
1 HAN Song, On the Economics of Discrimination in Credit Markets, Division of Research and Statitics, Federal Reserve Board, Washington DC, October 2001
LONGHOFER Stanley D. et PETERS Stephen R., Self-selection and discrimination in credit markets, Federal Reserve Bank of Cleveland, Working Paper 9809, February 1999
WEBEL Baird, Insurance Regulation in the United States and Abroad, Congressional Research Service, report RL33439, May 23, 2006
La segmentation de la clientèle est d'ores et déjà une pratique très courante dans l'industrie des services financiers. Le projet de directive européenne prévoit d'autoriser dans certains cas (âge, handicap) des différences de traitement proportionnés. Voici quelques éléments de réflexion quant à cette notion floue et quant aux moyens d'en contrôler le respect...
Du droit au compte aux pratiques de médiation bancaire en France p.181
Fourth Annual Report on Progress Towards the shared goal for Banking
Accelerating the Development of Mobile Money Ecosystems
U.S. Households Access to and Use of Electronic Banking, 19892007
Prepaid cards: Second-Tier Bank Account Substitues
Scenarios for Branchless Banking in 2020
AML/CFT: Strengthening Financial Inclusion and Integrity
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