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Le point sur le service bancaire de base, cinq ans après son introduction

Soumis par Anonyme le

La loi sur le service bancaire de base

En septembre 2008, la loi du 24 mars 2003 instaurant un service bancaire de base[1] (S.B.B.) a eu cinq ans. Elle avait été adoptée à l’unanimité suite au constat que, en 2001, l’exclusion bancaire[2] en Belgique touchait une population estimée à 40 000 personnes[3].

La loi garantit depuis lors à tout citoyen ayant sa résidence principale en Belgique le droit à l’ouverture d’un service bancaire de base dans la banque de son choix dès lors qu’il ne possède pas d’autres comptes à vue ou de compte S.B.B. et respecte quelques autres conditions[4].

Ainsi, pour la somme forfaitaire maximale de 13,19 € par an[5], toutes les banques offrant des comptes à vue doivent également offrir un « service bancaire de base », avec ou sans mise à disposition d’une carte de crédit, comprenant au minimum les services suivants : l’ouverture et la clôture d’un compte à vue, la mise à disposition (électronique ou non) des extraits de compte, la possibilité d’effectuer des dépôts et des retraits au guichet (en nombre assez limité) ou par voie électronique lorsqu’une carte de débit est mise à disposition.

Deux ans après son entrée en vigueur, une évaluation de la loi[6] réalisée par nos soins à la demande de la ministre en charge de la Consommation a permis de mettre en évidence que le nombre d’exclus bancaires avait été divisé par quatre entre fin 2001 et fin 2005, passant de 40 000 à 10 000 et que le nombre de C.P.A.S. et de services sociaux ayant eu à connaître des situations d’exclusion bancaire avait largement diminué par rapport à 2001.

L'étude avait alors également mis en lumière le double rôle joué par la loi sur le service bancaire de base : curatif, d’une part, par l’ouverture des comptes S.B.B. à proprement parler et préventif, d’autre part, lorsque les banques acceptent plus facilement l’ouverture d’un compte « classique » ou élaborent des produits spécifiques à destination de certains publics précarisés[7].

Une série de difficultés d’application de la loi sur le S.B.B. étaient toutefois apparues et certaines catégories de personnes s’étaient révélées comme étant en difficulté pour maintenir, ouvrir ou utiliser un compte (personnes surendettées, étrangères ou en difficulté face à l’automatisation des banques).

Afin de résoudre certaines de ces difficultés, une loi modifiant la loi de 2003 et son arrêté d'exécution a alors été adoptée le 1er avril 2007[8], modalisant les mesures suivantes :

  • l’élargissement des conditions d’octroi du service bancaire de base[9] ;
  • la précision, dans la loi, que la décision d’admissibilité d’une procédure en règlement collectif de dettes ne peut justifier un refus ou une clôture de compte S.B.B. ;
  • le maintien dans la loi de la disposition relative à la création d'un fonds de compensation[10] — dont l’objectif est de permettre une compensation financière entre les banques qui fournissent des services bancaires de base et les banques qui rechignent à délivrer de tels services – et la précision que cette création ne peut avoir lieu qu'après une évaluation réalisée au plus tôt en 2008 ;
  • l’obligation pour les établissements de crédit de livrer tous les 6 mois un rapport sur le nombre de comptes ouverts, les refus et les motivations de ces refus au Service de médiation banques-crédit-placements.

Rapport 2007 du Service de médiation banques-crédit-placements

Depuis sa modification, l’année dernière, la loi sur le service bancaire de base impose donc aux banques qui offrent des services aux particuliers de communiquer chaque année au Service de médiation banques-crédit-placements « des informations sur le nombre de comptes ouverts, le nombre de refus et de résiliations ainsi que leur motivation. Les informations sur l’année civile écoulée sont transmises au plus tard le 31 janvier de l’année qui suit ».

Ces statistiques ont été pour la première fois récoltées par le Service de médiation en janvier 2008.

Selon le rapport annuel 2007 du Service de médiation [11], 9.861 comptes de base ont ainsi été recensés en fin 2007 et, pendant cette année-là, 1.855 nouveaux comptes de base ont été ouverts, pour 2.186 clôturés.

Le rapport indique aussi que 290 demandes d’ouverture de SBB ont été refusées en 2007, ces refus étant principalement motivés par l’existence d’un autre compte dans le chef du demandeur (motif invoqué 180 fois) ou par le fait que ce dernier disposait d’un crédit à la consommation de plus de 6 000 euros auprès d'un établissement de crédit (motif invoqué 102 fois) ou encore d’un dépôt d'épargne et d’un crédit à la consommation dont le montant cumulé était supérieur à 6 000 euros (motif invoqué 56 fois).

Enfin, sur les 2 186 clôtures, 1 224 sont intervenues à la demande du titulaire, les autres clôtures étant justifiées dans la quasi-totalité des cas par l’existence « d’autres produits bancaires non compatibles avec un compte de base (motif invoqué 947 fois) ».

Selon le rapport, ce dernier chiffre s'explique par la « fermeture » d'un grand nombre de « services de base » auprès d'une institution financière et leur remplacement par des comptes ordinaires à des conditions égales.

Notons enfin que le rapport indique que sept banques offrent un service bancaire de base, les banques offrant des comptes gratuits n'enregistrant pas de comptes bancaires de base.

Interpellation du ministre en charge de la Protection de la consommation 

Constatant, rapport à l’appui, que le nombre de services bancaires de base a diminué en 2007 alors que le but de la modification de la loi intervenue en 2004 était justement de donner accès à ce service à plus de consommateurs, la députée Katrien Partyka (CD&V) s'est récemment interrogée sur le fait que la modification de la loi intervenue en 2007 ait bien atteint ses objectifs[12].

Selon la députée, différentes raisons expliquent le faible succès du service bancaire de base légal :

  • La plupart des banques offrent, sans doute sous la pression de l’existence du service bancaire de base légal, leur propre compte bancaire de base bon marché, avec, il est vrai, une prestation de services restreinte. Ainsi, par exemple, la carte de banque est uniquement utilisable dans les propres succursales de l’établissement.
  • En outre, la plupart des banques ne promeuvent que très peu leur propre compte bancaire de base bon marché, et favorisent plutôt leurs comptes bancaires plus coûteux.
  • Enfin, les banques diffusent aussi peu d'information au sujet du service bancaire de base légal, en le mentionnant uniquement dans le prospectus de leurs tarifs ainsi qu’ils en ont l’obligation légale. Sur les sites Internet de la plupart des banques, on retrouve peu d’information sur la possibilité d’ouvrir un service bancaire de base, et ce service n’est souvent pas mentionné en dessous du descriptif des comptes à vue offerts.

Considérant « qu’il est à craindre que la majorité des 1,5 million de Belges vivant en dessous du seuil de pauvreté ne soit pas au courant de la réglementation ou possède un compte en banque trop cher », la députée Katrien Partyka a dès sollicité le ministre en charge de la Protection de la consommation afin qu’il « prenne des mesures pour augmenter l'information relative à ce type de produit et examine avec les banques la possibilité que celles-ci fassent la promotion de ce type de produit ou des comptes qui sont moins onéreux que leurs comptes classiques ».

Analyse du rapport au regard des conclusions de l’évaluation de la loi en 2005

Si on compare les chiffres du Rapport 2007 du Service de médiation banques-crédit-placements à ceux collectés en 2005 par le Réseau Financement Alternatif[13] auprès des établissements de crédit[14], on constate que le nombre de comptes SBB ouverts depuis l'adoption de la loi a tout d'abord subi une augmentation croissante, avec 5.541 comptes effectifs fin 2005[15], pour culminer à 10 192 comptes fin 2006-début 2007 et retomber à 9861 fin 2007.

L’évolution du nombre de services bancaires de base en 2007 opère donc bien une rupture par rapport à la tendance observée les années précédentes, une diminution du nombre de comptes SBB ouverts et un nombre de clôtures supérieur au nombre d’ouvertures ayant été constatés pour la première fois.

Ce constat, ainsi que le souligne la députée Katrien Partyka, mérite toute notre attention et devrait amener nos responsables politiques à s’assurer à nouveau que la loi garantit bien un accès effectif à un compte bancaire pour tous les citoyens aujourd’hui en Belgique.

Les chiffres énoncés dans le rapport permettent-ils, à eux seuls, de conclure à une défaillance de la modification de la loi intervenue en 2007 à atteindre ses objectifs ? Nous ne le pensons pas.

Rappelons tout d’abord que les nouvelles dispositions ne sont entrées en vigueur qu’au mois de mai 2007, et n’ont dès lors été appliquées qu’à partir de la seconde partie de l’année. L’examen des données relatives à 2008, qui seront communiquées fin janvier 2009, sera dès lors fort utile pour permettre l’examen des données récoltées sur une période plus représentative.

Précisons ensuite que le nombre d’ouvertures et de clôtures de comptes SBB constitue un indicateur qui doit impérativement être interprété au regard d’une série d’autres éléments dont l’examen est indispensable afin d’établir si l’objectif poursuivi est effectivement atteint. 

Ainsi, on ne saurait répondre correctement à cette dernière question qu’en analysant également en profondeur les éléments suivants :

  • A combien peut-on évaluer aujourd'hui le nombre de personnes exclues bancaires en Belgique ?
  • Vu les différentes mesures prises depuis 2003, quelles sont, selon les acteurs de terrain, les causes qui néanmoins subsistent et génèrent cette exclusion bancaire ?
  • L'offre de service bancaire de base est-elle équitablement répartie entre les différents établissements bancaires ?
  • Existe-t-il des produits bancaires « de substitution » qui captent une partie des bénéficiaires potentiels du service bancaire de base (comptes gratuits, comptes sociaux...), quelle part de marché couvrent-ils et quels sont leurs conditions, avantages et/ou inconvénients par rapport au service bancaire de base ?
  • Quelle est réellement la publicité faite actuellement au sujet du service bancaire de base par les établissements bancaires et les autres parties prenantes ; avec quel impact ?

L’analyse de ces différents points nécessite qu’une étude s’y attarde en détail, et dépasse largement le cadre du présent article.

Nous nous limiterons donc à formuler ici quelques réflexions liminaires qui nous sont apparues à la lecture du Rapport 2007.

Selon ce dernier, près de trois quarts des refus d’octroi d’un service bancaire de base sont justifiés par le fait que le demandeur disposait d’un crédit à la consommation de plus de 6 000 euros auprès d'un établissement de crédit ou encore d’un dépôt d'épargne et d’un crédit à la consommation dont le montant cumulé était supérieur à 6 000 euros.

Or ce motif de refus, certes prévu par la loi, est tout à fait discriminatoire : les crédits à la consommation souscrits auprès d’un établissement de crédit sont autorisés à concurrence d’un montant maximum, alors que les crédits souscrits auprès des dispensateurs de crédit non bancaires (grande distribution, sociétés spécialisées, vente par correspondance...) sont autorisés sans limite !

Le fait que ce motif soit tant invoqué par les banques rend la discrimination d’autant plus criante. On se retrouve en effet devant un droit au SBB différencié, où les personnes ayant recours à des prêteurs non bancaires sont favorisées.

Nous nous interrogeons ensuite sur le fait que les banques qui offrent un compte gratuit n’enregistrent pas de compte de base. Celles-ci ne sont-elles pas tenues de le faire dès lors qu’elles offrent des comptes en banque aux particuliers ? C’est pourtant bien ce que prévoit la loi.

Enfin, le rapport nous apprend que sept banques jouent le jeu en offrant un service bancaire de base. Mais dans quelle mesure ? Certaines assument-elles une plus grosse part de l’offre ou cette dernière est-elle bien répartie entre les différentes enseignes ? Certaines sont-elles plus proactives que d’autres dans ce domaine ?

La création d'un fonds de compensation — qui ne peut avoir lieu qu'après une évaluation réalisée au plus tôt en 2008 — doit-elle être envisagée afin de stimuler les banques à faire le nécessaire pour assurer la promotion et l'ouverture de services bancaires de base ?

Conclusions

La diminution du nombre de comptes bancaires de base observée en 2007 traduit-elle une défaillance de la loi sur le SBB à atteindre ses objectifs ? L’examen isolé des données du rapport annuel du Service de médiation banques-crédit-placements ne permet ni d’affirmer, ni d’infirmer cette allégation.

Seule une étude approfondie portant sur un faisceau d’indicateurs bien plus large permettrait de répondre à cette question, qui doit en réalité être posée en ces termes : les produits bancaires disponibles sur le marché actuellement et les mesures mises en place par les différentes parties prenantes, dont le service bancaire est un des éléments piliers, permettent-ils aujourd’hui de lutter efficacement contre l'exclusion bancaire en Belgique?

Lise Disneur, septembre 200.8


 

[1] Moniteur belge, 15 mai 2003, 2ème éd., page 26.402

[2] Exclusion bancaire est le terme utilisé pour désigner le processus par lequel une personne rencontre des difficultés d’accès et/ou d’usage dans ses pratiques bancaires et qu’elle ne peut plus mener une vie normale dans notre société.

[3] Voir les résultats de l’étude « Élaboration d’un service bancaire universel » menée par le Réseau Financement Alternatif en 2003.

[4] La loi prévoyait alors que pour pouvoir bénéficier d’un SBB, le demandeur ne devait pas posséder

  • de comptes titres, de fonds de placement, de produits d’assurances, de SICAV et de SICAF ;
  • de crédits en cours auprès d’un établissement de crédit ;
  • d’autres comptes (tel le compte épargne) dont le solde créditeur cumulé moyen annuel dépasse 2 500 euros (les garanties locatives ne sont pas prises en considération pour la détermination du montant maximum).

Ces conditions ont été modifiées en 2007 (voir note de bas de page n° 9).

[5] Montant indexé pour 2008.

[6] « Évaluation de la loi du 24 mars 2003 instaurant le service bancaire de base », Étude réalisée à la demande de Mme Freya Van den Bossche, ministre en charge de la Protection de la consommation, Lise Disneur, Françoise Radermacher et Bernard Bayot, disponible sur www.rfa.be/files/Synth%E8se%20fr.pdf

[7] Tels les comptes sociaux offerts par Dexia à destination des personnes émargeant au C.P.A.S.

[8] Loi modifiant la loi du 24 mars 2003 instaurant un service bancaire de base, M.B. 24-04-2007 et Arrêté royal du 1er avril 2007 modifiant l'arrêté royal du 7 septembre 2003 portant certaines mesures d'exécution de la loi du 24 mars 2003 instaurant un service bancaire de base, M.B. 24-04-2007.

[9] Le bénéficiaire d’un service bancaire peut désormais avoir aussi bien un crédit à la consommation qu’un compte d’épargne, pourvu que le montant cumulé de ces deux produits soit inférieur à 6 000 euros.

[10] Les cotisations des banques pour financer ce fonds sont fixées selon un ratio calculé en fonction du nombre de services bancaires de base délivrés par les banques d’une part, et de leur taille sur le marché, d’autre part. Le fonds a vocation à assurer la viabilité du service bancaire de base en répartissant son coût entre tous les opérateurs concernés.

[11] Disponible sur http://www.ombfin.be/files/om2007fr.pdf

[12] Voir le communiqué de presse du 13/08/2008 sur le site http://www.cdenv.be/actua/persberichten/katrien-partyka-%E2%80%9Cbasisbankdiensten-zijn-onvoldoende-bekend%E2%80%9D

[13] « Évaluation de la loi du 24 mars 2003 instaurant le service bancaire de base », op.cit.

[14] Ces données proviennent des établissements de crédit ayant répondu à l'enquête menée par RFA, sans faire l'objet d’une extrapolation. Ces derniers représentaient alors 81,35 % du secteur bancaire belge.

[15] Le nombre d’ouvertures de comptes S.B.B. a été le plus important durant les deux premières années puisque 2003 et 2004 ont enregistré respectivement 2 707 et 3 691 ouvertures de comptes S.B.B. 2005 marquait alors une diminution par rapport à 2004, avec 2 730 nouveaux S.B.B. ouverts. Le total cumulé des clôtures depuis le lancement du S.B.B. jusqu'à fin 2005 s'élevait à 3 587.

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Le rapport du Service de médiation banque-crédit-placements annonce une diminution du nombre de comptes bancaires de base ouverts en 2007. Ce constat traduit-il une défaillance de la loi sur le S.B.B. à atteindre ses objectifs ?

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2008
Date d'édition
09/2008
Mois d'édition
Septembre

Les syndicats et l'investissement responsable

Soumis par Anonyme le

Les expériences syndicales en matière d'investissement socialement responsable (ISR) sont multiples à travers le monde. Développées dans des contextes différents, elles ne sont pas nécessairement transposables. On peut les schématiser en cinq actions, qui peuvent, bien sûr, se cumuler : le boycott, la labellisation, l'actionnariat actif, la gestion des fonds de pension et l'action financière.

Boycott

La première formule consiste à soutenir des mouvements de boycott des investissements dans certains pays (Afrique du Sud du temps de l'apartheid, Chine, Soudan...) ou de certaines entreprises lorsqu'elles se rendent coupables, par exemple, de violation de droits civils ou sociaux.

Labellisation

La labellisation de produits financiers consiste à identifier certains de ceux-ci pour récompenser les producteurs respectant des normes de qualité et pour indiquer ce respect au consommateur. En France, le Comité intersyndical de l'épargne salariale (CIES), créé en janvier 2002, rassemble presque tous les syndicats représentatifs (CFDT, CFECGC, CFTC, CGT) et publie annuellement une sélection d'offres d'épargne salariale socialement responsable qu'il labellise.

Ses critères de sélection sont de trois ordres : le meilleur rapport qualité-prix pour les salariés, des instruments d’investissement socialement responsables et diversifiés, en fonction du risque et de l’orientation souhaités par le salarié, et enfin des garanties fortes (contrôle par un conseil de surveillance composé majoritairement de représentants des salariés, capacité donnée à ce conseil de contrôler régulièrement et concrètement la gestion des fonds, transparence et clarté de la gestion).

Actionnariat actif

L’activisme actionnarial consiste, pour les actionnaires, à exercer leur droit de vote aux assemblées générales annuelles des entreprises cotées dont ils détiennent des parts. Ils utilisent ainsi un levier puissant pour améliorer le comportement éthique, social et/ou environnemental des entreprises, en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales.

À l’occasion d’une réunion qui s’est tenue au début du mois d'avril 2003 à Stockholm, l'alliance syndicale internationale Global Unions [1], regroupant la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)[2], les Fédérations syndicales internationales et la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (CSC-OCDE) [3], a décidé d’intensifier ses efforts en vue d’assurer que les entreprises multinationales assument leurs responsabilités sociales.

Les participants, qui ont passé en revue une large gamme d’initiatives volontaires privées en matière de responsabilité sociale, ont notamment examiné l’essor de l’investissement socialement responsable et le rôle que les investisseurs – tels que les fonds de pension, par exemple – peuvent jouer dans ce domaine.

Le sujet n'est pas neuf : depuis un rassemblement international qui a eu lieu à Stockholm également, en 1999, la coopération intersyndicale s'est accrue en vue d'améliorer l’influence des capitaux des salariés.

Sur le plan mondial, l’objectif poursuivi par les organisations syndicales est d’utiliser comme levier d’action le pouvoir des 11 000 milliards de dollars détenus par les travailleurs et investis pour leur retraite, afin d’améliorer les comportements des entreprises et de les rendre plus socialement responsables.

Cette stratégie syndicale se retrouve également sur le plan national.

Aux États-Unis, les syndicats associés à l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO), qui gèrent presque 1500 fonds, soit environ 400 milliards de dollars d’encours, environ 328,7 milliards d’euros, ont lancé le programme "Capital Stewardship" pour coordonner les activités d’engagement actionnarial, en particulier les résolutions visant à réformer la gouvernance d’entreprise [4].

Ils sont également les auteurs du "Proxy Voting Guidelines", guide du vote par procuration accessible au grand public [5], du "Key Vote Survey", qui dresse une liste des gérants d’actifs et de leur performance de vote sur un nombre sélectionné de résolutions d’actionnaires [6], et de l’"Investment Product Review" qui dresse une liste des canaux d’investissement dans lesquels les fonds des syndicats peuvent investir, car ils créent des "bénéfices collatéraux" ou des retours financiers positifs et défendent des valeurs de travail [7].

Au Royaume-Uni, à l’occasion de la publication d’un rapport intitulé "Working Capital" [8] et d’une conférence qu’elle organisait à Londres, le 24 février 2003, la Confédération syndicale britannique Trade Union Congress (TUC) [9] a adopté une position claire en faveur de l'investissement socialement responsable.

L’objectif qu'elle se fixe est de mobiliser les 260 milliards d’euros détenus par les fonds de pension comportant des administrateurs membres du TUC pour développer des investissements économiquement ciblés afin de combler des fossés sur les marchés de capitaux ou de les orienter sur les projets créateurs ou préservateurs d’emplois ; de désinvestir des entreprises qui ont un comportement social inacceptable ; de sélectionner les entreprises sur la base de leur comportement social ; et, enfin, de pratiquer l’engagement actionnarial aux assemblées générales annuelles.

En France, le Comité intersyndical de l'épargne salariale (CIES) envisage également d’expérimenter des campagnes de vote lors des assemblées générales des entreprises.

Gestion des fonds de pension

Les syndicats interviennent également, à des degrés divers, dans la gestion ou le contrôle de la gestion des fonds de pension et peuvent, à ce titre, agir pour promouvoir l'ISR. C'est le cas, par exemple, au Brésil où les syndicats cherchent la participation au marché financier, en particulier dans la politique de création et de gestion des fonds de pension. Pour cette politique, ils s’appuient sur le discours de gouvernance d’entreprise, de responsabilité sociale, d'investissements éthiques et de défenseurs légitimes des droits des travailleurs.

Ce "dialogue" entre syndicalistes et marché financier présente une nouvelle variable dans l’histoire du syndicalisme brésilien, ainsi qu’une nouvelle nature dans le rapport capital/travail. La méthode de recherche a été constituée à partir des entrevues avec plusieurs syndicalistes des centrales syndicales du Brésil, c'est-à-dire, la Centrale unique des travailleurs (CUT), Force syndicale (FS), et la Centrale générale des travailleurs (CGT). Théoriquement, cette recherche s’inspire des travaux de quelques sociologues, tels Robert Castell, et de grands noms de la sociologie du travail du Brésil [10].

Action financière

Deux exemples québécois, la Caisse d'économie Desjardins des travailleuses et des travailleurs et le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, montrent enfin la possibilité pour un syndicat de devenir lui-même acteur financier.

La Caisse d'économie Desjardins des travailleuses et des travailleurs (Québec) a vu le jour le 24 février 1971 sous le nom de Caisse d'économie des travailleurs réunis de Québec. À l'initiative de militantes et de militants de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) de la région de Québec, cette caisse délaisse l'action conventionnelle des caisses populaires et d'économie. Elle a proposé, dès le départ, une démarche coopérative militante axée essentiellement sur la promotion de l'action collective. Les militants poursuivent deux objectifs : prendre le contrôle de leur épargne et démontrer qu'il est possible de faire autrement sur le plan économique. La Caisse reste au service des travailleuses et des travailleurs, mais elle met en place une nouvelle stratégie de développement, d'abord sur le plan de la collecte de l'épargne collective par la voie syndicale, et elle s'engage plus à fond auprès des groupes populaires et communautaires. Elle se développera pour beaucoup à partir de coopératives d'habitation et de travail.

Par ailleurs, au début des années 80, le Québec traverse une difficile récession. Près du quart des jeunes sont sans emploi. Plus de 14 % de la main-d'œuvre québécoise est au chômage. Les taux d'intérêt démentiels obligent plusieurs petites et moyennes entreprises à fermer leurs portes. En avril 1982, le premier ministre du Québec, René Lévesque, lance un appel à la solidarité lors du Sommet socio-économique convoqué d'urgence à Québec par le gouvernement québécois.

Consciente de la gravité de la situation, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) se dit prête à collaborer. Louis Laberge, alors président de la FTQ, la plus importante centrale syndicale du Québec propose à ses membres de se doter d'une nouvelle politique syndicale face aux licenciements et aux fermetures d'entreprises. « Nous devons répondre à l'urgence de l'heure chez nos membres et dans la société québécoise : le maintien et la création d'emplois, déclare-t-il. Sinon, à quoi servent les syndicats ? »

Un des moyens préconisés est la création d'un fonds d'investissement de solidarité contrôlé par la FTQ. L'objectif est d'investir du capital de risque dans les PME québécoises. Dans les mois qui suivent, des professionnels de la Société de développement des coopératives et des dirigeants de la FTQ se mettent à l'œuvre. Le gouvernement du Québec exprime son appui en accordant aux futurs actionnaires du Fonds des conditions fiscales avantageuses. Il sera d'ailleurs suivi par le gouvernement fédéral quelque temps après. Le 3 mars 1983, la FTQ annonce son projet de créer le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ), une première dans les annales du monde syndical !

Conclusions

Comme on le voit, les pistes ne manquent aux organisations représentatives des travailleurs pour influencer le cours des choses en matière financière. Correctement utilisé, l'effet de levier dont elles disposent au travers de leurs adhérents et des fonds de pension à la gestion desquels elles sont associées est immense. Mais, pour en faire usage, des évolutions de mentalité sont parfois nécessaires, tant il est vrai que les actions possibles en ce domaine n'appartiennent pas au champ d'activité traditionnel des syndicats.

Les réticences sont plus prononcées, ici ou là, en fonction du type de syndicalisme déployé. Pour certains, c'est une véritable révolution culturelle qui est nécessaire, le cas échéant. Mais ne rien faire, revient à refuser d'apporter une réponse syndicale globale dans un contexte qui, lui, est globalisé.

Bernard Bayot, 3 octobre 2008 


 

[1] http://www.global-unions.org.

[2] http://www.icftu.org/default.asp?Language=FR.

[3] http://www.tuac.org.

[4] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital.

[5] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/proxy_voting_guide....

[6] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/keyvotesurvey2002.pdf.

[7] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/2002_IPR.pdf.

[8] http://www.tuc.org.uk/pensions/tuc-6269-f0.pdf.

[9] TRADE UNION CONGRESS - Working Capital - www.tuc.org.uk -février 2003.

[10] Maria Aparecida, CHAVES JARDIM, Nouvelles stratégies syndicales au Brésil : création et gestion de fonds de pension.

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La finance américaine, et donc mondiale, vit des moments dramatiques. Alors que le monde retient son souffle, il nous paraît utile de rappeler que, si capital et monde du travail ont souvent des intérêts opposés, voire contradictoires, il n'est pas dit que le second ne puisse peser sur le premier pour favoriser la prise en compte d'une plus grande responsabilité sociale.

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Satut Juridique et bonne gouvernance, existe-t-il un lien évident?

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Internation Remittances Capability Agreement: framework agreement by which WSBI members commit themselves to deliver a common "fair value remittances value proposition".

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ESBG actively contributes to the European Alliance on CSR

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Of the importance of financially educating children

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Création d'un Service Bancaire Universel (SBU) en France : la montagne a-t-elle accouché d'une souris ?

Soumis par Anonyme le

Le discours prononcé par le premier ministre français Dominique de Villepin lors de l’installation à Matignon du Conseil National de lutte contre l’exclusion le 16 septembre 2005 en avait surpris plus d’un.

A cette occasion, il avait en effet annoncé la création d’un service bancaire universel en 2006, et avait chargé le ministre français de l’économie Thierry Breton, le ministre de la cohésion sociale Jean-Louis Borloo et le ministre délégué à la Cohésion sociale Catherine Vautrin de mettre en place ce système.

Cette annonce, qui avait réjouit les associations de consommateurs, avait par contre été assez mal accueillie par le secteur bancaire, qui considère que le système actuel couvre « tous les besoins » en France et qu'un service bancaire universel n’est dès lors pas justifié1.

Le dispositif existant permet à toute personne physique domiciliée en France dépourvue d’un compte de dépôt d’ouvrir un tel compte dans l’établissement de son choix ou auprès des services financiers de la Poste.

Les établissements de crédit demeurent toutefois libres de contracter ou non, la personne ayant essuyé un refus officiel de la part de l’établissement choisi devant alors saisir la Banque de France par écrit afin que cette dernière lui désigne un établissement bancaire afin de lui ouvrir un compte.

L’organisme bancaire désigné selon cette procédure doit alors assurer gratuitement les services bancaires de base.

Ce droit au compte fait toutefois l’objet de nombreuses critiques, notamment en raison de la possibilité de refus laissée aux banques et de la lourdeur de la procédure auprès de la Banque de France.

Suite à l’annonce du premier ministre, la question de l'accès à un compte en banque et aux moyens de paiement a été mise à l’ordre du jour du Comité consultatif des services financiers (CCSF), qui regroupe les banques, les associations familiales et de consommateurs et les pouvoirs publics.

Celui-ci s’est réunit une première fois le 19 octobre, et il avait alors été convenu que le CCSF remette son rapport fin décembre.

A l'issue de cette première rencontre, le ministre de l'Economie avait indiqué que « plusieurs pistes » étaient à l'étude et les banques se déclaraient prêtes à participer à l'élaboration d'un diagnostic.

La deuxième réunion du CCSF, qui a eu lieu le 28 novembre, a cristallisé les divergences de point de vue des différents protagonistes.

Ces divergences portaient notamment sur « la définition ou non de critères de ressources » ou sur « les modalités de financement d'un nouveau dispositif plus large que l'existant ».

Désireuses de réaffirmer leurs revendications, plusieurs associations de consommateurs (l’UFC-Que Choisir, Familles rurales, UFCS et l’Unaf) cosignaient le 27 janvier dernier un communiqué2 par lequel elles sollicitaient que les ministres prennent position pour un service bancaire universel, accessible directement, sans condition de ressources, et gratuitement.

Afin d’appuyer leur propos, ces dernières soulignaient que « 8 membres du CCSF sur 13 affirment qu'il y a, au-delà de l'actuel SBB, nécessité d'un service universel dit d'intérêt général ».

Mettant un terme aux expectatives des uns et des autres, le plan d’action présentéle ministre des Finances à l’issue du CCSF le 30 janvier écoulé s’articule autour de quatre engagements distincts :

  • Le premier engagement vise à garantir « un droit au compte effectif pour tous ».

Pour ce faire, deux mesures concrètes seront mises en œuvre : le droit au compte pourra désormais être activé en 24 heures (un jour ouvré), la banque se chargeant désormais de toutes les formalités auprès de la Banque de France…

  • Le second engagement a trait à « l’accès pour tous à une carte bancaire ».

Celui-ci sera garanti par une modification apportée au service bancaire de base, qui inclura désormais obligatoirement une carte de paiement à autorisation systématique, en restant totalement gratuit.
De leur coté, les banques devront accélérer la diffusion des gammes alternatives de paiement et des cartes de paiement à autorisation systématique.

  • Le troisième engagement concerne « l’accompagnement personnalisé en direction des publics en difficulté ».

Les banques devront contacter de manière personnalisée tous leurs clients interdits de chéquier qui ne sont pas équipés de moyens de paiement alternatifs (1.179.000 personnes contactées d’ici fin juin 2006) et un plan de développement de l’accompagnement social des personnes en difficulté sera déployé pour lutter contre l’exclusion bancaire.

  • Enfin, le quatrième engagement prévoit des mesures concrètes afin d’instaurer l’ «acceptation généralisée des moyens modernes de paiement dans les services publics de proximité ».

Il est convenu que le Premier Ministre fera un premier bilan de ce plan d’action à l’occasion de la prochaine conférence nationale de lutte contre l’exclusion à la fin du mois d’avril prochain.

Force est de constater qu’on est loin de rencontrer les revendications d’un service bancaire universel, accessible directement, sans condition de ressources et gratuitement tel que revendiqué par les associations de consommateurs.

Quant au principe même de la création d’un service universel tout d’abord, une définition s’impose.

Selon la Commission européenne3, « la notion de service universel porte sur un ensemble d’exigences d'intérêt général dont l'objectif est de veiller à ce que certains services soient mis à la disposition de tous les consommateurs et utilisateurs sur la totalité du territoire d'un État membre, indépendamment de leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances nationales particulières, à un prix abordable ».

Les points essentiels4 ressortant de cette définition sont donc l’accès de chacun à certains services jugés essentiels, la couverture de l’ensemble du territoire, la spécification d’un niveau de qualité et enfin la notion de prix abordable.

Or, si il répond bien aux critères de qualité minimale spécifiée et de prix abordable (gratuité), le service bancaire de base tel que proposé par le droit au compte nouvelle formule ne rencontre pas la condition d’accessibilité à tous, puisque seules les personnes n’ayant jamais eu de compte ou qui ont vu leur compte fermé peuvent y avoir accès.

Le droit au compte ne constitue donc pas un service bancaire universel.

Quant à l’accès au droit au compte « nouvelle formule » ensuite, celui-ci demeure un droit indirect, octroyé après l’intervention de la Banque de France, les banques conservant leur droit de refuser l'ouverture d'un compte sans avoir à se justifier.

La saisie de cette dernière est désormais internalisée au sein de l’établissement de crédit qui a marqué son refus, le droit au compte étant ensuite « activé » dans les 24 heures.

A cet égard l’Union Fédérale des Consommateurs (UFC)-Que choisir5 relève toutefois que, la Banque de France devant de toute façon désigner un établissement proche du domicile du demandeur, il y a fort à parier qu'elle désigne la banque ayant refusé l'ouverture du compte et pas une autre, l’étape intermédiaire étant alors inutile…

 

Enfin, quant à la gratuité, celle-ci ne sera (comme précédemment) de mise que pour les bénéficiaires du service bancaire de base (SBB), c’est-à-dire les personnes qui ne disposent d’aucun compte bancaire.

 

Ce service bancaire de base concerne actuellement 15.000 à 20.000 personnes environ, alors que le nombre de clients inscrits au fichier central des chèques s’élève à environ 2 millions au total, soit un rapport de un à cent6.

Comme le souligne le conseil de la consommation français7, ce rapport de un à cent permet d’évaluer l’effet incitatif de la gratuité du droit au compte sur le comportement des établissements bancaires.

Cette gratuité peut alors « inciter les établissements bancaires à agir pour éviter que les consommateurs y aient accès, par exemple en conservant des consommateurs défaillants à qui ils ont retiré l'usage du chéquier et en leur facturant les moyens de paiement dont ils continuent de bénéficier, plutôt que de prendre le risque d’être obligés de leur offrir les mêmes services à titre gratuit ».

Si l’on veut éviter que la gratuité n’engendre de tels dysfonctionnements, il convient que celle-ci vise une série de services jugés d’intérêt général offerts à tous, dont le financement du coût net restant à la charge du prestataire est organisé dans des conditions objectives et non discriminatoires propres à le rendre pro-concurrentiel.

Lorsqu’elle n’est pas le corollaire d’un service universel, la gratuité non seulement perd de sa force, mais peut de plus engendrer un effet pervers et limitatif sur l’offre de services.

Une fois ces précisions apportées, il faut toutefois reconnaître que le droit au compte nouvelle version apportera néanmoins une solution, certes indirecte, aux situations d’exclusion bancaire liées aux difficultés d’accès au compte.

Or, c’est justement sur base de l’affirmation qu’« il est indispensable d’avoir accès au service bancaire » que le chef du gouvernement avait « appelé à la mise en place d’un service bancaire universel dans les plus brefs délais afin qu’en 2006 les personnes les plus démunies puissent toutes avoir un compte en banque et qu’elles bénéficient d’un accompagnement personnalisé » 8.

Cet accès désormais mieux garanti, on peut considérer que l’objectif annoncé par le premier ministre sera atteint grâce aux mesures prises, service universel ou pas….

Reste que l’exclusion bancaire est un phénomène qui dépasse la simple impossibilité d’accès à un compte bancaire, où difficultés d’accès aux services bancaires au sens large et les difficultés d’usage de ces mêmes services (interdits de chéquiers, surendettés) sont mêlées9.

A cet égard, le plan concocté par les pouvoirs publics prévoit que les banquiers mettront en place, d'ici fin juin 2006, une information pour présenter leurs « gamme de moyens de paiement alternatifs » qui comprend désormais une carte de paiement à autorisation systématique.

Les critiques fusent déjà du coté de l’UFC-Que choisir10, qui souligne que ce « pack » proposé par les banques depuis octobre 2005 est restreint à quelques opérations de base (relevé de compte mensuel, encaissement de virements et de chèques, dépôt et retrait d'espèces à la banque, ...) et reste cher (3 euros/mois) pour les usagers en difficulté financière.

Celle-ci ne se satisfait pas par ailleurs de ce qu’elle dénonce comme « un simple toilettage du droit au compte » alors « qu’était attenduun réel service bancaire universel (SBU) promis par le premier ministre ».

Du côté de l’association de consommateurs CLCV11, on estime que les mesures d'accompagnement sont « une avancée significative » car « l'information arrive toujours mieux à destination quand elle est dispensée sur le lieu de vente ».

Satisfaite, la Fédération bancaire française (FBF)12 souligne que les mesures prises sont dans le prolongement des engagements pris par les établissements de crédit en 2004, et indique que « les banques mèneront une large campagne d'information pour faire connaître ces services ».

Le ministre Français de l’économie13 affirme quant à lui que ses « concitoyens auront désormais non seulement un accès au compte bancaire, mais aussi le droit à des moyens de paiement modernes - tout particulièrement une carte de paiement - et un accompagnement personnalisé ».

L’avenir nous apprendra vite si la fourniture de services spécifiques assurée de manière discrétionnaire par les établissements de crédits français permettra effectivement de remédier aux problèmes d’exclusion bancaire dénoncés.

Entre nous, on s’interroge toutefois sur la déclaration de Thierry Breton, qui annonce que « l’ensemble des mesures prises permettra de faire du droit au compte un vrai service universel »14 …

 

Lise Disneur - Janvier 2006

 

1 Voir notre article « Dominique de Villepin annonce la création d’un service bancaire universel pour 2006 en France » et les références citées, publié en octobre 2005 sur le site www.rfa.be rubrique publications

2 Communiqué du 27.01.2006, disponible sur le site http://www.quechoisir.org

3 Livre Vert de la Commission sur les services d'intérêt général, 21.5.2003 COM(2003) 270

4 Points essentiels mis en évidence par le Conseil de la concurrence Français dans son Avis n° 05-A-08 du 31 mars 2005 relatif à une demande d’avis de la Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie sur les conditions dans lesquelles pourrait être envisagée la mise en place d’un service bancaire de base.

5 Communiqué du 01.02.2006 sur le site http://www.quechoisir.org

6 Données reprises dans le communiqué de la FBF sur le site

7 Avis du Conseil de la concurrence n°05-A-08 du 31 mars 2005 relatif à la demande d’avis de la confédération de la

Consommation, du Logement et du Cadre de Vie ( CLCV) portant sur les conditions dans lesquelles pourrait être envisagée la mise en place d’un service bancaire de base

9 Pour de plus amples informations sur ce sujet voir Gloukoviezoff G. (éd.), (2005), Exclusion et liens financiers. Rapport du Centre Walras 2004, Paris

10 Communiqué du 01.02.2006 sur le site http://www.quechoisir.org

11 Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie

12 Communiqué du 30.01.2006 sur le site http://www.fbf.fr

14 Idem

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Alors que le Premier Ministre français annonçait il y a quatre mois la création d'un service bancaire universel en 2006, la réunion du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) qui s'est tenue ce 30 janvier a débouché sur un aménagement du dispositif existant en matière de droit au compte.

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2006
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Janvier

Étude portant sur une proposition de définition d'une norme légale d'investissement socialement responsable

Soumis par Anonyme le
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Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Définition d'un cadre normatif à l'investissement socialement responsable, basé sur les conventions internationales ratifiées par la Belgique, et dans l'objectif d'asseoir une cohérence et une exigence de qualité du marché ISR. Introduction Méthodologie Questions liminaires Les listes noires existant au niveau international Les conventions internationales La proposition d'une norme minimale Les résultats de la consultation Annexes

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Décembre
 

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