Rapport : Les banques en Belgique financent l'accaparement de terres
Faut-il rétablir la scission bancaire ?
Pratiques spéculatives des institutions financières en Belgique qui portent atteinte à la sécurité alimentaire et au développement
Le B.A.-ba de la dette publique
En bref
- Les États empruntent pour financer leurs politiques.
- Ils vendent leurs dettes sur les marchés financiers et aux particuliers.
- L'arrivée de l'euro a internationalisé la dette.
Toute entité privée, que ce soit une entreprise, un ménage... peut avoir besoin d’emprunter de l’argent pour faire face à des dépenses inattendues, développer de nouvelles activités ou bien qu'à titre privé, ce soit un mauvais calcul rembourser une autre dette. Le crédit est souscrit pour une durée déterminée. Si, à un moment donné, l'emprunteur se retrouve dans l'incapacité de payer, il sera déclaré en faillite. Ses biens ou ceux de son entreprise pourront être revendus pour rembourser ses créanciers. Contrairement aux particuliers, un État ne connaît pas de fin. Les entités publiques (États, collectivités, communes...) ne peuvent donc juridiquement être mises en faillite.
Revenons aux dettes souveraines, celles qui sont émises par un État. Chaque année, les États établissent un budget (le budget fédéral de la Belgique a été discuté et négocié durant tout le mois de novembre). L’objectif est de trouver un équilibre entre les recettes (les taxes, les impôts...) et les dépenses (les dépenses sociales, de santé, liées à l’éducation, la sécurité, mais aussi le paiement des intérêts de la dette, le sauvetage des banques...). Ces budgets sont très souvent déficitaires et nécessitent d’emprunter. Ce déficit est parfois assumé (l’État estime que les dépenses sont nécessaires à la réalisation de ses politiques) mais le plus souvent, en période de crise, subi. En Belgique, la dette s’élevait, fin juin 2012, à 372 milliards d’euros, soit 95 % du produit intérieur brut (PIB). En 1993, elle s'élevait à 137 % du PIB.
COMMENT LES ÉTATS SE FINANCENT-ILS ?
Avant 1992, date du Traité de Maastricht, les États pouvaient emprunter auprès des banques centrales. Aujourd’hui, les États ne peuvent plus se financer qu'auprès des marchés financiers. Pour ce faire, ils émettent des titres qui peuvent être achetés sur le marché primaire par les banques commerciales qui elles-mêmes les revendent à des institutionnels (fonds de pension, collectivités...) ou même à la banque centrale européenne (BCE) en échange de liquidités. Le financement des États par les banques centrales est donc indirect.
Les titres de la dette que les États émettent peuvent prendre différentes formes. En Belgique, l’Agence de la dette¹ émet chaque année à la même période de nouvelles OLO : des obligations linéaires émises à long terme (5 ou 10 ans). Elle émet également des certificats de trésorerie dont l’échéance est d'un an maximum ainsi que des bons au trésor. Les OLO représentent plus de 75 % de la dette belge. Les particuliers possèdent 12,2 % de cette dette en 2011.
Ce taux a fortement augmenté (il n'était que de 1,16% auparavant, suite à l'émission des bons d’État Leterme fin 2011 qui étaient assortis d'un taux plus élevé que d'habitude). Cette émission a permis de récolter plus de 5,7 milliards d'euros, soit plus de 70 fois le montant habituel de 70 à 80 millions d'euros. L’intérêt de ces titres (des obligations OLO par exemple) est fixé suivant le risque que pensent prendre les investisseurs en achetant ces produits. Plus le risque est élevé (ou semble l’être), plus le taux d’intérêt est élevé et plus la charge de la dette
– les intérêts à payer – augmente. En Belgique, elle s'élevait à 12,307 milliards d'euros en 2010².
LA DETTE BELGE AUX BELGES ?
Avant l’arrivée de l’euro en 1992, ce sont les institutions belges (les banques) qui détenaient la majeure partie de la dette fédérale (plus de 80 %). Depuis, la dette est partie aux mains des étrangers. Le risque de change ayant disparu, les banques belges ont préféré diversifier leurs actifs. En même temps, l’État fédéral a tout fait pour attirer des investisseurs étrangers. Aujourd’hui, les investisseurs étrangers possèdent plus de 55 % des obligations à long terme et 90 % des titres à court terme.
Pour certains, aller chercher des capitaux sur les marchés étrangers est positif. Cela permet d'élargir le panier d’investisseurs potentiels (plutôt que les 40 ou 50 existants sur le territoire belge) et de réussir à lever plus de fonds. Pour d'autres, cela reste inutile. Avec les 227 milliards que détiennent les épargnants belges, il y aurait de quoi financer une bonne partie de la dette publique belge.
1. L'Agence de la dette fait partie du Service public fédéral Finances. Elle est responsable de la gestion financière de la dette publique.
2. http ://fr.wikipedia.org/wiki/Dette_publique_de_la_Belgique#cite_note-3 ; Rapport 2011, BNB, 08/02/2012, p. 136 sur 161 du fichier. Consulté le 2 mars 2012.
Un budget en équilibre ? Le rêve de tous, y compris des États. Ces derniers ont pourtant souvent du mal à joindre les deux bouts et empruntent de l'argent ailleurs.
Deutsche Bank et BNP Paribas : plus casinos que banques ?
FairFin, notre pendant néerlandophone a fouillé les comptes des 7 grandes banques actives sur notre territoire.
Résultats : mise à part Triodos et dans une moindre mesure Argenta, aucune banque ne pratique réellement son métier de base. Mauvais élève par excellence : la Deutsche Bank avec 19 % seulement de ses actifs investis dans des prêts à l'économie réelle.
Lisez le communiqué de presse de FairFin
Consultez l'intégralité de l'enquête
Financité Magazine n°27 : saga financière
Les banques publiques sont les premières à avoir insufflé de la solidarité dans les rapports à l'argent, p.4 - Les fusions/acquisitions et faillites ont appauvri la diversité du paysage bancaire belge, p.5 - A partir des années 70, de nouvelles valeurs se sont immiscées dans la finance, p.8 - La Minuto, future monnaie complémentaire de Braine-le-Comte, p.12 - Pourquoi les États ont-ils perdu le pouvoir de battre la monnaie ? p.14
David à l'assaut de Goliath
En bref
- Les banques éthiques ont vu le jour à partir des années 70.
- L'ISR n'a cessé de prendre de l'ampleur depuis.
- Mais la qualité des produits dits « éthiques » est souvent douteuse.
L'investissement socialement responsable ( ISR ) est une pratique chère aux banques éthiques. Il consiste à placer son épargne dans des entreprises ou États qui, au-delà de critères financiers traditionnels, respectent des valeurs sociales et environnementales précises. La sélection se fait sur la base de critères d’exclusion ( refuser d'investir dans certains domaines ) ou de critères positifs ( privilégier certains domaines d'investissement ).1
Aujourd'hui, face aux dégâts causés par la finance casino, l'ISR se profile de plus en plus comme l'option innovante et incontournable pour placer son argent.
Banques éthiques en Europe et chez nous
En Europe, on recense actuellement une bonne trentaine d'institutions financières éthiques, même si toutes n'ont pas le statut bancaire. Elles se caractérisent par le fait que tous leurs investissements respectent des critères sociaux et environnementaux. Elles se répartissent sur 13 pays de l'Union européenne, recueillant environ 35 milliards d'euros au total 2 et totalisant 650 000 associés. Ces chiffres restent toutefois une goutte d'eau dans
l'océan bancaire. Chez nous, une seule banque éthique est présente sur le marché depuis 1993 : Triodos.
Deux grandes stratégies sont développées par les banques éthiques : s'immiscer sur le marché bancaire classique avec une offre 100% éthique et tenter de l'influencer. L'autre stratégie consiste à vouloir grandir suffisamment pour rivaliser d'égal à égal. Aujourd'hui, force est de constater qu'aucun de ces objectifs n'est atteint.
L'éthique des banques classiques
En 1984, sous la pression du secteur associatif, apparaissait le premier produit bancaire ISR : le compte d’épargne Cigale. En 1992, c'est au tour des premiers fonds de placement ISR de voir le jour dans nos banques. Leur évolution en termes de quantité et de capitaux n'a cessé d'augmenter depuis lors, mais est très fortement liée à la politique commerciale générale de la banque. En 1992, le volume de capitaux s'élevait à 44 millions. À la fin 2000, ce chiffre dépassait le milliard d'euros notamment suite à la poussée de Bacob qui incita ses clients à investir dans les produits ISR qu'elle proposait. Aujourd'hui le marché ISR belge se compose d’environ 1089 produits financiers 3, dont pas moins de 340 fonds de placement ISR et 7 comptes d'épargne. Le reste des produits sont des parts dans des sociétés ou coopératives à finalité sociale. Le volume total des capitaux s'élève à environ 15 milliards d’euros, ce qui représente 3,4 % de parts de marché, soit un chiffre encore trop faible pour peser sur les lignes directrices des grandes institutions financières. Pourtant, la part de marché des fonds ISR continue d'augmenter ( 9 % en 2011, contre 7,2 % en 2009 ). Ce qui prouve que la demande est bel et bien là. Ce volume de capitaux dépend bien entendu de la stratégie commerciale des grandes banques : Dexia, leader historique sur ce secteur pendant de nombreuses années, s'est fait supplanter en 2005 par KBC qui a inclu réellement l'ISR dans sa stratégie commerciale, avec pour résultat 60 % de parts de marché pour KBC, plus de 6 milliards d'euros, contre 15 % pour Belfius ( anciennement dénommée Dexia ) en 2011.
Greenwashing ou solution durable ?
Selon le dernier rapport ISR en Belgique, la note qualitative moyenne de ce marché a augmenté en 2012, passant de 5,8/100 ( 2010 ) à 6,4/100 ( 2011 ) ... Cette faible note s'explique par le fait que 73 % des fonds cotés ont obtenu 0 point car, étant des produits structurés, bien qu'ils soient ISR à leur conception, ils ne garantissent aucunement la qualité ISR dans le temps. Sur les fonds restants, seul un fonds dépasse la barre des 60/100 4. De là à conclure que la grande majorité des produits ISR sont du greenwashing, il n'y a qu'un pas. Difficile donc pour l'investisseur, engagé ou non, de s'y retrouver (5). Pourtant, le label indépendant Ethibel, créé en 1992, était un gage de qualité pour les produits ISR. En 2002, les grandes banques commerciales se sont retirées du label, estimant être en mesure d'évaluer elles-mêmes ... les entreprises dans lesquelles elles investissent. En l'absence de contrôle externe, il n'est pas rare de retrouver, dans ces fonds de placement, de grandes multinationales ( BP, France Telecom ... ) ou encore des sociétés financières dont une partie de l'activité peut être mise en avant comme socialement responsable. Pour ces dernières, on ne tient pas ou peu compte du réinvestissement possible ! En l’absence d'un cadre juridique délimitant le concept, chaque institution financière, association ou fédération est libre d’en établir une définition propre ... C'est pourquoi FairFin et le Réseau Financement Alternatif exigent
une norme minimale ISR inscrite dans la loi. Actuellement, deux propositions de loi existent pour introduire cette norme de qualité. Elles sont dans les mains du Parlement. Le travail et la percée des banques éthiques en Europe ne peut qu'être encouragé, mais il en faudra plus pour réellement influencer tout le secteur. Aujourd'hui, l'ISR représente moins de 4 % du marché. Si demain, il atteint 20 ou 30 % de parts de marché, les aspects sociaux et environnementaux deviendront incontournables pour les banques, les entreprises et les États ; mais, espérons-le, aussi pour les épargnants qui, par leurs demandes de rentabilité financière, mais aussi sociale ou environnementale, détiennent une des clefs de la solution. La crise actuelle qui touche durement « les plus faibles du système » découle directement de l'irresponsabilité du secteur financier, nous laissant présager un combat de David contre Goliath encore long et parsemé d’embûches avant que la finance ne serve réellement les intérêts de tous plutôt que ceux de quelques-uns.
1. Bernard Bayot, « Finance : l'éthique et la solidarité en prime », RFA, 2009. Analyse en ligne sur financite.be.
2. BAYOT, B., Crise financière et modèles bancaires, RFA, octobre 2012.
3. Rapport sur l'investissement socialement responsable 2012, Réseau Financement Alternatif
4. Ibid.
5. Retrouvez la cotation de l'ensemble des produits ISR sur financite.be, rubrique « Produits financiers ».
Si la qualité des banques éthiques est à souligner, si celles-ci ont mieux résisté à la crise, force est de constater que leur influence reste marginale.
Le retour des garde-fous
En bref
- Des règles sont mises en place pour stabiliser les marchés.
- Bien souvent, elles ne changent pas fondamentalement la manière de fonctionner du système financier.
- Les lobbies bancaires ont souvent assoupli les exigences.
Le contrôle prudentiel ( les règles de prudence ) de l'activité financière peut se faire au niveau du pays, de l’Europe ou du monde. Il peut également être appliqué tant au niveau micro ( en surveillant le comportement économique des entités individuelles comme les banques ) que macro (il s'agit d'une vision plus large qui consiste à prévoir l'évolution des grands agrégats économiques face à une modification des conditions)1.
Augmenter les fonds propres (2)
En 2010 , un nouvel accord, dit de « Bâle III », a été trouvé, qui devra être mis en œuvre entre 2013 et 2018, et impose un ratio de fonds propres composé de différents niveaux : un premier niveau de 4,5 % de fonds propres « durs », c'est-à-dire composés d’actions et de bénéfices mis en réserves ; un deuxième niveau de 2,5 % de fonds propres « durs », conçu comme un coussin de sécurité ; enfin, un deuxième coussin de sécurité allant de 0,5 % à 2,5 % de fonds propres supplémentaires, constitué en période de croissance selon le bon vouloir des régulateurs nationaux. Au total, c’est donc un ratio de 7 % de fonds propres « durs » qui s’impose à toutes les banques, contre 2 % auparavant, soit plus qu’un triplement. Toutefois, ce ratio est resté dans la fourchette basse de ce que proposaient les économistes, suite au lobbying intense opéré par le secteur bancaire.
Limiter les effets de levier
L'effet de levier permet à une banque d'emprunter pour investir. Le danger est qu'elle emprunte déraisonnablement par rapport au risque qu'elle encourt sur certains investissements. Le comité de Bâle a imposé un « ratio de levier pur » de minimum 3 % ( le rapport entre le montant des prêts des banques et leurs fonds propres ), ce qui signifie que les actifs des banques ne peuvent pas dépasser 33 fois leur capital ! Les États-Unis ont par ailleurs, par le biais de la loi Dodd-Frank, limité l’effet de levier à 15 fois les fonds propres pour les banques jugées systémiques.
Séparer banques d'affaires et banques commerciales
Plutôt que la remise à l'honneur du Glass Steagall Act pour éviter que les banques puissent utiliser les dépôts des épargnants pour opérer ,des transactions de marché, les États-Unis ont opté pour la règle dite « olcker », qui interdit aux banques bénéficiant de garanties publiques d’opérer des activités de trading pour compte propre (3).
Réguler les fonds spéculatifs
Les législateurs n'ont pas réussi à imposer les mêmes règles aux fonds spéculatifs (hedge funds) qu'aux banques. Le dispositif adopté en Europe consiste à créer un passeport européen pour les hedge funds leur permettant d’investir dans toute l’Union européenne, mais sans que les régulateurs publics aient la possibilité d’opérer un contrôle contraignant de l’effet de levier utilisé par ces fonds.
Réguler les produits dérivés
La majorité des transactions des produits dérivés s’opèrent de gré à gré ( entre deux parties ). Elles ne passent donc par aucune chambre de compensation ( chargée d'enregistrer les transactions et d’assurer la solvabilité des intervenants ) qui permettrait aux régulateurs d’évaluer les volumes échangés et les risques encourus. Elles n’impliquent pas non plus de dépôt de garantie ( pour apporter la preuve de la solvabilité des intervenants ). La création d'une chambre de compensation a été prévue dans la loi Dodd-Frank aux États-Unis. En Europe, différents centres financiers ont voulu créer leur propre chambre de compensation, tandis que les banques ont continué de pouvoir choisir entre un dépôt de garantie et la mobilisation de fonds propres supplémentaires.
Démanteler les paradis fiscaux C'est là que sont situés la plupart des fonds spéculatifs. Le G20 s’est limité à publier en avril 2009 une liste noire et une liste grise d’États problématiques en leur enjoignant de se mettre en règle. Mais, d'une part, la liste est incomplète, si bien que les opérateurs n'ont plus qu'à délocaliser leurs opérations d’optimisation fiscale vers les paradis « oubliés ». D'autre part, le G20 s’est limité à demander aux pays incriminés de négocier 12 accords bilatéraux d’échange d’information fiscale à la demande, ce qui reste très éloigné d’un système multilatéral d’échange automatique d’informations.
Ces mesures restent loin d’être suffisante pour garantir la stabilité du système financier globalisé. Les réformes ont eu essentiellement pour objectif d’encadrer les pratiques du shadow banking sans en modifier fondamentalement la nature. À plusieurs égards, le système bancaire est même devenu plus dangereux qu’il ne l’était avant la crise. La concentration des institutions financières suite à la restructuration du secteur a exacerbé le syndrome du « too big to fail ».
1. BAYOT, B., Crise financière et modèles bancaires, la régulation des banques, RFA, octobre 2012.
2. Toute cette partie est largement inspirée de ZACCHARIE, A., Crise financière et modèles bancaires, La crise de ,la globalisation financière et les moyens d’en sortir, RFA, octobre 2012.
3. A. Bénassy-Quéré et G. Capelle-Blanchard, « Régulation financière : arbitrage entre stabilité et croissance », in CEPII, L’économie mondiale 2011, La Découverte, 2010, pp. 50-57.
Alors que les années 80 et 90 ont prôné la dérégulation des marchés financiers pour une plus grande efficacité, les gouvernements tentent maintenant de faire marche arrière. Tour d'horizon des mesures prises.
Banques de dépôt VS banques d'affaires
En bref
- La séparation des métiers bancaires semble une évidence.
- C'était déjà le cas avant.
- Aujourd'hui, des clients, des syndicats, des banquiers opposent leurs arguments.
On est mariés
Les banques ont beaucoup de fonctions différentes. Toutes liées à l'argent. Elles reçoivent des capitaux que des clients mettent en dépôt et accordent des prêts. C'est le métier de base de la banque, qu'on nomme tout naturellement banque de dépôt. À côté de ça, les banques d'investissement mènent toute une série d'autres activités sur les marchés financiers : elles émettent des emprunts obligataires, s’occupent d'introduction en Bourse, gèrent les fusions-acquisitions ...
On se sépare ... mais non
Le mélange des genres n’est pas une nouveauté. Dans l'Amérique d'avant le krach de 29, c'était déjà le cas. Après la crise, le législateur étasunien a lancé le Glass-Steagall Act. Cette loi a instauré une incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d'investissement. La loi a été abrogée en 1999. En Belgique, les banques mixtes ont pris fin en 1935, lorsqu'un arrêté a imposé que les actions d'investissement soient placées dans un holding ou société de portefeuille. Depuis 1975, une loi a rapproché le statut des banques et celui des caisses d’épargne privées et, depuis 2004, les banques peuvent également traiter des activités d'assurances.
Et finalement ?
À nouveau, de nombreuses voix s'élèvent en faveur de la séparation des métiers bancaires. Pour n'en citer que quelques-uns, Paul Volckers ( conseiller du président Obama et ex-président de la Réserve fédérale ) ou Mervyn King, gouverneur de la banque d'Angleterre, sont du même avis. En Belgique, la commission spéciale chargée d’examiner la crise financière et bancaire en 2009 a notamment recommandé la réintroduction d’une séparation claire entre la banque de dépôt et la banque commerciale. Au niveau européen, un groupe de travail rendra son rapport en octobre. Mais d'ici là, le lobby de l'industrie financière fait rage (1).
Qu'est-ce qui bloque ?
Pour les détracteurs de la séparation, plusieurs arguments sont mis en avant. L'imbrication totale des systèmes financiers rend quasiment impossible techniquement la séparation. Le coût du crédit aux particuliers et aux entreprises risque de fortement augmenter car les banques retirent principalement leurs bénéfices de leurs activités d'investissement. Enfin, certains avancent que la séparation n'y changera rien. Ils rappellent que Lehman Brothers, la première banque à avoir fait faillite était purement une banque d'investissement. A contrario, des banques comme Northern Rock qui ont connu de grandes difficultés étaient strictement des banques de dépôt. Or c'est précisément parce que des banques de dépôt ont prêté à des banques d’investissement que la crise financière s'est propagée à l'ensemble de la planète. Très logiquement, une interdiction de cette pratique éviterait aux banques de détail de se trouver en difficulté à cause d’investissements réalisés pour fonds propres dans des produits hautement risqués. À tout prendre, les anti-séparatistes verraient plutôt des banques universelles, soit des grosses structures qui proposent l'ensemble des services mais qui soient suffisamment grosses pour supporter les chocs financiers et pour lesquelles on aura renforcé les règles prudentielles ( voir p.7 ) pour éviter que les activités d'investissement de la banque ne viennent mettre en péril les activités de dépôt. Parmi ces anti-séparatistes, on trouve les banques, bien sûr, mais également les clients parfois ( les grandes entreprises, p. ex. ) car ils bénéficient de ces montages. Leurs dépôts peuvent servir de garantie pour des opérations de marchés qui couvrent leurs financements. Et les syndicats (2) eux-mêmes s'opposent à la séparation, craignant les pertes d'emplois au sein du secteur. En Angleterre, le rapport Vickers préconise une « simple filiarisation » entre banque de dépôt et banque d'investissement d'une même banque. C'est d'ailleurs dans cette voie que s'engagera la Grande-Bretagne à partir de ... 2019. D'autres voudraient aller plus loin et revenir à une séparation stricte telle que l'exigeait le Glass-Steagall Act, où les actionnaires de la banque de dépôt et de la banque d'investissement d'une même banque doivent être totalement différents. Aux États-Unis, la loi Dodd-Frank prévoit, entre autres, d'interdire aux banques de spéculer pour leur compte propre. Mais les lobbyistes et l'inventivité des financiers pour créer de nouveaux produits semblent fortement freiner son application. La spéculation, l'instabilité des marchés existeront probablement toujours. Par contre, le minimum que l'on puisse demander est que les spéculateurs qui réalisent leurs investissements en toute connaissance de cause supportent à eux seuls les risques qu'ils prennent et que les pertes qu'ils réalisent ne pénalisent pas les autres activités classiques de dépôt et de crédit. Actuellement, les lobbys financiers en Europe et aux États-Unis font tout leur possible pour que la séparation stricte des métiers ne se résume qu'à l'interdiction de quelques activités financières spécifiques très risquées au sein des banques universelles. Il est à parier que toute la négociation se trouve dans la définition d'« activités financières spécifiques très risquées ».
1. François Hollande, à la veille de son élection, promettait la séparation des banques. Depuis son élection et la levée de boucliers des banquiers français, il a fait marche arrière.
2. Les syndicats français, par exemple.
Séparer les banques de dépôt et d'investissement semble être la solution évidente pour prémunir les petits épargnants de la crise et empêcher qu'ils ne soient atteints par les déboires de leurs établissements financiers. Si tout le monde est d'accord, qu'attend-on ?
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