Les écoles de consommateurs : En avoir ou pas
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La Commission propose au Conseil de l'Union européenne différentes possibilités, dont une TTF, pour le budget de l'UE pour la période 2014-2020.
Les références budgétaires sont des descriptions de budgets (revenus et dépenses) de ménages adaptées à leur situation familiale – c'est-à-dire en prenant en compte le nombre d'adultes et d'enfants présents et aussi le niveau de bien-être envisagé (minimum, intermédiaire ou élevé). Ces références peuvent servir à de nombreuses applications qui, pour nombre d'entre elles, participent activement à la lutte contre l'exclusion financière.
A côté de l'application qui permet d'établir un standard minimum de vie[1] (seuil de dignité/seuil de pauvreté) détaillée dans une précédente il est utile d'approfondir les applications que nous n'avions pu traiter.
Parmi ces dernières, nous présenterons, dans cette analyse :
Références budgétaires : des principes d'élaboration plus souples
Si les bases méthodologiques des références budgétaires doivent impérativement reposer sur la détermination d'un panier de biens et services précis et sur l'estimation de son coût d'acquisition quand on élabore un standard de vie minimum, les applications qui seront présentées dans cet article sont, en général, moins exigeantes. En effet, pour la plupart d'entre elles, il est possible de travailler à partir de moyennes et de données statistiques issues notamment de l'enquête sur le budget des ménages (menée par le SPF Economie / Direction générale Statistique et Information économique). Ceci est d'autant plus vrai que, pour élaborer les références budgétaires qui concernent des ménages plus aisés, il n'existe pas d'autres sources.
Dans d'autres cas, les données utilisées par les services sociaux, les pratiques générales qui peuvent se dégager sont autant d'informations potentiellement utiles. Mais, dans ce cas, la prudence reste de mise, puisque le but recherché par la mise au point de ces outils est d'identifier des structures de « dépenses » à l'équilibre, afin de servir de grille de comparaison, d'estimation, ou d'objectif pour des ménages en difficulté.
C'est sans conteste cette application qui est à l'origine de la mise en oeuvre d'une des pratiques de références budgétaires les plus poussées en Europe, à savoir celle développée par le Nibud[2]. En effet, le traitement du surendettement des particuliers par des services spécialisés (médiation de dettes, qu'elle soit amiable ou judiciaire) implique l'élaboration de budgets de ménages qui doivent permettre à la fois de déterminer une éventuelle capacité contributive tout en garantissant une vie digne.
Cette notion de dignité humaine, présente en particulier dans la législation belge, est difficile et relative :
l en termes de minima : lorsqu'il s'agit de ménages pauvres ou précaires, le législateur belge a d'ores et déjà fixé des minima stricts : il s'agit des montants insaisissables ou incessibles lorsqu'ils sont versés sur un compte bancaire. Pour pouvoir aller en dessous de ces minima protégés au travers d'une médiation de dettes, il faut impérativement obtenir l'accord explicite des débiteurs. Il existe toutefois une limite inférieure en dessous de laquelle il ne sera plus possible de descendre (même avec le consentement du débiteur) définie, quant à elle, par le revenu d'intégration sociale ;
l dans les autres cas : la question est plus délicate, puisque pour des ménages plus aisés, il est beaucoup plus difficile d'élaborer de manière claire les déprivations à mettre en place en vue de permettre un remboursement acceptable des créanciers. Ici, plus encore que dans des situations de précarité, l'arbitraire et la subjectivité des acteurs détermineront de manières très diverses ce qui sera ou non consacré au remboursement des dettes. Et les acteurs en place ne sont pas tous, loin de là, des spécialistes en gestion budgétaire (avocats, notaires, juges...).
L'absence de références budgétaires entraîne une série de désavantages :
l disparité des pratiques : en fonction du profil des intervenants dans un dossier de médiation, la fixation des capacités contributives variera, toutes choses égales par ailleurs, de manière importante ; ce qui crée de fortes disparités sur la manière dont le droit est appliqué (les références utilisées par les avocats, juges et travailleurs sociaux peuvent être très éloignées les unes des autres) ;
l inconfort des parties prenantes : dans la majeure partie des cas, des données et méthodes claires d'estimation sont clairement souhaitées par une grande majorité d'intervenants ;
l subjectivité des références : la dignité humaine est soumise à des appréciations qui laissent de la place à l'arbitraire.
Au-delà de l'inconfort des professionnels, ce sont donc, avant tout, les particuliers surendettés qui voient leur sort traité différemment selon qu'ils ont eu affaire à tel ou tel médiateur de dettes. La notion de dignité humaine s'applique dès lors de manière très variable.
Première conclusion : lorsque des références budgétaires sont développées pour différents niveaux de revenus, ils peuvent devenir d'excellents outils pratiques pour l'ensemble des professionnels de la médiation. Quand il s'agit de préserver la dignité des plus précaires, il est bien sûr évident que les références budgétaires peuvent se révéler plus appropriées, car elles peuvent mieux s'adapter aux réalités particulières des ménages et intégrer des changements de manière souple (impact budgétaire de mesures sociales ou politiques, nouvelles obligations en termes d'assurance, de taxes, d'exonération...) que les montants définis par la loi sur l'insaisissabilité. Quand il s'agit de ménages plus aisés, les minima légaux ne sont plus du tout opérants : il est difficile d'imaginer imposer à des ménages surendettés, ayant toutefois des revenus de niveaux moyens, voire supérieurs, de calibrer leur mode de vie sur celui des plus précaires, sans porter sans doute également atteinte à leur dignité. Ceci étant dit, quelle comparaison prendre ? L'existence de références budgétaires à différents niveaux de revenus fournit des points de comparaison, permet une adaptation « poste budgétaire » par « poste budgétaire », et rend tangibles les efforts fournis.
Les avantages de l'usage de tels outils, pour tout pédagogue, sont notamment :
l l'objectivation des éléments de comparaison présentés aux personnes recourant à ses services ;
l l'identification précise des postes sur lesquels des marges de progrès sont possibles, ce qui ouvre de réelles opportunités d'ajustements ;
l de pouvoir proposer des améliorations budgétaires qui ont peu d'impact sur le confort : lorsque des informations précises existent sur les produits et services, sur leurs coûts et sur les lieux possibles d'achat (telles qu'elles sont utilisées pour élaborer des références budgétaires), des conseils très concrets peuvent être offerts par les professionnels, qui apportent une plus-value substantielle en allant plus loin que des conseils de bon sens ;
Ces éléments influencent directement la qualité relationnelle que les professionnels tissent avec les usagers et poussent vers le haut la qualité de leurs prestations.
Le saviez-vous ? Les références budgétaires développées par le Nibud, aux Pays-Bas, ont été validées par les prêteurs hypothécaires depuis de nombreuses années dans le cadre de l'analyse de la solvabilité qu'ils réalisent dans la phase pré-contractuelle.
Ceci représente un énorme pas vers une définition objective d'une analyse de solvabilité responsable. Pour rappel, seule la consultation de la Centrale des crédits aux particuliers fait partie des éléments « objectifs » dans notre droit belge. Le reste est toujours sujet à interprétation et seuls les cas les plus abusifs aboutissent à une action positive pour le consommateur.
Compte tenu de l'importance d'une telle pratique en termes de « crédit responsable », nous présentons, ci-après, la manière dont cette mesure est mise en oeuvre, la manière dont elle intègre les références budgétaires.
Le principe de base est d'identifier le degré de nécessité des dépenses courantes du ménage, et on distingue :
La différence entre les revenus nets et cette norme minimale donne le montant disponible pour les dépenses courantes non affectées, qui peut notamment être consacré au remboursement de crédit.
Ce qui est le plus intéressant ici, c'est de constater que le Nibud recommande de ne consacrer que la moitié de ce montant « non affecté » au remboursement du crédit hypothécaire, car l'expérience montre que des montants « libres » doivent absolument pouvoir être disponibles pour faire face à toutes sortes d'imprévus (accident, maladie, remplacement, augmentation de charges...).
Grâce à l'usage des références budgétaires, l'estimation de la solvabilité peut être beaucoup plus poussée tout en en maintenant un coût raisonnable, puisque ce ne sont plus que les dépenses « inévitables » du ménage qui doivent être identifiées par les prêteurs, dans la construction des dossiers de demande de crédit.
Fondamentalement, les références budgétaires sont des outils à même de fournir à leurs usagers des informations objectivées et de qualité tant sur les habitudes de consommation que sur les diverses manières d'équilibrer un budget et sur les marges budgétaires qui sont envisageables de manière réaliste.
Ces outils, bien entendu, pour être efficaces, doivent être construits rigoureusement, en toute transparence méthodologique, et, bien sûr, doivent être mis à jour régulièrement, sans quoi ils peuvent très vite perdre leur pertinence.
Il nous semble que de tels outils, lorsqu'ils sont appliqués à l'analyse de solvabilité (traitement du surendettement / octroi de crédit) de manière adéquate, peuvent à la fois réduire le risque de surendettement (ou aider à le résoudre en préservant la dignité humaine) et également limiter le risque d'exclusion au crédit.
Ce dernier point appelle toutefois un commentaire : pour que ces avantages soient tangibles, il faut évidemment que les prêteurs n'employant que le “credit-scoring” comme analyse de risque évoluent vers une approche faisant la part belle à l'analyse de la capacité de remboursement.
Ceci nous parait toutefois souhaitable dans la mesure où cette analyse permet de réduire significativement le risque d'insolvabilité des clients, ce qui est, bien entendu, une approche beaucoup plus durable de l'activité de crédit et fait reposer les refus éventuels sur des éléments objectifs de solvabilité plutôt que sur une probabilité d'insolvabilité basée sur le domicile, le sexe, l'âge ou l'état civil.
Olivier Jérusalmy,
ovembre 2008.
[1] Voir analyse intitulée : « Indicateur de pauvreté et budgets minima : une avancée pour une définition absolue du phénomène ? »
[2] NIBUD : Nationaal Instituut voor Budgetvoorlichting – www.nibud.nl
Les références budgétaires (standards budgétaires) sont utiles dans de très nombreuses applications qui peuvent fortement servir l'inclusion financière. Cette analyse vous permettra de les découvrir. Elle complète ainsi une autre analyse présentant exclusivement son utilisation dans la mesure absolue de la pauvreté.
Bien gérer son budget est une nécessité. Un budget déséquilibré conduit toujours à un appauvrissement et à de fausses solutions comme le recours excessif au crédit. Au contraire, un budget équilibré permet de construire des projets et de s'organiser pour faire face aux imprévus de la vie courante lorsqu'ils se présentent. Établir un budget, faire des prévisions, suivre ses recettes et ses dépenses réelles mois par mois, peut sembler fastidieux et on ne sait pas toujours comment procéder, par où commencer et quels outils utiliser. Pourtant quand les fins de mois sont difficiles, cet exercice est particulièrement utile. Il permet de savoir où passe l'argent que l'on dépense et de trouver des pistes pour améliorer la situation. Ce guide peut vous aider à : ÎÎ Comprendre pourquoi et comment tenir votre budget ÎÎ Savoir quoi faire en cas de difficultés persistantes ÎÎ Bien gérer votre compte bancaire ÎÎ Etablir votre budget (modèle de tableau) ÎÎ Trouver des pistes pour améliorer vos recettes et limiter vos dépenses
Le monde entier est en proie à une crise profonde, qui nous amène à remettre en question notre modèle de développement, notre mode de production et de consommation, notre façon de vivre. Dans nos pays, les Etats ont été appelés à la rescousse pour sauver le système bancaire en perdition et ont déboursé des moyens financiers gigantesques. La crise économique qui succède à la crise financière creuse les déficits publics et oblige aujourd'hui les gouvernements à choisir entre rigueur et austérité.
Dans cette situation, notre pays et ses responsables se trouvent face à des choix cruciaux pour la population: réduire les dépenses publiques ou augmenter les prélèvement collectifs.
Réduire les dépenses publiques est ce que préconisent aujourd'hui les partisans du libéralisme et le monde patronal.
Pour eux, la solution est simple: il faut moins de prestations sociales, et moins de services publics.
C'est pourtant la pire des voies à suivre.
D'abord, parce que c'est précisément dans les inégalités, dans la précarité et dans la pauvreté que la crise plonge ses racines.
Les fameux subprime américains, par exemple, n'ont existé que parce que de plus en plus de ménages n'avaient pas les revenus suffisants pour vivre décemment, et qu'ils ont par ailleurs été poussés à surconsommer et donc à s'endetter toujours plus. Le développement du travail temporaire, la compression des salaires, la médiocrité des prestations sociales (soins de santé, chômage, pensions), l'insuffisance de services publics, sont autant de causes d'un appauvrissement massif de la population américaine qui a été le terreau de la crise. Dans les pays européens, et singulièrement dans le nôtre, la protection sociale et les systèmes de redistribution ont servi d'amortisseurs à la crise; mais il n'a pas été possible d'éviter les effets sur le système financier et l'économie réelle mondialisée. Effets que les pays du sud ont, quant à eux, subi de plein fouet.
Si la crise a des racines sociales, ce n'est certainement pas en diminuant les prestations sociales qu'on va lui apporter une réponse structurelle : réduire les revenus de la population, en particulier des plus fragiles, ne peut que nous conduire à accroître encore les inégalités et à approfondir davantage la crise actuelle. Une situation qui ne pourra qu'empirer si nous ne nous préparons pas au coût du vieillissement de la population.
Ensuite, parce que ce que nous vivons aujourd'hui est aussi la faillite d'un modèle de croissance fondé sur la surconsommation, l'épuisement des ressources naturelles, la destruction des écosystèmes.
Cette croissance sans limite est intenable: elle provoque les dérèglements climatiques, elle maintient des millions de personnes dans la pauvreté, elle menace l'avenir de la planète et de sa population.
Voilà pourquoi, nous devons modifier radicalement notre mode de vie; et cela passe, contrairement à ce que certains préconisent, par des fonctions collectives qui font le choix d'un véritable développement humain et durable. A l'échelon de notre pays, cela implique notamment de donner aux Régions et Communautés les moyens d'investir massivement dans une politique volontariste en matière de transport en commun, de logement, d'enseignement et de culture, d'économie d'énergie, d'accompagnement des personnes âgées et de soutien à l'enfance et à la jeunesse.
C'est donc du côté des recettes publiques que nous attendons des responsables politiques qu'ils prennent des décisions audacieuses et justes.
Car l'enjeu prioritaire aujourd'hui est bien celui de relégitimer les contributions que la société, dans son ensemble, est disposée à mettre en commun pour bâtir un autre modèle de développement, social et durable.
Mais si l'impôt est aujourd'hui tellement décrié, c'est sans doute parce qu'il est d'abord perçu comme injuste.
Il est donc urgent de mettre en place les conditions d'une véritable justice fiscale, qui réconcilie les citoyens avec les prélèvements collectifs et l'action publique.
Plusieurs pistes s'offrent à nous.
D'abord, la lutte contre la fraude fiscale.
Dans leurs déclarations, tous les partis s'accordent sur la nécessité de mener une action plus vigoureuse à cet égard. Mais dans les faits, certains semblent ne vouloir poursuivre que la fraude sociale. Et, comme le dénoncent régulièrement des agents du fisc, on n'a pas assisté, ces dernières années, à des démonstrations d'excès de zèle dans l'organisation de la lutte contre la fraude fiscale.
Pas moins de 108 recommandations figurent dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les grands dossiers de fraude fiscale (sans compter la centaine qui figure en annexe, et qui émane de la Cour des Comptes), dont une majorité d'entre elles concernent le fonctionnement, les missions et les moyens du service public fédéral des Finances. Cela démontre que beaucoup est à faire !
Dans la foulée, une action politique devrait également être menée pour empécher certaines formes d'ingéniérie fiscale, parfaitement légale, mais éthiquement condamnable, par exemple quand elle permet à des personnes physiques de mettre leur activité en société pour bénéficier d'un taux réduit et éluder une bonne partie de l'impôt qu'ils devraient payer comme n'importe quel citoyen.
Ensuite, la question des déductions fiscales, ou, pour le dire plus clairement, des cadeaux fiscaux.
Cela concerne avant tout les entreprises (notamment les banques: vu leur responsabilité dans la crise et tenant compte de l'aide publique dont elles ont pu bénéficier, il devient particulièrement indécent qu'elles continuent en plus à bénéficier de tels cadeaux de la part des Etats), avec les intérêts notionnels, dont le coût initial avait été estimé en 2005 à 500 millions d'Euros et qui se chiffrent en 2008 à 3,3 milliards d'Euros !
Cela concerne aussi, par exemple, la fiscalité immobilière: les dépenses fiscales (c'est-à-dire les recettes non perçues par l'Etat) liées aux déductions pour achats d'immeubles représentent pour le budget de l'Etat des montants extrêmement importants (sans doute plus de 2 milliards actuellement). On peut également évoquer les réductions fiscales pour investissements en matière d'énergie (par exemple, l'installation de panneaux photovoltaïques) ou pour sécuriser son habitation contre le vol: est-il bien normal que la collectivité, c'est-à-dire tout le monde, doive contribuer à de telles initiatives qui sont réservées à certaines catégories de citoyens somme toute plutôt privilégiés ?
Pour les individus comme pour les entreprises, ces déductions sont d'autant plus inéquitables qu'elles profitent très majoritairement aux plus forts d'entre eux: les familles les mieux nanties, et les entreprises les plus à même de développer de l'ingéniérie fiscale (c'est-à-dire une très petite minorité).
Une autre piste se situe dans la fiscalité des revenus financiers et immobiliers.
Le détenteur d'actions perçoit des dividendes et des intérêts soumis à un précompte mobilier de 15 ou 25 %, qu'il ne doit pas mentionner dans sa déclaration fiscale: pas de progressivité dès lors, contrairement aux revenus du travail.
Un propriétaire, qui perçoit des revenus pour les immeubles qu'il met en location, est imposé sur un revenu cadastral théorique; ce revenu n'a plus été révisé depuis des années, et est donc, dans la plupart des cas, bien inférieur aux loyers réels perçus.
Quant aux plus-values, qu'elles concernent des titres ou des immeubles, elles sont tout simplement exonérées (en 2006, à l'occasion de la revente de sa participation dans Bertelsmann, le groupe Bruxelles-Lambert a réalisé une plus-value de 2,3 milliards d'euros, totalement exonérée d'impôt !) Tous ces avantages profitent très largement aux particuliers les plus riches puisque c'est dans la tranche des plus hauts revenus qu'on trouve la part la plus importante des revenus mobiliers et immobiliers. Et aux sociétés les mieux côtées, dont on estime à 70 milliards d'euros le montant de plus-values fiscalement exonéré pour la période de 1991 à 2005.
En ce qui concerne les revenus du travail, tout le monde semble considérer aujourd'hui que ceux-ci font l'objet, dans notre pays, d'une fiscalité trop lourde. Tentons cependant d'y voir plus clair.
Quand on parle des charges sur le travail, on globalise à la fois le précompte professionnel et les cotisations sociales.
Du côté de celles-ci, rappelons d'abord qu'il s'agit d'un salaire différé et solidaire, qui permet de financer les pensions, les allocations de chômage, de maladie, d'invalidité, etc. Mais il est vrai que c'est sur elles que repose l'essentiel du financement de la sécurité sociale. Un financement plus équilibré et plus équitable de notre système de protection sociale devrait donc en effet être mis en oeuvre, par exemple par l'instauration d'une cotisation sociale généralisée, perçue sur l'ensemble des revenus, y compris ceux du capital, ce qui permettrait d'alléger les cotisations sur le travail.
Quant à l'impôt sur le travail proprement dit, il faudrait remettre en chantier sa progressivité: relever le niveau minimum à partir duquel on paye un impôt (en 2009, 6.150 euros bruts par an), et réinstaurer les taux d'imposition de 52,5 et 55 % sur les tranches de revenus supérieurs, lesquels ont été supprimés par la dernière réforme fiscale, offrant par là un formidable cadeau fiscal aux revenus les plus élevés.
Au delà de la progressivité de l'impôt, il serait juste de revenir à une globalisation des revenus, modèle qui préexistait à la réforme de 1982.
Un autre chemin vers plus de justice fiscale consiste à limiter les avantages extralégaux, qui se sont multipliés ces dernières années.
Notre pays est à cet égard un modèle de créativité: les véhicules de société, les stock-options, les frais de représentation, les assurances diverses sont autant d'avantages qui bénéficient à des catégories privilégiées de la population et qui font l'objet d'un traitement fiscal particulièrement favorable. D'autant plus favorable que ses bénéficiaires se trouvent dans les tranches de revenus les plus élevées. Il serait donc possible de récupérer de ce côté des moyens publics importants, simplement en leur appliquant une taxation qui soit identique à ce qu'elle est pour les revenus professionnels classiques.
Une autre injustice particulièrement intolérable se situe dans l'impôt communal.
S'il est calculé sur la base de l'impôt des personnes physiques, le taux de l'additionnel est toutefois variable selon les communes. Et il est toujours plus élevé dans les communes dont les habitants ont un faible revenu moyen, alors que les besoins sociaux y sont forcément plus importants. Tout simplement parce que les communes plus riches peuvent se permettre de percevoir un impôt moins important que celles dont les habitants ont des revenus modestes ! Ce qui conduit à ce que les habitants de La Louvière doivent s'acquitter d'un impôt communal de 8,5 %, et qu'il est réclamé à ceux de Waterloo un additionnel de 5,7 %, sans compter Knokke, qui applique un taux de 0 % ... ! Les majorités Olivier peuvent à cet égard utiliser la marge de manoeuvre fiscale des Régions: des additionnels régionaux sont possibles, et devaient permettre de rééquilibrer les efforts en demandant un peu plus aux plus riches et moins aux plus faibles. Ce qui pourrait également ouvrir la voie à des politiques qui nous engagent fermement dans le développement durable, en investissant dans le logement et le transport public, dans l'isolation énergétique, dans les services aux personnes.
Enfin, méfions-nous des fausses bonnes idées en matière de TVA.
Ces derniers temps, le secteur Horeca a multiplié études et appels à réduire la TVA sur les restaurants. Présentant cette mesure comme la solution pour venir en aide au secteur et pour l'encourager à créer de l'emploi, tout en l'incitant à abandonner le travail au noir. L'expérience française en cette matière semble plutôt l'exemple à ne pas suivre: l'emploi espéré n'est pas là, et le coût pour le budget de l'Etat est énorme. Pour la Belgique, l'institut Itinera chiffre le coût total d'une telle réforme à 1,4 milliard d'euros, soit le triple de l'estimation du Ministre des finances !
Par contre, notre pays pourrait (comme il l'a montré dans d'autres domaines, en matière de droits humains par exemple) jouer un rôle moteur dans l'action qui doit être menée au niveau européen et international pour combattre d'autres injustices fiscales flagrantes: l'absence de taxation du kérosène, honteux privilège du transport aérien (encourageant en même temps la production de CO2); et l'absence de taxe de type Tobin sur les transactions financières internationales et sur la spéculation (certes, le Parlement belge l'a votée, mais en la conditionnant à son application dans les autres pays européens).
Par ailleurs, la Belgique est, en rapport aux pays voisins, en retard en matière de fiscalité verte: il semble donc évident que des mesures doivent être prises à cet égard, à la fois pour garantir certaines recettes fiscales nouvelles, mais aussi pour décourager des comportements néfastes pour l'environnement, qui, mis tous ensemble, alimentent une dette écologique que nous serons bien obligés de payer un jour ou l'autre. Ici aussi, il convient toutefois d'accompagner ces mesures par des décisions politiques qui permettront réellement aux citoyens de modifier leurs habitudes (par exemple, par une offre plus importante de transport public), et qui ne pénaliseront pas celles et ceux qui n'en ont pas les moyens (par exemple, en faisant prendre en charge par la collectivité l'isolation du logement pour les familles démunies).
Toutes ces pistes démontrent une chose: il est possible, et indispensable, de faire une nouvelle réforme fiscale, que la crise actuelle nous impose. Une réforme qui fasse contribuer l'ensemble des citoyens et des entreprises de notre pays à une société plus juste et plus humaine. Une société dans laquelle chacun contribue en fonction de ses moyens, pour pouvoir construire collectivement et solidairement une qualité de vie et un avenir pour toutes et tous.
Thierry Jacques
Président du Mouvement Ouvrier Chrétien
Version longue de la carte blanche parue dans La Libre du 9 octobre 2009; en ces temps d'austérité budgétaire, il est opportun de remettre en débat le rôle de l'impôt et surtout d'en parler de manière positive...
La revue est présente dans le centre de documentation sur le présentoire