En bref
- L'Espagne a un faible taux d'endettement.
- Le Japon est extrêmement endetté.
- Les deux pays ont réagi différemment à la crise.
LE CAS DE L'ESPAGNE
Jusqu'en 2007, tout allait bien pour l’Espagne. Les taux d'intérêt peu élevés stimulaient la consommation des ménages et les incitants fiscaux en matière de construction permettaient à ce secteur de tirer toute l'économie
du pays. Mais en 2008, la bulle spéculative immobilière éclate. Les banques se retrouvent avec de nombreux crédits hypothécaires de biens immobiliers surévalués que plus personne ne veut acheter. Faute d'acquéreurs, les propriétaires n'ont pas les moyens de rembourser leur crédit. Le système bancaire espagnol s'effondre. Parallèlement, la dette publique passe, en quatre ans seulement, de 36 à 67 % du produit intérieur brut (PIB). Avec un taux de croissance du PIB qui peine à atteindre les 0,4 % en 2011, un taux de chômage à la même période de presque 22 % et des mouvements sociaux qui protestent contre les mesures d'austérité mises en place par le gouvernement, l'Espagne est considérée comme un pays en crise. Son endettement, comparé à la moyenne de
la zone euro (qui atteint 87 %) est, pourtant, relativement faible.
Mais, comme le secteur bancaire espagnol est important, les conséquences budgétaires pour le sauver sont significatives et altèrent la santé financière de l'État, obligé d'emprunter pour recapitaliser ses institutions bancaires. Une aide européenne pourrait relâcher la tension en
AU JAPON
À l'opposé se situe le cas du Japon. Le pays du Soleil levant a traversé une grave crise économique boursière dans les années 90. Aujourd’hui, le pays s'en est remis et n'est pas considéré comme étant un État en crise. Son taux de chômage est très faible (4,6 %) et son pouvoir d'achat est l'un des plus élevés des pays de l'OCDE¹, ce qui fait du
Japon, la troisième puissance économique mondiale après les États-Unis et la Chine. En revanche, sa dette publique s'élevait à 212 % du PIB en 2011², mais à la différence d'autres pays (dont la Belgique), cette dette est « domestique » : 95 % appartiennent aux organisations et épargnants nippons. La dette publique japonaise n'est donc que peu menacée par les attaques spéculatives lancées par les institutions financières, et se soustrait à l'influence des notations délivrées par les agences privées.
Pourtant, ce protectionnisme est plutôt perçu comme une menace pour la santé économique du Japon par les experts, qui estiment que plusieurs secteurs ne sont pas assez dérégulés. D'un autre côté, force est de reconnaître que cette posture a protégé le pays d'investissements dans les produits toxiques.
L'AUSTERITÉ POUR REPONDRE À LA CRISE
La chronologie globale des événements mondiaux montre qu'il existe des liens entre crise financière et crise de la zone euro (cf.graphe). Jusqu'à présent, la solution proposée a été de passer à l'austérité : réduire au maximum les dépenses de santé, d'éducation, d’investissement dans les infrastructures, des pensions, de la sécurité sociale,
etc. Et ce, dans le but de rassurer les marchés financiers. Résultat, la machine économique a encore ralenti.
À tout le moins, ces politiques se sont jusqu'à présent avérées inefficaces. En effet, les citoyens ont moins de pouvoir d'achat, les recettes de l’État diminuent encore et la part relative aux dépenses augmente. Aujourd'hui, même des économistes dont les arguments font autorité semblent faire marche arrière et ne prônent plus l'austérité à tous crins.
La crise a fortement déséquilibré les budgets des États. Face à la baisse des recettes, la part des dépenses publiques augmente. Pour avoir un budget à l'équilibre et pouvoir payer toutes leurs dépenses (dont le sauvetage des banques), les États se voient contraints d'emprunter sur les marchés privés. Or, plus le pays est endetté, plus sa note est mauvaise, et plus le prix pour se financer (le taux d'intérêt) est élevé.
Une solution serait de créer une entité supranationale en mesure d'aider les banques domestiques. De cette manière, la banque pourrait renforcer la solidité de son bilan et poursuivre ses activités sans que l'État n'ait à intervenir. Le cercle vicieux serait alors interrompu.
D'après une analyse de Cayrol, A., Portraits économiques de l'Espagne et du Japon – comparaison avec la Belgique disponible sur www.financite.be / rubrique « bibliothèque ».
1. Organisation de coopération et de développement économiques.
2. À titre de comparaison, le pacte de stabilité européen recommande un endettement maximal de 60 % du PIB.
À QUI PROFITE LE CRIME ?
Les agences de notation mesurent le risque d'insolvabilité d'une entité quelconque (un produit, un fonds, une municipalité, un État...) à un moment donné. Elles attribuent une note qui ne constitue pas une recommandation
d'achat ou de vente. Pourtant, elles font la pluie et le bon temps sur les marchés financiers et les États tremblent avant la publication de leurs résultats.
Une faible note pour un État signifie que le risque de ne pas pouvoir rembourser sa dette est grand, ce qui entraîne une difficulté à trouver des investisseurs et donc, automatiquement, une envolée des taux. Car les investisseurs qui prendront le risque exigeront, en contrepartie, une rentabilité élevée. Or, aujourd'hui, lorsqu'un État a besoin d’argent pour financer ses politiques, renflouer son système bancaire, payer des intérêts..., il se finance sur les marchés financiers. Les institutions qui achètent ces titres de dette ont, bien entendu, besoin, avant de le faire, de connaître le risque (de non-remboursement) qu'elles prennent. C’est pour cette raison qu'elles consultent les notes émises par les fameuses agences de notation financière.
Pourtant, ces dernières ne sont pas à l'abri d'erreurs d'estimation. Pour rappel, elles avaient donné aux subprimes, – ces produits dérivés par lesquels la crise est arrivée – la meilleure note, soit un triple A. De la même manière, Lehman Brothers était encore notée AAA par Standard & Poors deux jours avant que la banque d'investissement ne fasse faillite. Mais voilà ! Les agences de notations sont aujourd'hui encore considérées par les investisseurs comme les mieux informées et les seules, vu la complexité de la tâche, aptes à attribuer une telle note.
Bref, tout le monde s'accorde à dire que le système de notation par agence spécialisée n'est pas parfait, mais les alternatives se font rares !
NOTER LES ETATS AUTREMENT
Plutôt que de noter la dette des États sur la base de leur solvabilité à court et à moyen terme, des experts de la
société de Bourse Oddo ont analysé leur durabilité en tenant compte des critères ESG (environnementaux, so-
ciaux, de gouvernance).
Pas de bouleversement au niveau des têtes de liste puisque les pays scandinaves et océaniens, connus pour leur équilibre social, démocratique et leur bonne tenue économique, remportent les meilleurs ratings. Par contre, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Luxembourg, qui jouissent tous trois d'un rating classique solide, ont été mis « sous surveillance négative ESG ». D'après ces experts, la gestion environnementale, sociale et de bonne gouvernance de ces pays pourraient peser sur la soutenabilité de leur dette à long terme.
La Belgique se situe au même niveau que l'Estonie, juste en deçà de la moyenne des pays dits « à opportunités ». Comme quoi, les risques ne sont pas toujours là où on les attend.
LA SPECULATION SUR LA DETTE
Voici quelques années, les rendements boursiers s'envolaient allègrement. Face à de tels rendements, la rentabilité des bons de caisse faisait pâle figure. C’était bien sûr une autre époque et, désormais, certaines obligations
d’État – comme celles de la Grèce– sont estampillées par les agences de notation comme investissements
hautement risqués.
Parallèlement, la spéculation sur la dette grecque a souvent été pointée comme un événement aggravant et néfaste pour les finances du pays. Spéculer sur la dette consiste, par exemple, à acheter des produits dérivés de ces titres de dette. Les produits dérivés, on le rappelle, ne sont pas nocifs en soi. Ils représentent une assurance contre les hausses ou baisses des cours. Ainsi, on trouve normal qu’un boulanger s’assure contre la hausse du prix de la farine. Il est important, voire capital pour ses affaires, qu’à tout moment de l'année, il puisse acheter la matière première au même prix pour ne pas devoir réduire sa marge bénéficiaire sur la vente du pain ou vendre son pain d’un jour à l’autre beaucoup plus cher, ce qui, à coup sûr, nuirait à ses affaires.