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Principles of Household Debt Restructuring

Soumis par Anonyme le
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INTERNATIONAL MONETARY FUND
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MO-LAEV2009-1
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Année d'édition
2009
Jour d'édition
26
Date d'édition
26/06/2009
Mois d'édition
Juin

Friedrich Wilhelm Raiffeisen

Soumis par Anonyme le

Jeune bourgmestre du district communal de Flammersfeld, en Rhénanie, Frédéric-Guillaume Raiffeisen (1818-1888) est confronté aux méfaits de l'usure et à la gravité de l'endettement des paysans. Pour lutter contre ce fléau, il crée le 1er décembre 1849 la première véritable société de crédit aux agriculteurs, la « Société de secours aux agriculteurs impécunieux de Flammersfeld ». Prémisse du crédit mutuel.

D'origine modeste, Frédéric-Guillaume Raiffeisen doit, dès l'âge de 15 ans, s'engager comme journalier pour aider sa mère demeurée veuve. Cette expérience lui permettra de mesurer les ravages provoqués par l'usure. L’émancipation paysanne du 19ème siècle eut en effet pour conséquence une liberté et une autonomie économiques telles qu’elles n’avaient encore jamais existé, en particulier pour la population rurale. Comme celle-ci était totalement inexpérimentée en matière économique, elle tomba très vite aux mains d’usuriers sans scrupules, s’endetta immodérément, perdit ainsi ses propriétés et sombra dans la misère.

Plus de charité, mais l'auto-assistance

A 17 ans, Raiffeisen entre dans une école militaire d'artillerie et, ensuite, dans le corps civil des fonctionnaires du gouvernement royal prussien à Coblence. C'est ainsi qu'en 1845, à 27 ans, il est nommé bourgmestre du district de Weyerbusch, région isolée et pauvre, comptant une population essentiellement paysanne, aux conditions de vie très rudes. Motivé par la détresse de celle-ci, il fonde l’association pour l’approvisionnement en pain et en céréales pendant l’hiver de famine 1846-1847. Cette association construit un fournil coopératif communal et procède à des achats de semences pour les paysans grâce à un emprunt réalisé par la commune en hypothéquant ses forêts.

Son intuition était en effet que la charité ne permettrait pas d'améliorer durablement le sort des gens mais qu’il fallait apprendre aux pauvres à se prendre en mains. Point de charité, mais l'auto-assistance.

L'action de Raiffeisen lui vaut une certaine popularité et s’est précédée d’une réelle réputation qu’il arrive en avril 1848 à Flammersfeld, au sud de Weyerbusch. Nommé bourgmestre de ce district communal plus important, qui compte 33 communes, il constate une fois de plus les méfaits de l'usure et la gravité de l'endettement des paysans. Ceux-ci louent leur bétail à de gros propriétaires et il suffit que l'année soit mauvaise ou que la maladie frappe le bétail pour qu’ils ne puissent payer le prix de cette location à leur créancier. Ils sont alors forcés de vendre leurs biens pour se libérer de leurs dettes et, privés de leur propriété, de devenir journalier et donc se prolétariser.

La Société de secours

Raiffeisen, indigné par cette situation, va chercher des remèdes. Il voit que les paysans s'engagent dans ce dangereux processus à partir du moment où ils acceptent de prendre du bétail en location. Raiffeisen a donc l'idée de créer une association qui achèterait le bétail nécessaire et qui pourrait ensuite le céder aux exploitants sur plusieurs années et à un taux modéré. C’est la « Société de secours aux agriculteurs impécunieux de Flammersfeld », qu’il fonde le 1er décembre 1849.

Raiffeisen s'adresse aux personnes les plus aisées de Flammersfeld, en faisant appel à leurs sentiments de charité chrétienne, pour leur demander de se porter caution de la société. Fort de la caution de soixante personnes, Raiffeisen trouve de l'argent à Cologne, auprès d'un banquier et l'association peut, dès 1850, acheter plus de 70 vaches. Dans une deuxième phase, la Société de secours offre une rémunération sur les dépôts, ce qui provoque rapidement un afflux de ressources. Enfin, dans une troisième phase, la Société n'achète plus elle-même le bétail, mais prête l'argent aux paysans qui achètent directement sur les marchés.

En 1852, Raiffeisen est muté à Heddersdorf près de Neuwied dans la vallée rhénane, région de manufactures, fort différente du milieu rural qu’il a connu jusqu'alors. Sitôt arrivé, Raiffeisen crée l' «Association charitable » d'Heddesdorf avec une soixantaine d'habitants aisés. Il reprend les idées qu'il avait mises en application à Flammersfeld, mais l'objectif poursuivi est plus vaste puisque l'association se propose de promouvoir l'amélioration de la condition matérielle par tous les moyens appropriés, tels que l'assistance aux enfants abandonnés et leur éducation, l'emploi de chômeurs et de délinquants libérés, la fourniture à crédit de bétail aux cultivateurs sans ressources, et enfin la constitution d'un caisse de crédit à l'intention des classes modestes.

Après plusieurs années de fonctionnement de l’association, Raiffeisen a l'idée de demander aux débiteurs de devenir membres de l'association, et donc de lier les débiteurs et les créanciers. Désormais, les uns et les autres ont intérêt à ce que l'association soit prospère. D'autre part, pour une question de dignité morale, il lui paraît nécessaire que les plus démunis n'attendent pas passivement l'aide d'autrui. Il est donc conduit, en 1862, à modifier les statuts de ce qui devient l’ «Association-caisse de prêts de Heddersdorf ». Désormais, tout emprunteur doit également adhérer à l'association et tout emprunt doit être garanti par un cautionnaire solvable.

Déjà d'autres associations de crédit mutuel se fondent dans des communes voisines et en 1869, à Neuwied, il prend la décision de fonder une caisse du second degré pour exercer la compensation et la gestion des excédents de dépôts entre les associations. Au même moment, d'autres caisses du second degré se créent pour la Hesse et la Westphalie. Quelques années plus tard, en 1874, il a enfin l'idée de créer un troisième degré financier : une Caisse Centrale de prêt à l'agriculture, qui est fondée à Neuwied, cette année-là. A cette date, existent déjà plus de cent caisses de crédit mutuel en Allemagne.

Ces caisses Raiffeisen sont fondées sur les quatre principes suivants : opérer dans une région limitée telle une commune ou une paroisse, redistribuer l’épargne locale sur place, octroyer des crédits à moyen terme (plusieurs années) et à faible taux d’intérêt et se baser sur la responsabilité individuelle, solidaire et illimitée de tous les membres de la caisse.

C’est sur ce modèle qu’en 1892 sera créée la première caisse Raiffeisen en Belgique. Le monde bancaire belge, avec à sa tête la Société Générale, était alors entièrement engagé dans le financement de l’appareil industriel en plein essor, essentiellement en Wallonie, autour des pôles de croissance Liège-Verviers et Mons-Charleroi. En Flandre, seul le secteur de l’industrie textile gantoise prenait part à ce processus de modernisation. Le financement de l’activité agricole était quant à lui délaissé : pour les crédits à long terme, il n’existait pas de caisse publique de crédit foncier et les seules sociétés hypothécaires privées existantes avaient une activité très limitée ; pour les crédits à court et moyen terme, la loi du 15 avril 1884 autorisait la Caisse Générale d’Epargne et de Retraite (C.G.E.R.) à drainer une partie de ses moyens financiers vers le secteur primaire par l’intermédiaire de « comptoirs agricoles » mais ceux-ci n’ont toutefois connu qu’un succès très limité puisqu’il n’y a jamais eu plus de quatre comptoirs, tous établis en Wallonie, à avoir fonctionné concomitamment de 1887 à 1895. Les besoins de crédit dans l’agriculture, singulièrement en Flandre, n’étaient donc pas rencontrés et expliquent l’éclosion des caisses Raiffeisen.

Ce succès s’explique également par le contexte de l’époque, caractérisé par la lutte clérico-libérale, d’une part, et par la crainte d’une percée socialiste à la fin du XIXème siècle, d’autre part. Dans ce contexte, les catholiques ont choisi la voie de la « liberté surveillée », à savoir la liberté de mettre en place, avec la signature idéologique voulue, des structures sociales intermédiaires reconnues entre l’Etat et l’individu. Ce choix s’est traduit notamment sur le plan politique par l’adoption de la loi sur les coopératives en 1873. Il s’est traduit de manière éclatante dans le domaine du crédit agricole en Flandre. Raiffeisen lui-même avait insisté sur le fait que ses caisses devaient diffuser le message chrétien, notamment par l’engagement du curé ou du pasteur local dans leur comité. Cette idée sera reprise en Flandre. L’article 6 des modèles de statuts des gildes d’épargne et de crédit prévoyait en effet que l’affiliation à celles-ci était limitée aux « seules personnes qui reconnaissaient la religion, la famille et le droit de propriété comme les fondements de la société et agissent en fonction de ces valeurs ».

Frédéric-Guillaume Raiffeisen, le père du crédit mutuel a aussi contribué à l’émergence de cette idée de regrouper les gens pour qu'ils s'entraident et peut également, à ce titre, être considéré comme un précurseur de la coopérative.

Bernard Bayot

Sources :

Braumann Franz, Frédéric-Guillaume Raiffeisen, 1888-1988: Car j'ai eu faim
CERA 1892-1998, La force de la solidarité coopérative.
Crédit Mutuel, http://www.cmma.creditmutuel.fr/
Fondation Raiffeisen belge, http://www.cera.be/brs/fr/
L'Union Internationale Raiffeisen (IRU) http://www.iru.de/

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Année d'édition
2005
Date d'édition
02/2005
Mois d'édition
Février

Centrale des crédits aux particuliers 2009 : les impacts de la crise sur l'endettement des ménages

Soumis par Anonyme le
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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Chaque année, la Centrale des crédits aux particuliers (CCP) publie certaines des données statistiques dont elle dispose. Cette année est marquée par les conséquences de la crise financière sur le plan des défaillances, en hausse, et par un accroissement du nombre de crédits par emprunteurs. CCP et pratiques responsables de crédit : les données 2009 jettent un peu le trouble.

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OC-JERU2010-1
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Année d'édition
2010
Jour d'édition
31
Date d'édition
31/01/2010
Mois d'édition
Janvier

Le B.A.-ba de la dette publique

Soumis par Anonyme le

En bref

  • Les États empruntent pour financer leurs politiques.
  • Ils vendent leurs dettes sur les marchés financiers et aux particuliers.
  • L'arrivée de l'euro a internationalisé la dette.

Toute entité privée, que ce soit une entreprise, un ménage... peut avoir besoin d’emprunter de l’argent pour faire face à des dépenses inattendues, développer de nouvelles activités ou bien qu'à titre privé, ce soit un mauvais calcul rembourser une autre dette. Le crédit est souscrit pour une durée déterminée. Si, à un moment donné, l'emprunteur se retrouve dans l'incapacité de payer, il sera déclaré en faillite. Ses biens ou ceux de son entreprise pourront être revendus pour rembourser ses créanciers. Contrairement aux particuliers, un État ne connaît pas de fin. Les entités publiques (États, collectivités, communes...) ne peuvent donc juridiquement être mises en faillite.

Revenons aux dettes souveraines, celles qui sont émises par un État. Chaque année, les États établissent un budget (le budget fédéral de la Belgique a été discuté et négocié durant tout le mois de novembre). L’objectif est de trouver un équilibre entre les recettes (les taxes, les impôts...) et les dépenses (les dépenses sociales, de santé, liées à l’éducation, la sécurité, mais aussi le paiement des intérêts de la dette, le sauvetage des banques...). Ces budgets sont très souvent déficitaires et nécessitent d’emprunter. Ce déficit est parfois assumé (l’État estime que les dépenses sont nécessaires à la réalisation de ses politiques) mais le plus souvent, en période de crise, subi. En Belgique, la dette s’élevait, fin juin 2012, à 372 milliards d’euros, soit 95 % du produit intérieur brut (PIB). En 1993, elle s'élevait à 137 % du PIB.

COMMENT LES ÉTATS SE FINANCENT-ILS ?

Avant 1992, date du Traité de Maastricht, les États pouvaient emprunter auprès des banques centrales. Aujourd’hui, les États ne peuvent plus se financer qu'auprès des marchés financiers. Pour ce faire, ils émettent des titres qui peuvent être achetés sur le marché primaire par les banques commerciales qui elles-mêmes les revendent à des institutionnels (fonds de pension, collectivités...) ou même à la banque centrale européenne (BCE) en échange de liquidités. Le financement des États par les banques centrales est donc indirect.

Les titres de la dette que les États émettent peuvent prendre différentes formes. En Belgique, l’Agence de la dette¹ émet chaque année à la même période de nouvelles OLO : des obligations linéaires émises à long terme (5 ou 10 ans). Elle émet également des certificats de trésorerie dont l’échéance est d'un an maximum ainsi que des bons au trésor. Les OLO représentent plus de 75 % de la dette belge. Les particuliers possèdent 12,2 % de cette dette en 2011.

Ce taux a fortement augmenté (il n'était que de 1,16% auparavant, suite à l'émission des bons d’État Leterme fin 2011 qui étaient assortis d'un taux plus élevé que d'habitude). Cette émission a permis de récolter plus de 5,7 milliards d'euros, soit plus de 70 fois le montant habituel de 70 à 80 millions d'euros. L’intérêt de ces titres (des obligations OLO par exemple) est fixé suivant le risque que pensent prendre les investisseurs en achetant ces produits. Plus le risque est élevé (ou semble l’être), plus le taux d’intérêt est élevé et plus la charge de la dette
– les intérêts à payer – augmente. En Belgique, elle s'élevait à 12,307 milliards d'euros en 2010².

LA DETTE BELGE AUX BELGES ?

Avant l’arrivée de l’euro en 1992, ce sont les institutions belges (les banques) qui détenaient la majeure partie de la dette fédérale (plus de 80 %). Depuis, la dette est partie aux mains des étrangers. Le risque de change ayant disparu, les banques belges ont préféré diversifier leurs actifs. En même temps, l’État fédéral a tout fait pour attirer des investisseurs étrangers. Aujourd’hui, les investisseurs étrangers possèdent plus de 55 % des obligations à long terme et 90 % des titres à court terme.

Pour certains, aller chercher des capitaux sur les marchés étrangers est positif. Cela permet d'élargir le panier d’investisseurs potentiels (plutôt que les 40 ou 50 existants sur le territoire belge) et de réussir à lever plus de fonds. Pour d'autres, cela reste inutile. Avec les 227 milliards que détiennent les épargnants belges, il y aurait de quoi financer une bonne partie de la dette publique belge.

 

1. L'Agence de la dette fait partie du Service public fédéral Finances. Elle est responsable de la gestion financière de la dette publique.

2. http ://fr.wikipedia.org/wiki/Dette_publique_de_la_Belgique#cite_note-3 ; Rapport 2011, BNB, 08/02/2012, p. 136 sur 161 du fichier. Consulté le 2 mars 2012.

 

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Un budget en équilibre ? Le rêve de tous, y compris des États. Ces derniers ont pourtant souvent du mal à joindre les deux bouts et empruntent de l'argent ailleurs.

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2012
Jour d'édition
17
Date d'édition
17/12/2012
Mois d'édition
Décembre

La dette, puissant mécanisme de domination

Soumis par Anonyme le

En bref

  • Les pays du Sud ont remboursé plusieurs fois leurs dettes.
  • Pour ce faire, ils ont dût massivement exporter et diminuer les dépenses liées à la santé et à l'éducation.
  • La dette profite surtout aux pays du Nord et aux potentats locaux.

Dans les années 1960 et 1970, l’endettement du tiers-monde explose sous l’action combinée de trois acteurs. Les banques occidentales, qui regorgent de liquidités (eurodollars, puis pétrodollars après le choc pétrolier de 1973), incitent les pays du Sud à emprunter grâce à des taux d’intérêt bas et à de rondelettes commissions pour les potentats locaux. Dès la récession mondiale des années 1973-75, les États du Nord prêtent aux pays du Sud à condition qu’ils utilisent l’argent prêté pour acheter les marchandises du pays prêteur.

Enfin, la Banque mondiale s’attache à contrecarrer l’influence soviétique et les velléités indépendantistes, en soutenant les alliés stratégiques des États-Unis (souvent des dictatures comme au Zaïre, en Indonésie, au Chili, au Brésil, en Argentine...). La dette est multipliée par 11 entre 1968 et 1980.

LE SUD ETRANGLE

Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement, les pays du Sud doivent privilégier les productions pour l'exportation (café, cacao, thé, coton,...) et réduire les cultures vivrières. Ils exportent également pétrole et
minerais. Ces produits deviennent vite surabondants et les cours s’effondrent au début des années 80. Simultanément, les Etats-Unis décident d'augmenter les taux d’intérêt : les intérêts à rembourser triplent. Les pays endettés sont étranglés financièrement.

Quand la crise de la dette éclate en 1982, les créanciers se réfugient derrière le Fonds Monétaire International qui consent à prêter aux pays surendettés à des conditions drastiques inscrites aux programmes d’ajustement structurel : suppression des subventions aux produits de base, privatisations, ouverture totale au marché mondial (ce qui augmente la concurrence face à laquelle les producteurs locaux sont désarmés), fiscalité aggravant les
inégalités, forte baisse des budgets sociaux, suppression du contrôle des changes et des mouvements de capitaux (ce qui augmente la fuite des capitaux).

La dette est devenue un instrument de domination très adroit, dissimulant racket et pillage. Elle ponctionne les richesses du tiers-monde pour les envoyer vers les riches créanciers du Nord, les élites du Sud prélevant leur commission au passage. Entre 1985 et 2010, les pouvoirs publics du Sud ont remboursé 530 milliards de dollars de plus qu’ils n’ont reçu en nouveaux prêts. Dans le même temps, les fonds manquent pour garantir l’accès universel à l’éducation primaire, aux soins de santé de base, à l’eau potable et à une alimentation décente. La dette est largement odieuse car souvent contractée par des régimes autoritaires et corrompus.

POUR UN AUDIT CITOYEN

Les initiatives d’allègement de la dette de la part des institutions internationales ne règlent en rien le problème car elles se contentent d’écrémer la partie supérieure sans toucher au mécanisme lui-même. Pour changer réellement de cap, l’annulation totale de la dette extérieure publique du tiers-monde et l’abandon des politiques d’ajustement structurel sont indispensables.

Cette annulation doit se prolonger par la constitution de fonds de développement nationaux démocratiquement contrôlés par les populations locales et alimentés par différentes mesures (expropriation des biens mal acquis par les élites du Sud et rétrocession aux peuples, taxe sur la spéculation financière et les bénéfices des transnationales, impôt mondial exceptionnel sur les grosses fortunes...).

Ce mécanisme du surendettement délibéré est clairement une source majeure de domination des populations, d’appauvrissement massif, de corruption exponentielle et de perte de souveraineté, le tout au profit de riches créanciers et de dirigeants complices. Les failles dans le développement humain sont béantes.

Pour construire une alternative, un audit citoyen de cette dette doit être réalisé, ainsi qu’une redistribution massive des richesses. Parallèlement, une nouvelle architecture financière internationale doit émerger avec le remplacement du FMI et de la Banque mondiale par de nouvelles institutions dont les missions seraient centrées sur la garantie des droits fondamentaux.

 

Damien Millet et Eric Toussaint sont respectivement porte-parole du CADTM France et président du CADTM Belgique (www.cadtm.org), coauteurs de AAA, Audit, Annulation, Autre Politique, Le Seuil, Paris, 2012.

 


 

LES FONDS VAUTOURS

Lorsque le marché secondaire de la dette a été créé dans les années 80, permettant aux banques qui avaient prêté de l'argent à des pays débiteurs de vendre à des opérateurs privés des titres de ce type de dette sous forme d'actions ou d'obligations, les « fonds vautours » ont vu là une opportunité de « faire de l’argent ».

Les fonds vautours sont des fonds spéculatifs rachetant à bas prix les dettes d’États très endettés auprès des créanciers (les banques) qui, de leur côté, sont bien contents de se débarrasser de ces dettes – même à perte – pour pouvoir en retirer quelque chose. Ensuite, ils intentent une multitude d'actions en justice dans plusieurs pays jusqu'à ce qu'un juge condamne le pays débiteur à rembourser la dette (souvent largement majorée) et autorise la saisie de certaines recettes. Il peut s'agir d'une aide accordée par un autre pays dans le cadre de ses accords de coopération au développement ou du paiement de factures d'un État pour un service rendu.

C'est ainsi qu'un juge sud-africain a ordonné que tous les paiements que l'Afrique du Sud devait verser à la RDC pour la fourniture d'électricité soient automatiquement saisis pendant 15 ans ! L'Argentine, quant à elle, renoue avec les années noires. Fin novembre, le pays vient d'être condamné par un juge new yorkais à verser 1,33 milliard de dollars à des fonds vautours. Alors que l'Argentine avait renégocié sa dette avec plusieurs de ses créanciers, quelques pourcents ont été rachetés par des fonds spéculatifs... Les fonds vautours récupèrent donc souvent plusieurs fois leur mise et refusent systématiquement de participer à toute renégociation de la dette entre États créditeurs et créanciers.

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Loin d'être un simple mécanisme financier, la dette est aujourd'hui un redoutable instrument de domination des populations du Sud et un outil de captation des richesses qu'elles produisent.

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Année d'édition
2012
Jour d'édition
17
Date d'édition
17/12/2012
Mois d'édition
Décembre

D'une crise à une autre

Soumis par Anonyme le

En bref

  • L'Espagne a un faible taux d'endettement.
  • Le Japon est extrêmement endetté.
  • Les deux pays ont réagi différemment à la crise.

LE CAS DE L'ESPAGNE

Jusqu'en 2007, tout allait bien pour l’Espagne. Les taux d'intérêt peu élevés stimulaient la consommation des ménages et les incitants fiscaux en matière de construction permettaient à ce secteur de tirer toute l'économie
du pays. Mais en 2008, la bulle spéculative immobilière éclate. Les banques se retrouvent avec de nombreux crédits hypothécaires de biens immobiliers surévalués que plus personne ne veut acheter. Faute d'acquéreurs, les propriétaires n'ont pas les moyens de rembourser leur crédit. Le système bancaire espagnol s'effondre. Parallèlement, la dette publique passe, en quatre ans seulement, de 36 à 67 % du produit intérieur brut (PIB). Avec un taux de croissance du PIB qui peine à atteindre les 0,4 % en 2011, un taux de chômage à la même période de presque 22 % et des mouvements sociaux qui protestent contre les mesures d'austérité mises en place par le gouvernement, l'Espagne est considérée comme un pays en crise. Son endettement, comparé à la moyenne de
la zone euro (qui atteint 87 %) est, pourtant, relativement faible.

Mais, comme le secteur bancaire espagnol est important, les conséquences budgétaires pour le sauver sont significatives et altèrent la santé financière de l'État, obligé d'emprunter pour recapitaliser ses institutions bancaires. Une aide européenne pourrait relâcher la tension en

AU JAPON

À l'opposé se situe le cas du Japon. Le pays du Soleil levant a traversé une grave crise économique boursière dans les années 90. Aujourd’hui, le pays s'en est remis et n'est pas considéré comme étant un État en crise. Son taux de chômage est très faible (4,6 %) et son pouvoir d'achat est l'un des plus élevés des pays de l'OCDE¹, ce qui fait du
Japon, la troisième puissance économique mondiale après les États-Unis et la Chine. En revanche, sa dette publique s'élevait à 212 % du PIB en 2011², mais à la différence d'autres pays (dont la Belgique), cette dette est « domestique » : 95 % appartiennent aux organisations et épargnants nippons. La dette publique japonaise n'est donc que peu menacée par les attaques spéculatives lancées par les institutions financières, et se soustrait à l'influence des notations délivrées par les agences privées.

Pourtant, ce protectionnisme est plutôt perçu comme une menace pour la santé économique du Japon par les experts, qui estiment que plusieurs secteurs ne sont pas assez dérégulés. D'un autre côté, force est de reconnaître que cette posture a protégé le pays d'investissements dans les produits toxiques.

L'AUSTERITÉ POUR REPONDRE À LA CRISE

La chronologie globale des événements mondiaux montre qu'il existe des liens entre crise financière et crise de la zone euro (cf.graphe). Jusqu'à présent, la solution proposée a été de passer à l'austérité : réduire au maximum les dépenses de santé, d'éducation, d’investissement dans les infrastructures, des pensions, de la sécurité sociale,
etc. Et ce, dans le but de rassurer les marchés financiers. Résultat, la machine économique a encore ralenti.

À tout le moins, ces politiques se sont jusqu'à présent avérées inefficaces. En effet, les citoyens ont moins de pouvoir d'achat, les recettes de l’État diminuent encore et la part relative aux dépenses augmente. Aujourd'hui, même des économistes dont les arguments font autorité semblent faire marche arrière et ne prônent plus l'austérité à tous crins.

La crise a fortement déséquilibré les budgets des États. Face à la baisse des recettes, la part des dépenses publiques augmente. Pour avoir un budget à l'équilibre et pouvoir payer toutes leurs dépenses (dont le sauvetage des banques), les États se voient contraints d'emprunter sur les marchés privés. Or, plus le pays est endetté, plus sa note est mauvaise, et plus le prix pour se financer (le taux d'intérêt) est élevé.

Une solution serait de créer une entité supranationale en mesure d'aider les banques domestiques. De cette manière, la banque pourrait renforcer la solidité de son bilan et poursuivre ses activités sans que l'État n'ait à intervenir. Le cercle vicieux serait alors interrompu.

D'après une analyse de Cayrol, A., Portraits économiques de l'Espagne et du Japon – comparaison avec la Belgique disponible sur www.financite.be / rubrique « bibliothèque ».

1. Organisation de coopération et de développement économiques.
2. À titre de comparaison, le pacte de stabilité européen recommande un endettement maximal de 60 % du PIB.

 


 

À QUI PROFITE LE CRIME ?

Les agences de notation mesurent le risque d'insolvabilité d'une entité quelconque (un produit, un fonds, une municipalité, un État...) à un moment donné. Elles attribuent une note qui ne constitue pas une recommandation
d'achat ou de vente. Pourtant, elles font la pluie et le bon temps sur les marchés financiers et les États tremblent avant la publication de leurs résultats.

Une faible note pour un État signifie que le risque de ne pas pouvoir rembourser sa dette est grand, ce qui entraîne une difficulté à trouver des investisseurs et donc, automatiquement, une envolée des taux. Car les investisseurs qui prendront le risque exigeront, en contrepartie, une rentabilité élevée. Or, aujourd'hui, lorsqu'un État a besoin d’argent pour financer ses politiques, renflouer son système bancaire, payer des intérêts..., il se finance sur les marchés financiers. Les institutions qui achètent ces titres de dette ont, bien entendu, besoin, avant de le faire, de connaître le risque (de non-remboursement) qu'elles prennent. C’est pour cette raison qu'elles consultent les notes émises par les fameuses agences de notation financière.

Pourtant, ces dernières ne sont pas à l'abri d'erreurs d'estimation. Pour rappel, elles avaient donné aux subprimes, – ces produits dérivés par lesquels la crise est arrivée – la meilleure note, soit un triple A. De la même manière, Lehman Brothers était encore notée AAA par Standard & Poors deux jours avant que la banque d'investissement ne fasse faillite. Mais voilà ! Les agences de notations sont aujourd'hui encore considérées par les investisseurs comme les mieux informées et les seules, vu la complexité de la tâche, aptes à attribuer une telle note.

Bref, tout le monde s'accorde à dire que le système de notation par agence spécialisée n'est pas parfait, mais les alternatives se font rares !

NOTER LES ETATS AUTREMENT

Plutôt que de noter la dette des États sur la base de leur solvabilité à court et à moyen terme, des experts de la
société de Bourse Oddo ont analysé leur durabilité en tenant compte des critères ESG (environnementaux, so-
ciaux, de gouvernance).

Pas de bouleversement au niveau des têtes de liste puisque les pays scandinaves et océaniens, connus pour leur équilibre social, démocratique et leur bonne tenue économique, remportent les meilleurs ratings. Par contre, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Luxembourg, qui jouissent tous trois d'un rating classique solide, ont été mis « sous surveillance négative ESG ». D'après ces experts, la gestion environnementale, sociale et de bonne gouvernance de ces pays pourraient peser sur la soutenabilité de leur dette à long terme.

La Belgique se situe au même niveau que l'Estonie, juste en deçà de la moyenne des pays dits « à opportunités ». Comme quoi, les risques ne sont pas toujours là où on les attend.

 


 

LA SPECULATION SUR LA DETTE

Voici quelques années, les rendements boursiers s'envolaient allègrement. Face à de tels rendements, la rentabilité des bons de caisse faisait pâle figure. C’était bien sûr une autre époque et, désormais, certaines obligations
d’État – comme celles de la Grèce– sont estampillées par les agences de notation comme investissements
hautement risqués.

Parallèlement, la spéculation sur la dette grecque a souvent été pointée comme un événement aggravant et néfaste pour les finances du pays. Spéculer sur la dette consiste, par exemple, à acheter des produits dérivés de ces titres de dette. Les produits dérivés, on le rappelle, ne sont pas nocifs en soi. Ils représentent une assurance contre les hausses ou baisses des cours. Ainsi, on trouve normal qu’un boulanger s’assure contre la hausse du prix de la farine. Il est important, voire capital pour ses affaires, qu’à tout moment de l'année, il puisse acheter la matière première au même prix pour ne pas devoir réduire sa marge bénéficiaire sur la vente du pain ou vendre son pain d’un jour à l’autre beaucoup plus cher, ce qui, à coup sûr, nuirait à ses affaires.

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La crise de la dette a plongé certains pays de la zone euro dans un marasme économique sans précédent. D'aucuns rejettent la faute sur ces États qui ont « jeté l'argent par les fenêtres ». Pourtant « dette publique » ne rime pas toujours avec « crise économique ».

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Crise et finances publiques : le pire est à venir

Soumis par Anonyme le

En bref

  • Les sauvetages bancaires ont alourdi la dette publique belge.
  • Pourtant, de nouvelles recapitalisations sont à prévoir. Il en va de l'intérêt général de changer d'orientation.

COMBIEN A COÛTÉ LA CRISE FINANCIÈRE EN BELGIQUE ?

Après des années de spéculation financière insensée, en 2008 puis en 2010, les pouvoirs publics ont massivement injecté des capitaux dans les banques belges pour les sauver de la faillite. Ces sauvetages bancaires, dont le coût total s’élève à 32,5 milliards d’euros¹, soit environ 9 % du PIB belge, ont été intégralement financés via l’émission de titres de la dette publique sur les marchés financiers, c’est-à- dire via l’endettement public. Le coût de la crise financière sur les finances publiques ne se résume cependant pas aux sauvetages bancaires : la crise financière a provoqué un ralentissement de l’activité économique, ce qui a fortement aggravé les déficits publics, via une diminution des recettes fiscales et une augmentation des dépenses sociales. C’est ainsi que la dette publique belge est passée de 282,1 milliards d’euros (84,1 % du PIB) en 2007 à 362,3 milliards d’euros (98,6 % du PIB) en 2011.

PAS SORTI DE L'AUBERGE

Malgré les nombreux discours prononcés depuis quatre ans sur la nécessité de réguler le secteur financier, aucune mesure probante n’a été prise. Les comportements spéculatifs restent la règle et les produits toxiques continuent de se développer au sein des institutions financières. Avec des actifs de 60 000 milliards de dollars fin 2011 à l’échelle mondiale, le «Shadow Banking System », mécanisme qui permet aux banques de gérer des opérations bancaires très risquées hors bilan et en dehors de toute régulation publique, montre à quel point une nouvelle crise financière de grande ampleur est parfaitement possible. À ce montant de 32,5 milliards d’euros liés aux sauvetages de 2008 et 2011, il faut maintenant ajouter 2,9 milliards d’euros pour le troisième sauvetage de Dexia.

Et ce n’est sans doute pas fini, puisque, dans son rapport d’avril 2012, le FMI cite la Belgique comme l’un des pays de la zone euro où le secteur bancaire est le plus fragile². De nouvelles recapitalisations sont donc à prévoir. Les garanties accordées aux banques en difficulté constituent également un risque de grande ampleur pour les finances publiques belges. Le 18 octobre 2011, le gouvernement en affaires courantes décidait, via un arrêté royal, de garantir pour les 20 années à venir les emprunts de Dexia SA pour un montant de 54,45 milliards d’euros, soit 15 % du PIB belge. Concrètement, si Dexia tombe, on peut se demander comment l’État belge pourra assumer un tel montant. En lien avec ce risque, mais aussi parce que cet arrêté viole plusieurs dispositions fondamentales du droit belge, plusieurs associations ont introduit un recours en annulation devant le Conseil d’État. Affaire à suivre¹.

LE CERCLE VICIEUX DE LA DETTE

En plus de plonger dans la récession, tous les États de l’UE qui ont appliqué l’austérité jusqu’à présent se retrouvent avec des résultats inverses de ceux escomptés, c’est-à-dire des déficits et une dette en augmentation. La Belgique ne fait pas exception et les conséquences de la rigueur appliquée en 2012 n’ont pas tardé à se faire sentir. La croissance sera nulle en 2012, les faillites vont atteindre un nombre record et le chômage augmente inexorablement.

Un changement radical d’orientation est donc nécessaire et urgent. Le secteur financier doit être mis au pas et retrouver sa fonction première : être un outil au service de l’économie et de l’intérêt général. Les responsables de cette catastrophe économique et sociale, à savoir les gros actionnaires, les gestionnaires et les autorités publiques de contrôle, doivent par ailleurs assumer leurs responsabilités. Jusqu’à aujourd’hui, au nom du réalisme, le courage politique a été totalement absent. Pourtant, la réalité est celle-ci : rassurer les marchés et se soumettre aux intérêts de la finance ne marche pas. C’est l’inverse qu’il faut faire, et vite. Faute de quoi, dans un avenir plus ou moins proche, une très grave crise des finances publiques et de la dette belge pourrait survenir, avec des conséquences sociales dramatiques.

1. Soit 27 milliards assumés par l’État fédéral et 5,5 milliards assumés par les Entités fédérées. Pour plus d’infos sur la ventilation des coûts : OLIVIER BONFOND, Et si on arrêtait de payer ? , Editions Aden, juin 2012.

2. L’Écho, 18 avril 2012 (www.lecho.be/actualite/economie_ politique_international/ Bientot_45_000_chomeurs_supplementaires_en_Belgique_selon_le_FMI.9182569-3501.art)

3. Pour plus d’infos, voir : www.sauvetage-dexia.be/spip. php ?rubrique1

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Alors que les banques continuent de spéculer à leur guise, de nouvelles crises et donc de nouvelles injections de capitaux sont à prévoir. Une véritable bombe à retardement pour les finances publiques belges.

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17/12/2012
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Décembre

Faut-il payer ses dettes ?

Soumis par Anonyme le

En bref

  • L’Équateur refuse de payer pour une ancienne dictature.
  • L’Islande refuse de payer pour les erreurs d'une banque privée.
  • Ce n'est pas toujours un calcul à somme nulle.

Est-il envisageable de ne plus payer ses dettes et de faire table rase du passé ? Quelques pays ont en effet fait le choix unilatéral de ne pas rembourser les leurs.

LA DETTE ODIEUSE

En 2007, lorsque le président équatorien Rafael Correa prend ses fonctions, le pays consacre 32 % de son budget au remboursement de sa dette et 12 % seulement au secteur de la santé. Cette dette, initialement contractée pendant les dictatures des années 1970, n'a cessé d'augmenter jusqu'en 2007. Pour y faire face, le pays a alors reçu l'aide du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM) en contrepartie de réformes structurelles : austérité budgétaire, privatisation des entreprises publiques et, dès 2002, instauration d'un Fonds de stabilisation, investissement et réduction de l'endettement public. Ce fonds avait pour but d'allouer 70 % des bénéfices issus de l'exploitation pétrolière au service de la dette.

Quand il accède au pouvoir, Correa met en place une « commission pour l'audit intégral de l'endettement public. Le but : évaluer la légalité et la légitimité de la dette publique équatorienne (1976-2006) afin de distinguer la part des dettes qui doit être honorée par l'État et celle qui ne doit pas l'être. Le comité équatorien conclut que 70 % de la dette publique n'ont pas été contractés dans l'intérêt du peuple et qu'il ne revient donc pas aux citoyens de la payer. L'économie de 7 milliards ainsi réalisée a permis d'augmenter les dépenses sociales de 12 à 25 % du budget et de diminuer la part allouée au remboursement de la dette de 32 à 15 %. Désormais, le pays n'est plus coté par les agences de notation et, depuis 2006, jouit d'un taux de croissance de 4 %. Il ne peut plus retourner sur les marchés des capitaux, mais n'a pas eu à le faire grâce aux apports alternatifs, notamment de la Chine et d'institutions financières d'Amérique du Sud.

L'annulation pure et simple des dettes est une solution radicale prônée par nombre d'organisations de défense des droits sociaux. D'après elles, les créanciers n'ont de toute façon aucun recours. En outre, cela permet aux pays d'investir dans des politiques de relance plutôt que de se soumettre aux politiques d'austérité exigées par des organismes internationaux tels que le Fonds Monétaire International.

REFUS CITOYEN

 L'Islande a longtemps été citée en exemple par les économistes. Le secteur financier y tournait à plein, largement soutenu par les politiques qui garantissaient les investissements des institutions bancaires. Mais, en 2006, l'agence de notation Fitch dégrade la note de l'une des trois grandes banques du pays au motif qu'ensemble, ces trois institutions opèrent au-delà de la capacité de la banque centrale islandaise à les soutenir. Les investisseurs deviennent méfiants. Pour les attirer à nouveau, la banque Landsbanki lance Icesave, une caisse d'épargne en ligne, proposant des conditions très attractives. Rapidement, des centaines de milliers de particuliers ainsi que de gros clients institutionnels sont attirés par les rendements offerts par ce placement, particulièrement des investisseurs originaires d'Angleterre et des Pays-Bas.

La crise de 2008 oblige l’État islandais à nationaliser ces trois grandes banques pour leur éviter la faillite. Icesave devient propriété de l’État. Ses dettes envers les épargnants (3,7 milliards d'euros 50 % du PIB islandais – principalement anglais et hollandais – deviennent publiques. En cas de faillite, elles seront à charge du contribuable islandais (100 euros par habitant par mois à payer pendant 8 ans¹). Le FMI propose alors une aide de 2,1 milliards, conditionnée au dédommagement des clients de Icesave et à des coupes budgétaires, notamment sociales, importantes.

Mais les Islandais refusent de prendre en charge la dette bancaire. Le nouveau gouvernement choisit alors de laisser Icesave tomber en faillite. La banque n'est donc plus en capacité de rembourser ses épargnants et doit seule assumer ses dettes. Aujourd’hui, les États anglais et hollandais se sont portés garants pour leurs épargnants et se retournent contre l'Islande pour se faire rembourser. Après cet événement, l'Islande fut présentée comme le pays qui refusait de courber l'échine devant son système financier. Mais tout le monde a-t-il gagné pour autant ? Le point commun entre ces deux exemples est peut-être la nature de la dette.

La première est jugée odieuse, car contractée par un gouvernement dictatorial, tandis que la seconde est non éthique car elle résulte de risques insensés pris par une banque privée. Dans les deux cas, le refus de payer la dette a permis d'éviter l'aide d'organisations internationales, conditionnée à la mise en place de politiques d'austérité. Cela étant, dans le cas de l'Islande en tout cas, la dette est reportée sur les gouvernements anglais et hollandais qui, à leur tour, devront la faire porter sur leurs propres contribuables. Et les épargnants islandais qui avaient cru dans le projet de Icesave ont, quant à eux, perdu leur épargne.

 

D'après une analyse de Fain, A., La dette publique : petite leçon de démocratie, www.financite.be, rubrique bibliothèque

1. D'après une estimation de la journaliste du Figaro, Stéphanie Kovacs. article disponible en ligne sur www.lefigaro.fr/international/2010/03/08/01003- 20100308ARTFIG00013-les-islandais rejettent-l-accord- icesave-.php>, consulté le 31/10/2012.

 


 

LES DETTES JAMAIS REMBOURSÉES

Les emprunts russes

À la fin du XIXe siècle, la France et la Russie se rapprochent. À partir de 1888, Moscou émet des emprunts sous la bénédiction des pouvoirs publics français. En 1914, 1,6 million de porteurs ont prêté 12 milliards de francs-or à la Russie. Mais la révolution de 1917 coupera net les espoirs des épargnants de récupérer un jour leur mise. Deux mois plus tard, Lénine décide de ne plus reconnaître les dettes de l'ancien régime.

Depuis lors, les déceptions n'en finissent pas de prendre le pas sur les espoirs de remboursement. Plusieurs fois, Lénine a proposé de rembourser les coupons aux Français mais, à chaque fois, en échange d'une nouvelle aide financière. En 1990, Gorbatchev a proposé de mettre un terme à cette attente et de rembourser les 400 000 descendants des épargnants de 1914. Quelques remboursements ont eu lieu de-ci, de-là, jusqu'en 2010, année au cours de laquelle le président de l'association française chargée de défendre les intérêts des porteurs français reçoit une lettre du président de la Fédération de Russie annonçant un refus d'indemniser les détenteurs français d'obligations de l’État russe.

Une dette vieille de 400 ans réclamée à l'Espagne

En septembre dernier, un député polonais a réclamé à l'Espagne le remboursement d'une dette de 57,4 millions d'euros, l'équivalent de 430 000 ducats en or, empruntés au XVIe siècle par le roi Philippe II d'Espagne auprès de la reine de Pologne pour couvrir les dépenses de la guerre entre l'Espagne et la France. Des juristes, cités par les médias polonais, restent cependant sceptiques quant à la possibilité de recouvrer la dette !

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Plutôt que de rembourser leur dette, certains pays ont préféré consacrer ce budget à leurs politiques sociales et au redressement économique. Solution géniale ou fausse bonne idée

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La spéculation sur la dette grecque

Soumis par Anonyme le

D’un côté, prenez les gens, comme vous et moi, qui consomment et parfois empruntent pour se payer une voiture, un logement, un nouveau canapé... et qui, quand ça va mal, empruntent pour se payer un bien de consommation courante, de la nourriture, etc. Lorsque survient une perte d'emploi, un accident ou une maladie, certains se retrouvent tout à coup en difficulté de paiement et plus tard peut-être en médiation de dettes. Les créanciers essaieront tant bien que mal de récupérer leur argent par des saisies sur leurs biens ou directement sur salaire.

De l'autre côté, prenez un pays – la Grèce par exemple, qui fait beaucoup parler d'elle. Voilà un pays qui, comme tous les autres, doit financer des activités, payer des salaires, réparer les routes, soutenir le système de santé, etc. Pour ce faire, il encaisse les impôts de ses contribuables et emprunte également de l'argent, en émettant des obligations que des banques, des particuliers ou des fonds peuvent acheter sur le marché financier. Ainsi, la Grèce émet des titres contre de l'argent et promet de rembourser après une certaine période avec un intérêt. Le taux d'intérêt tourne en général autour de 2 %, mais dans le cas de la Grèce, il était en mars 2010 de 6,25 %. La Grèce se retrouve donc dans une situation où elle est obligée d'emprunter pour faire face à ses dépenses et cet emprunt terriblement onéreux l'endette encore davantage. Elle se retrouve donc dans l'obligation d'emprunter à nouveau pour rembourser ses anciennes dettes. Les prêts qu'elle reçoit n'ont alors plus aucune utilité économique pour le pays et rendent sa situation plus fragile encore. Pour attirer de nouveaux emprunteurs, le taux d'intérêt lié aux obligations doit encore être relevé, ce qui oblige la Grèce à rembourser plus cher encore sa dette. Celle-ci s'élève à l'heure actuelle à 300 milliards d'euros.

Comment en est-on arrivé là ?

La faute notamment aux hedge funds, les fameux fonds spéculatifs dont le but est de faire de l'argent sur le dos de... l'argent, en dehors de toute considération économique ou sociale. Un des inventeurs des hedge funds est Georges Soros qui, en 1992, fit sombrer la livre sterling. Il avait vendu pour des milliards de cette devise sans avancer d'argent. Du coup, la livre inondant les marchés, son prix chuta fortement et Georges Soros en racheta alors à un prix nettement inférieur. Cela lui permit d'empocher au passage un milliard de dollars et contraignit la livre sterling à sortir du système monétaire européen !

Revenons à la Grèce. Ce pays a plus que probablement manqué de rigueur budgétaire, et s'est ainsi mis dans une situation financière délicate. Les spéculateurs ont vu là une bonne opportunité de gagner de l'argent. Ils ont misé sur la baisse du prix des obligations émises par la Grèce et ont acheté des credit default swaps (CDS) avant de les revendre.

Les CDS, dans leur forme originelle, sont une invention d’une mathématicienne de la banque JP Morgan en 1997. Il s'agit d'une sorte d'assurance protégeant l'acheteur contre le défaut de paiement de l'emprunteur (ici, la Grèce). Si le risque de défaut de paiement augmente – c'est ce qu'on entend constamment dans les médias –, le prix de ces assurances augmente également. Les spéculateurs ont donc acheté des CDS, attendu que les prix montent et puis les ont revendus en empochant au passage une belle plus-value.

Dans le même temps, le prix des CDS augmentant, les financiers (les agences de notation) en concluent que la capacité à rembourser de la Grèce diminue, de sorte qu'il devient de plus en plus cher pour cet État d'emprunter puisqu’il est plus risqué pour les prêteurs de lui octroyer des crédits. C'est ainsi que la Grèce emprunte actuellement à 6,25 %, pénalisant davantage encore son économie et sa population puisque les politiques d'austérité imposées à la Grèce se font forcément au détriment des politiques sociales.

Pour rappel, les CDS étaient déjà à l’origine de la crise des subprimes. Des assureurs comme AIG avaient garanti des CDS en masse, mais, quand les gens n'ont plus pu rembourser leur emprunt hypothécaire, les banques qui avaient acheté ces CDS se sont retrouvées devant la perspective d'une faillite et, d'une perte conséquente de la valeur de leur portefeuille. Seule une intervention publique de 88 milliards de dollars de la Réserve américaine a permis d'éviter ce scénario catastrophe.

Dans le cas de la Grèce, l'augmentation du cours des CDS se base sur un risque élevé de faillite de ce pays, risque qui est en réalité... faible.

Le danger de produits tels que les CDS ne vient pas réellement de leur nature profonde. Après tout, le contrat d'assurance permettant de se protéger contre un risque est bien légitime. Il permet, en échange d'une certaine somme, de se débarrasser d'un risque et de le faire endosser par un autre. Par contre, les produits de ce type amplifient la spéculation. Ainsi, ils permettent de parier sur la baisse ou la hausse du produit auquel ils sont « adossés » (ici, la dette). Les investisseurs vendent ou achètent ce risque, dont le prix ne dépend plus en grande partie que de la hausse ou de la baisse de la demande, elle-même liée aux bruits qui courent sur les places financières. Bruit que font courir... les agences de notation financées par les émetteurs de produits financiers comme les CDS. Fondées ou pas, les « rumeurs » gouvernent l'économie. Tous les sites de conseil en investissement boursier ont d'ailleurs une rubrique « rumeurs ». La santé financière de la Grèce, puis celle de l'Espagne furent tributaires de ces bruits. Des rumeurs concernant l'incapacité pour Madrid à rembourser sa dette ainsi que la dégradation de sa note par les principales agences de notation furent à l’origine d’une vente massive des titres de sa dette. Le serpent se mord la queue. L'argument visant à démontrer la virtuosité des marchés et leur capacité à s'autoréguler semble bien faible au regard de la stratégie des « rumeurs » que font courir les émetteurs de produits financiers.

Quel rapport avec la finance éthique ?

Aucun bien sûr ! Tout d'abord, la plupart de ceux qui liront cet article ne s'appellent pas Georges Soros et n'ont pas spéculé sur la dette grecque en achetant des CDS. Quoique ! Des milliers d'épargnants ont fait les frais de la dernière crise, non pour avoir spéculé, mais pour avoir été victimes de leur banque, qui leur a vendu un chat dans un sac. De petits épargnants ont ainsi perdu toutes leurs économies pour avoir acheté des créances malsaines à leur insu.

Ensuite, la majorité des gens qui liront cette analyse seront conscients que l'argent ne peut pas servir qu'à faire de l'argent. Les publications du Réseau Financement Alternatif mettent autant que possible l'accent sur l'investissement dans des activités réelles et positives. La finance éthique – à travers les fonds d'investissement éthiques – permet d'investir dans des entreprises respectueuses de l'être humain et de l'environnement. La finance sociale va un pas plus loin. Elle permet de soutenir financièrement des projets qui améliorent la cohésion sociale. Il peut s’agir d’associations œuvrant dans les domaines de la culture, de la formation, de la lutte contre l’exclusion... ou d’entreprises – commerciales ou non – qui, dans leur secteur, tentent de limiter les disparités entre les individus.

Laurence Roland

Mars 2010

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Depuis le début de l'année 2010, la Grèce a subi un véritable séisme financier. À tel point qu'on peut lire régulièrement dans les médias que la Grèce risque de devoir enchaîner les mesures d'austérité pour redresser la barre. Au-delà d'une gestion publique probablement lacunaire, la Grèce est victime de la spéculation sur sa dette, mais aussi de la « rumeur » que font courir les agences de notation sur sa situation financière. À côté de la filouterie des opérateurs financiers visant à gagner de l'argent à tout crin, on peut opposer le « capital lent » basé sur l'économie réelle et l'investissement pour la création d'activités utiles.

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