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Développer une activité économique génératrice de revenus en Belgique grâce au micro-crédit, c'est possible !

Soumis par Anonyme le
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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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2005 a été proclamée « Année Internationale du Micro-crédit ». C’est l’occasion de faire un tour d’horizon des différents micro-crédits offerts aux entrepreneurs qui souhaitent se lancer ou développer leur activité professionnelle d'indépendant en Belgique.

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AR-DEVE2005-1
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2005
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10/2005
Mois d'édition
Octobre

Le crédit social à la consommation : une solution en faveur de personnes exclues des crédits bancaires classiques

Soumis par Anonyme le
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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Ce 28 octobre, l’a.s.b.l. Osiris - Crédal - Crédit Social organisait un colloque intitulé « Crédit Social, une nécessité ». Présentation de cet instrument de crédit unique en Belgique.

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AR-LECR2005-2
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2005
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11/2005
Mois d'édition
Novembre

Le surendettement et la nécessité d'un crédit à la consommation adapté aux ménages à revenus modestes

Soumis par Anonyme le
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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Lutter contre le surendettement n’est pas lutter contre le crédit. L’année internationale du micro-crédit a, au contraire, montré que le crédit peut être une arme efficace de lutte contre la pauvreté. Dans les pays en développement et dans les pays développés.

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AR-LESU2005-1
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2005
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10/2005
Mois d'édition
Octobre

Elaboration d'un service bancaire universel - 2ème partie : l'accès au crédit et l'exemple du Community Reinvestment Act

Soumis par Anonyme le
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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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MO-RFA2002-1
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2002
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2002

Crédit recto, crédit verso

Soumis par Anonyme le

L'accès au crédit est un facteur important d'inclusion financière. À utiliser avec sagesse : il ne remplacera jamais l'épargne comme filet de sécurité lors d'accidents de la vie.

Le crédit est un outil financier très important pour permettre l'accès à des biens ou à des services dont le coût, additionné aux autres charges du ménage, est supérieur au budget mensuel. Il en va ainsi des dépenses relatives aux véhicules, au logement, à l'ameublement, à la garantie locative. Il permet de lisser la consommation et d'atténuer les conséquences économiques des accidents de la vie (perte d'emploi, séparation, accident...)

Il peut toutefois s'avérer destructeur et entraîner l'emprunteur dans la spirale du surendettement, s'il n'est pas accordé à bon escient. L'utilisation d'une épargne préalable, lorsqu'elle est possible, peut évidemment éviter cet écueil.

Le non-accès au crédit peut handicaper l'inclusion sociale :

Certains types de crédit – comme le fait de pouvoir aller en négatif sur un compte courant ou de disposer d'une carte de crédit – sont à ce point banalisés dans certaines régions d'Europe, qu’il peut être stigmatisant de ne pas en bénéficier.

  • Le fait de ne pas pouvoir se procurer certains biens peut avoir un impact sur le standard minimum de vie, le niveau de bien-être et l'estime de soi.
    Le crédit inapproprié crée d’autres problèmes qui handicapent aussi l'inclusion sociale :
  • Difficultés de remboursement et déséquilibre du budget du ménage pendant une longue période peuvent mener au surendettement, qui peut lui-même mener à l'exclusion sociale.

Un crédit approprié ?

Des organismes de prêt sans but lucratif mènent des projets pilotes d’octroi de crédit à la consommation. Cette expérience montre l'impact social positif qu'un petit crédit approprié peut avoir sur un ménage généralement « exclu du crédit » : accroissement de la mobilité, accès à une formation ou amélioration de la qualité du logement, accroissement de la santé et de l'estime de soi, qui peuvent eux-mêmes générer un revenu futur et un bien-être général plus élevés1.

Bon élève, mais peut mieux faire

 

En Belgique, la législation encadrant le crédit est une des plus protectrices de l'Union européenne. Ce cadre juridique a montré son efficacité pour prévenir les abus et l'explosion du surendettement, d'où l'intérêt de mieux le connaître et de mieux le faire connaître auprès de nos voisins. Néanmoins, il reste perfectible ! Ci-après, quelques suggestions d'amélioration lancées par les organisations membres de la plate-forme belge « Journée sans crédit », à laquelle a adhéré le Réseau Financement Alternatif2 :

Le cadre juridique belge Propositions d'amélioration de ce cadre
La publicité pour le crédit ne peut inciter au surendettement ni mettre en valeur abusivement la facilité et la rapidité d'octroi d'un crédit, ni le regroupement de crédits. Interdire plus généralement de telles publicités, en retirant le terme « abusivement » de l'article 6 §1 al. 2 et 3 de la loi sur le crédit à la consommation.
Le prêteur est tenu d'informer et de conseiller son client, de vérifier sa solvabilité via la Centrale des crédits aux particuliers, et de l'orienter vers un crédit approprié. Dans les faits, cette information est souvent incomplète. C'est surtout le cas lors d'ouvertures de crédit dans un magasin ou par correspondance (« credit revolving »). Cette activité doit être mieux encadrée.
Dans le cas d'ouverture de crédit à durée indéterminée, un délai de “zérotage” oblige le consommateur à rembourser la totalité de sa dette avant de pouvoir effectuer un nouveau prélèvement (d'où l'idée de “remise à zéro”). Tous les contrats d'ouverture de crédit – et pas seulement ceux dont les mensualités ne comprennent pas une part de sremboursement en capital – devraient être soumis à un tel mécanisme. Le délai de zérotage devrait être plus court.
L'affichage des prix étant obligatoire, l'offre de crédit doit mentionner le taux annuel effectif global (TAEG), entre autres mentions. La traduction du TAEG en pourcentage mensuel rendrait le prix des ouvertures de crédit plus transparent. Ce prix devrait inclure tous les frais relatifs à la souscription.
Le prêteur doit aussi vérifier la solvabilité de l'aval (la personne qui se porte garante). À cause de cette protection légale de l'aval, on voit se multiplier l'exigence de la part des prêteurs de « co-débiteurs solidaires ». Ceux-ci devraient aussi être protégés.>

La Centrale des crédits aux particuliers

 

Chez nous, ce que l'on appelle communément le fichier positif et négatif des crédits est géré par la Centrale des crédits aux particuliers, au sein de la Banque nationale. L'ensemble des crédits à la consommation et les crédits hypothécaires y sont enregistrés par les prêteurs. Ces derniers doivent le consulter avant d'octroyer un nouveau crédit.

Les consommateurs ont un droit de regard sur les données qui les concernent : ils peuvent obtenir un extrait de leur fichage. Ils reçoivent un avis lorsqu'ils sont enregistrés pour un crédit défaillant. Les données collectées permettent donc aux prêteurs d'accéder à une information complète et fiable sur les crédits utilisés par les demandeurs, ce qui représente un premier pas vers une objectivation de l'obligation légale de vérification de la solvabilité.

Taux d'intérêt : il y a des limites

Les taux d'intérêt des crédits à la consommation sont plafonnés en Belgique. L'intérêt d'une telle loi est d'interdire une offre de crédits qui ne se soucie guère de la capacité de remboursement réelle des clients, puisque la rentabilité des produits est telle que les prêteurs peuvent gérer un nombre beaucoup plus élevé de contentieux sans que cela leur porte préjudice.

Le fonds de traitement du surendettement

En Belgique, le Fonds de traitement du surendettement rembourse les honoraires et les frais des médiateurs de dettes qui n'ont pas pu être payés par le débiteur. Ces frais sont donc à charge du débiteur et c'est uniquement dans le cas où ils restent impayés que le juge peut les mettre à charge du Fonds de traitement du surendettement3.

Le fonds de traitement du surendettement est financé par les établissements de crédit qui sont tenus légalement de payer une cotisation calculée comme suit :

  1. 0,02 % du total des arriérés de paiement en matière de crédit hypothécaire enregistrés dans la Centrale des crédits aux particuliers gérée par la Banque nationale de Belgique ;
  2. 0,2 % du total des arriérés de paiement en matière de crédit à la consommation enregistrés dans ladite Centrale.

En 2006, la nécessité de renflouer ce fonds a amené le législateur à imposer aux établissements de crédit de payer une cotisation complémentaire. Les pourcentages dus s’élevaient alors respectivement à 0,03 % et à 0,3 %.

Ainsi, en fonction de l'état du fonds de traitement du surendettement, l'État peut adapter la quote-part des établissements de crédit. Ceux-ci n'ont donc pas intérêt à ce que la situation globale des personnes surendettées se détériore, puisque dans ce cas ils seront amenés à payer des cotisations plus élevées pour assurer des revenus aux médiateurs de dettes.

Le crédit à l'anglaise a un goût amer

Au Royaume-Uni, où 18 % de la population est en situation précaire, le crédit est nettement moins réglementé qu'en Belgique. Force est de constater que l'absence d'un cadre réglementaire fort y permet le développement de pratiques usurières, voire d'un marché illégal du crédit, qui amènent certaines personnes dans des situations personnelles désastreuses.

C'est ainsi qu'on distingue les marchés de crédits « prime » et « subprime » : ces derniers sont plus coûteux mais néanmoins accessibles aux personnes dont les revenus sont insuffisants ou trop irréguliers pour pouvoir obtenir un crédit classique (prime). Parmi les entreprises spécialisées dans ce type de crédit « high cost », les compagnies « home credit » prêtent de petites sommes pour de courtes durées, et collectent les remboursements chaque semaine à domicile. Le fait que leurs clients présentent plus de risques d'insolvabilité justifie, selon ces entreprises, les hauts taux d'intérêt pratiqués : entre 100 et 400 % ! En 2004, 5 % des consommateurs britanniques (environ 2,3 millions de personnes) avaient contracté un home credit dans le courant de l'année.

On constate aussi au Royaume-Uni un certain succès des prêteurs à gages et des monts-de-piété. Plus grave, les prêteurs illégaux qui useront, s'il le faut, de violence ou d'odieux marchandages pour recouvrer leur dû : en 2006, 0,44 % de la population anglaise aurait déjà eu recours à de tels prêteurs, soit 3 % des ménages à bas revenus...

Irlande: focus sur les pratiques des prêteurs

Caroline Corr travaille dans une agence conseil du gouvernement irlandais pour la lutte contre la pauvreté4. Les témoins qu'elle réunit pour ses recherches échangent leurs expériences en matière de crédit : difficulté d'accès aux banques qui ne prêtent qu'aux riches, alternative des « credit unions », facilité apparente de recourir aux prêteurs à la petite semaine même si en fin de compte ça finit par coûter cher... Extraits d'interviews :

« Je suis tombée dans cette voie et c'est une voie vraiment pénible. Le jour où j'ai commencé à travailler, j'ai dit, « c'est terminé », parce qu'ils vous chargent un intérêt énorme : pour 100€, vous devez rembourser 125€. Je suis tombée là-dedans, je ne devrais pas le dire mais j'étais dépassée. J'ai tout remboursé pour en être quitte, et après j'ai été voir mon credit union » .

« Alors j'ai dit à mon mari : ça suffit. Il faut qu'on arrête. Je ne pouvais pas continuer comme ça. Donc je les ai payés. Ils avaient l'habitude de revenir demander « voulez-vous ceci ? », et j'ai répondu « Non, je me débarrasse de tout cela, je ne veux plus, je ne peux plus me le permettre, c'est fini ». J'ai été déposer mon argent dans un credit union et je suis repartie sur cette base là ».

« Moi j'ai fait appel aux prêteurs parce que les banques de mon pays m'ont contrainte à cette dépense, vous savez ? Si j'avais eu une quelconque assistance de leur part, je n'en serais pas arrivée là. C'est vrai que ce sont des requins. Mais comment faire autrement ? J'y étais acculée, alors pourquoi ne leur serais-je pas reconnaissante ? Je dis « merci Monsieur », c'est tout.

« Ils frappent à chaque porte dans mon quartier. Ils proposent à tout le monde un bon, après il faut rembourser la somme et si vous voulez de l'argent, ils vous le prêtent ».

« Au départ, je trouvais ça super, jusqu'à ce que je l'inscrive noir sur blanc sur du papier, vous voyez ce que je veux dire ? Ils n'aiment pas dire ou vous faire remarquer ce qu'il faut rembourser. En gros, ils donnent l'argent et la semaine suivante ils reviennent ; et il faut commencer à rembourser, et ils ne disent rien à propos du reste ».

« 300€, tu peux commencer avec ça, et si tu le rembourses chaque semaine tu peux avoir 500€ et ainsi ça monte, mais évidemment, plus tu empruntes plus tu dois rembourser ».

Le coin des bonnes adresses

 

Crédal, crédit social accompagné

Tél. : 010/48.33.50
Place de l'Université, 16
1348 Louvain-la-Neuve

 

Observatoire du crédit et de l'endettement

Tél. : 071/33.12.59
Château de Cartier - Place Albert 1er, 38
6030 Marchienne-au-Pont
Liste des services de médiation de dettes en Belgique 

Centre d'appui aux services de médiation de dettes de la Région de Bruxelles-Capitale, GREPA

Tél. : 02 / 217.88.05
Boulevard du Jubilé, 153-155
1080 Bruxelles 

Plateforme "Journée sans crédit"

 

1 Cf. article sur le crédit social accompagné en pp. 12-13 de ce magazine.

2 A. Defossez, A. van den Broeck, “Les ouvertures de crédit : constats et recommandations pour une meilleure protection des consommateurs”, Plate-forme journée sans crédit, novembre 2007.

3 article 1675/19 du Code judiciaire

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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L'accès au crédit est un facteur important d'inclusion financière. À utiliser avec sagesse : il ne remplacera jamais l'épargne comme filet de sécurité lors d'accidents de la vie.

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RV-BAYO2008-1/31
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2008
Jour d'édition
10
Date d'édition
10/06/2008
Mois d'édition
Juin

Crédit socialement responsable : document de base

Soumis par Anonyme le

Cadre légal du crédit socialement responsable

Dans le secteur du crédit à la consommation, on distingue trois catégories de dispensateurs de crédit : les banques, les institutions spécialisées (par exemple, celles créées au sein de groupes actifs dans le secteur automobile) et, enfin, les vendeurs eux-mêmes.

Les dispensateurs de crédit ont l'obligation de fournir un crédit qui soit adapté à la situation sociale de la population.

Une responsabilité sociale et publique de l'ensemble des dispensateurs de crédit à la consommation – pas seulement des banques – a été retenue à plusieurs reprises par le législateur belge à propos de la qualité du crédit à la consommation offert.

  • Le prêteur et l'intermédiaire de crédit sont tenus de rechercher, dans le cadre des contrats de crédit qu'ils offrent habituellement ou pour lesquels ils interviennent habituellement, le type et le montant de crédit les mieux adaptés, compte tenu de la situation financière du consommateur au moment de la conclusion du contrat.
  • Afin d'obtenir des informations sur la situation financière et la solvabilité de l'emprunteur, les prêteurs doivent consulter la Centrale des crédits aux particuliers préalablement à la conclusion d'un contrat de crédit à la consommation ou à la remise d'une offre de crédit hypothécaire. Afin de compléter les informations obtenues lors de cette consultation, la Banque nationale de Belgique est habilitée à interroger, pour compte des prêteurs, le fichier des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement collectif de dettes, et le Roi peut habiliter la Banque nationale de Belgique à interroger, pour compte des prêteurs, d'autres fichiers centralisant des dettes impayées à charge des consommateurs.
  • Le prêteur ne peut délivrer d'offre de crédit que si, compte tenu des informations dont il dispose ou devrait disposer, [...] il doit raisonnablement estimer que ce dernier sera à même de respecter les obligations découlant du contrat.
  • Sans préjudice des sanctions de droit commun, le juge peut d'office relever l'emprunteur de tout ou partie des intérêts de retard et réduire ses obligations jusqu'au prix au comptant du bien ou du service, ou au montant emprunté lorsque le prêteur ne s'est pas conformé à l'une des trois obligations qui précèdent.
  • Chaque prêteur est tenu de payer une cotisation annuelle, calculée sur la base d'un coefficient appliqué sur le montant total des arriérés de paiement des contrats de crédits qu'il fait enregistrer dans la Centrale des crédits aux particuliers gérée par la Banque nationale de Belgique, en vue d'alimenter le Fonds de traitement du surendettement qui est chargé, notamment, du paiement du solde des honoraires, émoluments et frais des médiateurs de dettes.

Dans le cas particulier des banques, elles ont le monopole de la collecte de l'épargne et, dès lors, personne d'autre qu'elles ne peut réinvestir cette épargne dans l'économie nationale. Même si cette obligation n'est confortée par aucun texte légal, il paraît raisonnable de considérer que de ce monopole découle l'obligation des banques d'assurer l'accès au crédit, y compris à un échelon très bas de l'économie. Cela n'entraîne, bien sûr, pas de droit individuel au crédit, mais plutôt un droit collectif : l'économie locale doit pouvoir accéder à son épargne. Cette obligation, qui pèse sur les banques et engage leur responsabilité si elles n'y satisfont pas, déterminera le rôle de celles-ci dans la mise en place de solutions qui permettent un accès adéquat au crédit.

Droit au crédit approprié

Caractère essentiel du crédit

S'il ne peut exister, en tant que tel, de droit au crédit, il n'en reste pas moins que les ménages à revenus modestes ont des besoins essentiels de crédit que les impératifs de cohésion sociale justifient de satisfaire adéquatement.

Même s'il n'est pas en soi le meilleur moyen de lutte contre la précarité, le crédit à la consommation permet d'étaler les dépenses dans le temps et d'acquérir ainsi des biens et des services essentiels permettant l'accès à la dignité et au bien-être : garantie locative, formation et études, équipement ménager, mobilier, réparation et entretien du logement, énergie, voiture, soins de santé, téléphonie, équipement informatique, fêtes et événements (mariage, funérailles).
Le crédit professionnel permet aux chômeurs et, de manière générale, à tous ceux qui sont privés de travail, de créer leur propre emploi, sous le statut d’indépendant ou au moyen d'une société, et de générer ainsi des revenus professionnels.

L'accès au crédit est d'autant plus essentiel que le patrimoine s'avère insuffisant pour faire face aux aléas de l'existence ou pour prendre une initiative économique. Mais, par ailleurs, si le crédit n'est pas accordé à bon escient et qu'il entraîne l'emprunteur dans la spirale du surendettement, les conséquences de celui-ci seront d'autant plus dramatiques que son patrimoine et ses revenus sont faibles. Dès lors, si l'accès au crédit est essentiel, l'octroi d'un crédit qui soit approprié à la situation sociale du demandeur l'est tout autant.

Droit à la liquidité et à l'initiative économique

Le droit à la liquidité – disposer immédiatement des fonds nécessaires pour acquérir des biens et des services essentiels permettant l'accès à la dignité et au bien-être – et le droit à l'initiative économique – créer son propre emploi, sous le statut d’indépendant ou au moyen d'une société – ne sont pas des droits absolus. Ils sont à la fois justifiés et limités par l'intégration sociale que leur mise en œuvre procure à leur titulaire.

  • Le champ d'application du droit à la liquidité est limité à la fois par la situation personnelle de son titulaire et par le caractère essentiel que présente, au regard de cette situation, le bien ou le service qu'il se propose d'acquérir. En d'autres termes, il ne peut exister pour un projet d'acquisition qui, par exemple, amènera son auteur vers le surendettement pour des motifs liés à sa situation personnelle ou pour des projets d'acquisition non essentiels au regard de cette situation.
  • Le champ d'application du droit à l'initiative économique est limité à la fois par la situation personnelle de son titulaire et par le projet qu'il porte. En d'autres termes, il ne peut exister pour un projet d'emploi qui, par exemple, amènera son auteur vers la faillite pour des motifs liés à sa situation personnelle ou au défaut de pérennité de l'emploi qu'il vise à créer.

Ce caractère relatif des droits à l'initiative économique et à la liquidité suppose qu'ils ne puissent être reconnus qu'après un examen individualisé qui porte à la fois sur la demande et sur la situation sociale du demandeur. Cet examen nécessite des compétences pour apprécier la demande dans son ensemble, sur le plan économique et sur le plan social. Mais, dès l'instant où ces droits sont reconnus, ils justifient l'accès pour le demandeur aux moyens nécessaires à leur mise en œuvre, en particulier l'accès au financement que celle-ci suppose.

Droit à un crédit approprié

Le droit à l'initiative économique et le droit à la liquidité induisent le droit à un crédit approprié à la situation sociale personnelle du demandeur.
Ce droit peut se définir comme le droit pour chacun de voir une demande de crédit examinée en fonction de sa situation sociale spécifique et d'obtenir le crédit sollicité en fonction de l'intégration sociale que le projet dont il permet le financement procure et à des conditions appropriées à cette situation sociale.

Un tel droit est de nature à répondre aux refus de crédit injustifiés, mais aussi d'accroître la qualité des crédits en permettant des crédits mieux appropriés aux situations individuelles.

Sa mise en oeuvre nous paraît appeler des mesures publiques dans deux directions : vers le secteur financier dans son ensemble (en matière d'information, incitation et compensation liée à l'octroi d'un crédit adapté), mais aussi vers celui de la finance solidaire en particulier (développement de structures et d'outils spécifiques qui assurent l'accès à un crédit approprié).

Service universel

Assurer l'accès à un crédit approprié à la situation sociale personnelle du demandeur se distingue fondamentalement de toute forme d'assistance sociale dans la mesure où cet accès est universel. Il s'agit de la reconnaissance de droits qui procèdent de la citoyenneté et qui sont opposables en tant que tels à l'ensemble des opérateurs économiques actifs dans ce secteur.

Historique

Cette approche universelle avait été explicitement demandée en 1994 dans le Rapport général sur la Pauvreté1 : « Nous ne voulons pas de droits spéciaux pour les pauvres ; nous voulons une société où nous sommes reconnus comme citoyens à part entière ». Elle a également été exprimée par le Conseil économique et social français qui écrivait dans son rapport Évaluation des politiques publiques de lutte contre la grande pauvreté (1995) : « [...] plutôt que d'envisager un traitement particulier des populations pauvres, il convient de prendre en compte leur situation dans les politiques générales et de veiller à rendre cette situation compatible avec l'accès aux droits ouverts à tous ».

Le crédit adapté mérite, par nature, le qualificatif de service universel au sens de « service essentiel dont l'accès pour tous les citoyens garantit la cohésion sociale ». Cette acception de la notion de « service universel » rejoint celle utilisée par la Commission européenne pour décrire un ensemble d'exigences d'intérêt général visant à garantir l'accès de tous les citoyens à certains services essentiels, à des prix abordables2.

Fonds de compensation

Le caractère universel du crédit adapté justifie que l'ensemble du secteur du crédit soit encouragé à assumer en nature le service d'un tel crédit adapté et, à défaut de l'assumer en nature, contraint d'y contribuer par équivalent, en participant financièrement à sa mise en œuvre par un mécanisme de compensation entre dispensateurs de crédit. Le choix d'assumer un service universel d'accès au crédit adapté serait ainsi lié, non plus à une contrainte financière si les opérateurs qui auront fait ce choix disposent des garanties et moyens nécessaires à une gestion différenciée du crédit, mais à une seule contrainte de compétence liée à la capacité entrepreneuriale d'assumer une telle gestion différenciée. La reconnaissance de cette compétence particulière induit plus qu'une nuance en termes de perception de cette activité, facilement associée à l'image de « banque des pauvres », et permet de réduire le risque de stigmatisation des populations défavorisées.

Un tel principe de compensation est déjà actuellement prévu par la loi, dans le domaine du surendettement, puisque chaque prêteur est tenu de payer une cotisation annuelle en vue d'alimenter le Fonds de traitement du surendettement qui est chargé, notamment, du paiement du solde des honoraires, émoluments et frais des médiateurs de dettes. En d'autres termes, plus un prêteur octroie un crédit inadapté, plus il est tenu d'alimenter ce fonds, qui est destiné à prendre en charge une partie des frais liés au surendettement. Ce principe mérite d'être élargi à la prise en charge, par ce fonds ou par un autre fonds similaire, des garanties et moyens nécessaires au service d'un crédit adapté.

Solidarité

Ce mécanisme de compensation constitue la réponse structurelle que le service universel doit fournir à l'exclusion sociale constatée en matière de crédit. Cette réponse constitue une limite à la recherche de rentabilité des dispensateurs de crédit. À la stricte logique de ce marché, doivent être ajoutées des considérations sociales, comme c’est du reste déjà le cas avec nombre de réglementations protectrices de l'épargnant ou du consommateur. Il s'agit, dans le cas présent, d'intégrer des exigences fondamentales de solidarité.

De telles exigences ne sont d'ailleurs pas neuves dans le secteur du crédit et participent au contraire à l'essence même des produits et services que celui-ci propose et qui sont fondés sur la répartition du risque : fondamentalement, les emprunteurs d'un même dispensateur de crédit se garantissent mutuellement de leur potentielle défaillance respective en payant des intérêts qui intègrent notamment la charge résultant des crédits irrécouvrables. Le mécanisme économique est donc basé sur un principe de solidarité que des techniques comme la segmentation de la clientèle tentent de mettre à mal.

Cette nécessité d'une réponse structurelle participe à la conception européenne de l'économie et du rôle régulateur des pouvoirs publics en qualité de garant de l'intérêt général. Elle implique de la part de ceux-ci la mise en œuvre de stratégies adéquates, pour intégrer les nécessités de la cohésion sociale dans les rapports financiers.

Initiatives

Crédit social à la consommation

Le crédit social pourrait se définir comme toute procédure d'examen, d'octroi et de suivi d'une demande de crédit à la consommation qui ne dépende pas uniquement de considérations commerciales et/ou de rentabilité dans le chef du prêteur, mais également d'une évaluation de la situation sociale de l'emprunteur.

 

Le crédit social n'est pas une nouveauté, il plonge ses racines au XIXe siècle. Mais l'évolution du marché du crédit à la consommation constatée ces dernières années lui donne une nouvelle actualité.

En effet, l'évolution de l’offre sur le marché du crédit à la consommation est telle que pour des « petits » crédits – c'est-à-dire pour des montants de moins de 2 500 euros – la tendance est de privilégier, pour des raisons de rentabilité, l’ouverture de crédit plutôt que d'autres formes de crédits (vente à tempérament, prêt à tempérament...). Or l'ouverture de crédit est la forme de crédit la moins adaptée aux ménages à revenus modestes. D'une part, parce qu'elle est la plus coûteuse, et, d'autre part, parce qu'elle ne prévoit pas l'établissement d'un plan de remboursement préalablement fixé, ce qui limite la possibilité de vérifier la capacité de remboursement de l’emprunteur. Enfin, ces contrats sont, pour la plupart, établis à durée indéterminée, avec le risque de maintenir, pour longtemps, la clientèle dans une situation d’endettement.

Microcrédit

Le microcrédit est un prêt à la création ou au développement de très petites entreprises, destiné à des publics non éligibles au système bancaire, faute de garanties réelles ou d'apport personnel suffisant. Il est assorti d'un accompagnement renforcé des micro-entrepreneurs et s'inscrit dans une démarche économique et financière durable.

Le microcrédit s'est essentiellement développé dans les pays du tiers-monde. Mais, compte tenu de l'évolution du marché du crédit à la production  observée ces dernières années dans les pays les plus industrialisés, ce système peut se révéler intéressant, voire indispensable, dans nos régions également.

En effet, l'évolution du marché du crédit à la production est telle que le monde bancaire ne dispose pas, dans l'état actuel des choses, des compétences nécessaires pour mettre en œuvre une méthode de collecte de l'information et utiliser des critères d'analyse du risque spécifiquement adaptés à la micro-entreprise.

Les opérateurs de microcrédit offrent, eux, un continuum d'activités qui peut aller de l'accueil et du conseil aux porteurs de projets jusqu'au suivi de leur entreprise en passant par la collecte de l'épargne solidaire et la phase de financement proprement dite par octroi de crédit ou prise de participation.

Community Reinvestment Act

Le Community Reinvestment Act (CRA) a été voté en 1977, à la suite des revendications des associations de quartier qui se plaignaient des pratiques bancaires de refus de prêts à des résidents défavorisés. Il s'intègre dans le contexte politique et juridique de la lutte contre les discriminations qui s'est traduit en textes de loi dans des domaines aussi divers que l'éducation ou le travail. Dans le secteur de la finance, l'objectif est d'assurer le fair lending, c'est-à-dire l'absence de toute discrimination de couleur, d'origine nationale, de religion, de sexe, de situation familiale ou d'âge dans l'accès au crédit.

Le CRA prévoit que les institutions financières réglementées ont l'obligation permanente et positive d'aider à satisfaire les besoins de crédit des communautés locales dans lesquelles elles sont établies. En application de ce principe, le CRA établit un régime réglementaire pour surveiller le niveau des crédits, des investissements et des services dans les quartiers à revenus faibles et modestes. Il charge des organes de contrôle d'examiner le comportement des banques à l’égard des populations des quartiers défavorisés. Il est tenu compte de cette évaluation dans une série de décisions. Si un organe de contrôle constate qu'un établissement de crédit ne « sert » pas ces quartiers, il peut retarder ou refuser la demande formulée par cet établissement de fusionner avec une autre banque, d'ouvrir une agence ou de développer n'importe lequel de ses autres services.

Credit Unions

Une Credit Union est une mutuelle d'épargne et de crédit organisée selon le principe du pot commun : les épargnants sont à la fois actionnaires (l'épargne constitue le capital social de la coopérative) et bénéficiaires (ils sont les seuls à pouvoir obtenir du crédit de la structure). Les deux caractéristiques essentielles sont donc :

  • l'épargne préalable : la majorité des Credit Unions exigent de chacun de leurs membres une épargne préalable, et le crédit disponible pour chacun est généralement calculé en multiple (deux, trois ou quatre) de cette épargne préalable. Des possibilités de crédit pour des personnes sans épargne sont toutefois concevables ;
  • un lien commun, le common bond : il peut être territorial (habitants d'une même zone géographique), professionnel (travailleurs d'un même employeur) ou associatif (personnes membres d'une organisation commune, p. ex., une paroisse).

Sur le plan juridique, les Credit Unions d'Irlande et du Royaume-Uni échappent aux dispositions contraignantes que la première directive bancaire européenne impose aux banques. Le Conseil européen, sur proposition de la Commission, a le pouvoir d'élargir cette exception à d'autres institutions de crédit.

Si le modèle des Credit Unions offre le grand avantage de lier une demande de crédit à la constitution d'une épargne préalable et, à ce titre, mérite sans doute d'être encouragé, y compris par des dispositions législatives adéquates, cette caractéristique du système en constitue également une limite puisque les ménages à revenus modestes qui n'ont pas constitué cette épargne préalable en sont en principe exclus.

 

Individual Development Accounts

Une initiative moins connue et plus récente est celle des Individual Development Accounts (IDA). Depuis 1996, 26 États américains ont instauré de façon permanente ce type d'instruments. D'autres ont mis sur pied des projets pilotes. Au total, ce sont environ 250 programmes qui sont actuellement en place ou en instance de développement à l'échelle des États-Unis.

 

Ces comptes de développement individuel visent à encourager l'épargne auprès des plus démunis au moyen du mécanisme suivant :

  • limitation de l'utilisation des fonds épargnés à des dépenses d'éducation, un premier achat de logement ou la création d'une entreprise ;
  • dépôt sur le compte, par des fondations et autres sources, de montants équivalents (à concurrence d'un plafond) à ceux déposés par le titulaire – le système bonifie donc les dépôts des épargnants jusqu'à 100 % ;
  • pas de prise en compte de cette bonification dans l'évaluation du patrimoine du bénéficiaire dans le cadre des prestations sociales auxquelles il peut prétendre – en revanche, pour l'octroi des prestations sociales, les États retiennent comme critère d'éligibilité non seulement le niveau des revenus, mais également celui des avoirs.

1 Réalisée par la Fondation Roi Baudouin, en collaboration avec ATD Quart Monde et l'Union des Villes et des Communes Belges (section CPAS), à la demande du Ministre de l’Intégration Sociale

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2007
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12/2007
Mois d'édition
Décembre

Pourquoi et comment faire du microcrédit en Europe occidentale

Soumis par Anonyme le

Pourquoi ?

Dans sa définition internationale, le microcrédit correspond à des prêts de faible montant destinés à des personnes à bas revenu, généralement exclues des banques parce que leur solvabilité est considérée comme insuffisante et/ou parce que les coûts de gestion de tels prêts sont jugés trop élevés[2]. Le grand succès du microcrédit au Sud s'explique principalement par l’importance de la population pauvre, exclue en tant que telle du système financier. Ces prêts permettent aux personnes issues de cette population de créer ou de développer des micro-entreprises afin d'accroître leurs revenus, de se constituer un capital et de sortir de la précarité? Mais, pourquoi faire du microcrédit au Nord, et en particulier en Europe ? Qui sont les pauvres, les marginaux, les exclus auxquels l’offre de microcrédit peut être adressée ?

En Europe, le taux de chômage est évalué à 8,2 % de la population active et les personnes en risque de pauvreté à 15 % (des personnes âgées de plus de 18 ans). Environ 90 % des entreprises en Europe sont des micro-entreprises (entre 1 et 9 personnes employées), elles représentent 20,2 % de la valeur ajoutée totale et 29,5 % de l'emploi total[3]. Ces chiffres sont appelés à augmenter à la suite du processus de désindustrialisation, de l'augmentation du secteur des services (aujourd'hui 75 % du produit intérieur brut) et du développement des nouvelles technologies[4]. Environ 2 millions de start-ups sont créées chaque année, dont un tiers par des chômeurs[5]. Beaucoup d’entre elles n'ont pas accès au crédit, quand celui-ci est proposé par le secteur financier « classique », soit parce qu’il est trop coûteux pour la micro-entreprise, soit que l'activité est jugée trop risquée par l'organisme de prêt[6]. C’est dans ce contexte, où coexistent chômage et exclusion financière, que l’offre de microcrédit se justifie en Europe.

À la différence du Sud, où le microcrédit est un outil de lutte contre la pauvreté, en Europe, il est conçu comme un instrument pour combattre le chômage et l’exclusion sociale[7]. Dans une optique plus large, il s'insère dans le cadre de la stratégie de Lisbonne en faveur de la croissance économique et de la cohésion sociale.

Définition :

La définition de microcrédit généralement acceptée en Europe est : un crédit de 25.000 euros au plus, proposé aux micro-entreprises (ayant de 1 à 9 travailleurs)[8]. Le microcrédit se distingue de l’offre de crédit commercial au niveau du montant, mais pas seulement. D'autres caractéristiques sont prises en compte, comme les modalités d'accès, le type d'analyse de solvabilité mis en place ou la politique de couverture des risques (garantie/caution). En outre, lorsque l'on parle de microcrédit, on y intègre également une mission d'inclusion sociale, de création d’emploi, de développement des micro-entreprises et de développement local[9]. Les définitions de l’exclusion sociale et financière, ainsi que les liens qu'elles tissent avec la réalité du chômage, ont été largement analysés dans le projet « From exclusion to inclusion through microfinance » qui, en résumé, considère le chômage comme le facteur majeur contribuant à l’exclusion sociale, elle-même cause ou conséquence de l’exclusion financière[10].

Conçu de cette façon, le microcrédit en Europe s’adresse aux personnes en risque de pauvreté, principalement les chômeurs et les bénéficiaires de prestations sociales, afin qu'ils puissent démarrer une activité indépendante ou développer des activités qui n'accèdent pas au crédit bancaire classique. Les activités financées sont principalement celles de service, de commerce et d'artisanat, dont la plupart se trouvent dans le secteur formel ou en passe de le devenir. À cause du niveau élevé de concurrence et d'un cadre législatif complexe, la réussite de l'activité est généralement difficile. Pour augmenter les chances de réussite de l'activité, outre les produits financiers, les institutions de microfinance proposent différents services d'accompagnement (business support services) aux micro-entrepreneurs pré- et post- création, consistant soit en formation, soit en assistance professionnelle.

La demande potentielle de microcrédit en Europe est difficile à évaluer parce qu'elle est en grande partie cachée. Globalement, la clientèle n'est pas très nombreuse et elle est difficile à identifier puis à atteindre. Selon le European Microfinance Network (EMN), le marché actuel en Europe représente au moins 11 millions de clients, dont 4 millions de micro-entreprises (20 % du nombre total de micro-entreprises) et 7 millions d'activités informelles en cours de régularisation (un quart de la population active en dessous du seuil de pauvreté).

Sur le plan de la performance financière, aujourd'hui en Europe, la plupart des institutions de microfinance ne sont pas viables sans apports extérieurs. L'accent est mis sur les objectifs sociaux (inclusion sociale et création d'emploi) plutôt que sur la rentabilité. « Les contraintes sont encore trop fortes entre des taux d'intérêt faibles, des coûts de structure élevés — liés notamment aux coûts d'accompagnement —, une efficacité réduite et un volume de clients faible. Les aides publiques restent encore la principale source de financement de ces structures, qui dès lors, à défaut de devoir prouver leur rentabilité financière, se doivent de démontrer leur rentabilité sociale. »[11] « Même si la rentabilité financière des opérations peut être assez longtemps inférieure à celle des autres activités bancaires, la rentabilité économique d'un telle politique est évidente. Elle s'inscrit dans le cadre de la stratégie de Lisbonne tant en matière de croissance que de cohésion sociale. Fondée sur une philosophie d'initiative et de développement des petites entreprises, elle a un impact considérable sur l'emploi. »[12]

Une telle approche nécessite, à tout le moins, de démontrer que le soutien public se justifie par les retombées socio-économiques que le microcrédit génère. Les institutions de microfinance doivent dès lors « prouver que sortir une personne de l'aide sociale revient, grâce au micro-crédit, moins cher que de l'y maintenir »[13]. Mais encore, le coût d'opportunité des programmes de microfinance implique de se demander si subventionner ces programmes génère plus de bénéfices sociaux qu'une autre utilisation des fonds publics. Dans les pays industrialisés, l'utilisation alternative de fonds publics consiste en d'autres politiques, de création d'emploi ou de réinsertion[14].

Une étude menée par le Bureau international du travail[15] portant sur cinq pays européens (Allemagne, France, Irlande, Pays-Bas et Royaume-Uni), les États-Unis et le Canada a évalué le coût de la microfinance par entreprise créée : celui-ci évolue, selon l'organisme considéré, entre 3.000 et 6.000 euros. L'étude conclut que ce coût est tout à fait comparable à celui d’autres politiques publiques : « Même si ces montants sont sous-évalués, même s’ils sont difficilement comparables d’un organisme à l’autre, ils permettent toutefois de donner des ordres de grandeur et ils montrent que ces initiatives méritent d’être plus largement soutenues ». On souligne toutefois deux risques fondamentaux. Premièrement, le risque d’accorder une importance exagérée à la microfinance, en la présentant comme une solution miracle à l’assistanat. Deuxièmement, le risque d’affranchir les établissements bancaires de toute responsabilité dans la production d’exclusion bancaire et de créer, comme palliatif à celle-ci, des « banques des pauvres ». Pris isolément, le microcrédit n’est pas la solution aux problèmes de chômage et d’exclusion sociale. Il s’inscrit dans une perspective de partage des compétences et des responsabilités entre lui-même, le système financier et les pouvoirs publics. La microfinance n’est pas un substitut de l’État providence ou des établissements bancaires, elle leur est « complémentaire ». 

Comment ?

Ceci nous amène à la deuxième question : comment faire du microcrédit en Europe ? Ou, plus précisément, quelles sont les conditions à réunir pour le bon développement du microcrédit en Europe ? Quelles sont les responsabilités de chaque partie prenante : institutions de microfinance (IMF), pouvoirs publics et secteur bancaire ? L’étude du Bureau international du travail (BIT, 2002) souligne deux éléments décisifs : le couplage entre les microcrédits en tant que tels (services financiers) et l'accompagnement. On y traite également de l’harmonisation et de la coordination du microcrédit avec l’ensemble des acteurs impliqués dans la création d’entreprises, c’est-à-dire, les pouvoirs publics et le secteur bancaire. Une étude menée par FACET et al. (2004) développe ce dernier point en proposant des mesures politiques pour créer un environnement favorable au travail indépendant et au développement du microcrédit. Evers & Yung (2007) et Adie (2008) y ajoutent le besoin de stimuler la demande en développant une offre appropriée. Nous nous proposons de synthétiser, ci-après, les principales recommandations formulées par plusieurs auteurs, pour assurer le développement du microcrédit en Europe[16].

  • Dans un contexte de déficit de l'offre par rapport à la demande potentielle, c'est l'offre qui crée elle-même la demande.[17] Il est donc nécessaire d'aller au-devant de la clientèle, en comprenant ses besoins et en développant des produits ad hoc. Une approche « client-led » doit être adoptée en passant d'une offre globale et standardisée à une stratégie de segmentation clients et produits. En outre, un effort de communication est nécessaire pour mieux faire connaître le microcrédit auprès du grand public et mieux informer les différents publics cibles.
  • Les services de formation, de conseil, et d'appui aux clients sont nécessaires en complément du microcrédit, compte tenu de la complexité de l'environnement. Pendant la phase de pré-création, l’accompagnement doit servir principalement à sélectionner les candidats : du côté de l’IMF, afin d'évaluer la demande et les motivations du candidat ; dans le chef du candidat, afin de vérifier ses propres intentions et capacités à s’aventurer dans les risques inhérents à une activité indépendante. Post création, le micro-entrepreneur aura besoin d'un support à la gestion, principalement administratif/financier, de marketing, de commercialisation du produit et de communication. L'accompagnement, qu'il soit pré- ou post-création, a pour but de maximiser les chances de réussite de l'activité et éviter d'aggraver la situation socio-économique et psychologique du micro-entrepreneur.
  • Le développement du microcrédit exige une adaptation de l'environnement institutionnel – social, culturel, politique et réglementaire – qui aujourd'hui est une des principales contraintes. À ce propos, l’étude menée par FACET et al. (2004), à laquelle nous renvoyons pour une analyse plus approfondie, identifie plusieurs mesures politiques pour faciliter le développement du microcrédit en Europe. En général, les facteurs les plus favorables sont [18] :
    • l'évolution de la mentalité, en donnant plus d'importance au travail indépendant comme alternative au travail salarié ;
    • un État providence qui aide les allocataires sociaux à passer progressivement d'une position passive de dépendance à celle, active, de travailleur indépendant ;
    • un régime de taxation qui soit plus favorable aux travailleurs indépendants ;
    • une réglementation bancaire qui autorise: les institutions de microcrédit non bancaires à "emprunter pour prêter", le déplafonnement des taux d'intérêt aux prêts accordés aux entreprises et l’adaptation de Basel II en ce qui concerne les obligations en matière de fonds propres.
  • Vu la prédominance du système financier « classique », l'appui financier aux banques commerciales est important. Elles peuvent, par ce biais, fournir des lignes de crédit aux IMF en partageant les risques. Le partenariat entre IMF et banques commerciales s'insère dans une logique plus réciproque. En effet, d’un côté, la vocation des IMF est de conduire progressivement ses clients à s'insérer dans le circuit financier classique ; d’un autre côté, les banques s'intéressent au microcrédit, car cela renforce leur engagement socialement responsable et elles peuvent ainsi capter une nouvelle clientèle de micro-entreprises.
  • Lier performance sociale et financière est l’innovation la plus intéressante apportée par la microfinance dans le Sud. Un certain degré de pérennité financière reste aussi la condition nécessaire pour le développement de la microfinance en Europe, et c'est sans doute là le principal challenge du secteur.

Par qui ? Tour d'horizon des institutions de microfinance en Europe

Les formes institutionnelles des IMF en Europe sont très diversifiées. La plupart des IMF sont des organisations non gouvernementales (ONG) et des fondations[19]. Une autre part importante est composée d'institutions gouvernementales. On recense aussi les caisses d’épargne, les banques, les « credit-unions » et, enfin, les institutions financières non bancaires. La majorité d'entre elles sont à but non lucratif. Le choix du modèle institutionnel est lié au cadre réglementaire de chaque pays. Par exemple, il est lié au fait que l’activité de prêt soit autorisée seulement sous un statut bancaire/gouvernemental ou pas, comme dans le cas de la Grande-Bretagne, où il existe un statut légal spécifique, « Community Development Financial Institution », pour les institutions non gouvernementales qui veulent se lancer dans une activité de prêt [20].

Les modèles « business » des IMF ne sont pas encore très clairs. Les quatre modèles présentés par Evers & Yung (2007) sont les suivants :

Organisations non gouvernementales (ONG) avec une approche de « microfinance »

Il s’agit d’organisations qui se créent spécifiquement pour faire de la microfinance, et dont l’activité consiste à offrir les produits financiers. Elles offrent aussi de l’accompagnement aux clients (business support services - BSS), mais là n’est pas leur mission principale. Le BSS est le complément nécessaire à l’offre de microcrédit afin d'en augmenter le taux de remboursement. Les exemples en Europe sont : l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie) en France, Street UK au Royaume-Uni, Aspire au Royaume-Uni et en Irlande du Nord, et l’Associação Nacional de Direito ao Crédito (ANDC) au Portugal.

Organisations non gouvernementales (ONG) avec une approche « groupe cible »

Il s’agit d’organisations qui visent des groupes spécifiques – les sans-emplois, les bénéficiaires des allocations de chômage, les immigrants, etc. – et qui incluent, dans leurs mesures d'accompagnement, l'offre de produits financiers (MC). Elles se distinguent des ONG privilégiant une « approche microfinance », car l’offre des produits financiers n'est pas importante en soi, mais apparaît davantage comme une réponse au fait que la clientèle cible a des problèmes à accéder au crédit bancaire classique. Leur activité est fortement focalisée sur les services d’accompagnement et moins dans la mise à disposition de produits financiers. Les exemples en Europe sont : le Micro loan fund of the city of Hamburg en Allemagne, Weetu au Royaume-Uni, IQ/Enterprise en Allemagne et Hordaland Network Credit en Norvège.

Programmes de microfinance initiés par les institutions ou banques de développement existantes

Souvent motivées par l’intérêt du grand public, des institutions gouvernementales et des banques de développement européennes incluent, dans leurs activités, des programmes de microcrédit en soutien aux petites et moyennes entreprises (PME). Les exemples sont : KfW Bankengruppe en Allemagne, Finvera en Finlande, Oséo en France, l'Instituto de Crédito Oficial (ICO) en Espagne et le Fonds de participation en Belgique. L’avantage de ce modèle de business est que les institutions ont des infrastructures et des réseaux de distribution préexistants qui peuvent être utilisés pour atteindre rapidement un grand nombre des clients. En revanche, l'inconvénient est que leur image de « banque publique » donne aux clients moins de motivation au remboursement des prêts. C'est pour cette raison que KfW en Allemagne et ICO en Espagne distribuent les microprêts via des banques commerciales partenaires.

Unités spéciales des banques commerciales 

Les exemples les plus connus et appréciés sont, en Espagne : la Fundación Un Sol Mon ainsi que les autres Cajas. La Fundación Un Sol Mon est une unité externe de la Caixa Catalunya spécialisée dans l’offre de produits de microfinance. Dès lors, les clients « microcrédit » de la Caixa y sont naturellement redirigés. Les autres Cajas d'Espagne utilisent des méthodes différentes : elles proposent leurs produits de microfinance directement et disposent d’une administration interne spécialisée dans l'approbation, le monitoring et l'implémentation des microprêts. L’expérience de ce modèle de business n’est pas longue, mais la forte croissance du nombre de prêts octroyés montre un important potentiel. En outre, ce modèle a réussi à couvrir les coûts de l’activité de microcrédit[21].

En guise de conclusion

La microfinance en Europe de l'Ouest ne connaît pas qu'un seul mode opératoire. L'expérience dans le Sud nous a enseigné que les institutions de microfinance sont soit des organisations non gouvernementales, soit des banques commerciales. La palette des motivations va de la maximisation du profit à la volonté de servir les plus pauvres des pauvres en accroissant la portée des programmes. L'approche des IMF peut être minimaliste ou maximaliste, selon que l’offre de ces institutions se réduit à un ou plusieurs produits financiers ou qu’elle inclut également des services non financiers (accompagnement). Il existe toujours une importante marge pour innover, créer, inventer et expérimenter, tout en gardant bien en mémoire la raison d'être de la microfinance : élargir les frontières de la finance traditionnelle aux personnes pauvres, marginalisées ou exclues. Cette raison d'être en dessine aussi la limite, qui est d'être de la finance, et qu'en tant que telle, la microfinance ne peut prétendre être la solution aux problèmes sociaux que sont la pauvreté, la marginalisation et l'exclusion.

Repères bibliographiques

Adie (2008), 20 ans de microcrédit en France: les enseignements de l'expérience de l'Adie. Août, Paris.

Bureau International du travail (2002), La microfinance et la création d’entreprises par les chômeurs. La situation dans quelques pays européens et en Amérique du Nord.

Cefip (2008), Enquête CeFip Financement des PME 2008, by Eddy Laveren et Kristien Sweevelt, Novembre, Bruxelles.

European Microfinance Network (2008), Overview of the Microcredit Sector in the European Union 2006-2007, EMN Working Paper n°5, by Bárbara Jayo, Silvia Rico, Maricruz Lacalle (Fundación Nantik Lum), Juillet, Paris.

European Microfinance Network (EMN), Microfinance Centre (MFC) et Community Development Finance Association (cdfa), “Report 1: Social and financial exclusion map”, From Exclusion to Inclusion through Microfinance.

European Commission (ed.) (2003), Microcredit for small businesses and business creation: bridging a market gap.

Eurostat (2008), L'Europe en ciffre, Annuare Eurostat 2008.

Evers&Jung (2007), Status of microfinance in Western Europe - An academic review, EMN Issue Paper, by Jan Evers, Stefanie Lahn et Martin Jung, Mars.

FACET, Nef et Evers&Jung (2006), Policy measures to promote the use of microcredit for social inclusion. Étudie mené pour le compte de la Commission Européenne (DG Employment, Social Affairs and Equal Oppoertunities).

Guichandut (2006), Europe occidentale et reste du monde: parle-t-on des mêmes pratiques?, Finance et Bien Commun n°25, pp. 54-60, Paris.

Maystadt, J-F. (2004), Microfinance au Nord : un effet de mode importé du Sud ?, Monde en développement, vol. 2, n°126, p.69-82.

Nowak (2006), Croissance et cohésion sociale. Le microcrédit et l'Union européenne, Finance et Bien Commun n° 25, pp. 37-143, Paris.

 

Carolina Laureti, décembre 2008. 


 

[1] La notion d’ « Europe occidentale » recouvre globalement, dans ce texte, l'Union européenne des 15. En effet, la réalité du microcrédit est très différente dans les nouveaux États membres, et en particulier dans les pays ayant eu un passé communiste.

[2] Nowak (2006).

[3] Eurostat (2008).

[4] Nowak (2006).

[5] Guichandut (2006).

[6] Selon le Centre de connaissance du financement des PME (CeFip, 2008), en Belgique, 13,9 % des micro-entreprises rencontrent de "nombreux problèmes" pour obtenir un financement bancaire.

[7] Dans le Sud l’offre des services financiers aux pauvres englobe le crédit, l'épargne, l'assurance, le transfert d'argent, etc., aussi parle-t-on aujourd’hui de microfinance. En Europe le secteur reste toutefois dominé par les prêts aux micro-entreprises (European Microfinance Network (EMP), 2008, p. 43).

[8] Définition donnée par le EU Multiannual Programme (European Commission, 2003, p. 11). Cette définition, bien que claire et généralement acceptée, pose cependant des difficultés d’application dans la pratique. D'un côté, il existe des programmes qui fixent des maxima de prêt supérieurs à 25.000 euros et qui sont, néanmoins, considérés comme des programmes de microcrédit parce que la finalité et/ou le montant moyen concédé rentrent dans le concept de microcrédit. D’un autre côté, il y a des prêts de 25.000 euros ou moins proposés par les banques commerciales aux micro-entrepreneurs. Ces prêts, étant difficiles à identifier au sein de l'offre globale, ne sont pas inclus dans l'offre officielle de microcrédit.

[9] Evers&Yung (2007).

[10] EMN, MFC et cdfa.

[11] Guichandut (2006).

[12] Nowak (2006).

[13] Guichandut (2006).

[14] Maystadt (2004), pp. 69-82.

[15] BIT (2002).

[16] L’ordre de la liste n’est pas un ordre d’importance, mais simplement d’exposition.

[17] Adie (2008).

[18] FACET et al. (2004), Nowak (2006), Guichandut (2006), Evers et al. (2006), Evers & Yung (2007) et Adie (2008).

[19] ONG 28 %, fondations 26 %, organisations gouvernementales 17 %. Voir EMP (2008).

[20] EMP (2008).

[21] Voir Microcredit in Europe: the experience of the Saving Banks, 2006.

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Le microcrédit en Europe s'adresse aux personnes intéressées à développer une activité indépendante, mais qui n'ont pas accès au secteur bancaire "classique". Les façons de faire du microcrédit en Europe sont nombreuses et les types de structures actives variés. Il est à présent possible de formuler des recommandations adaptées aux pays européens afin d'y améliorer l'offre... Petit tour d'horizon.

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Le crédit aux plus démunis profite aux mieux nantis !

Soumis par Anonyme le

Banco Compartamos

Banco Compartamos est une institution de microfinance mexicaine créée en 1990 grâce à des subventions variées. Le 20 avril dernier, elle a lancé une offre publique de vente de 30 % de son capital. Cette offre a été souscrite 13 fois, ce qui peut être considéré comme un succès important sur tout marché financier.1 La demande n’ayant pas pu être satisfaite, le prix des actions, a grimpé jusqu’à atteindre 22 % de hausse dès le premier jour d’échange. Les actions ont finalement été achetées par les gestionnaires de fonds internationaux habituels et d’autres investisseurs commerciaux. Le succès de cette offre est lié à divers facteurs : la croissance et la rentabilité exceptionnelles de Compartamos, une pénurie d’investissements mexicains sur les marchés émergeants, une valeur rare, une gestion solide de l’organisation et l’intérêt suscité par la microfinance. En ce qui concerne la rentabilité, Banco Compartamos génère des profits importants (rendement de 56 % sur les fonds propres) grâce aux taux d’intérêt élevés qu'elle pratique, qui dépassent 100 %, c'est-à-dire des taux intérêts qui sont considérablement supérieurs à ce dont la banque a besoin pour couvrir ses coûts.2

Selon Standard & Poor’s, l’une des trois principales société de notation financière, les plus de 15 milliards de dollars de microcrédits actuellement recensés sont dérisoires par rapport au potentiel, qui est, lui, de l’ordre de 150 milliards de dollars3. En septembre, Standard & Poor’s prévoit d'ailleurs de définir de nouvelles normes mondiales et devrait noter environ vingt organismes de microcrédits, mesure demandée par les fonds de pension et autres, pressés de toucher les rendements alléchants que peut offrir ce segment.

Un autre aspect de cet engouement est la titrisation des crédits, c'est-à-dire l'émission de titres représentant une société spécialement créée pour acheter le portefeuille de crédit d'un organisme prêteur. De cette manière, l’investisseur acquiert en quelque sorte une fraction du portefeuille de crédits, avec le rendement mais aussi les risques liés à celui-ci. En mai dernier, la banque d'investissement Morgan Stanley a ainsi titrisé des petits crédits accordés par une douzaine d’organismes à but lucratif – valeur totale : 108 millions de dollars – en un titre négociable rapportant jusqu’à 7,7 %. Et, annonce Standard & Poor’s, deux autres poids lourds de l’industrie devraient eux aussi se jeter à l’eau cette année, en offrant 500 millions de dollars au total en titres.

Les rendements sur fonds propres élevés qu'espèrent les investisseurs suscitent l’intérêt des grands noms du capital risque. En mars, la société Sequoia Capital, qui finance des entreprises comme Google et YouTube, s’est jetée sur une participation de 11,5 millions de dollars dans SKS Microfinance, basée à Hyderabad, en Inde. Depuis sa fondation en 1998, SKS a accordé des prêts à 731 000 Indiens, à des taux allant de 24 à 30 %.4

Crise des subprimes

La « crise des subprimes » que nous avons connue cet été a, quant à elle, été provoquée par un krach des prêts hypothécaires à risque aux Etats-Unis : les subprimes. Aux Etats-Unis, les banques et assurances classent leurs clients en non-primes, primes et subprimes selon les risques estimés de défaillance de l’emprunteur ; les subprimes étant les plus potentiellement défaillants. Les subprime mortgage sont donc des prêts hypothécaires censés permettre à de petits salariés, voire à des chômeurs, de devenir propriétaires. Ces crédits sont accordés par des institutions financières de moins en moins regardantes sur le profil de l’emprunteur. Ils ont un taux d’intérêt très élevé, de 4 à 5 points supérieur au taux normal (prime de risque), et variable en fonction de l’évolution des taux de la Réserve fédérale américaine. Leur remboursement se fait souvent suivant la règle du 2 28 : deux ans de remboursements très faibles, puis 28 ans à pleine charge. Les montages financiers permettent parfois de prêter jusqu’à 110 % de l’acquisition.

Ces prêts ont connu un grand succès lié au fait que le taux directeur de la Réserve fédérale américaine était très faible. Mais ce taux s'est mis à augmenter : il est passé de 1 % en 2004 à plus de 5 % en 2007. Une hausse des taux longs s'en est suivie, qui a entraîné une augmentation des montants de remboursement, et certains ménages ont commencé à ne plus pouvoir faire face à leurs dettes. Près de 1,2 million de prêts immobiliers ont fait défaut en 2006 aux Etats-Unis, soit une augmentation de 42 % par rapport à 2005, avec bien sûr pour conséquence immédiate et dramatique la mise en vente des logements.5

Par ailleurs, à partir de 2006, le marché immobilier américain est entré dans une crise, faisant baisser les prix des logements. Dans ce contexte, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur n'arrive plus à recouvrer la totalité de sa créance en revendant le bien immobilier. A la faillite personnelle des emprunteurs s'est donc ajoutée une série de graves difficultés financières pour les prêteurs et certains de leurs banquiers.

La combinaison des deux facteurs a conduit à une crise financière internationale. En effet, des titres représentatifs de ces subprimes se sont négociés sur le marché des prêts hypothécaires et la crise connue par les prêteurs s'est répercutée sur les marchés financiers dès que les créances douteuses ont été révélées par les organismes prêteurs.

Conclusions

Ces deux exemples, par ailleurs très différents, montrent deux choses : d'une part, l'activité de crédit peut générer des revenus très élevés grâce à des taux d'intérêt d'usuriers car les pauvres n'ont souvent pas d’autre solution et, d'autre part, les marchés de capitaux s’intéressent très sérieusement à ce marché des crédits aux pauvres, au moins pour spéculer sur la période durant laquelle ceux-ci sont encore en capacité de rembourser.

Car c'est là que se situe le problème. Aux Etats-Unis, au Mexique ou partout ailleurs dans le monde, les individus et ménages à revenus modestes n'accèdent pas au crédit classique, soit parce qu'il n'existe pas d'institution financière pour les servir, soit parce qu'ils ont un profil jugé trop risqué ou simplement insuffisamment évaluable. Pour eux, l'alternative se pose souvent en ces termes: ne pas bénéficier d'un crédit, alors qu'il s'avère parfois indispensable pour lancer ou soutenir une activité professionnelle ou tout simplement pour faire face à un aléa de la vie, soit accepter, quand cette faculté existe, des conditions à ce point exorbitantes qu'elles portent bien souvent en elles-mêmes les germes de la défaillance de l'emprunteur.

En d'autres termes, la fragilité – objective – dans laquelle se trouve l'emprunteur est exploitée de manière éhontée par des prêteurs sans scrupules qui, par les marges qu'ils entendent se réserver, renforcent encore cette fragilité, quand ils n'anéantissent tout simplement pas des existences. Selon les études de l'Institut français de Pondichéry, le microcrédit a entraîné en Inde des vagues de suicides chez les paysans.6

Sont ainsi posées à la fois les limites d'une finance fondée sur la maximisation du profit et la nécessité corrélative pour les institutions qui veulent fournir un crédit adapté aux populations précarisées de mobiliser l'épargne solidaire plutôt que de courir vers le marché des capitaux. Cette épargne solidaire, qui place le souci de cohésion sociale avant celui du rendement, est en effet la seule qui permette de répondre à des besoins réels de financement de personnes ou de groupes pour sortir de la précarité, de favoriser l’émergence d’activités nouvelles rencontrant des difficultés de financement auprès des banques classiques (environnement, éducation, action sociale, etc., particulièrement sur le plan local) et de faire la preuve que l’économie peut être utilisée de façon plus humaine et plus au service des hommes. Est enfin posée à l'épargnant la question de ses choix d'investisseur, y compris de ses choix par défaut – ou par cécité serait-il plus exact d'écrire – lorsqu'il se complaît dans l'ignorance dans laquelle le berce sa banque quant à l'utilisation des fonds qui lui sont confiés.

2 Richard Rosenberg, Réflexions de CGAP sur la première offre publique de vente de Compartamos : Une étude de cas sur les taux d’intérêts et les profits de la microfinance, CGAP/The World Bank, Washington, D.C.

3 Standard & Poor’s, Report Of The Microfinance Rating Methodology Working Group, 19 juin 2007.

4 Keith Epstein, avec Geri Smith à Mexico et Nandini Lakshman à Hyderabad, « Les grands de la finance jouent le microcrédit », Business Week, 13 juillet 2007

5 Michel Lasserre, Crise des crédits immobiliers "subprime" et turbulences financières mondialisées, http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=5368

6 Jean-Michel Servet, « Le microcrédit n'est pas un levier fort du développement », Libération, 21 mars 2007; Banquier aux pieds nus, Editions Odile Jacob, 2006.

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Les plus démunis, s'ils veulent accéder à du crédit doivent passer sous les fourches caudines de conditions de prêt - notamment de taux d'intérêt - abusives. Les mieux nantis, qui disposent du capital, en retirent des profits éhontés, quand ils ne spéculent pas froidement sur la probable période durant laquelle l'emprunteur restera en capacité de rembourser, pour revendre le crédit avant qu'il ne fasse dé- faillance. Cette description peut apparaître comme une mauvaise caricature. L'actualité récente, en particulier l'offre publique de vente de Banco Compartamos et la crise des subprime mortgage aux Etats-Unis, semble toutefois lui donner les traits d'une triste et inquiétante réalité.

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2007
Jour d'édition
24
Date d'édition
24/08/2007
Mois d'édition
Août

Credit scoring : une approche objective dans l'octroi de crédit ?

Soumis par Anonyme le

Elements de contexte

Les évolutions de ces dernières années ont profondément réformé le paysage des professionnels du crédit (concentration bancaire, arrivées de nouveaux opérateurs...), de l'offre de crédits (ouvertures de crédit : croissance de 1.500.000 contrats entre 1999 et 20061 !) et les habitudes des consommateurs, de plus en plus nombreux à recourir au crédit en dehors de l'achat d'un immeuble ou d'un véhicule.

Cette forte croissance n'a été rendue possible que grâce à une forte rationnalisation des process2, dans laquelle se trouve en bonne place l'analyse risque réalisée pour l'octroi des crédits. De manière simple et schématique, on peut considérer que l'analyse risque s'articule autour de deux matières principales:

La mesure de la fiabilité

Celle-ci cherche à répondre à la question : « Cette personne est-elle digne de confiance? Respectera-t-elle ses engagements? Est-elle capable de gérer adéquatement son crédit? »

Elle s'intéresse à la nature du client, son comportement général, son attitude face à ses engagements.

La mesure de la solvabilité

S'intéresse aux données budgétaires du/des demandeurs – le niveau de revenu, les dépenses du ménage et les engagements en cours. L'objectif est de déterminer si le demandeur (et son ménage) dispose des moyens nécessaires au remboursement du crédit envisagé.

Principes généraux du « credit scoring » 

Pour élaborer un tel outil statistique, il est nécessaire de disposer :

  • d'un produit de crédit (ex : l'ouverture de crédit de 2.500 €)
    Idéalement, le prêteur mettra au point un credit scoring par type de crédit proposé. En effet, selon les caractéristiques propres à chacun d'eux (montants minima et maxima, taux d'intérêt, durées de remboursement, mode de vente - agences, web, grandes surfaces,...), le credit scoring différera;
  • d'un échantillon de clients ayant eu accès à ce crédit, pour lesquelles les informations personnelles ont été conservées. Ces données sont principalement collectées grâce à un formulaire de demande de crédit, imprimé ou « en ligne ». Dans la phase de construction, les décisions d'octroi sont mises en oeuvre par un Comité de crédit qui travaille sans le support du score, de façon traditionnelle;
  • de l'historique de remboursement de ces clients : pour réaliser un bon credit scoring, il est important de disposer, parmi ceux-ci, d'un nombre suffisant de clients défaillants (n'ayant pas honorés leurs engagements), idéalement de plusieurs centaines d'unités.

Sur base de ces informations, une analyse statistiques des données personnelles des clients sera réalisée. Le travail peut se révéler complexe, puisque cette analyse doit permettre d'identifier les combinaisons de données qui sont les plus fréquentes lors de défaillances, et à partir de là, construire une grille de score qui permettra de prédire la probabilité de défaillance (versus de remboursement) de chacun des clients.

Voici quelques illustrations qui rendront nos propos plus concrets.

Quant à la neutralité des données :3 :

En tant que telle, aucune d'entre elles n'est ni « bonne » ni « mauvaise » : elles seront chacunes plus ou moins fréquentes dans les situations de défaillances, en fonction de certaines combinatoires.

Exemple :

  • une femme sera plus rarement défaillante qu'un homme;
  • une femme célibataire sera plus rarement défaillante qu'un homme célibataire;/li>
  • une femme célibataire sera plus souvent défaillante qu'une femme mariée;
  • une mère célibataire sera plus souvent défaillante qu'un père célibataire

L'exemple ci-dessus ne reprend que les données « sexe – état civil – situation parentale », mais en réalité, il s'agit toujours de combinatoires complexes, puisqu'en permanence c'est au moins 15 données qui sont observées simultanément.

Quant aux types de données utilisées dans le score4 :

Caractéristiques du modèle Sujet X Score
Age de l'emprunteur 52 ans 51
Situation maritale Concubinage ou PACS 19
Statut résidentiel Locatire 24
Lieu de résidence Provence-Alpes-Côtes d'Azur 20
Ancienneté à l'adresse actuelle 9 ans 17
Nature du contrat de travail ET ancienneté à l'emploi actuel de l'emprunteur CDI ET 25 ans 56
Fonction professionnelle de l'emprunteur Agent de service 31
Fonction professionnelle du conjoint Agent de sécurité et de surveillance 11
Nature du contrat de travail ET ancienneté à l'emploi actuel du conjoint CDD ET 5 mois 0
Revenu du ménage ET nombre de personnes du ménage 2.200 € ET 2 personnes 67
Pourcentage actuel des remboursements mensuels du ménage 0% 89
SCORE FINAL   385

Les données reprises dans cet exemple sont particulièrement élémentaires. Parmi d'autres données qui sont recueillies et qui peuvent se révéler statistiquement significatives, on peut trouver aussi : le type d'habitat (certains formulaires proposent même les catégories « chalet », « caravane »,...), le type de magasin où la demande a été faite (Inno ou Carrefour), le type d'intermédiaire utilisé (le cas échéant)...

Dans les faits...on retiendra également...

Que la qualité prédictive des données n'est pas liée à leur « légitimité » dans le cadre d'une demande de crédit.

Si le type d'habitat se révèle très efficace d'un point de vue statistique, on peut s'étonner légitimement d'une telle question dans le cadre d'une demande de crédit : cet élément n'entretient pas de relation causale avec la fiabilité individuelle du client, sa capacité de remboursement ou son honnorabilité. Cet absence de lien causal entre la donnée collectée et l'objet de la demande soulève ce que nous désignons précisément par « légitimité ». Ne devrait-on pas se limiter à la collecte d'informations en lien avec l'objet sollicité : historique du remboursement de crédits, capacité financière, stabilité des revenus, niveau de dépenses incompressible...

Des dérives sont possibles sur ce point, et pour illustration supplémentaire, nous évoquerons celle qui se développe au Royaume-Uni concernant l'usage du domicile comme critère déterminant dans l'évaluation du risque (crédit, assurance,...) : ce dernier peut devenir tellement déterminant dans certaines transactions (il est vrai que cette donnée est par ailleurs très peu coûteuse à collecter et à vérifier) que des personnes sont soit amenées à déménager pour intégrer des quartiers « mieux côtés », soit à faire du lobbying pour que leur rue change de « catégorie de risque ».

Que le credit scoring est un sujet délicat pour l'industrie, car...

La construction d'un credit scoring représente un investissement lourd pour le prêteur. Il se construit sur base d'un traitement « manuel » d'un volume significatif de demandes et il n'atteint sa pleine puissance prédictive que si un volume suffisant de défaillances a pu être observé (ce qui signifie, autrement dit, des pertes significatives).

Un tel investissement requiert donc de l'entreprise qu'elle puisse amortir ce dernier par une rationnalisation de son process et une capacité de traitement futur importante, d'où le marketing agressif mis en oeuvre par certains.

Puisque le credit scoring est particulier à chaque « type de crédit », il permet aux prêteurs de dégager un avantage concurrentiel sur une niche qu'il se sera ainsi construite. Dans cette mesure, tenter de lever le voile sur ce qu'ils considèrent comme des secrets maisons à propos du contenu de « la boîte noire » relève de l'espionage industriel.

Une qualité prédictive et une objectivité limitées

En ce qui concerne la qualité prédictive...

Le credit scoring est donc un outil prédictif d'autant plus efficace que les demandeurs ont des profils proches de ceux qui composent l'échantillon d'origine. Mais ce dernier, bien qu'il soit élaboré sur une base large, n'est pas en soi représentatif de la population belge majeure : n'oublions pas que son but est de permettre un traitement industriel des demandes, pas d'éviter que certaines personnes n'accèdent pas au crédit parce que leur profil est trop éloigné de la norme de l'échantillon.

Il se révéle dès lors peu adéquat pour estimer le risque de défaillance de profils qu'il n'a pas intégrés, qu'il n'a pas « appris à reconnaître » dans sa phase de construction. Des refus peuvent naître d'une « non reconnaissance » plutôt que d'un lien effectif avec une probabilité de défaillance.

Ces refus sont particulièrement dommageables pour les candidats clients (et notamment ceux qui auraient mené à bien le remboursement de leur crédit), puisqu'ils n'y accèdent pas. Mais ils le sont aussi pour les prêteurs, puisqu'ils ratent autant d'occasion de ventes.

En ce qui concerne l'objectivité de la méthode...

Si on comprend assez aisément que la « boîte » que constitue la méthode statistique du credit scoring traite de manière neutre les données qu'on lui fournit, on perçoit moins intuitivement que l'échantillon sur lequel elle a été construite ne l'est pas. Cet échantillon repose sur des décisions prises par les membres du Comité de crédit dans la phase de création, et intégre donc leur subjectivité de manière structurelle !

Les profils refusés, les données considérées comme rédibitoires dans la phase de construction du scoring le seront aussi par la suite... Les données qui ne sont considérées dans l'analyse le seront donc pour longtemps, car la capacité « d'apprentissage » du système est toujours lente, et sur certaines dimensions, tout à fait impossible.

Exemples :

Apprentissage possible :

Si la donnée « type de contrat » associait, dans l'échantillon, le statut « intérim » , mais que très peu de dossier aient été accepté car les membres du Comité étaient en général défavorable, les quelques dossiers comprenant cette information ont été généralement défaillant. Toutefois, cette observation peut progressivement évoluer si dans les faits, les nouveaux clients en itérim remboursent adéquatement leur crédit.

Apprentissage impossible :

Prenons l'hypothèse que les pratiques de crédit social à la consommation mise en oeuvre par des projets « sociaux » confirment que, parmi les nombreuses données collectées dans leur analyse crédit, une des plus pertinente pour distinguer les bons payeurs des mauvais est l'analyse des « dettes hors crédit » et la transparence du client à leur propos.

Si un organisme bancaire souhaite profiter de cet enseignement en intégrant cette information dans son analyse risque, il devra tout bonnement construire un nouveau credit scoring, il ne pourra pas intégrer progressivement cette dernière. Compte tenu des coûts déjà évoqués d'une telle démarche, on comprend dès lors pourquoi l'accès au crédit, quand il repose sur certains a priori, peut générer pour longtemps des refus inadéquats.

Conclusion

Le credit scoring a fortement réformé l'analyse risque crédit des prêteurs. En rendant possible un traitement massif des demandes, il a rendu le crédit accessible à une plus large frange de la population.

Sa nature statistique en fait un outil prédictif fiable, pour autant que les profils des clients ciblés soient similaires à ceux des clients ayant composé l'échantillon d'origine. Mais même établit sur une base large, l'échantillon n'est toutefois pas construit pour garantir la représentativité de la population dans son ensemble.

Cette limite méthodologique impacte donc profondément et pour longtemps l'accessibilité du crédit aux profils « hors normes ». Dans quelle mesure l'industrie prendra-t-elle cette question en main ? Comment envisage-t-elle d'y apporter une solution ?

Il est en effet indispensable que les scores, d'une manière ou d'une autre , apprennent à reconnaître ces publics et à distinguer parmi ceux-ci les différents niveaux de risque... Car sans cela, ils resteront exclus pour de mauvaises raisons, simplement parce qu'ils n'ont pas intégré l'échantillon d'origine. Et cela, n'est-ce pas de la discrimination indirecte?

1Données extraites des rapports annuels de la Centrale des Crédits aus Particuliers, Banque Nationale de Belgique

2Ensembles des modalités liées à la procédure d'octroi d'un crédit par un prêteur.

3Il ne s'agit pas ici de cas réel, même s'ils sont réalistes.

4« Mémo technique Modèles Génériques de score de crédit ou le scoring de crédit « prêt à l'emploi » », www.softcomputing.com

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Le credit scoring, ou encore scoring d'octroi, est un des outils mis en oeuvre lors de l'analyse risque d'une demande de crédit par les prêteurs. Méthode statistique adaptée à une pratique massive du crédit, son impartialité est souvent citée parmi ses vertus par l'industrie. Elle génère toutefois des refus de crédit qui n'auraient pas lieu d'être : mise en lumière d'une limite méthodologique.

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2007
Date d'édition
09/2007
Mois d'édition
Septembre

Pour apporter une réponse au surendettement, l'Europe peut-elle importer le modèle américain du Community Reinvestment Act?

Soumis par Anonyme le

Les exclus du système socio-économique sont nombreux au sein de l’Union européenne : chômeurs, femmes, immigrés, gens du voyage, jeunes universitaires sans emploi, etc. Pour répondre à des besoins de première nécessité tels que l’achat de mobilier, les réparations des installations sanitaires, des soins dentaires, l’achat de lunettes, ou encore l’obtention du permis de conduire, ces personnes doivent faire appel au crédit.

Or, pour octroyer ou non des crédits, les banques se basent sur un credit scoring, tenant compte de la situation financière du demandeur. Les personnes les plus démunies se voient, dès lors, le plus souvent refuser l’accès au crédit dans les banques traditionnelles. Lesquelles prétendent, ce faisant, agir de façon responsable en évitant à leurs clients la spirale du surendettement. Voire. Elles agissent plus certainement dans l’intérêt de leurs résultats, en se concentrant sur les produits les plus rentables. Quant aux emprunteurs potentiels, ils sont généralement contraints de frapper à la porte des prêteurs sur gage, augmentant alors, de facto, le risque de surendettement.

Pour lutter contre ce problème, à l’instar de ce qui se fait aux Etats-Unis depuis près de 30 ans, les banques européennes pourraient être appelées à s’engager dans un marché qu’elles ne connaissent pas encore : celui des personnes à revenu faible ou modéré.

Community Reinvestment Act : de quoi s’agit-il ?

Aux Etats-Unis, les communautés noires ou latino-américaines, souvent économiquement défavorisées, se trouvaient généralement exclues du marché des crédits. Pour mettre fin à cette discrimination, ou à tout le moins pour la diminuer, fut adopté le Community Reinvestment Act (CRA), en 1977, sous la présidence de Carter. Ce premier dispositif allait se voir renforcé en 1994-1995 par l’administration Clinton.

Le CRA mentionne que ‘les institutions financières ont une obligation continue et non discriminatoire d’aider à répondre aux besoins de crédit des communautés, y compris dans les régions à revenu faible ou modéré, et ce, sans que cela soit incompatible avec des pratiques de prêt saines’.

Par conséquent, les banques et autres institutions financières de prêt doivent octroyer des crédits et services financiers aux individus à revenu faible ou modéré ainsi qu’aux organisations et associations s’occupant de ces personnes et ce, dans toutes les zones géographiques où les banques proposent des comptes bancaires. Par ailleurs, elles ont l’obligation de justifier les rejets de prêts, pour lesquels seuls les critères économiques peuvent entrer en ligne de compte.1

Le respect du Community Reinvestment Act par les banques est contrôlé par l’administration fédérale. En effet, en cas de non respect du CRA, les banques s’exposent à des sanctions telles qu’une amende, la perte de l’accès au refinancement à court terme de la FED2 ou à l’arrêt temporaire des opérations du fusion ou d’acquisition.

Un mécanisme de type ‘CRA’ est-il envisageable en Europe ?

A ce jour, l’Union européenne ne dispose pas encore de contrainte légale comparable à l’égard des banques.

Cela s’explique sans doute par des traditions différentes en Europe et aux Etats-Unis. D’abord, les « communautés » en tant que telles sont, la plupart du temps, davantage fondues dans la population. Ensuite, le vieux continent a développé une tradition de banques mutuelles et coopératives lesquelles, historiquement, s’adressent à une clientèle précarisée. Enfin, l’intervention réglementaire des pouvoirs publics sur le secteur financier est généralement plus importante en Europe qu’aux États-Unis. Sous quelles conditions un CRA pourrait-il, dès lors, se développer au sein de l’Union européenne ?

Engagement envers les « communautés » ou principe de solidarité

En visant à réduire les actions discriminatoires envers certains groupes de la population (noirs, latino-américains, …), le CRA américain renvoie à la notion de communautarisme. L’analyse en termes de « communautés » n’est sans doute pas aussi pertinente en Europe. Si ce n’est au Royaume-Uni, voire un peu au Danemark, la notion même de ‘développement communautaire’ est très peu répandue en Europe. Cela ne signifie pas pour autant, loin s’en faut, que l’Europe ne compte pas son lot de personnes marginalisées d’un point de vue socio-économique. Mais on y parlera de populations exclues des services bancaires et financiers.

Aux Etats-Unis, les banques sont contraintes de consacrer une partie de leurs engagements aux « communautés », correspondant à une part de l’épargne qu’elles ont collectée auprès de ces communautés. Les banques sont examinées sur la base des résultats, et non des déclarations d’intention, en matière de lutte contre la discrimination. Ainsi, « si dans des zones d’évaluation du CRA, l’analyse statistique du portefeuille de crédits identifie des exemples de discrimination, y compris par l’absence de prêts, les banques sont appelées à se justifier. Elles doivent fournir une justification économique à leur décision de ne pas prêter. Comme ceci peut s’avérer aussi onéreux que difficile, les banques préfèrent faire de sérieux efforts pour ne pas voir leurs politiques remises en question. »3

Toutefois, dans leur souci de maximisation de la rentabilité, elles créent des Fondations qui font du ‘social banking’, de sorte que le coût du ‘social banking’ est externalisé. Le CRA crée donc, de facto, une dualisation de la société. Or, l’objectif poursuivi consiste en une mutualisation et non en une dualisation de la société et des risques bancaires.

Le Community Reinvesment Act américain pourrait, dès lors, se voir adapté au modèle socio-économique européen par l’instauration d’un principe de solidarité dans les banques et entre les banques. En effet, les produits les plus rentables doivent permettre de couvrir les coûts des produits moins rentables afin de répondre aux besoins de l’ensemble de la population.

Un système d’évaluation pourrait être mis sur pied de sorte que les instances publiques accordent un niveau de rating aux institutions financières, sur la base d’indicateurs pertinents, relatifs principalement à l’accès au crédit mais aussi aux investissements et aux services bancaires (crédit à la consommation, crédit aux indépendants, artisans et PME, crédit à l’économie sociale et solidaire). L’évaluation se ferait tant au niveau de l’action du secteur dans sa globalité que de celle de chaque opérateur en particulier.

Par ailleurs, la création d’un « fonds de compensation des banques permettrait de répartir la charge économique excédentaire que représente l’offre de crédit approprié, sur l’ensemble des opérations de crédit. Ce mécanisme de compensation rendrait neutre, sur le plan économique, la prise en charge de ce service économique d’intérêt général par certains opérateurs et éviterait ainsi une distorsion de concurrence »4.

Obligation de transparence en matière de crédit 

Aux Etats-Unis, « l’intuition première du législateur était que la menace de publicité négative à laquelle serait exposée une banque mal notée par le CRA serait suffisante pour réduire les pratiques discriminatoires de crédit. Elle s’est avérée fondée dans la mesure où peu de banques américaines ont été soumises à une amende.»5

L’expérience américaine a ainsi démontré l’importance de la transparence : tant qu’un mauvais résultat en termes de CRA entraînait une sanction sans publicité, les banques ne s’en inquiétaient pas. Dès lors que les résultats sont devenus publics, c’est-à-dire qu’ils ont touché l’image de la banque, ils sont en même temps devenus dignes d’intérêt…

Par ailleurs, le succès du CRA est dû, en partie au moins, à l’obligation de transparence de la part des institutions financières. On ne peut pas s’attendre à des avancées spectaculaires en Europe si on travaille uniquement sur une base volontaire de la part des banques.

Or, en Belgique, il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’obligation de rendre publique l’information sur les clients. Il existe une centrale positive des crédits à laquelle les prêteurs ont accès mais qui n’est pas publique : tous les crédits y sont enregistrés ; le dispensateur de crédit doit la consulter avant d’accorder un crédit. Il engage ici sa responsabilité.

Il nous semble, dès lors, essentiel de promouvoir la transparence dans les institutions financières en les obligeant à fournir périodiquement les informations sur la manière dont elles ont répondu ou non aux besoins de crédit de la population. Ces informations seraient contrôlées par un organisme indépendant et selon des procédures bien établies.

’Social banking’, banking rentable ?

Il importe de prouver aux banques qu’elles peuvent faire de la ‘finance sociale’ sans enregistrer de perte.

Aux Etats-Unis, plusieurs études ont démontré que le risque de crédit supporté par les banques n’a pas augmenté du fait de l’instauration du Community Reinvestment Act. En effet, les institutions financières ont appris à connaître un marché somme toute nouveau pour elles et la concurrence a joué son rôle dans l’économie libérale de Etats-Unis. Par conséquent, l’évaluation des risques clients s’est affinée de telle façon que le taux de créances non remboursées n’est pas plus élevé auprès des clients CRA qu’auprès des autres clients. Et les prêts hypothécaires aux personnes à revenu faible ou modéré ont augmenté de 39 % entre 1993 et 1998, selon le département du Trésor américain.

Or, chez nous, les banques ont mis au point une méthode d’évaluation des consommateurs, sur la base de leurs dépenses. Ce scoring est de plus en plus précis. Les banques disposent donc déjà d’un premier outil important pour faire crédit aussi aux groupes défavorisés.

Par ailleurs, les banques coopératives s’avèrent aussi rentables que les banques traditionnelles. Pour preuve, quelques acquisitions retentissantes des secondes par les premières, en France et en Italie notamment.

Dans son rapport « Développer des outils communs aux pouvoirs publics et aux institutions financières en vue de favoriser les droits fondamentaux dans l’Union européenne », le Réseau Financement Alternatif insistait déjà, en décembre 2005, sur la nécessité de « favoriser l’implication des institutions financières dans la promotion des droits fondamentaux »6. Ainsi, nous notions alors qu’il importe de sensibiliser les institutions financières à un secteur et à un public qu’elles ne connaissent pas encore. Parallèlement, il convient de leur expliquer l’intérêt qu’elles ont à y prendre part : amélioration de leur image, valorisation du crédit en tant que facteur économique intéressant, nouveaux clients potentiels, etc.

Allier solidarité, lutte contre le surendettement et rentabilité

In fine, l’instauration d’une évaluation sur la base, notamment, de l’accès au crédit, l’obligation de transparence ainsi que la création d’un fonds de compensation pourraient insuffler un vent de solidarité, si léger soit-il, au sein du secteur bancaire sans pour autant en gêner la rentabilité.

Par ailleurs, le CRA européen pourrait devenir un outil puissant de lutte contre le surendettement en permettant aux personnes à revenu faible ou modéré d’emprunter auprès de banques et non plus auprès de financiers aux taux usuriers.

Car, le but ultime d’un Community Reinvestment Act à l’européenne est bien de sortir les personnes précarisées de leur situation d’exclusion pour les intégrer dans l’économie de marché. Lorsque cet objectif est atteint, toutes les parties prenantes en sortent gagnantes : en priorité les personnes anciennement précarisées; mais aussi le secteur bancaire qui ‘récupère’ de nouveaux clients et les pouvoirs publics, enfin, qui évitent d’engager des coûts sociaux.

Françoise Radermacher - Juin 2006

1 Pour davantage d’informations sur le sujet, le lecteur se référera à un article précédent ‘Pour lutter contre la discrimination économique des personnes à revenu faible, l’exemple viendrait-il des Etats-Unis ?, juin 2006, www.financite.be

2 Banque Fédérale américaine

3 Pour davantage d’informations sur le sujet, le lecteur se référera à un article précédent ‘Pour lutter contre la discrimination économique des personnes à revenu faible, l’exemple viendrait-il des Etats-Unis ?, juin 2006, www.financite.be

4 BAYOT Bernard, directeur du Réseau Financement Alternatif.

5 HUDSON Kent, Le Community Reinvestment Act (CRA), 2004, page 4

6 RADERMACHER Françoise,  Développer des outils communs aux pouvoirs publics et aux institutions financières en vue de favoriser les droits fondamentaux dans l’Union européenne , rapport final d’un projet européen, page 51, décembre 2005.

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A l'instar de ce qui ce fait outre-Atlantique, l'Europe doit-elle imposer une obligation de performance sociale au secteur bancaire ? Eléments de réponse.

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