Développements macroéconomiques et financiers récents
Le point sur le secteur financier et les politiques de régulation un an après la crise et scénarios pour le futur proche.
Le point sur le secteur financier et les politiques de régulation un an après la crise et scénarios pour le futur proche.
Dans le dédale des indicateurs de pauvreté, l'approche par la définition d'un panier de biens et services minimums, ainsi que l'estimation du coût de son acquisition, semblent ouvrir des perspectives intéressantes... vers une définition absolue du phénomène ?
Le projet Terre de Liens est né de l’impulsion de plusieurs réseaux associatifs constatant les problèmes d’accès des agriculteurs à la propriété foncière. En France, la possibilité d’acheter des terres collectivement existait bel et bien depuis une trentaine d’années, par le biais des groupements fonciers agricoles, ou des sociétés civiles immobilières. Mais ces initiatives étaient peu connectées, méconnues et sujettes à des failles juridiques. Progressivement, à partir de 2003, les initiateurs de Terre de Liens dont son président Sjoerd Wartena, un Néerlandais devenu cultivateur
dans la Drôme – construisent ensemble une expertise, qui débouche en 2006 sur la création de la coopérative foncière.
Cette structure nationale d’investissement solidaire s’appuie sur le fonctionnement de groupes locaux qui entourent chaque projet de près. Toute personne qui le souhaite peut y placer son argent sous forme d’actions, qui sont affectées ou non à un projet spécifique ou à une région. L’investisseur indique son choix sur la base d’une liste fixée par un comité d’engagement. Grâce à ce système, des agriculteurs soucieux de l’avenir de leur terre, peuvent l’apporter à la foncière en échange d’actions, et léguer ces actions à leurs héritiers. Ces derniers ne sont donc pas lésés, et en même temps, le projet d’agriculture paysanne peut perdurer avec d’autres agriculteurs. La plupart de ceux qui cultivent les terres de la foncière pratiquent l’agriculture biologique, certifiée ou non. En tout cas, ils respectent les critères de l’agriculture paysanne tels que définis dans la charte du mouvement (1). En septembre 2009, la coopérative foncière possédait 15 entités agricoles et une quinzaine d’autres étaient en
cours d’acquisition.
Ce fonds destiné à devenir une fondation a été inspiré par l’exemple d’une fondation anglaise, la Land and Heritage Foundation. Il est destiné à recevoir des legs de terres agricoles, en vue de préserver leur vocation paysanne selon les critères de la charte de Terre de Liens, et d’accompagner les activités qui s’y déploient. En septembre 2009, cinq dossiers étaient bien avancés, une dizaine d’autres étaient en vue.
En France les appels publics à l’épargne sont soumis à l’obtention d’un visa de l’autorité des marchés financiers qui
établit des plafonds : en 2008, le maximum que pouvait récolter la coopérative foncière était de 3 millions d’euros, qui ont été atteints dès décembre 2008 alors que l’appel courait jusqu’avril 2009. Quant à la coopérative elle-même, qui avait déjà des réserves, elle avait atteint en mars 2009 son plafond statutaire de 5 millions. La récolte de fonds a donc été interrompue et a repris en novembre 2009 pour récolter un maximum de 6 millions avant avril 2010.
Les investisseurs sont donc enthousiastes. Ils bénéficient, il est vrai, d’un contexte fiscal favorable. Le montant moyen des souscriptions est de 2000 € (1 action = 100 €). Terre de Liens compte 42 % de femmes parmi ses investisseurs, ce qui est plus que la proportion habituelle dans d’autres types de placement.
Du côté de Terre de Liens, on garde la tête froide, car les investisseurs attirés par les arguments fiscaux sont plus volatiles. Ce qui favorise aussi cette évolution, c’est que les loyers des terres agricoles sont réglementés et modérés en France. Enfin, la crise financière a motivé beaucoup d’investisseurs à s’engager dans la foncière... Qui de toute façon a toujours plus de projets d’achat de terres que d’argent pour les acquérir !
L’association s’occupe de sensibilisation, d’accompagnement de projets, et encourage les AMAP. Ces groupes d’achat solidaires font partie intégrante du projet. L’association est soutenue par les collectivités locales et la Fondation de France. Cette structure nationale et professionnelle d’appui au lobbying, confère son poids politique et sa visibilité au mouvement. Celui-ci compte dans ses différentes composantes, des partenaires tant publics que privés, parmi lesquels des banques, des réseaux de transformation et de distribution des produits, des experts juridiques, comptables, associatifs... Et bien entendu, Terre de Liens oeuvre à la construction de réseaux transnationaux pour défendre l’agriculture paysanne à plus large échelle. À bon entendeur, salut !
En bref : Terre de Liens est un projet global de soutien à l'agriculture paysanne, qui inclut : une coopérative foncière un mouvement associatif basé sur une coordination nationale et des antennes locales un fonds de dotation.
AMAP : Association pour le maintien de l'agriculture paysanne
GAS ou GASAP : Groupes d’achat solidaires (de l’agriculture paysanne)
GACs : Groupes d’achats communs ou collectifs
Paniers bio : formule d’abonnement à un panier bio hebdomadaire (panier de légumes, panier mixte de fruits et légumes, ou assortiment d’autres produits, comme des fromages).
Circuits courts : circuits de distribution de produits paysans (bio pour la plupart, mais la certification n’est pas toujours requise) permettant aux producteurs de fidéliser une clientèle de proximité qui, en s’abonnant, contribue au financement de son activité. Pour le consommateur, l’avantage est d’être livré régulièrement et à un prix intéressant du fait qu’il n’y a pas d’intermédiaire rémunéré. Si les distances sont réduites, le circuit est encore plus court !
Préfinancement : l’abonnement à un service régulier de livraison de produits fermiers, permet de financer a minima la distribution des produits. Si l’engagement du consommateur s’inscrit dans le long terme comme le proposent les GASAP (via un contrat d'un an), l’assurance d’un revenu régulier pour le producteur facilite le financement de l’ensemble de son activité, depuis la production jusqu’à la livraison en passant par la transformation.
Il existe différents types de groupements d'achat, hebdomadaires ou bi-mensuels, de légumes ou autres victuailles de producteurs paysans. Leurs membres se répartissent les tâches liées aux commandes et aux livraisons. En général, les paniers sont livrés dans le local d’une association ou d’un particulier et les acheteurs peuvent venir les chercher à un moment déterminé ou endéans une tranche horaire convenue. Certains magasins de produits bio proposent un service similaire. Du côté des producteurs, d'aucuns proposent aux consommateurs de s’abonner à de tels paniers via leur site Internet. Dans ce cas, le GAS local ne s’occupe que des livraisons et non des commandes. D'autres groupes gèrent eux-mêmes les commandes, bref les modes de paiement et les formules d'abonnement diffèrent quelque peu d'un groupe à l'autre.
Le point commun de tous ces groupes est en tout cas de sortir de la logique individuelle qui caractérise en général l'acte d'achat, pour agir collectivement, dans un esprit de coopération avec les producteurs. Ils partagent donc tous une optique de solidarité vis-à-vis de l’agriculture paysanne, même s’ils ne s’appellent pas formellement « GASAP » ou « AMAP » (cette dernière abréviation étant plus couramment utilisée en France). Ces distinctions de noms sont liées à l’histoire des groupes d’achat, certains existant depuis plus de 10 ans... La preuve que ça marche ! Les demandes d'adhésion sont d'ailleurs en croissance constante.
L'engagement des membres et l'assortiment de produits achetés en commun varient aussi d'un groupe à l'autre. Certains GAS tiennent à acheter des produits certifiés bio. Pour d'autres ce critère n'est pas prépondérant, à partir du moment où une relation de confiance est établie avec le producteur qu'ils ont choisi en connaissance de cause.
Riches de leur diversité d'expériences, nouveaux et anciens groupes locaux sont invités à rejoindre le réseau des GAS(AP) et à adopter la charte proposée par le collectif des GAS de Bruxelles. Cette charte, signée par les membres des groupes d'achat solidaires et par les producteurs qui les fournissent, définit les principes de l'agriculture paysanne, de l'écologie et de l'alimentation sur base de produits locaux. Il s'agit aussi de fonctionner en autogestion et en toute convivialité. La charte propose enfin des critères de choix des produits et des producteurs ainsi que des modes d'organisation pratique.
Depuis que les producteurs laitiers wallons ont tempêté durant tout l'été 2009 jusqu'à aller déverser leur lait dans les champs de Ciney, de nombreux citoyens veulent soutenir plus concrètement l'agriculture paysanne. Un réseau d'organisations actives dans ce domaine et aux expertises complémentaires s'échafaude. Il s'agit de stimuler les bonnes pratiques par le biais d'échanges d'expériences, de favoriser l'autonomie des producteurs, de promouvoir les pratiques agricoles garantes du respect de l'environnement et les conditions de travail décentes pour les paysans. Ces organisations veulent aussi s'entendre pour pouvoir exercer une influence plus décisive sur les décideurs politiques.
Et parce que le rapport de force ne se construit pas sans argent, il s'agit de promouvoir, via ce réseau, des pratiques financières solidaires permettant aux citoyens de soutenir l'agriculture paysanne non seulement comme consommateurs mais aussi comme investisseurs !
Des coopératives agricoles existent depuis de nombreuses années en Belgique : Ferme du Hayon à Virton (coopérative foncière créée en 1997), Coprosain (coopérative de transformation créée en 1985)... Saluons la toute nouvelle coopérative de producteurs laitiers Faircoop !
D'autres producteurs se font financer par le biais d'abonnements regroupés au sein des GAS : la ferme Arc-en-Ciel de Wellin qui a adopté ce mode de distribution en 2007, a pu depuis, créer un emploi supplémentaire.
En Flandre, grâce aux « Voedselteams » qui existent depuis 1996, 80 producteurs livrent chaque semaine le fruit de leur travail à 2000 familles... Dont le nombre croît d'année en année.
Quant au succès rencontré en France par Terre de Liens, il suscite un véritable engouement en Wallonie comme en Flandre. Son initiateur, Sjoerd Wartena, Néerlandais établi dans la Drôme, s'en félicite. Pour lui, il va de soi que la promotion d'une agriculture paysanne, durable et solidaire, doit se faire au niveau européen et il y contribue activement !
Christophe Col : Notre projet était de monter une chèvrerie nous permettant d’écouler nos produits en circuit court, afin de pouvoir maîtriser à la fois la production, la transformation et la commercialisation. Sans cela, il est très difficile pour un agriculteur de vivre de son métier. La vente de matières premières n’est pas assez rentable. Nous cherchions donc un lieu pas trop isolé pour rendre possible ce type de commercialisation. Cependant, en Wallonie, les terres comme les bâtiments sont chers. Surtout les petites fermes ! Après 3 ou 4 ans, l’opportunité de racheter la Baillerie s’est présentée. Le bâtiment était dans un état lamentable. Nous étions surtout intéressés par les terres, c’est pourquoi nous nous sommes associés à quatre autres ménages intéressés par l’acquisition d’un logement à rénover à un prix abordable, dans un cadre verdoyant. Nous avons donc combiné le projet d’un habitat groupé à celui de notre chèvrerie. Cette dernière est gérée par une coopérative de production.
CC : Il ne s’agit pas de pâturages mais de terres agricoles où nous cultivons la nourriture des chèvres, afin de pouvoir fonctionner en autonomie. L’élevage extensif n’est pas viable économiquement parlant : quand les chèvres broutent, elles sélectionnent leur nourriture au point, parfois, de ne plus produire de lait. Nous les élevons donc en étable en leur procurant une nourriture sélectionnée. D’un autre côté, l’achat des intrants n’est pas seulement onéreux pour l’éleveur, c’est une ruine pour la planète. Les tourteaux de soja importés en Europe appauvrissent les sols d’où ils sont extraits et nécessitent des transports coûteux en énergie. Quant au lisier, on ne sait plus où le mettre.
CC : comme nous n’avions pas la mise de fonds nécessaire pour acheter les 10 ha proposés à la vente, des membres de la famille ont acheté 6 ha et ont contracté avec nous un bail à ferme. Restait à financer l’acquisition des 4 ha restants. Nous sommes allés voir deux banques spécialisées dans ce type de projet. En vain. Nous nous sommes alors tournés vers Crédal, qui nous a prêté 25 000 €. Pour rembourser cet emprunt, nous avons créé une coopérative foncière, « Terre de la Baillerie », et proposé des parts de coopérateurs (150 € la part) dans notre entourage. À ce stade, le nombre de coopérateurs nécessaire est presque atteint.
CC : La coopérative de production est la propriété des chevilles ouvrières du projet : trois travailleurs et deux « experts » garants du respect des critères définis pour ce projet, visant une agriculture durable et des produits de qualité. Nous ne voulions pas prendre le risque de mettre ce projet en péril en ouvrant la coopérative à un grand nombre de coopérateurs, à partir du moment où un homme égale une voix. Notre expérience de 10 ans de travail à la chèvrerie De Levende Aarde à Alken (Limbourg) nous a appris les limites et les possibilités de cette structure juridique. Quand on veut assurer à la fois la production, la transformation et la commercialisation, on ne peut travailler seul. Il faut une équipe, constituée de partenaires extrêmement motivés et impliqués car ce travail est très exigeant : 7 jours sur 7, 24 h sur 24 et pas de congés avant des années ! J’en ai vu passer des jeunes agronomes à Alken, qui se dégonflaient après 6 mois. Pour tenir dans la durée, il faut une association de personnes de confiance. Par contre, pour la coopérative foncière, nous avons joué le jeu de l’ouverture, d’une part pour des raisons financières, et d’autre part pour permettre au voisinage et aux clients d’avoir leur mot à dire. Il y a beaucoup à faire sur le plan pédagogique, mais nous n’en sommes pas encore là, nous voilà occupés à repaver la cour et notre habitation est en plein chantier !
CC : En effet, nous transformons nous-mêmes nos 60 000 litres annuels de lait de chèvre et vendons nos fromages et yaourts dans un rayon de 18 km, principalement sur les marchés du Brabant wallon. Il y a aussi une échoppe à la ferme à Bousval. Clients curieux bienvenus !
Marc Fichers : Nature & Progrès ne croit en la survie de l'agriculture qu’à condition que l’agriculteur maîtrise la transformation et la commercialisation de son produit. Nous ne croyons plus à une agriculture basée sur une fourniture d’ingrédients où la valorisation est aux mains de l’industrie. L’avenir est principalement dans les produits à haute valeur ajoutée : fruits et légumes, voire fromage, ce qui nécessite peu de surfaces.
Nous croyons plus à la complémentarité et au partage de terres entre des agriculteurs plutôt qu’à l’acquisition de terres en propre. Si de nouveaux maraîchers veulent s’installer, ils ont intérêt à s’arranger avec un agriculteur qui fait de grandes cultures en bio en lui louant 2 ou 3 hectares, plutôt qu'à s’endetter pour acheter. L’accès à la terre peut être réalisé par une mise à disposition de la terre. Nous voyons plus de possibilités dans l’échange humain.
M.F. : L’agriculteur conventionnel ou même bio actuellement est un fournisseur d’ingrédients pour l’agro-industrie. Le problème central de la crise agricole, c’est que les agriculteurs sont producteurs d’ingrédients et, pire, ils ne sont pas maîtres de la transformation et de la commercialisation de leur production. Par exemple, on ne peut pas dire que l’agriculteur vende son lait. Non, l’agriculteur livre son lait, c’est là toute la différence.
M.F. : On vit dans un petit pays et nous avons des terres minuscules au regard de ce qui se rencontre ailleurs dans le monde. Il n’y a de possibilités de développement que dans l’appropriation de l’outil de transformation et de commercialisation par l’agriculteur. Ce qui passe par le rapprochement entre le consommateur et le producteur : le consommateur doit être conscient qu’il peut exercer une influence sur son environnement social et économique. Il faut éviter que, par l’achat de nos produits alimentaires, nous fassions le jeu de l’agro-industrie.
M.F. : Les groupes d’achats collectifs (cf. p. 8) sont intéressants parce que ce sont des laboratoires d’échanges, de discussion, de sensibilisation. Mais, pour nous, la solution est clairement dans l’appropriation de la transformation et de la commercialisation par l’agriculteur. Il faut que l’agriculteur soit maître de son outil.
M.F. : En Belgique, l’agriculteur est une personne qui travaille plutôt seule. On ne connaît pas beaucoup d’agriculteurs qui acceptent de partager leurs idées, leurs outils, voire leur production. Ici, ça a rarement pris. Peut-être que la situation amènera à ce que cela se développe.
N'oublions pas que les grandes fromageries ou les grandes structures de transformation du lait étaient toutes des coopératives d’agriculteurs au départ. En grandissant, elles ont fait rentrer du capital extérieur dans leur structure pour, à la fin, se faire racheter par des grands groupes agro-industriels. Au départ, c'étaient toutes de petites structures coopératives. Il faut bien mettre au point les règles du jeu dès le départ : coopératives, oui, mais clairement dans les mains des agriculteurs.
M.F. : Certainement. La terre est très chère en Belgique. Le développement des terres agricoles doit-il passer par la propriété ? Je n’en suis pas certain. C'est pourquoi nous prônons aussi la location ou la sous-location. Actuellement, de nombreuses structures publiques sont en train de vendre leurs terres : les CPAS, les églises, certaines structures publiques qui, avant, mettaient leurs terres en location. Le cahier des charges de ces ventes peut très bien contenir des clauses favorisant des agriculteurs qui veulent s’installer en production maraîchère pour la vente en circuit court, pour la vente locale. Toutes ces structures publiques mettent aussi en location de grandes quantités de terres. Les principaux critères actuels sont le prix et la proximité. On peut aussi plaider pour des critères d’attribution tenant compte de la production locale, respectueuse de l’environnement, dans le cas d'un bail à ferme. Celui-ci permet un accès à la terre, non pas en tant que propriétaire, mais en tant que locataire.