Nouvelles solidarités pour le développement
En bref :
- L'argent envoyé par les migrants est un complément précieux à l'aide publique au développement.
- Ces transferts peuvent cependant avoir des effets néfastes.
- Point positif : de plus en plus de migrants accordent une partie de leurs transferts à des projets locaux dans le Sud.
Aide et/ou assistanat ?
Pour l'année 2010, la Belgique a investi 3 milliards de dollars dans l'aide aux pays en voie de développement, soit 0,64 % de son produit national brut. Ceci constitue une belle augmentation par rapport à 2009(1), mais reste inférieur à l'objectif légal d'atteindre 0,7 % en 2010. En parallèle, la somme d'argent envoyée par l'ensemble des travailleurs migrants de Belgique dans leur pays d'origine est estimée à 394 millions d'euros. Et selon l'Organisation internationale de la migration (OIM), un montant presque équivalent, non comptabilisé dans les statistiques officielles, serait envoyé dans le Sud par des canaux informels. L'argent envoyé par les migrants dans leur pays d'origine constitue donc une solide bouée de sauvetage pour les familles bénéficiaires, et les répercussions sur les pays d'origine sont nombreuses. Parmi les effets positifs, les transferts constituent notamment une source importante de devises pour les pays receveurs, ils permettent une meilleure répartition des revenus, ils peuvent générer des activités productives pour les habitants locaux, ils suppléent à l'inefficacité du système de santé et d'éducation... Parmi les effets négatifs – car il y en a aussi –, les transferts financiers engendrent souvent une augmentation de la consommation de biens importés au détriment de la consommation de produits locaux. L'argent transféré est dépensé, le plus souvent, de façon immédiate et est très peu réinvesti dans l'économie du pays. Ceci entretient une culture de la dépendance, rendant les familles bénéficiaires très vulnérables à un arrêt de ces transferts, qui tendent à diminuer à mesure que le migrant s'enracine dans son pays d’accueil.
Du Nord au Sud et réciproquement
La migration est avant tout une affaire de développement, de bien-être durable désiré – et idéalement partagé – par tous(2), pouvait-on lire dans le journal de la coopération belge au développement (CTB) en mars dernier. Selon Jean-Pierre Lahaye, coordinateur de la Cellule d'appui pour la solidarité internationale wallonne (CASIW), c'est avant tout une question d'humanisme. De véritables structures se créent pour aller plus loin que le « simple » transfert d'argent. Le plus souvent, elles se créent d'abord pour aider à l'intégration dans le pays d’accueil. Mais une fois l'intégration réussie, le lien avec le pays d'origine revient en force. Ainsi est apparu ce qu'on appelle, dans le langage des initiés, les OSIM (organisations de solidarité internationale pour la migration). Il en existerait plus de 300 en Belgique, regroupant les diasporas d'Afrique et d'Amérique latine essentiellement, mais également du Moyen-Orient. Les OSIM fonctionnent pour la plupart grâce au bénévolat. Certaines, après s'être constituées en ASBL, vont plus loin en créant une coopérative dont les bénéfices sont affectés à des projets locaux dans le Sud. D'autres encore créent un fonds d'investissement servant à accorder du crédit aux populations locales à qui les banques ont fermé la porte.
Vers un outil d'action internationale ?
Pourquoi qualifie-t-on d'OSIM les structures qui aident à l'intégration dans le Nord ? L'objectif des OSIM est de dépasser le stade de la consommation personnelle des transferts pour atteindre un niveau plus communautaire. Lorsqu'ils sont intégrés, les migrants parlent de façon beaucoup plus positive et réaliste du pays hôte. L'intégration enrichit considérablement la solidarité entre les migrants et les populations des pays d’accueil, précise J-P. Lahaye.
Si elles ne bénéficient pas de définition légale, les OSIM commencent à trouver écho au niveau politique. L'ONU, l'OCDE et la Commission européenne reconnaissent de plus en plus le rôle majeur que peuvent jouer les migrants dans le développement de leur pays d'origine. En Belgique aussi l'intérêt grandit. La Flandre considère les associations de migrants comme le quatrième pilier de développement, aux côtés des acteurs traditionnels que sont la coopération bilatérale (entre deux pays), la coopération multilatérale et la coopération non gouvernementale. La Région wallonne, via sa Cellule d'appui pour la solidarité internationale wallonne, continue également de soutenir de nombreuses OSIM(3). Ainsi voit-on naître une nouvelle forme de système d'entraide financière Nord-Sud basée, non plus sur le subside public, mais sur l’institutionnalisation d’initiatives citoyennes.
1. +19,1 % par rapport à 2009.
2. Dimension 3, février-mars 2011, p.3.
3. Lire à ce sujet MOUTON, A., « Les jeteurs de ponts », dans Dimension 3, pp. 8-9, février-mars 2011.
Pour beaucoup de pays du tiers-monde, les transferts de fonds internationaux représentent une rentrée d'argent plus importante que l'aide publique au développement. Mais la solidarité Nord-Sud ne se traduit pas uniquement par l'envoi d'argent. Certains migrants vont beaucoup plus loin...