Et maintenant, action !
Comme expliqué dans le dossier de ce numéro, plusieurs pays ont déjà pris des mesures pour séparer banque de dépôt et banque d'affaires, mais ces mesures ont du mal à être traduites en pratique (États-Unis), ne sont pas encore entrées en vigueur (Royaume-Uni) ou ne changent pratiquement rien à la situation actuelle (France et Allemagne). Côté européen, la Commission planche actuellement sur une proposition qui devrait être rendue publique courant 2014. La réforme à la clé promet d’être ambitieuse – elle semble suivre les recommandations du rapport Liikanen –, mais on ignore ce qu'il en adviendra une fois passé la barre du Parlement, puis celle du Conseil des ministres (des Finances). Les ministres dont le pays comporte de grandes banques universelles ne sont pas enclins, comme le traduisent les réformes bancaires nationales décrites plus haut, à faire passer une directive qui réduirait la taille de leurs piliers économiques.
Et en Belgique...
À l'heure de boucler ces pages, le gouvernement belge planche sur sa réforme bancaire. Malheureusement, les récentes déclarations du ministre des Finances, Koen Geens, ne s’orientent pas du tout vers une séparation stricte des métiers bancaires. La proposition avancée suggère, en effet, qu'en deçà d'un certain seuil, les banques de dépôt puissent continuer à investir pour compte propre. Ce n'est qu'au-delà de ce seuil que les activités spéculatives devraient être basculées vers une autre entité de la banque.
En place d'une séparation stricte, le cantonnement de la banque d'investissement tel que cette proposition le prévoit ne préserve pas du risque que la faillite de l’activité de la banque d’affaires se propage à la banque de dépôt. La BNB admet elle-même qu’il subsiste un « risque de réputation ». En somme, cette solution fait courir le risque qu'en cas de nouvelle crise, l’État ait à nouveau à couper dans les dépenses sociales pour, comme en 2008, apporter son aide aux banques et sauver le système. Or, ce sauvetage a été intégralement financé par une augmentation de la dette publique (voir encadré). Aujourd'hui, le citoyen belge n'a absolument plus les moyens d'une deuxième intervention pour sauver les banques. Par conséquent, toute proposition qui ne donne pas la garantie totale qu'en cas de crise, les pouvoirs publics ne devront pas réinjecter de l'argent pour sauver les banques est inacceptable.
En résumé, que reste-t-il ?
La Belgique préfère ne pas s'engager plus que ses voisins ! Quant à la Commission européenne, elle voudrait bien imposer des règles strictes, mais elle se voit, elle aussi, submergée par la pression de l'industrie bancaire et risque de voir sa proposition détricotée. Parallèlement, le citoyen s'estime souvent trop peu averti pour émettre le moindre avis. Pourtant, c'est lui qui paiera les conséquences d'une nouvelle crise.
Même s'il n'est pas expert, le citoyen doit exiger que ses dirigeants prennent leurs responsabilités et agissent dans l'intérêt général, celui qui œuvre en faveur de la société dans son ensemble et non de quelques-uns.
Il ne s'agit pas ici de tuer la spéculation (ceci est un autre débat), ni de tuer l'industrie financière. Il s'agit de réaffirmer à nos politiciens que nous refusons de supporter et de payer les conséquences d'une nouvelle prise de risque exagérée et dangereuse de la part de l'industrie financière.
Le coût de la crise
Au plus fort de la crise, les pouvoirs publics sont intervenus pour « sauver » les banques (Fortis, Dexia, KBC et Ethias) avec des dizaines de milliards d’euros publics. Et cela, en les recapitalisant (en devenant actionnaire), en se portant garants (en sorte qu’elles puissent continuer à se financer sur les marchés) ou en leur prêtant purement et simplement de l’argent.
À ce jour, la cession de BNPP Fortis et de Royal Park Investments (la « bad bank » de Fortis), le remboursement du prêt (avec intérêts) par la KBC et les commissions obtenues sur les garanties d’État ont rapporté 6,65 milliards de recettes à ce dernier.
Un bilan positif pour le contribuable belge ? Rien n’est moins sûr !
1° L’État belge est toujours actionnaire à 10,8 % du groupe français BNP Paribas et à 100 % de Belfius, la filiale belge du groupe Dexia, nationalisée en 2011. Difficile de prédire si la revente éventuelle de ces participations générera une bonne ou une mauvaise affaire par rapport à l’investissement réalisé.
2° La situation du groupe franco-belge Dexia, en liquidation, est très préoccupante. Les pouvoirs publics belges sont intervenus à plusieurs reprises (en 2008 et 2012) pour recapitaliser le groupe, qui détient des actifs risqués. Les pertes sur ces investissements (3,9 milliards d’euros) pourraient être salées. La Belgique garantit également le financement de Dexia à hauteur de 43,7 milliards d’euros. Cette somme serait automatiquement activée en cas de faillite.
3° Enfin, les recettes évoquées ne tiennent pas compte du coût de financement de l’intervention publique. Ces sauvetages bancaires, dont le coût est évalué par le CADTM à 32,6 milliards d’euros, soit environ 9 % du PIB belge, ont été intégralement financés via une augmentation de la dette publique, avec paiement d’intérêts à la clé. Des dépenses qui ont certainement nécessité des réajustements budgétaires, avec la mise en place de mesures d’austérité.
Le citoyen a tendance à s'exclure du débat lorsqu'il s'agit de parler de finance. Pourtant,les dysfonctionnements du secteur l'impactent directement.