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Et maintenant, action !

Soumis par Anonyme le

Comme expliqué dans le dossier de ce numéro, plusieurs pays ont déjà pris des mesures pour séparer banque de dépôt et banque d'affaires, mais ces mesures ont du mal à être traduites en pratique (États-Unis), ne sont pas encore entrées en vigueur (Royaume-Uni) ou ne changent pratiquement rien à la situation actuelle (France et Allemagne). Côté européen, la Commission planche actuellement sur une proposition qui devrait être rendue publique courant 2014. La réforme à la clé promet d’être ambitieuse – elle semble suivre les recommandations du rapport Liikanen –, mais on ignore ce qu'il en adviendra une fois passé la barre du Parlement, puis celle du Conseil des ministres (des Finances). Les ministres dont le pays comporte de grandes banques universelles ne sont pas enclins, comme le traduisent les réformes bancaires nationales décrites plus haut, à faire passer une directive qui réduirait la taille de leurs piliers économiques.

Et en Belgique...

À l'heure de boucler ces pages, le gouvernement belge planche sur sa réforme bancaire. Malheureusement, les récentes déclarations du ministre des Finances, Koen Geens, ne s’orientent pas du tout vers une séparation stricte des métiers bancaires. La proposition avancée suggère, en effet, qu'en deçà d'un certain seuil, les banques de dépôt puissent continuer à investir pour compte propre. Ce n'est qu'au-delà de ce seuil que les activités spéculatives devraient être basculées vers une autre entité de la banque.
En place d'une séparation stricte, le cantonnement de la banque d'investissement tel que cette proposition le prévoit ne préserve pas du risque que la faillite de l’activité de la banque d’affaires se propage à la banque de dépôt. La BNB admet elle-même qu’il subsiste un « risque de réputation ». En somme, cette solution fait courir le risque qu'en cas de nouvelle crise, l’État ait à nouveau à couper dans les dépenses sociales pour, comme en 2008, apporter son aide aux banques et sauver le système. Or, ce sauvetage a été intégralement financé par une augmentation de la dette publique (voir encadré). Aujourd'hui, le citoyen belge n'a absolument plus les moyens d'une deuxième intervention pour sauver les banques. Par conséquent, toute proposition qui ne donne pas la garantie totale qu'en cas de crise, les pouvoirs publics ne devront pas réinjecter de l'argent pour sauver les banques est inacceptable.

En résumé, que reste-t-il ?

La Belgique préfère ne pas s'engager plus que ses voisins ! Quant à la Commission européenne, elle voudrait bien imposer des règles strictes, mais elle se voit, elle aussi, submergée par la pression de l'industrie bancaire et risque de voir sa proposition détricotée. Parallèlement, le citoyen s'estime souvent trop peu averti pour émettre le moindre avis. Pourtant, c'est lui qui paiera les conséquences d'une nouvelle crise.
Même s'il n'est pas expert, le citoyen doit exiger que ses dirigeants prennent leurs responsabilités et agissent dans l'intérêt général, celui qui œuvre en faveur de la société dans son ensemble et non de quelques-uns.
Il ne s'agit pas ici de tuer la spéculation (ceci est un autre débat), ni de tuer l'industrie financière. Il s'agit de réaffirmer à nos politiciens que nous refusons de supporter et de payer les conséquences d'une nouvelle prise de risque exagérée et dangereuse de la part de l'industrie financière.

Le coût de la crise

 Au plus fort de la crise, les pouvoirs publics sont intervenus pour « sauver » les banques (Fortis, Dexia, KBC et Ethias) avec des dizaines de milliards d’euros publics. Et cela, en les recapitalisant (en devenant actionnaire), en se portant garants (en sorte qu’elles puissent continuer à se financer sur les marchés) ou en leur prêtant purement et simplement de l’argent.

À ce jour, la cession de BNPP Fortis et de Royal Park Investments (la « bad bank » de Fortis), le remboursement du prêt (avec intérêts) par la KBC et les commissions obtenues sur les garanties d’État ont rapporté 6,65 milliards de recettes à ce dernier.

Un bilan positif pour le contribuable belge ? Rien n’est moins sûr !

L’État belge est toujours actionnaire à 10,8 % du groupe français BNP Paribas et à 100 % de Belfius, la filiale belge du groupe Dexia, nationalisée en 2011. Difficile de prédire si la revente éventuelle de ces participations générera une bonne ou une mauvaise affaire par rapport à l’investissement réalisé.

La situation du groupe franco-belge Dexia, en liquidation, est très préoccupante. Les pouvoirs publics belges sont intervenus à plusieurs reprises (en 2008 et 2012) pour recapitaliser le groupe, qui détient des actifs risqués. Les pertes sur ces investissements (3,9 milliards d’euros) pourraient être salées. La Belgique garantit également le financement de Dexia à hauteur de 43,7 milliards d’euros. Cette somme serait automatiquement activée en cas de faillite.

Enfin, les recettes évoquées ne tiennent pas compte du coût de financement de l’intervention publique. Ces sauvetages bancaires, dont le coût est évalué par le CADTM à 32,6 milliards d’euros, soit environ 9 % du PIB belge, ont été intégralement financés via une augmentation de la dette publique, avec paiement d’intérêts à la clé. Des dépenses qui ont certainement nécessité des réajustements budgétaires, avec la mise en place de mesures d’austérité.

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Le citoyen a tendance à s'exclure du débat lorsqu'il s'agit de parler de finance. Pourtant,les dysfonctionnements du secteur l'impactent directement.

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2013
Jour d'édition
1
Date d'édition
01/11/2013
Mois d'édition
Novembre

Mais alors, l'ISR, à quoi ça sert?

Soumis par Anonyme le

En bref

  • Pas de vraie responsabilité, sans norme minimale.

  • L'investissement solidaire, c'est aussi du direct.

La transparence, élément central

En raison d'un manque de transparence et d'information, l'investisseur peut difficilement, aujourd'hui, juger de la qualité éthique des produits socialement responsables. L'analyse des fonds montre également que, finalement, il y a peu de différences au niveau des entreprises présentes dans un fonds socialement responsable et celles qu'on retrouve dans un fonds « classique ». Enfin, la demande en ISR n'est pas encore suffisamment forte pour forcer toutes les entreprises à aller plus loin que le greenwashing. Notre difficulté à trouver des sociétés acceptant d'être interviewées sur le sujet pour ce numéro en est d'ailleurs un signe. Telenet, Delhaize, Colruyt, KBC et Belgacom ont reçu notre questionnaire demandant d'expliciter en détails leur politique RSE et leur intérêt à faire partie d'un fonds ISR. KBC nous a reçus, Belgacom nous a répondu sans nous accorder d'interview, et nos autres demandes sont restées sans réponse.

Une norme minimale, point de départ

Pourtant, ce constat peu réjouissant justifierait-il de jeter le bébé avec l'eau du bain ? Lorsque l'on parle d'ISR, on pense principalement aux fonds de placement composés majoritairement de grandes capitalisations boursières. Mais, même si pour ce type de produit l'investissement socialement responsable est largement perfectible, il n'en est pas pour autant inutile. Pour que l'ISR donne sa pleine mesure, il faudrait d'abord la mise en place d'une norme qui garantirait une qualité minimum légale, plus de transparence de la part des banques et des entreprises, et une approche plus axée sur les résultats que sur les processus en matière de responsabilité sociale. Une offre plus large et de meilleure qualité ainsi qu'une promotion plus active des produits ISR permettrait à l'opinion publique d'en cerner les avantages. De telles actions augmenteraient à coup sûr la demande et, par conséquent, impacteraient davantage le comportement des entreprises.

Investir autrement

L'ISR tel qu'on l'entend plus haut ne profite en rien aux petites et moyennes entreprises de notre pays qui peuvent, pourtant, avoir un impact sociétal positif. Ajoutons que le secteur des PME pèse lourd dans le PIB belge. À l’heure du « capital patient », où les entreprises ont besoin d’un soutien de longue haleine, il parait indispensable que les pouvoirs publics assurent la promotion d’autres formes de placements socialement responsables, en dehors de tout jeu boursier. Mais les particuliers peuvent aussi changer la donne. Quand on dépose son argent sur un compte d'épargne éthique, les risques de perdre du capital sont nuls. En achetant une part ou plusieurs parts d'une coopérative agréée ou à finalité sociale ou des obligations d'ASBL, l'investissement éthique est à la portée de chacun¹. C'est sans doute là que l'ISR prend tout son sens.

1. À titre d'exemple, une part de coopérateur chez Alterfin (coopérative agréée qui octroie des microcrédits dans le Sud) coûte 62,5 € et a rendu un dividende de 3,75 % en 2011.


Entreprises responsables ou pas ?

3 questions à Herwig Peeters, directeur d'Ethibel, agence de notation extra-financière pionnière en Belgique.

Y a-t-il un intérêt de la part des entreprises en Belgique à se retrouver dans l’un de vos labels ISR ?

Il est très difficile de parler de manière générale, mais nous percevons un véritable intérêt, dans le sens où les entreprises reprises dans l'un de nos deux labels veulent le mentionner dans leur rapport annuel ou dans leur rapport de durabilité. En termes d’image, c’est important pour elles. Nous sommes en contact avec ces entreprises 5 à 6 fois par an, nous suivons donc de très près les évolutions.

Et au niveau de l’effort fourni justement ? Quelle est la tendance chez nous ?

Il y a de tout bien sûr. Des entreprises qui font un réel effort, d’autres qui ne s’en préoccupent pas. Il n’y a pas d’obligation légale en Belgique, contrairement à la France, à communiquer sur ses performances ESG¹. L’initiative est toujours volontaire, c’est un problème, bien sûr. Au niveau européen aussi. Par exemple, les lois sociales dans les pays scandinaves sont très développées, les entreprises scandinaves ne mentionnent donc souvent pas ces critères dans leur rapport annuel et peuvent passer pour de mauvais élèves en la matière, alors que c'est généralement le contraire. Vous l'aurez compris, c'est une uniformisation au niveau européen qui est nécessaire. Après vingt années passées chez Ethibel, je peux tout de même témoigner d’une vraie évolution, d’une prise de conscience de la part de bon nombre d'entreprises belges cotées ou non cotées en Bourse. Umicore, géant industriel qui a un passé lourd, pas spécialement une bonne réputation, a par exemple totalement viré de bord en quelques années, modifiant très fortement sa culture d'entreprise pour répondre à des exigences ESG. C’est l'un des plus beaux exemples que je puisse citer à ce jour.

Cette prise de conscience est-elle suffisante ?

Non, mais elle est positive tout de même. Au regard du marché américain par exemple, l’Europe s’en sort mieux. L’ISR vient des États-Unis, mais force est de constater que la réalité sociale et environnementale a très mal évolué là-bas. La crise financière constitue bien sûr un paramètre central, ici et là-bas : les entreprises ont moins d’argent. Changer de comportement, prendre en compte de nouveaux critères est une politique à mettre en place sur le long terme, cela prend plusieurs années surtout lorsque l’on parle de grosses structures. Les changements au niveau du management et de l’organisation sont conséquents et les coûts engendrés également.

1. Environnementaux, Sociaux et de bonne Gouvernance.

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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À la lecture des différents articles de ce dossier, on pourrait penser qu'investir dans des produits ISR ne sert à rien tant l'impact sur les entreprises et les États est peu quantifiable. En réalité, tout est dans l'art et la manière.

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Année d'édition
2013
Date d'édition
2013

Quand l'éthique devient risque

Soumis par Anonyme le

En bref

  • Les nouvelles agences de notation sociale manquent d'indépendance.

  • La définition de la responsabilité sociale des entreprises est trop laxiste.

Selon vous, l'ISR a été détourné de son propos initial...

La finance éthique, à l'heure actuelle, est un oxymore. Elle a effectivement été détournée de son sens originel, victime de son succès. Elle n'a pas su proposer d'alternatives crédibles aux dérives de la spéculation et à la cupidité du système bancaire. L'ISR part d'une bonne intention, mais la finance éthique s'est mise à parler le langage du monde financier et a, du coup, récupéré ses mauvaises habitudes.

Vous montrez du doigt notamment les agences de notation sociale. Pourquoi ?

Il y a eu trois grandes évolutions au niveau de ce type d'agences. Les premières sont nées dans les années 80, fruit d'un mouvement social, de militants, loin des professionnels de la finance. Cette première génération était réellement éthique. On s'y intéressait à l'impact des entreprises sur le bien-être social et environnemental des communautés concernées. Ces premières agences ont quasi disparu, victimes d'une concentration du secteur et, surtout, d'une transformation plus générale. Dans les années 90, on entre dans l'ère du développement durable, on commence à parler de « responsabilité sociale des entreprises ». Avoir une image responsable devient important pour les entreprises, le patronat s'en rend compte et soutient le développement de nouvelles agences. L'indépendance de ces agences est très compromise dans le sens où elles sont financées par les entreprises qu'elles notent et par les institutions financières elles-mêmes. Puis la vague financière arrive dans les années 2000, le marché se concentre, davantage aux États-Unis que chez nous, mais cette concentration est le reflet d’une tendance plus générale : l'analyse financière prend le dessus sur l'éthique. Le monde de l'ISR se met à parler de risques extra-financiers, on assiste à un glissement rhétorique important. Les compromis sociaux, les critères environnementaux passent au second plan.

Qu'est que cela implique au niveau de l'analyse extra- financière ?

L'assimilation de la culture « Wall Street ». Les agences de notation extra-financière établissent des classements d'entreprises par secteur. Les gestionnaires de fonds veulent des portefeuilles plurisectoriels pour limiter les risques. Ce qui permet, par exemple, de voir apparaître dans un portefeuille ISR une entreprise pétrolière parce qu'elle est la meilleure de son secteur. Même si son département énergies renouvelables pèse moins de 3 % de son chiffre d’affaires. L'approche financière, celle qui prend le dessus sur l'éthique, permet ce genre de dérapage.

Vous parlez également d'un problème au niveau de la responsabilité sociale des entreprises ?

La définition établie par la Commission européenne est celle qui prime encore aujourd'hui. Or cette définition parle d'autorégulation : elle est centrée sur « le process », sur la transparence et non sur les résultats. Les entreprises sont libres de prendre les mesures qu'elles souhaitent, mais souvent se limitent au strict minimum. Il faut comprendre qu'une entreprise est conditionnée : le monde financier pense « court terme ». Le développement durable, la responsabilité sociale des entreprises sont des valeurs sur le long terme, le très long terme. C'est un antagonisme même.

Quelle est la solution selon vous ?

Pour les particuliers : changer de banque et opter pour une institution éthique, tournée vers l’économie sociale et solidaire ou privilégier les investissements directs. Pour les grands investisseurs, le besoin de financement est là, les fonds ISR sont nécessaires, mais pas sans régulation. 


L'avis d'un gestionnaire de fonds

KBC est leader du marché ISR en Belgique. Nous avons demandé à Geert Heunicks, Head CSR Department chez KBC, quelle était la politique de la banque en la matière.

Comment KBC définit-il son univers d’investissement ?

Nous utilisons une méthodologie « best in class » combinée à des critères d'exclusion. Cette analyse est réalisée en externe. Plusieurs secteurs (les armes, les paris, etc.) et comportements sont strictement exclus de notre univers d’investissement. D'autres banques en excluent d'autres, car l’éthique est « personnelle ». Je vais vous donner un exemple concret : prenez une entreprise pétrolière ou minière, n'importe laquelle. Il est quasi impossible de trouver une entreprise de ces secteurs qui sera parfaite sous les angles sociaux ou environnementaux. Doit-on pour autant exclure strictement le secteur des matières premières d’un produit ISR, alors que ce secteur est essentiel au fonctionnement de notre société ? Non, pas selon KBC. Par contre, si nous apprenons qu'une entreprise a enfreint des normes que nous nous sommes imposées, nous l'excluons directement¹ ! Ce que nous avons fait avec Total ou Apple, par exemple. Pour composer le portefeuille, le gestionnaire du fonds se charge de puiser dans les entreprises durables sélectionnées par KBC en répliquant le « benchmark » du marché. Ce que nous promettons à l'investisseur durable c'est une offre de qualité, pas une offre parfaite.

C'est l'une des limites de l'ISR, selon vous, que de ne pas pouvoir proposer une offre parfaite ?

L'ISR marie deux secteurs complètement différents. C'est un outil tout à fait unique. Il utilise l'instrument le plus capitaliste au monde, les marchés financiers, pour améliorer les pratiques plus responsables des entreprises, pour encourager les meilleurs acteurs au niveau environnemental, social, et de bonne gouvernance. L'ISR crée un nouveau dialogue avec les entreprises, encourage leur développement sociétal, je pense que, dans ce sens, il est primordial de continuer dans cette voie.

Cette année, vous n'avez pas proposé de nouveaux produits ISR ? Les parts de marché et l'encours du secteur chute en conséquence. Pourquoi ?

Nous restons toujours leader du marché, c’est important. Mais il est vrai que nous n'avons pas eu de demande spécifique pour créer de nouveaux produits ISR cette année. Il ne faut pas non plus chercher trop loin : la demande en produits de placement est très faible de manière générale actuellement, c'est donc une conséquence de marché. Les produits à rendement fixe ont, par exemple, plus de succès. Un véritable intérêt pour l’ISR s'exprime, mais il y a moins d'argent à investir. Nous continuons de travailler à l'amélioration de notre méthodologie, nous restons très attentifs à intégrer toutes les nouvelles données. Si nous recevons de nouvelles demandes, nous créerons de nouveaux produits.

1. Sauf pour les produits structurés dont le panier d'actions est à rendement fixe. Le RFA a choisi de coter à zéro ce type de produits. Ce type de fonds se construisant sur une réalité temporelle : le panier d'actions correspond à des États et des entreprises bien notés sur des aspects extra-financiers à la création du fonds mais, si ces entreprises ou ces Etats ne tiennent pas leur promesse pendant la durée de vie du produit, aucune modification ne sera apportée.

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Avant d'écrire « Finance éthique : le grand malentendu », Gaëtan Mortier comptait parmi les 15 meilleurs analystes ISR au monde selon Thomson-Reuters. Son ouvrage pointe deux gros bémols au monde de la finance solidaire.

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Année d'édition
2013
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2013

Des fonds de placement peu convaincants

Soumis par Anonyme le

En bref

  • Fonds ISR et fonds classiques, même combat ?

  • Les méthodologies ISR sont nombreuses.

  • Le gestionnaire est celui qui décide.

L’investisseur socialement responsable place la priorité dans le soutien des entreprises et des États qui agissent positivement pour l’homme et pour la planète. Un fonds de placement ISR devrait donc privilégier ces institutions. En poussant la logique au plus loin, une différence significative devrait apparaître entre les portefeuilles des fonds durables et ceux des sicav classiques. Il n’en est rien.

Une qualité toute relative

Pour mesurer l’ampleur du problème, il faut d’abord appréhender la grande disparité du marché actuel de l’ISR : d’un produit à l’autre, la qualité varie du tout au tout¹, sans que l’investisseur, lui, ne puisse réellement faire la différence. L’étiquette « durable », « responsable », « solidaire », « éthique », etc. est auto-apposée par le gestionnaire d’un fonds et ne dit finalement pas grand chose sur sa qualité éthique. Pour pouvoir en juger, l’investisseur devra examiner la méthode que le gestionnaire privilégie et la manière dont il l'applique. Actuellement, il existe quatre approches ISR. Pour composer un univers d’investissement, c.-à-d. l’ensemble des entreprises et des États qui en font partie de son portefeuille, le gestionnaire en choisira une ou en combinera plusieurs. Si son portefeuille est concentré sur un secteur en particulier, les énergies renouvelables par ex., on parlera de « fonds thématiques ». Cette méthode, prise isolément, ne garantit en rien la qualité des actifs sélectionnés. Le gestionnaire aura également la possibilité d’appliquer à sa sélection des critères négatifs en excluant des secteurs d’activités qu’il juge dommageables, p. ex., le pétrole, le nucléaire, les armes, etc. S’offre également à lui l’option de l’activisme actionnarial : à travers les actions présentes dans son fonds, le gestionnaire détient une partie du capital d'une entreprise et peut faire passer, lors des assemblées générales, des motions en vue d’améliorer la responsabilité sociale de l’entreprise en question. En réalité, ce pouvoir à contraindre les entreprises à modifier certains points de leur gestion est très peu appliqué en Belgique². Enfin, la sélection du portefeuille peut se faire en décidant de critères positifs pour les entreprises et les États, la plupart du temps suivant une méthode dite « best in class ». Le gestionnaire – ou une agence de notation extra-financière à qui il délègue le travail – note chaque entreprise sur ses performances sociales, environnementales et de bonne gouvernance. Les notes de chaque critère sont pondérées suivant le secteur – une banque pollue forcément moins qu'une entreprise pétrochimique ! – ainsi que suivant l'importance que le gestionnaire lui accorde. En d'autres termes, c'est le gestionnaire qui décide si un critère spécifique, comme la formation des travailleurs ou la production de CO2, est important pour juger de la qualité d'une entreprise. On le voit, la latitude est totale. La méthode « best in class » qui, force est de le constater, est la plus privilégiée par le marché actuel de l’ISR, met la priorité sur les entreprises de la classe les moins mauvaises au sein d'un même secteur. Et permet ainsi de répondre facilement à des objectifs financiers classiques : diversification, baisse des risques financiers, rentabilité...

Le paradoxe

Mais, en sélectionnant les entreprises les « moins pires » et en cherchant à se diversifier au maximum – plus un portefeuille est large, moins les risques sont élevés -, les gestionnaires de fonds ISR confrontent l'investisseur à de gros paradoxes. Prenons les titres d'institutions financières : la majorité des produits offerts par une banque ne sont pas éthiques (fonds de placement classiques, comptes d'épargne classiques...). Les revenus de ces produits sont donc alloués à des entreprises non durables. Ce qui n'empêche pas de retrouver des titres d'institutions financières dans quasi tous les fonds ISR ! Est-il vraiment logique de financer, via un placement responsable, une entreprise qui, elle-même, ne tient pas compte de ces critères dans ses propres investissements ? Autre cas de figure : les magnats pétroliers, qui font parfois figure de modèles en matière de gouvernance sont repris dans plusieurs fonds ISR, mais également responsables d’une marée noire de temps en temps... Ces différents exemples montrent que les critères positifs d'évaluation et la manière dont ils sont appliqués restent toujours des critères de surface et ne permettent que difficilement – par manque de transparence également – de juger de la qualité sociétale d'une entreprise ou d'un État.

Pas d'innovation

Au-delà de ce premier paradoxe, le manque de diversité est évident : la composition des portefeuilles ISR offrant peu de nouveautés par rapport aux fonds classiques, composés uniquement de grosses capitalisations boursières. Un fonds de placement doit en effet être composé au minimum de 90 % d'entreprises cotées en Bourse ; et le marché préfère, par nature, les grosses capitalisations, plus liquides (qui peuvent s'échanger plus facilement sur les marchés) aux petites. Petites capitalisations et PME sont donc quasiment exclues de l'univers d'investissement ISR ! Pour donner un exemple concret, prenons un indice boursier classique, le CAC 40 et le premier indice boursier ISR, l'ASPI Eurozone : 80 % des entreprises composant les deux indices sont identiques³. L'offre ISR est donc très fortement restrictive, ce qui pose problème. Historiquement, la preuve en a déjà été faite : lorsqu'une banque décide d'assortir sa stratégie ISR d'une stratégie commerciale, les résultats sont efficients. Au vu d'une certaine prise de conscience citoyenne et des pouvoirs publics, on pourrait imaginer que ce type de placements soit de plus en plus encouragé. Or, c'est actuellement le contraire qui s'opère sur les marchés. Dans la stratégie globale d'une banque, l'approche ISR reste minime, sinon inexistante.

 

1. Sur le site www.financite.be, dans la rubrique « investir », le lecteur trouvera tous les produits ISR commercialisés en Belgique avec pour chacun d'eux une « note éthique » de 0 à 4 étoiles.

2. CAYROL, A., Engagement actionnarial, quels outils ? et Engagement actionnarial : une démarche intéressante mais un reporting à améliorer, RFA, mars 2012.

3. HERNALSTEEN, M., « Le "Best-in-class" : favoriser les meilleures pratiques de responsabilité sociétales des entreprises (RSE) », avril 2012, RFA.

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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En 2012, 66 % des capitaux investis en ISR l'étaient dans des fonds de placement. Pourtant, les portefeuilles durables diffèrent peu des fonds classiques : ils sont quasi intégralement composés de grosses capitalisations, rarement responsables sur tous les tableaux.

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Ethique ou socialement responsable?

Soumis par Anonyme le

En bref

  • L'ISR va plus loin que l'éthique.

  • Aujourd'hui, il s'agit d'encourager la responsabilité sociétale.

Derrière ces variations terminologiques, il est certain que l’on retrouve souvent le même socle fondateur : la prise en compte des impacts sociétaux dans les décisions d’investissement ou de placement à travers des considérations éthiques, sociales et environnementales, au-delà des objectifs financiers traditionnels. En gros, l’épargnant ou l’investisseur prend acte du fait qu’investir son argent dans une entreprise, placer son argent à la banque – qui, elle-même, le prêtera à des entreprises, des États, des institutions – n'est pas un acte neutre.

Avant d'être qualifié de « socialement responsable » (ou non), l'investissement n'a d'abord été considéré que sous l'angle éthique par ceux qui souhaitaient inclure une dimension extra-financière dans leurs choix de placements. Il comportait une dimension morale, pouvant différer d'un groupe, d'une époque, d'une culture et d'un pays à l'autre... S'il est prévisible que, interrogés sur le sujet, la majorité d’entre nous conviendraient aisément qu'investir dans des entreprises d'armes controversées n'est pas éthique, qu’en serait-il de l'investissement dans des entreprises productrices d'énergie nucléaire ? De la pilule abortive, etc. ? L'éthique est personnelle, celle de l’un n’est pas celle de l’autre.

D'abord exclure

L'investissement éthique, donc, ne date pas d'hier. Historiquement, l’éthique appartenait essentiellement à la sphère religieuse. L’intégration de critères autres que financiers dans les décisions d’investissement est apparue pour la première fois aux États-Unis, dans le courant du XIXe siècle, sous l’action des quakers américains qui refusaient d’investir dans les deux marchés les plus rentables de l’époque : l’armement et le commerce d’esclaves. Par la suite, le mouvement s’est perpétué sous la pression exercée par les congrégations religieuses qui s'abstenaient d’investir dans des actions « du péché » (sin stocks), et qui excluaient d’emblée de leur politique d’investissement les entreprises actives dans l’alcool, le tabac, le jeu, l’armement et la pornographie. D’où le terme d’« investissement éthique ». Progressivement, les champs d’exclusion se sont élargis à d’autres secteurs d’activité, à d’autres zones géographiques et à d’autres investisseurs en fonction des nouvelles revendications portées par des groupes de pression d’origines diverses : guerre du Vietnam et refus de financer l’industrie de l’armement ; régime de discrimination raciale en Afrique du Sud et boycott des investissements au nom de l’antiracisme ; catastrophe de Tchernobyl, échouement de l’Exxon Valdezet lutte pour la protection de l’environnement, ...

Ensuite, s'ouvrir

Dans les années 1980, et à l'initiative d'un activiste américain, Leon Sullivan, le concept entre dans une nouvelle logique : en lieu et place d’exclure des entreprises en fonction de leurs activités, on s’intéresse davantage à leur mode de fonctionnement, à leurs engagements vis-à-vis de la société. On les compare entre elles et l'on sélectionne celles qui affichent une réelle responsabilité sociétale. On parle désormais d’« investissement socialemen responsable » (ISR). Les scandales financiers de ces dernières années n’ont fait que renforcer l’importance de la notion de responsabilité dans les actes financiers ainsi que dans le rôle d’actionnaire.

Dans sa version embellie, on voudrait croire qu'investir de manière socialement responsable permet de ne soutenir financièrement que des entreprises ou des États qui ont un comportement sociétal exceptionnel ou tout au moins au-dessus de la moyenne et, d'autre part, que l'ISR obligerait les entreprises à améliorer leur responsabilité sociétale en vue d'être sélectionnées dans les produits ISR. Mais les faits (voir articles suivants) montrent que la réalité n'est pas aussi tranchée.


Les différents types de produits financiers socialement responsables

Aujourd’hui, on distingue sur le marché belge, trois manières d’investir de façon socialement responsable :

Via un compte d'épargne. L'argent que vous y déposez est réinvesti dans des entreprises et États qui respectent des critères sociaux, environnementaux et de bonne gouvernance. Seules quelques banques (Banque Triodos, BNP Paribas Fortis et VDK Spaarbank) proposent des comptes d'épargne éthiques en Belgique.

Via un fonds de placement. Vous investissez votre argent dans un « panier » d'actions et/ou d'obligations composé d'entreprises ou d'États sélectionnés par le gestionnaire du fonds sur la base de critères sociaux, environnementaux et de bonne gouvernance. Pratiquement, toutes les banques commercialisent des fonds durables, avec de fortes différences dans les critères de sélection et dans la méthodologie utilisés.

Via un produit d'investissement solidaire tel que les parts sociales d'une coopérative agréée. Vous investissez directement votre épargne dans la coopérative. Les coopératives agréées respectent plusieurs critères dont la limitation du dividende (maximum 6 %), la redistribution des bénéfices au profit des membres sous forme de ristourne par exemple, ou encore la gratuité pour l'exercice du mandat des administrateurs.

Dans les deux premières formules (comptes d’épargne et fonds de placement), vous n’obtiendrez que très peu d'information sur les entreprises et États dans lesquels est placé votre argent. A contrario, avec les parts sociales, vous savez exactement à quoi celui-ci servira.

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Éthique, responsable, durable, socialement responsable, soutenable, extra-financier, non traditionnel, alternatif... Pour l'épargnant et l'investisseur, difficile de s'y retrouver parmi cette profusion de termes.

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Financité Magazine n°28 : La dette dans tous ses États

Soumis par Anonyme le
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La dette publique de A à Z p.4 - Annuler sa dette, bonne ou mauvaise idée ? p.8 - Pour une autre finance - Épargnez ensemble avec les CAF p.12 - Finance halal et solidaire ? p.14

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2012
Jour d'édition
19
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19/11/2012
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Novembre

Financité Magazine n°25 : Finance en eaux troubles

Soumis par Anonyme le

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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2012
Date d'édition
03/2012
Mois d'édition
Mars

FINANcité Magazine n°24 : Migrants : où va l'argent ?

Soumis par Anonyme le

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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OC-BAYO2011-4
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2011
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Date d'édition
17/12/2011
Mois d'édition
Décembre

Cahier FINANcité n°20 : Les placements solidaires

Soumis par Anonyme le
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Editeur
Alternatives Economiques
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OC-CAHI-1/28
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2010
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09/2010
Mois d'édition
Septembre

Cahier FINANcité n°6-7: Placez vos rêves à 20 ans

Soumis par Anonyme le
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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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2007
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Décembre