La croissance verte peine à trouver des financements
Financité Magazine n°26 : Épargnez-vous votre banquier
Le monopole des banques commerciales est récent en Belgique, p.4 - Des milliers de personnes épargnent et investissent sans passer par les banques, pp.5-8 - Pour une autre finance - L'Épi, la nouvelle monnaie en Lorraine belge, p.12 - Plus de relance, moins d'austérité, p.14
Credit Unions : des machines de guerre ?
En bref :
- Les credit unions sont des coopératives d'épargne.
- Ses membres appartiennent à la même communauté.
- Elles tendent à élargir leur palette de produits et services.
L'idée de récolter l'épargne de membres d'une communauté pour leur octroyer des crédits dans le futur n'est pas neuve. C'est de ce concept que sont nées les Credit Unions dans les années 60. Mais l'idée trouve son origine dans
l’Europe du début du XIXe siècle, notamment avec F. W. Raiffeisen, qui exporta le concept de coopérative financière dans les milieux ruraux allemands.
Les Credit Unions sont des coopératives d’épargne et de crédit (donc détenues par leurs membres) qui servent les besoins financiers de ceux-ci, et en tout premier lieu, leurs besoins d'épargne et de crédit. Cependant, elles diffèrent substantiellement des prestataires commerciaux. Elles réservent en effet leurs services à leurs seuls membres. Ceux-ci possèdent un lien commun, qui peut être géographique (vivre ou travailler dans le même quartier), le fait d'être membre d'une même association ou organisation, d'être employé dans un secteur particulier, par un même employeur ou partager une même profession ou tout autre intérêt. Les Credit Unions (C.U.) ne poursuivent pas de but lucratif. Les excédents budgétaires sont utilisés afin de limiter les taux d'intérêt des crédits proposés aux membres, mais également afin d’augmenter la rémunération de l’épargne, et/ou de diminuer le coût des produits proposés. Enfin, elles sont supervisées par un conseil d'administration non rémunéré, dont les membres sont élus parmi les membres de la coopérative.
À ce jour, les C.U. opèrent dans un certain nombre d’États européens, mais aussi dans une centaine d'autres pays à travers le monde. Leur poids financier est parfois marginal, mais dans certains pays, comme en Irlande, les C.U. représentent 70 % de parts de marché du secteur bancaire.
Fin de l'exclusion ?
Les premières C. U. sont présentes au sein de communautés d'émigrants dans les années 60, souvent grâce ou à travers de leur communauté religieuse. Ces C.U. étaient de petite taille (quelques dizaines ou centaines de membres), locales, et n'accordaient de crédit que dans la mesure des fonds épargnés disponibles. Le principe de l'épargne préalable à tout crédit et celui de la proportionnalité des fonds prêtés (on ne prête pas plus du triple du montant jusqu'alors épargné) étaient des maîtres mots. Les travailleurs étaient bénévoles, et la logique dominante était l'action sociale.
C'est sous l'influence américaine que d'autres modèles de C.U. ont vu le jour. Pour réussir au mieux une C.U., atteindre un fonctionnement économique efficace et durable, l'idée est venue d'implanter ce type de structure auprès d'employés d'un groupe industriel ou d'une entreprise, avec, comme sources de revenus de l’épargne et du remboursement de prêt, le prélèvement direct sur le paiement des salaires.
Ces deux modèles ont poursuivi leur développement durant les années 80 et 90 et perdurent aujourd'hui. Les C.U. du premier type étaient le plus souvent soutenues par les autorités locales, dans leurs stratégies de lutte contre la pauvreté et la régénération des communautés locales les plus défavorisées. Les C.U. du second type, étant, elles, aidées par les entreprises elles-mêmes, dans leur souci de soutenir leurs employés qui traversent des passes difficiles. Alors qu'on comptait 94 de ces deux types de coopératives en 1986, on en dénombrait presque 700 en 2001, dont la majorité servait des publics exclus, des habitants de quartiers défavorisés.
Aujourd'hui, quel que soit la formule choisie, les C.U. restent modestes, généralement faibles financièrement et globalement vulnérables : elles comptent en moyenne 200 membres pour le premier type, un millier de membres pour le second.
Des études ont mis en évidence la faiblesse des C.U. : petite taille, peu de services financiers proposés. Elles pointent le fait qu'au final ces initiatives ne remplissent que partiellement leur mission « d'inclusion », précisément à cause de ces éléments de faiblesse. De nouveaux schémas de développement ont donc été envisagés. Il s'agit désormais de construire un business plan robuste, de disposer de localisations intéressantes, d'introduire l'informatique et autres technologies ad hoc, et enfin de rémunérer des employés plutôt que de recourir à des bénévoles. Pour atteindre de tels objectifs, il a fallu mettre en œuvre des fusions entre C.U., de manière à réaliser les économies d'échelles nécessaires, ce qui, au final, a eu pour effet de réduire le nombre total de C.U. malgré la création d'une série d’initiatives entre 2001 et 2011.
Ces nouvelles mesures ont été, pour nombre de C.U., une véritable révolution. Le développement de services tels que l'ouverture d'un compte courant, l'offre de contrats d'assurance, la mise à disposition de liquidités et, bien entendu, d’une gamme de produits d'épargne et de crédit constituent, pour beaucoup d’entre elles, de fameux défis à relever.
En Belgique ?
En Belgique, l'exclusion financière est faible, notamment grâce à la loi sur le service bancaire de base qui interdit aux banques belges de refuser l'ouverture d'un compte à toute personne en situation administrative régulière. Pourtant, des études montrent que l'épargne reste problématique pour les ménages à revenus modestes. Par ailleurs, l’expérience pilote des programmes de micro-épargne montre que les C.U. restent bel et bien une option digne d’intérêt.
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Le cas particulier des groupes d'épargne de proximité
Les groupes d'épargne de proximité sont composés de citoyens qui souhaitent offrir une valeur sociale à leur épargne. Ils mettent en commun une partie de leurs économies qu'ils prêtent, la plupart du temps sans intérêts, à des associations. Depuis plus de 20 ans que ces groupes existent, rares sont les prêts qui n'ont pas été remboursés. En Belgique, on dénombre plusieurs exemples de groupes d'épargne de proximité parmi lesquels : L'Aube (Liège), La Bouée (Francorchamps), Les Ecus baladeurs (Ottignies), La Fourmi solidaire (Gallaix), Le Pivot (Dison).
Petits groupes d'épargnants à l'origine, les Credit Unions sont devenus pour certains de véritables banques. Poursuivant l'objectif de servir les plus défavorisés, ces groupements pourront-ils grandir jusqu'à éradiquer l'exclusion financière ?
Le crédit sans banquier en plein boom !
En bref :
- S'autofinancer pour réinstaurer de la confiance d'abord.
- Pour résoudre des problèmes économiques ensuite.
Tandis que le gouvernement espagnol martèle la politique de l'austérité, l’Association des communautés autofinancées de Barcelone poursuit le chemin qu'elle a ouvert il y a huit ans. L'idée de base est très simple en s'accordant du : crédit entre eux, les membres d'un groupe renforcent le lien social et instaurent plus de solidarité et de confiance dans les rapports à l'argent. Les migrants, de par les aléas de leur parcours, constituent un public sensible aux valeurs de solidarité et de confiance, des principes inhérents aux communautés autofinancées (CAF). Mais si les CAF remportent un vif succès auprès des migrants d'Espagne, de plus en plus d’Espagnols de souche rejoignent aussi cette formule. Qu’on parle de « pasanacu en Bolivie», de « tontine au Sénégal » ou «
natillera » en Colombie, l’histoire est toujours la même les : populations ayant peu de revenus savent se débrouiller pour financer leurs dépenses quotidiennes quand l’accès au crédit bancaire est refusé ou ses taux d’intérêt trop élevés, explique David Schurijn, jeune Équatorien qui travaille depuis 2007 comme animateur pour l'Association des communautés autofinancées à Barcelone.
Concrètement
Le fonctionnement d'une communauté autofinancée est très simple : un groupe de personnes se réunit chaque mois et chacun met de l'argent de côté dans une caisse commune. Grâce à cette épargne collective, chaque membre du groupe peut demander un crédit, que ce soit pour acheter un frigo, faire face à une dépense imprévue ou financer l'éducation de ses enfants. Le système des CAF est conçu de telle manière que chaque membre ait son mot à dire et que les décisions soient prises en commun. Aussi, à chaque réunion, les rôles changent le trésorier : devient président, l'hôte de la réunion devient trésorier... Le système est plus ou moins sécurisé selon les règles que les groupes établissent nécessité ou : non que deux personnes du groupe se portent garantes lors d'une demande de crédit, montant maximum autorisé à emprunter... Contrairement au système de la tontine, où l’argent épargné est donné chaque mois à un membre selon un tirage au sort, explique David Schurijn, les membres de la CAF peuvent prendre un crédit quand ils en ont besoin, voire plusieurs dans l’année. De plus, plutôt que de payer un intérêt de remboursement à une banque qu'on ne connaît pas, les membres d'une CAF paient pour le groupe. Ils sont à la fois propriétaires et bénéficiaires du système, poursuit David.
Du plus petit au plus grand
Comme le rappellent les responsables de l’ACAF, l'association qui chapeaute les CAF, les communautés autofinancées sont des tontines améliorées. C'est une formule des pays du Sud qui répond également à des besoins dans le Nord. Tant que le système bancaire exclut les plus démunis, les communautés autofinancées permettront à ces derniers de vivre plus dignement, explique David Schurijn. L'ACAF compte aujourd’hui plus de 80 communautés autofinancées à Barcelone et entend généraliser, voire internationaliser son système via la création d'un « Facebook des CAF ». Aujourd'hui, les CAF sont confrontées à un nouveau problème : elles récoltent plus d'argent qu'elles n'en prêtent. L'association faîtière ambitionne ainsi la création d'une entité fédérative, sorte de CAF des CAF qui devra permettre de prendre des crédits plus importants grâce à l'excédent d'argent accumulé par les communautés autofinancées. C'est probablement un des grands défis que devront relever les CAF dans le futur en décidant ou non de passer d'un réseau de groupes d'épargne informels à un système mutualiste plus organisé.
Trois questions à Abdoulaye Fall, technicien pour l'association des communautés autofinancées à Barcelone.
Quelles sont les conditions de réussite d'une CAF ?
Les groupes doivent pouvoir s'autogérer. Pour y parvenir, ils doivent apprendre à se faire confiance. Pour des personnes qui ne se connaissent pas, ça prend du temps. Par ailleurs, on remarque aussi que les gens s'associent mieux quand leurs intérêts individuels correspondent aux intérêts de leur communauté.
Avez-vous déjà dû déplorer des détournements d'argent ?
Le taux de non-remboursement des crédits est proche de 0. Le fait de changer de rôle à chaque réunion responsabilise les membres du groupe et, une fois la confiance instaurée, le remboursement se fait presque naturellement. En huit ans, nous n'avons connu que deux cas de défaut de paiement.
Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Ne pas dépendre du crédit exige une discipline dans les habitudes de consommation. La CAF doit donc aussi être un lieu d'apprentissage et d'échange de bonnes pratiques. Sur le plan collectif, la difficulté est de maintenir le groupe sur la durée. Mais encore une fois, quand la confiance est installée, le groupe perdure.
Les communautés autofinancées proposent de repenser le microcrédit pour le rendre plus participatif. Cette formule originale et conviviale essaime dans le nord de l'Espagne et commence à séduire d'autres pays d'Europe.
La tontine à Ixelles
En bref :
- La tontine permet une épargne forcée.
- Ce système comporte des inconvénients mais permet d'accorder les petits crédits refusés par la banque.
Nous sommes à Matonge, le quartier africain d’Ixelles. Alinka participe à une tontine avec cinq autres participants. Tous les mois, elle verse dans la cagnotte une somme fixe dont chaque participant, tour à tour, bénéficiera. Ainsi, en versant 50 euros mensuellement, elle récupérera, lorsque son tour sera venu, 300 euros. Avec cet argent, Alinka pourra acheter des meubles, des bijoux ou financer une partie de son billet d’avion pour rendre visite à sa famille restée en Afrique.
Dans la forme la plus élémentaire de la tontine, chaque participant s'engage à verser une somme prédéterminée à une fréquence donnée. Cette somme constitue la cagnotte, qui leur sera versée, tour à tour, jusqu’à ce que tous aient pu en bénéficier. L’ordre des levées est généralement tiré au sort, mais peut aussi bien faire l’objet d’une entente entre les participants. Pour le premier bénéficiaire, la tontine s'apparente à un crédit. Les tontines sont très répandues en Amérique latine et en Afrique. Elles y constituent un palliatif lorsque le système bancaire est peu (ou pas) accessible aux populations défavorisées ou géographiquement plus reculées, ou lorsque le circuit traditionnel, défaillant, n’inspire pas suffisamment confiance aux candidats à l’épargne.
Lorsque le système bancaire traditionnel est faible, les tontines peuvent aussi offrir d’autres services financiers tels que le crédit et l’assurance. Dans ce cas, les fonds collectés ne sont pas automatiquement distribués. Ils sont octroyés aux membres sous forme de crédits que ceux-ci remboursent avec intérêts. Les crédits étant souvent courts avec des intérêts relativement élevés, les fonds disponibles s'accroissent rapidement, ce qui permet aux membres d'emprunter plus, plus longtemps, et d’ainsi faire prospérer progressivement leur épargne. Ces tontines peuvent en outre offrir des services d'assurance à leurs membres, en cas d'accident, de maladie, de décès d'un proche, etc. Elles prennent alors la forme de cotisations exceptionnelles ou de crédits d'urgence, sans intérêt et avec une souplesse dans les modalités de remboursement.
Et en Belgique ?
Les tontines existent aussi en Belgique, où les communautés immigrées ont importé ce système d’épargne. Beaucoup d’Africains perpétuent le système de la tontine et mettent parfois ainsi des sommes importantes de côté. Ils optent pour la tontine plutôt que pour le compte d'épargne bancaire parce que, pour eux, la tontine constitue un moyen sûr d’épargner. D'une part, une fois qu’ils ont commencé, les épargnants sont « moralement » obligés de continuer sous peine de mettre à mal l’équilibre de la tontine. D’autre part, la tontine présente pour eux un avantage sur l’épargne bancaire leur argent est inaccessible tant : que ce n’est pas leur tour d’en bénéficier. Gertrude Kafuka, sociologue de formation et médiatrice à la commune d’Ixelles, tempère cependant le succès des tontines. Pour moi, c’est un échec en Belgique, parce qu’il n’y a pas de plus-value économique. L’argent que les membres de la tontine perçoivent est généralement dépensé pour des besoins de consommation directe. Cet argent n'est pas réinvesti en Belgique. Beaucoup d’Africains immigrés en Belgique viennent de pays où le système est déstructuré et où ils ont eu l’habitude de vivre au jour le jour. La tontine répond à ce manque de structure, notamment à travers l'obligation morale de continuer à épargner une fois qu’on a commencé. Nos parents et grands-parents épargnaient en Afrique. Les jeunes générations ont perdu cette habitude parce qu’elles ont dû vivre dans l’urgence. La capacité à épargner n'est donc pas culturelle mais liée aux manques du système, poursuit G.Kafuka. En Belgique, la tontine demeure cependant une des seules manières d'obtenir un petit crédit – parfois indispensable pour l'achat de meubles, d’appareils électroménagers de base – que la banque refuse systématiquement.
Vous aussi ?
L'épargne n'est pas toujours une chose acquise d'emblée. Nombre de personnes pensent qu'elles n'ont pas assez de ressources pour pouvoir mettre de l'argent de côté, n'en perçoivent pas l'intérêt immédiat, ou encore n'arrivent pas à ne pas y toucher. Plusieurs études montrent que, dans la plupart des cas, il est possible d'épargner et, qu'en outre, l'épargne, pour les personnes précarisées, sert véritablement de filet de sécurité en cas de coups durs ou d'imprévus. Le Réseau Financement Alternatif a mené un projet de micro-épargne dans le cadre duquel les participants étaient invités à épargner chaque mois sur un compte différent du leur. S'ils épargnaient de manière régulière, ils recevaient au bout d'un an leur épargne majorée d'une prime de 50 %. Les premiers résultats de ce programme montrent que les personnes ont pu épargner, qu'elles sont heureuses et fières d'avoir pu le faire et qu'elles jugent très positivement le fait que leur argent soit plus difficilement accessible. Nombre d'entre elles sont d'ailleurs prêtes à continuer à épargner, même sans bonification.
Plus d'informations sur ce lien.
Les tontines viennent du Sud, mais existent au Nord depuis que les populations immigrées les y ont importées. Sont-elles vraiment efficaces pour se constituer une épargne ?
De la boîte à chaussures à la banque...
En bref :
- L'épargne est multifonction : elle répond tant à des besoins individuels que sociétaux.
- Les banques coopératives sont les précurseurs de l'épargne solidaire à grande échelle en Belgique.
Vice ou vertu ?
Se prémunir contre les coups durs ou se donner les moyens financiers d'atteindre un objectif à long terme l'épargne est essentiellement envisagée comme un outil permettant aux individus de développer leurs moyens dans la durée. L'argent mis de côté doit permettre de répondre à des besoins propres à chacun.
Sur le plan sociétal, le débat sur l'épargne en tant que vice ou vertu oppose depuis plus de deux siècles Keynes et les économistes dits « classiques ». Du côté des « classiques », l'épargne est considérée comme un outil permettant de financer des moyens de production supplémentaires, eux-mêmes créateurs de revenus : l'épargne est un moteur de la croissance économique, au même titre que n'importe quel autre bien qui peut s'échanger. De l'autre, on trouve ceux pour qui l'épargne est un frein : en restant dans la poche des épargnants, elle engendre une réduction des dépenses qui n'est pas affectée à la consommation.
Où épargner ?
Minoritaires il y a encore trente ans, les banques commerciales doivent leur monopole actuel à la vague néolibérale qui frappé les gouvernements européens dans les années 80. Bien avant elles, les banques publiques et coopératives ont insufflé de la solidarité dans les rapports à l'argent. L'histoire commence en Flandre à la deuxième moitié du XIXe siècle, avec la création des caisses solidaires, sur le modèle d'un certain Raiffeisen1. Ce bourgmestre allemand, déterminé à soutenir les agriculteurs dépossédés de leur bétail, crée en 1849 la « Société
de secours aux agriculteurs impénicieux de Flammersfeld » afin de permettre aux agriculteurs d'acheter du bétail à un taux modéré. Ce modèle va évoluer jusqu'à devenir une caisse de crédit où les débiteurs doivent devenir membres de l'association pour emprunter.
Les principes coopératifs se développent : les clients sont à la fois propriétaires et bénéficiaires du système, la rémunération est limitée sur le capital, les membres s'expriment de manière égale dans les assemblées, les bénéfices de la coopérative doivent d'abord rémunérer le travail accompli et servir à pérenniser l'entreprise ensuite...
La révolution industrielle va accélérer les besoins de changement, particulièrement dans les classes ouvrières qui subissent des conditions de travail et de rémunérations difficiles. Les sociétés d'assurance et d'épargne voient le jour dès la fin du XIXe siècle et deviennent très vite l'épine dorsale des mouvements socialistes et chrétiens. Elles ont comme objectif de permettre l'accès au crédit des classes moyennes et populaires restées étrangères au développement de la banque du XIXe siècle. La Caisse Générale d’Épargne et de Retraite (CGER) devient, quant à elle, la plus grande banque publique de tout le pays. Elle traduisait une volonté politique de disposer d’un pôle public de crédit fort, imperméable aux vices inhérents à l’organisation d'autres caisses d’épargne par les soins et sous l’égide des banques, explique Marco Van Hees dans son ouvrage « Banques qui pillent, banques qui pleurent »2. Dès 1920, le modèle coopératif est en plein boom et la Coopération ouvrière belge, future banque coopérative BACOB, voit le jour.
Coopérer, épargner : pour quoi faire ?
Pour le sociologue Jacques Defourny, le modèle coopératif est né pour répondre à des besoins non satisfaits lors des grandes mutations du capitalisme. Par exemple les besoins matériels créés de toute pièce par l'industrie, elle même soutenue par le secteur bancaire. Ou encore des besoins de transparence : les banques coopératives ne prennent pas de risques avec l'argent de leurs clients pour faire du profit. D'autre part, Jacques Defourny estime que la coopérative sert également de levier à des réponses collectives et non individuelles. La vague néolibérale des années 80 va redessiner une partie du paysage politique européen. En Belgique, la CGER est privatisée entre 1993 et 1998 et cédée pour une bouchée de pain au groupe Fortis, ce qui marque la fin d'une gestion publique du système bancaire. J. Defourny estime que si, aujourd'hui, le mouvement coopératif répond encore à des besoins non satisfaits par les acteurs privés ou les pouvoirs publics, la condition de cohésion sociale s'est vue grandement affaiblie par la croissance et la banalisation des coopératives historiques.
1. BAYOT.B., Friedrich Wilhelm Raiffeisen, Réseau Financement Alternatif, mars 2006.
2. VAN HEES.M., Banques qui pillent, banques qui pleurent, aux éditions Aden, février 2010.
Se constituer une poire pour la soif, placer ses billes pour l'avenir, participer à un projet commun... l'épargne a existé de tout temps pour répondre à des besoins spécifiques.
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