Aller au contenu principal

Accès aux services financiers : comment garantir des différences de traitement proportionnées aux clients, en présence de segmentation?

Soumis par Anonyme le

Accès aux services financiers : comment garantir des différences de traitement proportionnées aux clients, en présence de segmentation ?

La segmentation de la clientèle est d'ores et déjà une pratique très courante dans l'industrie des services financiers. Le projet de directive européenne prévoit d'autoriser dans certains cas (âge, handicap) des différences de traitement proportionnés. Voici quelques éléments de réflexion quant à cette notion floue et quant aux moyens d'en contrôler le respect...

Introduction

Nous faisions dans une précédente analyse une critique assez vigoureuse du principe de segmentation de la clientèle. En effet, dans le secteur des assurances, mettre à mal le principe mutualiste de solidarité, c'est toucher à l'essence même du système, et il n'est pas certain que les arguments présentés par l'industrie justifient d'y toucher. Toutefois, dès lors qu'une interdiction complète du principe de segmentation ne semble plus à portée de main, il nous paraît approprié de poser clairement le problème et d'envisager quel type de solution pourrait être mis en place. Les marges de manoeuvre sont toutefois minces !

Zoom avant sur la segmentation et sa dimension discriminatoire

Historiquement, le marché américain est certainement un des premiers à avoir poussé très loin la segmentation du marché, et en parallèle, la réflexion sur les problèmes que celle-ci peut soulever en matière de discrimination. Cette section repose principalement sur les lectures des d'articles repris dans la note de bas de page, issus de la littérature américaine1.

Dans quelle circonstance la segmentation génère-t-elle une discrimination disproportionnée?

Une fois admis le principe de segmentation, qui par essence est discriminatoire, encore faut-il pouvoir identifier ce qui distingue une différence de traitement proportionnée d'une différence de traitement disproportionnée?

Pour répondre a cette question, nous vous proposons une clé de lecture qui semble particulièrement appropriée. L'idée directrice de cette clé est le fait que, sur base des prix différenciés appliqués à certains publics (selon la minorité à laquelle le consommateur appartient – âge – handicap - ...), la rentabilité économique de ces publics soit, in fine, différente (plus élevée) que celle tirée de la clientèle moyenne.

En effet, considérons par exemple le public des personnes âgées. Ces dernières sont perçues comme générant plus de frais que la moyenne de la clientèle. Dès lors, pour compenser ce manque à gagner sur cette clientèle, il leur est demandé un montant de prime plus élevé. Ce supplément de prime sera considéré comme discriminant si ce dernier permet à la compagnie de réaliser un bénéfice proportionnellement plus important sur les personnes âgées que sur le reste de la clientèle.

La difficile question de la preuve
A la lecture de cette littérature, nous sommes frappés par la complexité des analyses et des hypothèses auxquelles doivent recourir les chercheurs pour tenter de vérifier si oui ou non les pratiques industrielles génèrent ou non ce type de différentiel de rentabilité. Les conclusions ne sont d'ailleurs jamais clairement tranchées, puisque construites sur des hypothèses tendant à remplacer le manque d'informations que ces chercheurs rencontrent dans leurs démarches.

En effet, prendre pour indicateur de la présence de discrimination le différentiel de rentabilité des publics considérés est sans conteste extrêmement pertinent. Toutefois, pour pouvoir en vérifier l'existence, il est nécessaire de disposer d'informations comptables et financières très précises de la part des compagnies. En l'absence de ces dernières, les chercheurs doivent recourir à approximations qui affaiblissent la solidité des conclusions auxquels ils arrivent. Ces dernières ne permettent pas dès lors pas la mise en oeuvre d'éventuelles sanctions.

L'absence de sanction
Il découle de cette approche l'impossibilité de mettre en place une mesure objective et opérationnelle de la présence éventuelle de pratiques discriminatoires. La mise en lumière de la présence d'une différence de traitement non proportionnée est particulièrement délicate voir impossible.

Conclusion intermédiaire
Cette question du contrôle possible du respect de la législation soulève un élément essentiel de l'efficacité de la politique élaborée.

Si le projet de directive est finalisé, il faudrait que préalablement y soient ajouté les éléments objectifs et critères qui seront pris en compte pour permettre d'identifier la présence ou non de pratiques illégales. Si tel n'est pas le cas, on risque de se retrouver dans une situation parfaitement confortable pour l'industrie qui se saura à l'abri des contrôles. Ceci en tant que tel détourne totalement l'esprit de la loi. Autant, dans ce cas, éviter de légiférer, car cela renforcerait aux yeux du public l'illusion d'une protection et enverrait à leur égard une information qui nuirait au bon fonctionnement du marché.

La segmentation, toujours source de discrimination ?

Si on se penche sur la méthode mise en oeuvre pour segmenter le marché, par l'offre sur le marché de primes d'assurances différentes en fonction de l'âge ou du handicap, il est inévitable que parmi les membres de ces segments, certains individus ne correspondent pas au niveau moyen de frais propre à ce segment et que dès lors ces derniers se retrouvent injustement pénalisés par rapport au reste de la clientèle.

Nous qualifierons cette approche de segmentation « ex-ante », car elle différencie les publics au moment de la signature du contrat, sans que le prix de la prime proposé n'intègre la réalité comportementale (la réalité des montants de sinistres générés) du client.

Une toute autre approche est la pratique de la ristourne « ex-post », à savoir la pratique d'une prime identique au moment de la signature du contrat, dès lors non discriminante pour l'ensemble de la clientèle et la mise en oeuvre de ristournes pour les clients n'ayant pas connu de sinistre.

Cette pratique est par ailleurs déjà mise en oeuvre par certaines compagnies, sur certains produits d'assurances. En calculant « ex-post » la ristourne, la compagnie ne se base plus sur des prévisions ou probabilités, mais bien sur la réalité individuelle et comportementale de chaque client. De cette manière, chaque client peut être traité de façon appropriée, du « sur-mesure » en somme. En outre les ristournes peuvent être élaborées de manière à ce que la rentabilité par client soit identique, et donc cette méthode semble la plus performante pour éviter les différentiels de rentabilité provoqués par une approche « ex-ante ».

Dans le secteur de l'assurance automobile, la méthode de bonus-malus mise en place est, dans une certaine mesure, une approche qui reprend de manière simplifiée ce principe.

En guise de conclusion

Les arguments statistiques présentés par l'industrie pour justifier d'une segmentation « ex-ante » de la clientèle sont définitivement insuffisants pour rendre cette dernière acceptable.

Sous des dehors « d'évidence », ces arguments ne prouvent en rien ce que l'industrie énonce et cette dernière font passer des corrélations statistiques pour des relations causales à portée explicative. Valider cette approche est en soi une source extrême de confusion et se révèle dommageable pour le consommateur.

Elle ne peut qu'être source de discrimination et son contrôle est quasi impossible dès lors que cette segmentation ne donne pas la possibilité de mettre en place un contrôle efficace du respect du principe de proportionnalité qu'elle énonce, quand bien même celui-ci aurait été clairement et objectivement défini... La situation américaine est a ce propos tout à fait parlante.

En revanche, les approches qui reposent sur une évaluation « ex-post » du risque et une valorisation des comportements plutôt que des données identitaires sont certainement des techniques à explorer et évaluer, afin de vérifier qu'elles pourraient effectivement renforcer la durabilité du secteur sans mettre en place de discrimination.

Olivier Jérusalmy,
septembre 2009

 

1 HAN Song, On the Economics of Discrimination in Credit Markets, Division of Research and Statitics, Federal Reserve Board, Washington DC, October 2001
LONGHOFER Stanley D. et PETERS Stephen R., Self-selection and discrimination in credit markets, Federal Reserve Bank of Cleveland, Working Paper 9809, February 1999
WEBEL Baird, Insurance Regulation in the United States and Abroad, Congressional Research Service, report RL33439, May 23, 2006

Type de support
Type de document
Auteur(s)
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux
Sommaire

La segmentation de la clientèle est d'ores et déjà une pratique très courante dans l'industrie des services financiers. Le projet de directive européenne prévoit d'autoriser dans certains cas (âge, handicap) des différences de traitement proportionnés. Voici quelques éléments de réflexion quant à cette notion floue et quant aux moyens d'en contrôler le respect...

Mots-clés liés

Thématiques liées
Numéro de classement dans la bibliothèque ou code de rangement
DE-JERU2009-4
Cocher cette case pour générer un nouveau code lors de l'enregistrement de ce contenu
Désactivé
Année d'édition
2009
Date d'édition
09/2009
Mois d'édition
Septembre

Crédits en grandes surfaces et devoir de conseil : les banques jouent-elles un double jeu ?

Soumis par Anonyme le

Un fossé se creuse entre, d'une part, les éléments qui semblent aller en faveur de pratiques de crédit plus responsables (devoir de conseil, Centrale des crédits, cotisation au Fonds de traitement du surendettement,...) et, d'autre part, la multiplication de l'offre de crédit sur les lieux de ventes. Deux études françaises récentes pointent du doigt et documentent des problèmes déjà identifiés en Belgique... Petit tour des apprentissages majeurs et réflexions belgo-belges.

Introduction

Depuis plusieurs années, le Réseau Financement Alternatif ainsi que les membres de la Plate-forme Journée Sans Crédit1, dont il est membre, se mobilisent pour sensibiliser tant les médias, que les consommateurs, les pouvoirs publics et, bien entendu, les dispensateurs de crédit, sur les pratiques à risque des ouvertures de crédit et du crédit facile. Pendant ce temps, nos voisins français, tout aussi préoccupés par cette problématique, ont eu l'opportunité de mettre en place deux recherches significatives sur cette question.

L'une a été commanditée par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) en 2008(2) et l'autre, menée par l'UFC-Que choisir, a permis de tester les pratiques de distribution réelles des acteurs du crédit grâce à une enquête menée en 2009(3).
Alors que des informations sont encore manquantes pour la Belgique, malgré les compléments de recherche que nous avons menés, établir un parallèle avec la France est d'autant plus pertinent que de gros opérateurs sont actifs tant en France qu'en Belgique.

Du « devoir de conseil » aux pratiques responsables...

Commençons par un bref tour de piste des principales bases belges du devoir de conseil. On trouve en effet, à côté des articles inclus dans la loi sur le crédit, des textes issus de l'Association belge des banques (ABB) ou de l'Union professionnelle du crédit (UPC) qui en plus de faire écho au devoir de conseil de façon générale, vont un peu plus loin dans leurs engagements.

Base légale

Le devoir de conseil repose sur les deux articles suivants de la Loi sur le crédit à la consommation(4) :

Art. 11 : Le prêteur et l’intermédiaire de crédit sont tenus :

1. de donner au consommateur toute information nécessaire, de façon exacte et complète concernant le contrat de crédit envisagé ;

2. de rechercher, dans le cadre des contrats de crédit qu’ils offrent habituellement ou pour lesquels ils interviennent habituellement, le type et le montant de crédit les mieux adaptés, compte tenu de la situation financière du consommateur au moment de la conclusion du contrat et du but du crédit. (...)

Art. 15

Le prêteur ne peut conclure de contrat de crédit que si, compte tenu des informations dont il dispose ou devrait disposer, notamment sur la base de la consultation organisée par l’article 9 de la loi du 10 août 2001 relative à la Centrale des crédits aux particuliers, et sur la base des renseignements visés à l’article 10, il doit raisonnablement estimer que le consommateur sera à même de respecter les obligations découlant du contrat. »

L'article 11 prévoir donc explicitement une implication et une responsabilité de l'intermédiaire de crédit dans la mise en oeuvre du devoir de conseil. Sous la dénomination « devoir de conseil », on retrouve donc dans la loi (5) :

- l’obligation pour le prêteur de vérifier la solvabilité du consommateur notamment par le biais de la consultation de la Centrale des crédits aux particuliers ;

- l’interdiction de prêter à un consommateur qui ne sera pas à même de rembourser ;

- l’obligation de rechercher le crédit le mieux adapté aux besoins du consommateur.

Code de conduite de l'Association belge des banques et des sociétés de bourse (6)

Parmi les 7 principes de base édictés dans ce code, l'article 4 traite de la compétence et du savoir-faire nécessaires à une bonne relation bancaire. Il est précisé que les membres du personnel bancaire sont formés « de manière à ce qu'ils soient des collaborateurs compétents, disposant des moyens nécessaires pour exécuter efficacement vos ordres ».

Le paragraphe 11, relatif spécifiquement au crédit, souligne les éléments suivants : « L'octroi de crédit est une chose sérieuse, pour vous comme pour nous. Nous ne considérons donc jamais que la demande et l’octroi de crédit peuvent être traités à la légère... Il n'est possible de vous octroyer un crédit adapté à vos besoins et à vos moyens que si nous échangeons toutes les informations nécessaires. Nous vous demandons donc de nous informer de vos besoins (la destination du crédit) et de vos moyens (revenus, situation « familiale », obligations financières existantes). Nous vous rappelons qu’il est de votre responsabilité de nous communiquer des informations complètes et correctes.

Nous examinons ensemble les formes de crédit envisageables pour vous, ainsi que leurs modalités. (...) En fonction des données que vous nous avez communiquées, et d'éventuelles autres données communiquées par des tiers (comme les centrales des risques de crédit), nous vous proposons le type de crédit qui nous paraît alors le mieux adapté à votre situation. »

Commentaire :

Sans aucune équivoque, l'octroi de crédit est qualifié de « chose sérieuse qui ne peut être traitée à la légère ». Dans ce sens, on peut s'attendre à ce que le crédit ne soit pas accordé :

à une caisse de magasin, alors qu'on est en train de faire tout autre chose ;

par du personnel incompétent ou trop peu formé ;

sans que le consommateur soit parfaitement conscient qu'il est en train de souscrire un crédit (carte avantage assortie d'une ouverture de crédit (7).

Principes pour contracter et accorder des crédits hypothécaires et à la consommation de manière responsable – Union professionnelle du crédit (8)

Les principes édictés détaillent la déclaration de principes suivante :

« En accordant des crédits de manière responsable, Nous, les membres de l’UPC, prenons les mesures nécessaires, suffisantes, pertinentes et raisonnables au sein de notre organisation afin de respecter dans le cadre de l’octroi de crédit nos obligations :

- d’informer nos clients ;
- de nous soucier de nos clients ;
- d’évaluer correctement la solvabilité de nos clients et le risque du crédit pour le prêteur ;
- de prévenir les problèmes de paiement et de suivre respectueux les droits du client en cas de survenance de tels problèmes.

Pour être un partenaire fiable, nous, les membres de l’UPC,
- faisons preuve de compétence professionnelle, de transparence et d’intégrité ;
- faisons preuve de compétence professionnelle, de transparence et d’intégrité ;
- nous abstenons de pratiques inappropriées ;
- traitons les questions et les plaintes des clients avec toute l’attention et la diligence nécessaires. »

Constats :

À la lecture de l'ensemble de ces textes et déclarations, force est de constater que le consommateur belge ne devrait, selon toute vraisemblance, pas rencontrer de difficultés d'accès ou d'usage dans son rapport avec le crédit à la consommation. À l'exception des accidents de vie, par définition inévitables, sa capacité d'emprunt lui est garantie pour autant qu'il dispose d'une capacité de remboursement adéquate et suffisante. L'information et le conseil reçus sont appropriés et clairs de manière à lui permettre d’effectuer le choix le plus indiqué.

Conclusion intermédiaire :
L'ensemble des professionnels du crédit, les banques comme les autres dispensateurs, s'accordent pour considérer l'octroi de crédit comme un acte sérieux, nécessitant des pratiques professionnelles et responsables.

Les pratiques de la grande distribution : le rapport Athling...

Loin de ces déclarations, dans l'univers de la vente de crédit élargie aux lieux de commerce et de distribution, la réalité est tout autre. Phénomène de masse qui gagne du terrain, les formules de crédit offertes par ces réseaux semblent tenir assez peu d’engagements de la profession du crédit. On s'y voit proposer des formes de crédit très peu variées, ce qui vide de son contenu une part importante du devoir de conseil, mais revenons d'abord aux principaux résultats de l'étude Athling.

Les ouvertures de crédit (9) sont principalement proposées par des établissements de crédit spécialisés liés à un distributeur. Au côté des banques et des établissements de crédit spécialisés, on trouve les entreprises du commerce et de la distribution qui, lorsqu'elles « ont une activité significative, ont créé une société commune avec un établissement de crédit spécialisé »(10).
Pour 2007, le poids de la nouvelle production d'ouvertures de crédit est de 46,6 % pour les établissements de crédit spécialisés liés à un distributeur, de 39,4 % pour les établissements de crédit spécialisés et de 14,0 % pour les banques.
Ce sont 54 % des ouvertures de crédit de 2007 qui ont été contractées dans des entreprises de distribution (grands magasins, magasins spécialisés – aménagement et équipement des ménages –, et hypermarchés). Les autres principaux canaux de distribution sont le courrier et le téléphone (23 %), les agences bancaires (14 %) et internet (4 %).

Un crédit en grand magasin peut cacher un crédit bancaire
Banques Qui porte les encours? Qui gère les encours? Type de partenariat
Banques populaires Naxitis Financement Naxitis Financement  Co-entreprise avec Cetelem
BNP Paribas BNP Paribas  Cetelem + BNP Paribas Sous-traitance
Caisse d'Epargne Naxitis Financement Naxtis Financement  Co-entreprise avec Cetelem
 Crédit Agricole  Caisses régionales Sofinco + Caisses régionales Sous-traitance
 Crédit Mutuel  Fédérations Régionales  Fédérations régionales  
 LCL  LCL  Sofinco + LCL  Sous-traitance
 Société Générale  Sogefinancement  Sogefinancement + Franfinance Co-entreprise avec Franfinance

Étudiées sous l'angle des participations, les relations entre banques et établissements de crédit spécialisés deviennent éclatantes :

  • BNB Paribas avec Cetelem et LaSer Cofinoga (groupe Carrefour, Casino, 3 Suisses International, IKEA, BUT, ... et aussi CORA (11) ;
  • Crédit Agricole avec Sofinco et Finaref (Castorama, Darty, Décathlon,...) ;
  • Société générale avec Franfinance et Sogefinancement.

Commentaire :

Dès lors, pas de doute : le vendeur/distributeur met à disposition des crédits émis par des professionnels du crédit, auteurs des chartes et codes de conduite, qui sont soumis à l'obligation de conseil au travers de conventions de partenariat. En outre, en tant qu'intermédiaire de crédit, il se voit appliquer l'art. 11 de la Loi sur le crédit, en matière de devoir de conseil.

Concurrence entravée par des offres peu comparables

Malgré des principes généraux de fonctionnement relativement proches, les différences dans les tranches d'encours retenues, les montants minimaux des mensualités et les règles de calcul des mensualités diffèrent d'un prêteur à l'autre.

Dans l'ensemble, toutefois, le rapport relève que les montants des ouvertures de crédit offerts atteignent 21 500 € lorsqu'elles émanent des banques et que les taux d'intérêt pratiqués se situent légèrement en dessous du taux d'usure fixé par la Banque de France (12). En revanche, quand les ouvertures de crédit sont proposées par des établissements spécialisés, les montants offerts évoluent en moyenne entre 4 000 et 6 000 € et les taux d'intérêt sont plus élevés (13). La carte qui est remise dans ce cas permet la plupart du temps de bénéficier de services annexes (droit à des réductions, points fidélité, parking offert,...)
Enfin, les offres proposées par les distributeurs sont très souvent assorties d'utilisations spéciales (promotions temporaires – paiement en X fois sans frais, taux d'intérêt réduit,...)

Le TAEG est peu approprié pour déterminer le coût réel du crédit

Force est de constater que le coût total d'une ouverture de crédit est extrêmement dépendant des modalités d'amortissement (dégressivité par tranche d'encours ou montant fixe) et du montant minimum de la mensualité. Dans ces conditions, le seul critère du TAEG est inapproprié pour identifier le crédit le plus avantageux. Ceci souligne d'une manière générale la difficulté que ce type de crédit peut provoquer (14) dans la gestion budgétaire des ménages aux revenus modestes : en effet, la charge mensuelle réelle n'est pas connue ni forcément stable, ce qui peut provoquer des difficultés significatives chez les ménages disposant de marges de manoeuvre financières réduites.

Commentaire :
Les ouvertures de crédit (OC), pour les ménages à revenus modestes, sont les plus accessibles et cependant les moins adaptées. Quatre facteurs (15) expliquent les taux de défaillance importants (16) des OC malgré les encours le plus souvent raisonnables :

- les contrats sont conclus à durée indéterminée, ils revêtent dès lors un caractère structurel ;
- aucun plan de remboursement permettant de vérifier si le ménage dispose d'une capacité de remboursement suffisante n’est préalablement fixé ;
- les dispensateurs recourent à la pratique qui consiste à proposer des montants supérieurs au montant demandé ;
- le coût de ce type de crédit est généralement élevé.

Devoir de conseil : l'enquête d'UFC-Que choisir apporte un éclairage très instructif

L'objet de l'enquête est en effet d'identifier vers quel type de crédit à la consommation on est orienté lorsque l'on envisage le financement d'un achat précis (17).

Les résultats obtenus, pour l'ensemble des distributeurs, soulignent une orientation majoritaire vers une ouverture de crédit (72 %), assortie d'une information peu claire (82 %) quant au coût, aux mensualités et au taux d'intérêt. On déplore aussi la quasi-absence de vérification de la solvabilité (87 %).

Si on se rapporte aux différents circuits de distribution testés dans l'enquête, on observe les différences suivantes :

  • sur les lieux de vente, 63 % des consommateurs se voient proposer une ouverture de crédit. Dans les autres cas, c'est un paiement en 3 mensualités sans frais qui est proposé. Dans ce dernier cas, toutefois, l'option est réservée aux seuls détenteurs de la carte du magasin, carte à laquelle est associée une « réserve d'argent » ;
  • les cartes de fidélité proposées par la grande distribution, donnant l'accès à divers avantages (réduction, points,...), sont le plus souvent assorties d'une ouverture de crédit qualifiée, non sans ironie, de « réserve d'argent ». Cette dernière est donc octroyée parfois de manière tout à fait « inconsciente » au consommateur ;
  • les sites internet des établissements de crédit orientent exclusivement le consommateur vers l'ouverture de crédit lorsque le montant est inférieur à 3000 € ;
  • dans les agences bancaires, les consommateurs ont été orientés très largement vers un prêt personnel (seuls 14 % ont été orientés vers une ouverture de crédit) et leur solvabilité a été plus souvent vérifiée.

Commentaires :

  • L'enquête menée ici confirme globalement que l'offre de crédit sur les lieux de vente et de distribution n'est pas mise en oeuvre de manière responsable et que les devoirs de conseil élémentaires ne sont pas toujours, tant s'en faut, rencontrés. Dans la plupart des cas, ce ne sont pas des professionnels du crédit qui assurent la vente et le personnel en place n'est pas à même de fournir une analyse du besoin de financement ni une vérification de la capacité de remboursement afin de pouvoir proposer le crédit le plus approprié. La plupart du temps d'ailleurs, ils ne proposent qu'une seule sorte de crédit : l'ouverture de crédit, dès que le montant est considéré comme insuffisant pour un prêt à tempérament.
  • Proposer une ouverture de crédit de 3 000 € alors que le crédit approprié serait un prêt à tempérament de 2500 € ne respecte pas l'esprit du devoir de conseil et ne peut en aucun cas être considéré comme une pratique responsable... et ce d'autant plus s'il est proposé à un ménage dont les revenus sont modestes.
  • Le choix du type de crédit, tel qu'il est structuré sur les sites internet, n'illustre pas non plus une application du devoir de conseil. L'ouverture de crédit est par trop souvent privilégiée.
  • Les conseils et l'orientation reçus en agence bancaire semblent quant à eux beaucoup plus en correspondance avec une pratique professionnelle digne de ce nom.

Conclusion

L'univers du crédit deviendrait-il schizophrène ?
D'une part, les dispensateurs de crédits dans leur ensemble (18) tiennent un discours responsable, s'engagent dans des codes de conduite et, dans les faits, en agence, semblent mettre en place des conseils avertis et professionnels.

D'autre part, lorsque les groupes bancaires, au travers notamment de participations et de groupements d'intérêt économique, développent une offre de crédit dont les vendeurs/intermédiaires sont des commerces et des grandes surfaces, ils semblent qu'ils ne considèrent plus leur responsabilité avec la même implication.

Alors que le caractère risqué de l'ouverture de crédit est toujours plus étayé par les divers faisceaux d'information disponibles (19), les professionnels du crédit développent des réseaux de distribution qui à ce jour sont incapables d'assurer une mise sur le marché qui soit appropriée. Ils mettent par ailleurs au point des protocoles d'octroi, passé le cap de la vente, qui eux non plus ne garantissent pas le respect du devoir de conseil prévu dans la loi. Lorsque l'on observe en outre l'ampleur que prend l'offre de crédit sur les lieux de commerce et de distribution, il est urgent d'intervenir pour assainir les pratiques.

Dans ces conditions, la responsabilisation de toute la chaîne de distribution des crédits et l'application d'un contrôle ferme est indispensable sans quoi le double jeu de l'industrie du crédit n'a pas fini de faire ses choux gras de crédits inappropriés, source de malendettement, de surendettement,... très coûteux socialement.

Il nous semble opportun de rappeler que les recommandations élaborées par la Plate-forme Journée Sans Crédit (depuis 2007) restent malheureusement d'actualité sur toutes ces questions.

La Plateforme « Journée sans Crédit » (20), qui est active en matière de prévention et de lutte contre le crédit facile, soutient par ailleurs ce texte.

Olivier Jérusalmy
avril 2010

 

2 Athling Management, décembre 2008, Pour un développement responsable du crédit renouvelable en France - http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000768/0000.pdf

3 UFC-Que choisir, 2009, Quand le mauvais crédit chasse le bon ! - http://www.quechoisir.org/document/credit-revolving.pdf

4 Extraits du Projet de loi modifiant la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation - 10 mars 2010.

7 Nous refusons ici d'employer le vocabulaire fallacieux de l'industrie qui qualifie un crédit de « réserve d'argent ». En effet, cela revient à appliquer un concept d'épargne à un concept d'emprunt, ce qui est particulièrement équivoque et illustre une technique de communication (paradoxale) particulièrement manipulatrice. Nous nous référons pour cette position à la référence suivante : P. Watzlawick, J. Weakland, R. Fisch (1975) « Changements : paradoxes et thérapie », Norton 1974, trad., Seuil.

9 Op. cit. Athling, l'acception ouverture de crédit recouvre indifféremment les concepts de « crédit renouvelable », « crédit revolving », « prêt permanent »,...

10 À titre d'illustration d'un opérateur agissant en Belgique, le « Groupe d'intérêt économique Aurore » qui se compose des émetteurs suivants : Banque Populaire, BNP Paribas, Cetelem, Cofica-CU et UCB. - http://www.credit-emprunt.com/emprunt-171-Carte_aurore.html. La Carte Aurora est notamment proposée par les enseignes Médiamarkt et Vandenborre - complément d'information RFA.

11 Source : RFA, en complément des données Athling.

13 « 95 % des ouvertures de crédit renouvelable l'on été avec un taux d'intérêt supérieur à 16 % du côté des établissements de crédit spécialisés, contre 58 % du côté des banques. », op.cit. Athling p. 36.

14 A contrario des prêts à tempérament aux mensualités fixes.

15 N. Fraselle et B. Bayot (2004), « Le marché du crédit à la consommation : la cohésion sociale en jeu », Centre de recherche et d'information socio-politiques, Courrier hebdomadaire, n° 1848, p. 30.

16 Olivier Jérusalmy (2010), « Centrale des crédits aux particuliers 2009 : les impacts de la crise sur l'endettement des ménages », Réseau Financement Alternatif - https://www.financite.be/s-in-former/bibliotheque,fr,11,3,2,1,1800.html

17 L'enquête menée par UFC-Que Choisir, subséquente au rapport Athling, apporte un complément d'information essentiel sur les pratiques de distribution réelles des crédits destinés aux consommateurs. Protocole résumé : un consommateur souhaite acquérir un ensemble électroménager (entre 1 200 € et 2 500 €), dispose de 3 000 € de revenu mensuel avec un prêt hypothécaire en cours et un crédit auto pour une mensualité de l'ordre de 800 €. Il souhaite un financement et sollicite différents distributeurs de crédit (lieu de vente, dispensateurs de crédits et banques). Au total, 1 118 propositions de crédit ont été obtenues.

18 L'ABB ainsi que l'UPC sont très représentatifs du secteur.

19 Centrale des crédits aux particuliers, Enquête auprès des services de médiation de dettes de l'Observatoire du crédit et de l'Endettement, (publications annuelles) ainsi qu'une abondante littérature.

Type de support
Type de document
Auteur(s)
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux
Thématiques liées
Numéro de classement dans la bibliothèque ou code de rangement
DE-JERU2010-1
Cocher cette case pour générer un nouveau code lors de l'enregistrement de ce contenu
Désactivé
Année d'édition
2010
Date d'édition
04/2010
Mois d'édition
Avril

Friedrich Wilhelm Raiffeisen

Soumis par Anonyme le

Jeune bourgmestre du district communal de Flammersfeld, en Rhénanie, Frédéric-Guillaume Raiffeisen (1818-1888) est confronté aux méfaits de l'usure et à la gravité de l'endettement des paysans. Pour lutter contre ce fléau, il crée le 1er décembre 1849 la première véritable société de crédit aux agriculteurs, la « Société de secours aux agriculteurs impécunieux de Flammersfeld ». Prémisse du crédit mutuel.

D'origine modeste, Frédéric-Guillaume Raiffeisen doit, dès l'âge de 15 ans, s'engager comme journalier pour aider sa mère demeurée veuve. Cette expérience lui permettra de mesurer les ravages provoqués par l'usure. L’émancipation paysanne du 19ème siècle eut en effet pour conséquence une liberté et une autonomie économiques telles qu’elles n’avaient encore jamais existé, en particulier pour la population rurale. Comme celle-ci était totalement inexpérimentée en matière économique, elle tomba très vite aux mains d’usuriers sans scrupules, s’endetta immodérément, perdit ainsi ses propriétés et sombra dans la misère.

Plus de charité, mais l'auto-assistance

A 17 ans, Raiffeisen entre dans une école militaire d'artillerie et, ensuite, dans le corps civil des fonctionnaires du gouvernement royal prussien à Coblence. C'est ainsi qu'en 1845, à 27 ans, il est nommé bourgmestre du district de Weyerbusch, région isolée et pauvre, comptant une population essentiellement paysanne, aux conditions de vie très rudes. Motivé par la détresse de celle-ci, il fonde l’association pour l’approvisionnement en pain et en céréales pendant l’hiver de famine 1846-1847. Cette association construit un fournil coopératif communal et procède à des achats de semences pour les paysans grâce à un emprunt réalisé par la commune en hypothéquant ses forêts.

Son intuition était en effet que la charité ne permettrait pas d'améliorer durablement le sort des gens mais qu’il fallait apprendre aux pauvres à se prendre en mains. Point de charité, mais l'auto-assistance.

L'action de Raiffeisen lui vaut une certaine popularité et s’est précédée d’une réelle réputation qu’il arrive en avril 1848 à Flammersfeld, au sud de Weyerbusch. Nommé bourgmestre de ce district communal plus important, qui compte 33 communes, il constate une fois de plus les méfaits de l'usure et la gravité de l'endettement des paysans. Ceux-ci louent leur bétail à de gros propriétaires et il suffit que l'année soit mauvaise ou que la maladie frappe le bétail pour qu’ils ne puissent payer le prix de cette location à leur créancier. Ils sont alors forcés de vendre leurs biens pour se libérer de leurs dettes et, privés de leur propriété, de devenir journalier et donc se prolétariser.

La Société de secours

Raiffeisen, indigné par cette situation, va chercher des remèdes. Il voit que les paysans s'engagent dans ce dangereux processus à partir du moment où ils acceptent de prendre du bétail en location. Raiffeisen a donc l'idée de créer une association qui achèterait le bétail nécessaire et qui pourrait ensuite le céder aux exploitants sur plusieurs années et à un taux modéré. C’est la « Société de secours aux agriculteurs impécunieux de Flammersfeld », qu’il fonde le 1er décembre 1849.

Raiffeisen s'adresse aux personnes les plus aisées de Flammersfeld, en faisant appel à leurs sentiments de charité chrétienne, pour leur demander de se porter caution de la société. Fort de la caution de soixante personnes, Raiffeisen trouve de l'argent à Cologne, auprès d'un banquier et l'association peut, dès 1850, acheter plus de 70 vaches. Dans une deuxième phase, la Société de secours offre une rémunération sur les dépôts, ce qui provoque rapidement un afflux de ressources. Enfin, dans une troisième phase, la Société n'achète plus elle-même le bétail, mais prête l'argent aux paysans qui achètent directement sur les marchés.

En 1852, Raiffeisen est muté à Heddersdorf près de Neuwied dans la vallée rhénane, région de manufactures, fort différente du milieu rural qu’il a connu jusqu'alors. Sitôt arrivé, Raiffeisen crée l' «Association charitable » d'Heddesdorf avec une soixantaine d'habitants aisés. Il reprend les idées qu'il avait mises en application à Flammersfeld, mais l'objectif poursuivi est plus vaste puisque l'association se propose de promouvoir l'amélioration de la condition matérielle par tous les moyens appropriés, tels que l'assistance aux enfants abandonnés et leur éducation, l'emploi de chômeurs et de délinquants libérés, la fourniture à crédit de bétail aux cultivateurs sans ressources, et enfin la constitution d'un caisse de crédit à l'intention des classes modestes.

Après plusieurs années de fonctionnement de l’association, Raiffeisen a l'idée de demander aux débiteurs de devenir membres de l'association, et donc de lier les débiteurs et les créanciers. Désormais, les uns et les autres ont intérêt à ce que l'association soit prospère. D'autre part, pour une question de dignité morale, il lui paraît nécessaire que les plus démunis n'attendent pas passivement l'aide d'autrui. Il est donc conduit, en 1862, à modifier les statuts de ce qui devient l’ «Association-caisse de prêts de Heddersdorf ». Désormais, tout emprunteur doit également adhérer à l'association et tout emprunt doit être garanti par un cautionnaire solvable.

Déjà d'autres associations de crédit mutuel se fondent dans des communes voisines et en 1869, à Neuwied, il prend la décision de fonder une caisse du second degré pour exercer la compensation et la gestion des excédents de dépôts entre les associations. Au même moment, d'autres caisses du second degré se créent pour la Hesse et la Westphalie. Quelques années plus tard, en 1874, il a enfin l'idée de créer un troisième degré financier : une Caisse Centrale de prêt à l'agriculture, qui est fondée à Neuwied, cette année-là. A cette date, existent déjà plus de cent caisses de crédit mutuel en Allemagne.

Ces caisses Raiffeisen sont fondées sur les quatre principes suivants : opérer dans une région limitée telle une commune ou une paroisse, redistribuer l’épargne locale sur place, octroyer des crédits à moyen terme (plusieurs années) et à faible taux d’intérêt et se baser sur la responsabilité individuelle, solidaire et illimitée de tous les membres de la caisse.

C’est sur ce modèle qu’en 1892 sera créée la première caisse Raiffeisen en Belgique. Le monde bancaire belge, avec à sa tête la Société Générale, était alors entièrement engagé dans le financement de l’appareil industriel en plein essor, essentiellement en Wallonie, autour des pôles de croissance Liège-Verviers et Mons-Charleroi. En Flandre, seul le secteur de l’industrie textile gantoise prenait part à ce processus de modernisation. Le financement de l’activité agricole était quant à lui délaissé : pour les crédits à long terme, il n’existait pas de caisse publique de crédit foncier et les seules sociétés hypothécaires privées existantes avaient une activité très limitée ; pour les crédits à court et moyen terme, la loi du 15 avril 1884 autorisait la Caisse Générale d’Epargne et de Retraite (C.G.E.R.) à drainer une partie de ses moyens financiers vers le secteur primaire par l’intermédiaire de « comptoirs agricoles » mais ceux-ci n’ont toutefois connu qu’un succès très limité puisqu’il n’y a jamais eu plus de quatre comptoirs, tous établis en Wallonie, à avoir fonctionné concomitamment de 1887 à 1895. Les besoins de crédit dans l’agriculture, singulièrement en Flandre, n’étaient donc pas rencontrés et expliquent l’éclosion des caisses Raiffeisen.

Ce succès s’explique également par le contexte de l’époque, caractérisé par la lutte clérico-libérale, d’une part, et par la crainte d’une percée socialiste à la fin du XIXème siècle, d’autre part. Dans ce contexte, les catholiques ont choisi la voie de la « liberté surveillée », à savoir la liberté de mettre en place, avec la signature idéologique voulue, des structures sociales intermédiaires reconnues entre l’Etat et l’individu. Ce choix s’est traduit notamment sur le plan politique par l’adoption de la loi sur les coopératives en 1873. Il s’est traduit de manière éclatante dans le domaine du crédit agricole en Flandre. Raiffeisen lui-même avait insisté sur le fait que ses caisses devaient diffuser le message chrétien, notamment par l’engagement du curé ou du pasteur local dans leur comité. Cette idée sera reprise en Flandre. L’article 6 des modèles de statuts des gildes d’épargne et de crédit prévoyait en effet que l’affiliation à celles-ci était limitée aux « seules personnes qui reconnaissaient la religion, la famille et le droit de propriété comme les fondements de la société et agissent en fonction de ces valeurs ».

Frédéric-Guillaume Raiffeisen, le père du crédit mutuel a aussi contribué à l’émergence de cette idée de regrouper les gens pour qu'ils s'entraident et peut également, à ce titre, être considéré comme un précurseur de la coopérative.

Bernard Bayot

Sources :

Braumann Franz, Frédéric-Guillaume Raiffeisen, 1888-1988: Car j'ai eu faim
CERA 1892-1998, La force de la solidarité coopérative.
Crédit Mutuel, http://www.cmma.creditmutuel.fr/
Fondation Raiffeisen belge, http://www.cera.be/brs/fr/
L'Union Internationale Raiffeisen (IRU) http://www.iru.de/

Type de support
Type de document
Auteur(s)
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux
Sommaire
Thématiques liées
Numéro de classement dans la bibliothèque ou code de rangement
DE-BAYO2006-1
Cocher cette case pour générer un nouveau code lors de l'enregistrement de ce contenu
Désactivé
Année d'édition
2005
Date d'édition
02/2005
Mois d'édition
Février

Et si l'économie sociale créait une mutuelle d'épargne solidaire?

Soumis par Anonyme le

Les entreprises d'économie sociale placent encore souvent leurs réserves dans des banques classiques. Aujourd’hui, la crise financière a largement démontré l’échec de ces banques axées uniquement sur le profit et les risques qu'elles représentent pour les épargnants. Pourquoi dès lors ne pas mutualiser l'épargne des entreprises d'économie sociale pour répondre à leurs besoins de financement et pour donner du sens à leur argent ?

Une réflexion a été menée au sein du Réseau Financement Alternatif et s'est développée avec le concours de Crédal et de SAW-B. Cette dernière a organisé un Petit Déjeuner de l’Économie sociale sur la thématique le 27 mai 2009, qui a permis de recueillir les avis et de mieux cerner les besoins d’une vingtaine d’entreprises (1). Il nous a paru intéressant de prolonger cette réflexion en analysant deux exemples étrangers qui peuvent constituer des sources de réflexion à ce sujet.

Le premier nous vient d'Italie et offre la particularité d'être une forme d'épargne obligatoire instituée par la loi pour le monde coopératif. Le second, québécois, est développé sur base volontaire au sein du mouvement d'aide au développement des collectivités et aux entreprises. Deux exemples qui présentent des différences notables entre eux, mais qui ont aussi un double point commun : d'une part, être fondé sur une solidarité entre les adhérents à ces initiatives et, d'autre part, favoriser la circulation et l’accès au capital pour créer toujours de nouvelles opportunités de travail et d'entreprise.

 

En Italie, les fonds mutualistes pour la promotion et le développement de la coopération

La loi italienne 59/92 « Nouvelles normes en matière de société coopérative » prévoit en son article 11 la création de fonds mutualistes pour la promotion et le développement de la coopération dont l'objet social doit consister exclusivement dans la promotion et dans le financement de nouvelles entreprises et d'initiatives de développement de la coopération, avec une préférence pour les programmes dirigés vers l'innovation technologique, l'accroissement de l'emploi et le développement du Sud (2).

Pour réaliser leurs objectifs, ces fonds peuvent promouvoir la constitution de sociétés coopératives ou de sociétés contrôlées par celles-ci, mais aussi financer des programmes spécifiques de développement de sociétés coopératives ou de consortium de telles sociétés, organiser et gérer des cours de formation professionnelle relatifs au parcours de dirigeant administratif ou technique du secteur de la coopération, promouvoir des études et des recherches sur des thèmes économiques et sociaux qui offrent un intérêt important pour le mouvement coopératif.

Les sociétés coopératives doivent destiner à la constitution et à l'accroissement de ces fonds une somme correspondant à 3 % de leurs profits annuels. En outre, ces fonds reçoivent le boni de liquidation des coopératives en liquidation, après déduction du capital versé et réévalué et des dividendes éventuellement dus.

Cette législation met ainsi en oeuvre le principe selon lequel le mouvement coopératif est composé d'entreprises solidaires entre elles. Les fonds mutualistes pour la promotion et le développement de la coopération réalisent en effet, avec l'argent collecté, une des règles fondamentales que s'est données le mouvement coopératif depuis sa naissance, en récoltant et en réinvestissant une partie des profits réalisés des coopératives existantes pour créer toujours plus de nouvelles opportunités de travail et d'entreprise.

Au Québec, le Fonds commun des SADC (3)

Depuis plus de 25 ans, les 67 sociétés d'aide au développement des collectivités (SADC) et le Centre d'aide aux entreprises (CAE) sont en relation avec 1240 municipalités et en contact avec 4 220 000 personnes, soit plus d'un Québécois sur deux. Le Réseau des SADC du Québec est un regroupement de ces organismes à but non lucratif qui travaillent à faire émerger le meilleur des régions et à assurer leur développement. Il compte 1 350 bénévoles et 400 professionnels qui trouvent des solutions et qui agissent pour le mieux-être des collectivités locales.

En novembre 1996, la gestion des liquidités dans les fonds d’investissement des SADC s'est révélée une préoccupation importante. Le gouvernement était réticent à l'idée de recapitaliser des SADC dont les fonds n'étaient pas entièrement utilisés. Mais, par ailleurs, d'autres SADC manquaient sérieusement de capital et ne pouvaient répondre aux besoins des entreprises de leur région. Au sein du Réseau, s'est alors développé le projet de création d’une « caisse commune » où les SADC pourraient mettre leurs liquidités pour qu’elles puissent être utilisées par d’autres corporations du Réseau.

Dans un rapport déposé en mai 1998, un consultant recommande de créer un fonds dont la gestion serait confiée à Valeurs mobilières Desjardins, de placer les liquidités dans des actions et obligations pour assurer un rendement attrayant pour les membres, et de prêter les sommes aux SADC sous forme de lettres de garantie de prêt, en partenariat avec le Mouvement Desjardins. Le 30 avril 1999, le Fonds a été créé avec 14 SADC membres. Le 3 juin 1999, à l’Assemblée de constitution du Fonds commun, les modalités de placement et d’emprunt ont été définies :

  • le Fonds devra fournir à ses membres un rendement d’au minimum .5 % de plus que ce qu’ils auraient en gardant leur fonds dans leur institution financière locale ;
  • le Fonds ne sera qu’une mesure de dépannage temporaire, dans l’attente de solutions à plus long terme, pour gérer le problème des liquidités et du manque de capitalisation ;
  • les membres devront investir un minimum de 5 millions CAD, soit 3,18 millions €, collectivement avant que le Fonds ne soit définitivement créé ;
  • l’adhésion au Fonds demeurera toujours volontaire et le retrait des membres devra être sans conséquence ;
  • les modalités de placement et de retrait devront être simples, rapides et efficaces.

En quelques semaines, 15 SADC ont adhéré au Fonds qui a récolté plus de 6 millions CAD (3,82 millions €) auprès de ses membres : le Fonds commun s'est donc mis en place. Cependant, les discussions avec Desjardins sur les garanties de prêts achoppaient. Les administrateurs du Fonds commun ont alors décidé de changer les modalités et de faire des prêts directement aux membres. De son côté, Valeurs mobilières Desjardins qui gérait le Fonds a obtenu, pour la première année, un rendement de 5,9 %. Les SADC pouvaient donc emprunter à des taux très intéressants et le rendement était plus que satisfaisant. Ces résultats ont été suffisants pour convaincre les membres du Réseau de la pertinence de cette solution. À la fin de la première année, 39 SADC avaient adhéré au Fonds commun dont les actifs étaient de 7,3 millions CAD (4,64 millions €).

Nous sommes alors en 2000 et la Bourse fléchit, entraînant pour tous des pertes importantes. Insatisfaits du travail de Valeurs mobilières Desjardins dans le contexte, le Conseil d’administration du Fonds lui retire le mandat et confie la gestion des placements à Elantis, une filiale de Desjardins spécialisée dans la gestion de ce type de fonds. Les administrateurs s’engagent de plus à récupérer les pertes des membres dans les meilleurs délais.

Pendant trois ans, le rendement sera pratiquement nul et l’avenir du Fonds précaire. Cependant, pour les huit SADC qui ont déjà emprunté au Fonds, les résultats sont suffisamment importants pour convaincre leurs collègues de poursuivre l’expérience. En 2003, après deux années d’essai avec la firme de placement, le Fonds, conseillé par la Caisse d’économie solidaire, prend un autre virage et simplifie ses modalités de gestion. À l’avenir, les fonds seront placés par la Caisse dans des véhicules complètement sécuritaires, sans pertes de capital. Le rendement sera assuré par les intérêts – très compétitifs – chargés aux emprunteurs. En 2003-04, le Fonds retrouve un rendement positif de 2,6 %.

En 2006, il est proposé de mettre en place, en collaboration avec les sociétés de capital de risque, un fonds de capital de risque pour stimuler l’injection de capitaux de risque en région et ainsi susciter la relève et le démarrage d’entreprises. Le Fonds de capital de risque porte ses fruits : 40 projets d’investissement réalisés entre janvier 2007 et mars 2008, 26 en relève et 14 en démarrage d’entreprises. Et pour faire face à la crise financière qui frappe les PME, fort de l’expertise de ses membres en financement d’entreprises, le Réseau des SADC met à la disposition des PME depuis janvier 2009 des capitaux pour consolider leur fonds de roulement. En quelques semaines, 14 millions CAD (8,9 millions €) de demandes seront analysées et 91 entreprises auront accès à cette mesure de 9,6 millions CAD (6,1 millions €).

Le Fonds commun, qui fête ses 10 années, est ainsi devenu un véhicule financier performant et très utile tant à ses membres qu’aux entreprises des régions. L’actif du Fonds commun est de 41,2 millions CAD (26,22 millions €). Le rendement de 2008-09 est à 4 %, ce qui constitue un grand succès à l’heure où toutes les Bourses et les propriétaires de fonds ont vu leurs avoirs réduits de façon importante. Plus de 369 transactions sont effectuées annuellement pour des prêts totaux de 18 millions CAD (11,45 millions €). Les problématiques de départ – la gestion des liquidités et l’accès au capital – qui ont engendré la création du Fonds, ont ainsi trouvé des solutions.

Et en Belgique ?

De l'exemple italien, nous tirerons une idée forte, celle de l'appartenance au secteur de l'économie sociale et de la solidarité des entreprises composant celle-ci. Ne nous voilons pas la face : au-delà d'un discours convenu, cette appartenance et cette solidarité en Wallonie et à Bruxelles sont encore largement à conforter, même si on peut considérer l'évolution de ces dernières années comme positive. La création d'un outil financier systémique qui, tout à la fois, symbolise et matérialise cette appartenance et cette solidarité viendrait donc à point nommé pour les renforcer.

Du Québec, nous retiendrons la nécessaire confiance dans les capacités du secteur. Nul besoin – et la récente crise financière nous le confirme – de se laisser attirer par les sirènes du marché des capitaux; bien plus, gare à leurs chants qui peuvent s'avérer dangereux pour une gestion financière saine et durable. L'économie sociale peut et doit donc se tourner vers elle-même pour trouver des canaux de financement de ses activités, qui soient à la fois sûrs et accessibles à nos entreprises.

Appartenance à, solidarité et capacité de l'économie sociale, des enjeux qu'une mutuelle d'épargne pourrait utilement rencontrer en Wallonie et à Bruxelles, en se fondant sur les précédents italiens et québécois.

Bernard Bayot

Décembre 2009

 

(1) Ariane Dewandre et Isabelle Philippe, Mutualiser l’épargne des entreprises d’économie sociale : une réponse aux besoins de financement du secteur ?, SAW-B, juin 2009, http://saw-b.be/EP/2009/A0905.pdf.

(2) http://www.ilfontanile.it/areasociale/legge_59_92.htm.

(3) Ce chapitre a pu être écrit grâce aux informations aimablement communiquées par Madame Hélène Deslauriers, Directrice générale du Réseau des SADC du Québec.

 

Annexe 1

Loi italienne 59/92 « Nouvelles normes en matière de société coopérative »

Article 11
Fonds mutualistes pour la promotion et le développement de la coopération

1.Les associations nationales de représentation, d'assistance et défense du mouvement coopératif, reconnues au sens de l'article 5 du décret législatif précité du Chef provisoire de l'État du 14 décembre 1947, n.1577, et les modifications ultérieures, et celles reconnues sur la base des lois adoptées par les régions à statut spécial, peuvent constituer des fonds mutualistes pour la promotion et le développement de la coopération. Les fonds peuvent être gérés sans but de lucre par des sociétés par actions ou des associations.

2.L'objet social doit consister exclusivement dans la promotion et dans le financement de nouvelles entreprises et d'initiatives de développement de la coopération, avec une préférence pour les programmes dirigés vers l'innovation technologique, l'accroissement de l'emploi et le développement du Sud.

3.Pour réaliser leurs objectifs, les fonds visés à l'alinéa 1 peuvent promouvoir la constitution de sociétés coopératives ou de sociétés contrôlées par celles-ci. Ils peuvent aussi financer des programmes spécifiques de développement de sociétés coopératives ou de consortium de telles sociétés, organiser et gérer des cours de formation professionnelle relatifs au parcours de dirigeant administratif ou technique du secteur de la coopération, promouvoir des études et des recherches sur des thèmes économiques et sociaux qui offrent un intérêt important pour le mouvement coopératif.

4.Les sociétés coopératives et leurs consortiums, membres des associations reconnues visées à l'alinéa 1, doivent destiner à la constitution et à l'accroissement du fonds constitué par l'association à laquelle ils adhèrent une somme correspondant à 3 % de leurs profits annuels. Pour les organismes coopératifs régis par le décret royal du 26 août 1937, n.1706, et les modifications ultérieures, la somme correspondant à 3 % est calculée sur la de base des profits nets des réserves obligatoires.

5.Il doit en outre être transmis aux fonds visés à l'alinéa 1 le patrimoine restant des coopératives en liquidation, après déduction du capital versé et réévalué et des dividendes éventuellement dus, dont il est question au premier alinéa, c), de l'article 26 du décret législatif précité du Chef provisoire de l'État du 14 décembre 1947, n.1577, et les modifications ultérieures.

6.Les sociétés coopératives et leurs consortiums qui ne sont pas membres d'associations reconnues visées à l'alinéa 1, ou qui sont membres d'associations qui n'ont pas constitué le fonds dont il est question à cet alinéa, répondent à l'obligation visée à l'alinéa 4 par le versement d'une partie des profits conformément à l'art.20.

7.Les sociétés coopératives et leurs consortiums soumis au contrôle des régions à statut spécial, qui ne sont pas membres d'associations reconnues visées à l'alinéa 1 ou qui sont membres d'associations qui n'ont pas constitué le fonds dont il est question à cet alinéa, effectuent le paiement prévu à l'alinéa 4 dans le fonds régional ad hoc, là où un tel fonds a été constitué, ou, à défaut, selon les modalités visées à l'alinéa 6.

8.L'État et les organismes publics peuvent financer des projets spécifiques qui sont mis en oeuvre par les organismes de gestion des fonds visés à l'alinéa 1 ou par l'administration publique et qui poursuivent les objectifs visés à l'alinéa 2. Les fonds peuvent être aussi alimentés par des contributions provenant de sujets privés.

9.Les versements effectués au profit des fonds par les sujets visés à l'article 87, alinéa 1, a), du texte unique des impôts sur les revenus, approuvé par le décret du Président de la République du 22 décembre 1986, n. 917, sont exemptés d'impôts et sont déductibles, dans la limite des 3 pour cent, de la base imposable du sujet qui effectue le paiement.

10.Les sociétés coopératives et leurs consortiums qui n'obéissent pas aux dispositions du présent perdent le droit aux bénéfices de nature fiscale et autre prévues par la réglementation en vigueur.

Type de support
Type de document
Auteur(s)
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux
Thématiques liées
Numéro de classement dans la bibliothèque ou code de rangement
DE-BAYO2009-2
Cocher cette case pour générer un nouveau code lors de l'enregistrement de ce contenu
Désactivé
Année d'édition
2009
Date d'édition
12/2009
Mois d'édition
Décembre

Activisme actionnarial: le cas Chevron

Soumis par Anonyme le

L'investisseur, en sa qualité d'actionnaire, dispose d'un droit de vote aux assemblées générales des entreprises dans lesquelles il a placé ses économies. Et il peut ainsi tenter d'améliorer le comportement éthique, social et environnemental de celles-ci en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales... C'est ce que l'on appelle « l'activisme actionnarial »(1).

Cette pratique commence à être bien connue des géants pétroliers outre-Atlantique. On sait qu’Exxon subit depuis plusieurs années le feu des activistes en matière de changement climatique. Des résolutions sont déposées à ce sujet en assemblée générale par des actionnaires qui se rassemblent au sein d'organisations comme l’Investor Network on Climate Risk (INCR), créé en novembre 2003 pour favoriser une meilleure compréhension par les investisseurs institutionnels des risques et des opportunités résultant du changement climatique, l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) composé de 275 investisseurs institutionnels religieux qui poussent les entreprises à adopter un comportement responsable sur les plans sociaux et environnementaux ou encore le CERES qui est quant à lui un réseau nord-américain d'investisseurs, d'organismes de protection de l'environnement et autres groupes d'intérêt public travaillant avec des entreprises et des investisseurs pour relever des défis de développement durable comme le changement climatique(2).

Chevron dans la tourmente

C'est à présent Chevron qui est dans la tourmente pour d'autres motifs. Une longue liste reprenant des abus commis par Chevron, des Philippines au Kazakhstan, du Tchad au Cameroun, d'Irak en Équateur et en Angola ainsi qu'en Birmanie, aux États-Unis et au Canada, a en effet été détaillée dans un « rapport annuel alternatif », préparé par un groupe d'organisations non gouvernementales, qui a été distribué aux actionnaires de Chevron lors de leur assemblée annuelle du 27 mai 2009(3).

En outre, lors de cette assemblée, a été soumise au vote des actionnaires une résolution qui rappelle un certain nombre d'éléments factuels. D'abord, le gouvernement des États-Unis a, par trois fois, décrété des sanctions économiques contre la Birmanie, à savoir une interdiction de tout nouvel investissement en 1997, une interdiction des importations en 2003 et d'autres restrictions à l'importation en 2008. Ensuite, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix et chef de la Ligue nationale pour la démocratie, qui a gagné plus de 80 % des sièges lors des élections birmanes de 1990, a réclamé à plusieurs reprises des sanctions économiques contre la Birmanie. Elle a déclaré que les sociétés étrangères installées en Birmanie « créent des emplois pour certains, mais que ce qu'elles réussissent surtout à faire est de rendre une élite déjà riche plus riche encore, et d’augmenter sa cupidité et son désir de s'accrocher au pouvoir » et de poursuivre : « Ces sociétés nuisent beaucoup au processus démocratique. »

Pourtant, Chevron, en partenariat avec le groupe français Total, l'Autorité pétrolière de Thaïlande et Myanma Oil and Gas Enterprise (MOGE), est propriétaire du plus grand projet d'investissement en Birmanie – le champ de gaz Yadana ainsi que le gazoduc qui transporte le gaz en Thaïlande – et aurait versé des millions de dollars au régime birman. Les organisations de défense des droits de l'Homme ont fait état de violations majeures des droits de l'Homme par les troupes birmanes chargées de la sécurité autour du gazoduc, notamment le déplacement forcé de villageois et le recours au travail forcé pour des travaux d'infrastructure liés au projet de pipeline.

En mars 2005, la société Unocal a conclu un règlement transactionnel à hauteur de plusieurs millions de dollars, selon ce qui a été rapporté, dans le cadre d'une action judiciaire fondée sur le fait que la société était complice de violations des droits de l'Homme commises par les troupes birmanes embauchées par le projet Yadana pour assurer la sécurité du pipeline. En achetant Unocal, Chevron a acquis l'investissement d'Unocal en Birmanie, en ce compris ses responsabilités légales, morales et politiques. Chevron fait également des affaires dans d'autres pays controversés sur le plan des droits de l’Homme : l'Angola, la Chine, le Kazakhstan, et le Nigéria.

Le dossier Yadana s'est d'ailleurs encore alourdi en septembre dernier, lorsque l’ONG américano-thaïlandaise EarthRights International (ERI) a rendu publics deux rapports dans lesquels elle accuse Total et Chevron d’être les principaux soutiens financiers de la junte ainsi que d’avoir « contribué à un haut niveau de corruption en Birmanie » et de se rendre indirectement complices de « travail forcé et d’exécutions » sur le site du gisement gazier de Yadana.

Après deux ans d’enquête, ERI révèle en effet que le gisement de Yadana a permis au régime birman d’engranger 4,83 milliards de dollars (3,31 milliards d’euros) entre 2000, début de l’exploitation du site, et 2008. Sur la même période, les enquêteurs avancent que « Total aurait perçu approximativement 483 millions de dollars (331 millions d’euros) et Chevron, 437 millions de dollars (299 millions d’euros) après avoir déduit 30 % de taxes imposées par le régime et 10 % de coûts de production ». Selon les enquêteurs, « 75 % des revenus du projet Yadana vont directement au régime militaire ». Loin d’être versée au budget national, cette manne détournée par les généraux « est localisée dans deux grandes banques offshore à Singapour, réputées pour abriter des fonds des gouvernements de la région et des diasporas ». D’après ERI, il s’agit d’une part de la « Overseas Chinese Banking Corporation (OCBC), qui détient la plupart de ces revenus », d’autre part de « DBS Group ».

EarthRights International conclut que « Yadana a été un élément décisif permettant au régime militaire birman d’être financièrement solvable ». Autrement dit, il a pu « à la fois ignorer la pression des gouvernements occidentaux et refuser au peuple birman toute demande démocratique ».

Une résolution en assemblée générale

Le constat semble donc accablant. Il est évidemment fait pour interpeller des ONG, des syndicats ou encore des congrégations religieuses. Rien d'étonnant à ce que la résolution déposée à l'assemblée générale de Chevron ait été supportée par Amnesty International, mais aussi par la Confédération syndicale internationale (CSI), qui représente 170 millions de travailleuses et de travailleurs au travers de 312 organisations nationales de 157 pays, la Fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie, de l’énergie, des mines et des industries connexes (ICEM) qui est une fédération syndicale internationale (FSI) représentant 467 syndicats de 132 pays, l'American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO), dont les syndicats membres gèrent près de 1.500 fonds, soit environ 400 milliards de dollars d’encours (environ 328,7 milliards d’euros), l'International Brotherhood of Teamsters qui représente 1,4 million de travailleurs aux États-Unis, Canada et à Porto Rico, ainsi que des congrégations religieuses comme The Maryknoll Fathers and Brothers, Mercy Investment Program, the Unitarian Universalist Association, the Ursuline Sisters of Tildonk et des conseillers financiers tels Newground Social Investment.

Cette résolution, qui invitait le conseil d'administration à rédiger en vue de l'assemblée générale de 2010 un rapport sur les critères utilisés par Chevron pour (i) investir, (ii) maintenir des activités, et (iii) se retirer de certains pays, a remporté un succès certain, quoiqu’encore insuffisant, avec 25 % des suffrages(4).

Mais quels sont les arguments qui peuvent sensibiliser les actionnaires de sociétés comme Chevron ou Total ? Du point de vue des investisseurs, les entreprises courent des risques importants liés à la réputation, ainsi que sur les plans financier, juridique et politique, en opérant en Birmanie qui a été condamnée à l’échelon international en raison de son recours au travail forcé, au déplacement forcé et à la répression des minorités ethniques. En reconnaissant ces risques, un grand nombre de sociétés ont désinvesti de la Birmanie au cours de la dernière décennie, notamment British American Tobacco, Texaco (États-Unis), Levi Strauss (États-Unis), Triumph International (Suisse), Premier Oil (Royaume-Uni), Anheuser-Busch (États-Unis), Heineken (Pays-Bas), Adidas (Allemagne) et IKEA (Suède). En 2007, la société Rolls-Royce (Royaume-Uni) a annoncé qu’elle n’opérerait plus en Birmanie. Ivanhoe Mines (CAN) a également annoncé son intention de désinvestir. La campagne britannique Burma Campaign UK tient à jour à ce sujet une liste « sale » (dirty list) des entreprises qui opèrent toujours en Birmanie et une liste « propre » (clean list) des entreprises qui ont désinvesti.

Le premier risque est donc lié à la qualité d'investisseur des sociétés : l’adoption de nouvelles sanctions et l’intensification des campagnes publiques peuvent empêcher les entreprises de vendre leurs actions dans des projets liés à la Birmanie ou les forcer à les vendre à des prix nettement réduits (c'est ce qui est arrivé à la société canadienne Ivanhoe Mines).

Il y a ensuite les risques liés à la réputation: les entreprises opérant en Birmanie sont associées directement ou indirectement à un régime militaire bien connu. La sensibilisation accrue des consommateurs, la couverture médiatique et les campagnes publiques sur la situation en Birmanie peuvent avoir un impact sur la bonne volonté des consommateurs et/ou entraîner une augmentation des risques de boycott des consommateurs.

Ce sont ensuite des risques financiers qui sont encourus, résultant de litiges ou de sanctions. Les entreprises étrangères ne sont en effet pas en mesure de veiller à ce que les transactions financières soient effectuées de manière transparente et responsable, conformément aux normes comptables internationales. Il existe également un risque élevé d’expropriation sans indemnité en raison d’un cadre réglementaire insuffisant et imprévisible en matière d’investissement, d’application irrégulière de la loi et de corruption endémique. Plusieurs entreprises ont ainsi vu saisir leurs avoirs ou ont été forcées par le régime militaire à quitter le pays. Des risques financiers supplémentaires sont liés aux taux de change officiels peu réalistes, au manque permanent de devises étrangères de la junte et au large déficit de la balance des paiements courants.

Il existe enfin des risques juridiques et politiques liés à un renforcement du régime des sanctions internationales, notamment de l’Union européenne, des États-Unis et du Canada. Les opérations en Birmanie courent en outre un plus grand risque de faire l’objet de procès dans des tribunaux étrangers pour violations des droits humains. C'est ainsi qu'une action judiciaire a été portée devant un tribunal américain qui, en 2005, a conclu qu’Unocal, qui avait engagé les services des militaires pour garantir la sécurité dans l’un de ses projets de pipeline, « savait ou devrait avoir su que les militaires commettaient, étaient en train de commettre et continueraient de commettre ces actes atroces ». On se souviendra également du procès intenté en Belgique contre le groupe Total du chef de crimes contre l’humanité.(5)

Conclusions

Comme on le voit, l'activisme actionnarial est loin d'être, tout au moins en Amérique, une activité marginale. Réunir les votes d'un quart des capitaux d'une société comme Chevron n'est pas une mince affaire.

Il se fonde, formellement tout au moins, davantage sur des arguments tirés du risque et donc de la valeur financière des capitaux investis que du respect des droits de l'Homme ou d'enjeux citoyens. Ces risques sont toutefois liés à l'instabilité politique des zones d'activité, mais aussi largement aux réactions citoyennes face à l'inacceptable, qui influencent la réputation de l'entreprise et l'adoption d'éventuelles mesures politiques. C'est dire que les mouvements de défense des droits de l'Homme, au travers de leurs activités de boycott et de plaidoyer, jouent un rôle énorme et apportent de l'eau au moulin des actionnaires activistes.

C'est la bonne compréhension de ces rouages qui peut offrir toute leur force aux mouvements sociaux. Nous avons certainement beaucoup d'enseignements à en tirer dans notre vieille Europe, où l'activisme actionnarial est nettement moins développé, mais ne demande sans doute qu'à s'épanouir.

Bernard Bayot,
décembre 2009

(1) Bernard Bayot, "Activisme actionnarial", Hémisphères, n°25, juin 2004.

(2) Bernard Bayot, "Comment améliorer les pratiques en matière environnementale?", Réseau Financement Alternatif, décembre 2007, http://www.financite.be/s-informer/bibliotheque,fr,11,3,2,1,367.html.

(3) The Ture Cost of Chevron, mai 2009, http://truecostofchevron.com/report.html.

(4)http/::www.workerscapital.org/Chevron_Shareholders_Support_Teamsters_Country_Selection_Criteria_Proposal_%2827_May_2009%29/

(5) Fiche d'information sur la Birmanie et sur les propositions d'actionnaires, http://www.ftq.qc.ca/librairies/sfv/telecharger.php?fichier=5572

Type de support
Type de document
Auteur(s)
Thématiques liées
Numéro de classement dans la bibliothèque ou code de rangement
DE-BAYO2009-1
Cocher cette case pour générer un nouveau code lors de l'enregistrement de ce contenu
Désactivé
Année d'édition
2009
Date d'édition
12/2009
Mois d'édition
Décembre

Mesure de la performance sociale de la microfinance : pour une pratique uniformisée en Belgique

Soumis par Anonyme le

Mesure de la performance sociale : de quoi s’agit-il ?

Il existe une littérature abondante en matière de performance sociale (1), on parle également tantôt d'« audit social », tantôt de « scoring social », ou d'« indicateurs de performance ». Parfois on évoque également l’« étude de l'impact social de l'action », étude qui doit alors, d'un point de vue méthodologique, permettre une comparaison entre la manière dont la situation évolue dans le temps pour les personnes bénéficiaires du service, d’une part, et pour les personnes n'ayant pas pu bénéficier du dispositif, d’autre part.

Notre propos n'est pas ici d'exposer de manière académique les différentes approches de « performance sociale », mais de fournir au lecteur une présentation claire et faisant largement l'unanimité auprès des principaux acteurs internationaux préoccupés par cette thématique. Nous pensons ici à la Social Performance Task Force (2) ainsi qu'à CERISE (3), qui regroupent tous deux un nombre significatif de parties prenantes déterminées à définir, diffuser et promouvoir l'usage des outils de reporting de performance sociale tels qu'ils les ont développés et testés auprès de nombreuses institutions.

Selon la Social Performance Task Force (SPTF) donc, qui peut être considérée, au niveau mondial, comme la principale organisation de coordination des efforts de recherche à ce sujet dans le secteur de la microfinance, « la performance sociale est la mise en pratique efficace de la mission sociale d’une institution en accord avec des valeurs sociales acceptées ». La performance sociale fait référence à la mise en œuvre de la responsabilité sociale et de l’engagement social d’une organisation et est à la fois relatif (concrétisation de la mission spécifique de l’institution) et générique (contribution à la promotion de valeurs sociales reconnues par tous) (4).

« Mission sociale » et « valeurs sociales » sont tous deux des concepts relatifs. Buts, objectifs ou idéaux, ces concepts permettent aux individus ou aux institutions de se situer, de juger de leurs actes ou d'être jugés. Toutefois, pour sortir de cette indétermination, la SPTF a récemment défini ce qu’elle entend par « valeurs sociales acceptées » dans le secteur de la microfinance.

  • Proposer durablement un accès croissant aux services financiers des personnes les plus pauvres et/ou sévèrement exclues ;
  • Améliorer la qualité et la pertinence des services financiers offerts aux clients visés grâce à une évaluation systématique de leurs besoins spécifiques ;
  • Proposer des services financiers de façon efficace et efficiente, pour pouvoir réduire les frais et fixer des taux d’intérêt équitables sur les prêts et les dépôts d’argent ;
  • Améliorer la situation des clients de la microfinance, de leur famille et de leur communauté (amélioration du capital social, des liens sociaux, augmentation des actifs et des revenus...) ;
  • Réduire la vulnérabilité des clients (en évitant tout effet secondaire possible du microcrédit, tel le surendettement...) ;
  • Améliorer la responsabilité sociale de l'institution de microfinance envers ses employés, ses clients, et les communautés.

Mesurer la performance sociale : à quoi ça sert ?

Comme dirait Brian Trelsad (Acumen Fund), « Nous souhaitons que nos investissements soutiennent les initiatives les plus efficaces pour résoudre les problèmes, pas celles qui racontent les plus belles histoires » (5).

À elle seule, cette formule résume bien l'esprit qui anime les promoteurs d'une formalisation de la performance sociale. À ce jour, il est communément admis, tant dans le chef d'investisseurs que de donateurs, que l'investissement dans la microfinance ne produit pas automatiquement une plus-value sociale. Afin qu'ils puissent s'assurer que les investissements débouchent bien sur une telle plus-value, il est indispensable de disposer d'informations objectives, pertinentes et fiables pour en étayer le bien-fondé et la qualité.

Parmi les retombées positives de la mesure de la performance sociale, on citera notamment le fait de :

  • Permettre la prise de décisions prudentes d'investissements : qui souligne et illustre tant la situation financière que ses relations avec la poursuite de la mission sociale ;
  • Investir sur la base de la performance réelle : sur la base de données tangibles, et pas uniquement sur la base d'un discours qui ne serait pas solidement étayé ;
  • Pouvoir adhérer à la mission sociale : grâce à la performance sociale, l'investisseur peut jauger la manière dont les progrès sociaux évoluent en regard de leur propre stratégie d'investissement et de politique sociale ;
  • Apprécier la relation avec la clientèle locale : la manière dont la clientèle locale est servie, mais aussi dont elle rembourse et dont elle se fidélise sont des éléments essentiels à la vie et au développement de l'institution, et donc aussi essentiels aux yeux des investisseurs ou donateurs qui y ont investi. Sans une politique appropriée de reporting, qui intègre la mesure et le monitoring de la clientèle, cette information ne leur serait pas directement accessible ;
  • Obtenir un avantage comparatif en matière de collecte de fonds : tant pour les investisseurs que pour les donateurs, la transparence, le reporting financier et la qualité sociale des activités qui peuvent être fournies aux parties prenantes sont des arguments supplémentaires et favorables à la collecte de fonds ;
  • Consolider, voire pérenniser la relation entre l'institution de Microfinance (IMF) et l'investisseur ou le donateur : l'excellente compréhension de la réalité de l'IMF (mission, services développés, objectifs sociaux…) par ces derniers peut être la base de la consolidation d'un partenariat sur le long terme, fondé sur la confiance et la loyauté.

Les multiples dimensions de la performance sociale... en questions ?

Afin de rendre concret ce qui jusqu'ici est resté de l'ordre du concept, nous allons à présent illustrer comment chacune des dimensions de la performance sociale peut donner lieu à la collecte de données objectives et tangibles. Ces dernières sont extraites d'un outil (6) disponible en ligne, développé et déjà utilisé par de nombreux opérateurs de microfinance.

La sélection présentée ci-après se veut avant tout illustrative :

Dimension 1 – Mission

Mission et objectifs sociaux : en plus de l'énoncé de la mission, il est demandé de spécifier le niveau de pauvreté du public visé par l'IMF (niveau de revenu), de sélectionner les publics prioritaires de l'IMF dans une liste (minorités, jeunes, femmes, ruraux...), de préciser la taille des structures soutenues (micro/petite/moyenne/grande entreprise) et les objectifs sociaux poursuivis (réduction de la pauvreté, création d'emploi, accès à la santé...).
Si des services non financiers existent, seront stipulés le nombre et le type de bénéficiaires par service proposé ; le type et le nombre d'emplois créés, en équivalent temps plein. La fréquentation scolaire des enfants est aussi étudiée en détail pour les IMF de certains pays.
Gouvernance : il est demandé de spécifier les responsabilités et les conditions de service des administrateurs. Sont-elles réglementées? Quelle est la composition du conseil d'administration (représentants : ONG, gouvernement, financiers, communautés locales...)? Les bénéficiaires des services sont-ils représentés? Si oui, comment ? Qu’est-ce qui est mis en oeuvre pour former les administrateurs à la gestion de la performance sociale ?
Portée géographique : description de la distribution géographique de la clientèle (zone rurale ou urbaine / zone non servie par autre IMF ou banques /...).
Accessibilité pour les femmes / pour les groupes cibles : nombre et part des clientes (autre groupe cible) pour des prêts individuels ou des prêts en groupe sur l'offre totale.

Dimension 2 - Stratégies et systèmes

Gamme des services proposés (financiers et non financiers) : description par type de produits financiers (crédit, épargne, assurance, paiements et transactions...) et non financiers (services d'entreprises, éducation des adultes, services de santé, émancipation des femmes...).
Formation du personnel à la performance sociale et évaluation : quels sont les membres du personnel qui sont concernés par ce type de formation ? Quelle formation reçoivent-ils ? Afin de réduire quel type de difficultés? Comment les objectifs sont-ils atteints ? En quoi le personnel est-il incité à améliorer la performance?
Étude de marché de la clientèle : description des stratégies mises en place pour connaître les besoins des clients et des clients potentiels et description de la fréquence à laquelle ces stratégies sont appliquées.
Mesure de la fidélité de la clientèle et du taux de perte : évolution du nombre net de clients, entrants et sortants. Vérification de l’existence d'une collecte de feedback sur les clients sortants. Ou sur des évènements qui expliqueraient des départs.
Évaluation de la pauvreté : la pauvreté est-elle estimée ? Choix de l'approche et critère (seuil de pauvreté / autre référence...)? Y a-t-il un suivi de la situation des clients ? Si oui, de quel type ?

Dimension 3 – Politique et conformité

Responsabilité sociale envers les clients : sélection, parmi des listes prédéfinies, des actions mises en place pour limiter le surendettement des clients, mettre à disposition des informations transparentes (prix...), recouvrer les créances de manière appropriée, résoudre les relations litigieuses, protéger les données sensibles...
Coût des services aux clients : comment le taux d'intérêt est-il formulé? Quel est le TAEG ? L'IMF connaît-elle l'endettement crédit global de ses clients ?...
Responsabilité sociale envers le personnel : sélection dans une liste des pratiques de gestion du personnel en faveur de la transparence, de l'égalité... Description des politiques mises en oeuvre en matière de personnel (mobilité, maternité, égalité des chances...). Description de la méthode utilisée pour connaître la satisfaction du personnel. Données relatives au taux de rotation...
Responsabilité sociale envers la communauté : existe-t-il une telle responsabilité ? Formelle / informelle ? Quels éléments (à choisir dans une liste) y sont inclus ? Brève description du dispositif.
Responsabilité sociale envers l'environnement : existe-t-il une telle responsabilité ? Formelle / informelle ? Quels éléments (à choisir dans une liste) y sont inclus ? Brève description du dispositif, que ce soit pour les mesures destinées aux clients ou celles liées à la gestion même de l'IMF.

Auto-évaluation sur une base commune

Tel qu'il a été conçu, le rapport de performance sociale présenté est intéressant à plus d'un titre. Si l'on se place du point de vue de l'institution de microcrédit, on soulignera les qualités suivantes :
Pratique et opérationnel

  • il est synthétique ;
  • il comporte un grand nombre de questions fermées et propose de nombreuses réponses en choix multiple ;
  • une partie des informations ne doit être collectée qu’une seule fois ;

Mis en oeuvre par l'IMF

  • ce rapport est un rapport d'auto-évaluation : il ne nécessite pas d'intervention extérieure ou de prestation coûteuse par un bureau spécialisé indépendant ;
  • une partie des informations collectées se trouvent généralement collectées dans certains documents de reporting ou de gestion de l'IMF.

Critères objectivés

  • l'intérêt du cadre proposé est une objectivation des critères / des valeurs et leur traduction en éléments concrets, comparables. Les questions / réponses qualitatives, certes présentes et nécessaires, n'occupent qu'une place complémentaire ;

Cette approche n'est toutefois pas la panacée. Il est donc utile de garder à l'esprit ce que cet outil ne permet pas, à savoir principalement :

  • une appréciation externe et 100 % objective ;
  • une étude d'impact, comparant la situation des bénéficiaires à celle de personnes n'ayant pas eu accès au dispositif.

Conclusion

Il nous paraît évident qu'une professionnalisation et amélioration de la mesure de la performance sociale des institutions de microfinance (IMF) constitue une bonne pratique.
Les bénéfices d'une telle évolution se feront sentir tant au niveau des investisseurs, des clients, des travailleurs du secteur et des pouvoirs publics... que de l'IMF elle-même. En revanche, il nous paraît également réaliste – nous ne voulons pas tomber dans l'angélisme – que cette évolution rencontre des résistances et soulève des craintes dans le chef des opérateurs de terrain.
Afin de mieux comprendre la perception du secteur sur cet outil et de tirer des enseignements en matière d'opportunité et/ou de résistance quant à leur mise en place, nous mettons en oeuvre une enquête auprès d'une vingtaine d'opérateurs européens. Les résultats de cette enquête feront l'objet d'une future analyse, dans le courant du premier trimestre de 2010.

Olivier Jérusalmy
décembre 2009

1. Voir notre sélection bibliographique en fin d'article
2. http://www.sptf.info/
3. http://www.cerise-microfinance.org/spip.php?page=sommaire&id_rubrique=1
4.Audran (2009)
5.Traduction libre de la citation anglaise suivante « We want our investments to go to the best problem solvers, not the best storytellers ».
6. http://www.themix.org/standards/sp-reports

Bibliographie

Adele Atkinson (2008) Evidence of Impact: An overview of financial education evaluations, prepared by the Personal Finance Research Centre - University of Bristol for the Financial Services Authority

Jérôme Audran, (2009) Définition des concepts de responsabilité, performance, plus-value et transparence sociales en microfinance, BIM n°10 http://microfinancement.cirad.fr/fr/news/bim/Bim-2009/BIM-09-02-10.pdf

Mary Clark, Rolf Sartorius, (2004) Monitoring & Evaluation: Some Tools, Methods & Approaches, The World bank - Operations Evaluation Department – Knoledge programs and Evaluation Capacity development group, Washington

Dean Karlan, Nathanael Goldberg, (2007) Impact Evaluation for Microfinance: review of Methodological Issues, The World Bank – Poverty Reduction and Economic Management « Doing Impact Evaluation » n°7, November, Washington

Portail Microfinance (2008), Impact et performances sociales – dossiers thématiques, version web - http://www.lamicrofinance.org/resource_centers/impactperf/

Imp-Act Consortium, (2008), Putting the 'social' into performance management: State of practice, November - http://www2.ids.ac.uk/impact/

The Rockefeller Foundation, The Goldman Sachs Foundation, (2003) Social Impact Assessment A Discussion Among Grantmakers, March 36, NewYork City

European Microfinance Platform (2008) The role of Investors in Promoting Social Performance in Microfinance, European Dialogue n°1, June

Type de support
Type de document
Auteur(s)
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux

Mots-clés liés

Thématiques liées
Numéro de classement dans la bibliothèque ou code de rangement
AR-JERU2009-3
Cocher cette case pour générer un nouveau code lors de l'enregistrement de ce contenu
Désactivé
Année d'édition
2009
Date d'édition
12/2009
Mois d'édition
Décembre

Prévention du surendettement : apprentissage tirés de pratiques étrangères

Soumis par Anonyme le

Pauvreté et surendettement: un point de vue partagé

Pauvreté et dettes de crédit: une réalité contrastée

Ce facteur a été clairement cité comme étant la principale cause de surendettement dans les pays cités. Seule la lecture belge pointe du doigt l'impact que le surendettement peut avoir sur les revenus et devenir alors une cause de pauvreté.

Dans la plupart des cas, la pauvreté est associée à des problèmes de difficulté de gestion quotidienne, de compréhension des enjeux et des produits financiers, d'une moindre capacité de choix: circonstances de vies plus rudes et gamme de crédit offertes plus étroites et le plus souvent avec des conditions moins avantageuses.

Ce qui peut varier, en revanche, c'est l'accès au crédit par des populations précaires et la place de l'endettement crédit dans les situations de surendettement.

En Irlande, la réalité institutionnelle de l'offre de crédit, où l'on trouve un important marché « sub-prime », souligne le large accès au crédit par des familles pauvres ou précarisées. Les populations les plus pauvres ne sont donc pas « protégées » du surendettement crédit comme cela se constate en Belgique, où les ménages les plus pauvres sont relativement moins endettées en crédits et plus en « dettes non crédits »2.

Un autre élément qui rend possible l'endettement crédit des ménages précaires est l'absence de taux d'intérêt maxima sur les crédits qui leurs sont offerts. Cela permet en effet de rendre « rentable » des crédits au risque de défaut ou de retard élevés. Les prêteurs peuvent compenser les rentabilités plus faibles par des taux d'intérêt plus élevés, ou, ils peuvent également limiter l'analyse risque et de solvabilité de ces clients tout en octroyant des crédits rentables. Ces deux mouvements sont assez contraire à la notion de crédit responsable. Tant du côté de l'offre de crédit (pas d'analyse de solvabilité) que de la demande (pas de fourniture d'élément de preuves de capacité financière).

Comme autre facteur explicatif, on trouve encore le caractère inapproprié des crédits proposés. Cet élément n'est évidement pas indépendant du point mentionné précédent. Dans les pays anglo-saxons plus qu'ailleurs sans doute, la précarité des ménages et la faiblesse du pouvoir d'achat sont faussement combattus par ceux-ci par un usage de crédits. Ces derniers sont nombreux, parfois volumineux, le plus souvent coûteux et l'endettement cours sur des vies entières. Ces situations sont d'autant plus présentes que le marché des crédits est peu régulé.

La logique dominante concentre toujours la responsabilité dans les mains du particulier qui doit être à même de faire face à ces difficultés sans sombrer dans le surendettement. Les problèmes liés à la transparence et la compréhension des produits financiers, à la concurrence qui s'en voit entravées, à l'ordre public qui peut être troublé par des pratiques usuraires restent encore peu considérés comme devant être combattus.

Surendettement et accident de vie: un point de vue partagé

des réponses encore peu adaptées

Une recherche menée en Irlande sur le surendettement souligne le caractère généralement inapproprié des politiques d'éducation financières lorsqu'elles ont pour but de réduire le surendettement puisque dans la très grande majorité des cas, ce dernier naît non pas d'une mauvaise gestion, mais d'un accident de vie qui entraîne soit une hausse de charges, soit une baisse de revenu qui déséquilibre le budget pour une période significative. L'auteur souligne dès lors le déséquilibre qui s'observe entre les mesures préconisées par le Gouvernement qui tendent à valoriser les approches comportementales (guidance budgétaire et gestion financière) ou institutionnelles (accès au crédit) alors que le problème est avant lié à des causes socio-économiques qui sont hors du chant de contrôle des gens.

Ces constats ont été depuis longtemps soulignés en Belgique, notamment grâce aux études de l'Observatoire du crédit, mais force est de constater que les réponses proposées pour faire face à ce type de situation lorsque des contrats de crédit sont en cours manque pour le moins de souplesse. Les solutions développées impliquent le plus souvent l'intermédiaire d'un médiateur de dettes, dans une procédure amiable ou judiciaire.

Toutefois, les conséquences de la crise financières ont été particulièrement brutales dans certains pays, et parmi ceux-ci on trouve l'Espagne. Le marché espagnol se caractérise par un marché bancaire très développé, mature et compétitif où interviennent pour un epart significative des banques d'épargne et des banques coopératives, qui ont des missions de service public dans leur cahier de charge. On trouve également sur le marché espagnol des prêts hypothécaires rendant possible de très importantes modifications des taux d'intérêts et donc de la charge mensuelle de remboursement.

Face au raz de marée des emprunteurs hypothécaires en difficulté, pour enrayer le risque de voir s'effondrer en cascade le marché immobilier, une mesure d'urgence a été développée qui a été approuvée par le gouvernement. Il s'agit de réduire de 50% de la charge de remboursement du crédit hypothécaire dans un futur proche (montants qui sont postposés) pour les ménages à revenu modeste. Toujours dans le même ordre d'idée, dans la région de Vasco, le gouvernement intervient pour transformer les emprunts hypothécaires rendus trop coûteux pour les ménages en loyers, avec transfert de propriété. Cette option est réservée aux personnes ou ménages ayant perdu leur emploi suite à la crise financière, et elle est conçue pour permettre le rachat du bien immobilier après une certain laps de temps.

Olivier Jérusalmy,

octobre 2009


 

1 « Surendettement: Définition européenne opérationnelle commune du surendettement » étude commandée par la Commission européenne, réalisée par l'Observatoire de l’Epargne Européenne (European Savings Institute - Paris), le Centre for European Policy Studies - European Credit Research Institute (Bruxelles) et l'Université de Bristol (Personal Finance Research Centre), 2008.

2 Observatoire du Crédit et de l'Endettement, rapports d'évaluation annuels.

Type de support
Type de document
Auteur(s)
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux
Sommaire

Quand les réalités nationales diffèrent, les problèmes et les réponses développées peuvent nous apporter une lecture originale et compléter notre compréhension du phénomène. Dans ces lignes, l'Irlande, le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie nous inspirent une séries de réflexions.

Thématiques liées
Numéro de classement dans la bibliothèque ou code de rangement
AR-JERU2009-2
Cocher cette case pour générer un nouveau code lors de l'enregistrement de ce contenu
Désactivé
Année d'édition
2009
Date d'édition
10/2009
Mois d'édition
Octobre

La banque Triodos fête ses quinze ans d'existence : bilan et perspectives

Soumis par Anonyme le

Contexte

Fin des années soixante, quatre Néerlandais — Adriaan Deking Dura (économiste), Dieter Brüll (professeur de droit fiscal), Lex Bos (conseil en organisation) et Rudolf Mees (banquier) — joignent leurs forces pour repenser la manière de gérer l’argent. Ils créent une fondation qui se charge de mettre en relation prêteurs et entrepreneurs novateurs. Sous leur impulsion, Triodos Bank NV commence ses activités bancaires et de crédit en 1983. Dix ans plus tard, la Banque Triodos belge voit le jour. Depuis lors, elle s’est taillé une réputation solide dans le domaine bancaire et fête, cette année, ses quinze ans de présence en Belgique.

La philosophie de la Banque Triodosest de se dédier au financement « des entreprises, des institutions et des projets à valeur ajoutée dans les domaines social, environnemental et culturel2 ». Ceci se fait à travers « les capitaux que lui confient les épargnants et les investisseurs désireux d'encourager le développement d'entreprises novatrices et responsables ».

Ainsi, sa manière de fonctionner s’inscrit clairement dans la démarche du développement durable, car elle désire implicitement considérer les aspects environnementaux et sociaux en plus des aspects financiers des projets qu’elle finance. Il s’agit, en fait, de la « triple approche, dite des trois 'P' (Personne, Planète, Profit) »,d’où le nom Triodos venant du grec tri hodos signifiant 'trois chemins'.

Bilan

En quinze ans d’activités, la Banque Triodos peut se targuer de toute une série de succès sur différents plans. Citons quelques exemples, parmi les plus récents. À commencer par la création, dès 1994, en collaboration avec des ONG — dont le Réseau Financement Alternatif —, des particuliers et des entreprises, de la société coopérative Alterfin. Cet organisme vise à promouvoir le microcrédit et le commerce équitable par des investissements en Asie, Afrique et Amérique latine3

En 2000, afin de marquer de manière plus officielle et systématique son engagement en faveur de l’environnement, toutes les succursales de Triodos obtiennent la certification de la norme ISO 14001. Plus récemment et ici en Belgique, en 2007, l’Institut bruxellois pour la gestion de l'environnement (IBGE) a attribué le label « Entreprise écodynamique » à deux étoiles4 à la succursale belge pour sa gestion environnementale en termes d’impacts et de performance.

La même année, Test-Achats mène une enquête sur « l’éthique générale » de sept banques belges, les questionnant sur leurs politiques éthiques (au regard des droits de l’homme, du réchauffement climatique…), leurs politiques sectorielles (par exemple, en matière d’armement, de secteur minier…), leur politique fiscale (présence ou non dans des paradis fiscaux) et leur transparence en général. Il en ressort que la Banque Triodos se situe clairement « au-dessus du lot »5.

De même, cette position de banque responsable et durable est largement corroborée par l’étude6 menée par Netwerk Vlaanderen sur le risque d’investissement nuisible. Une fois de plus, par rapport aux autres banques belges étudiées, la Banque Triodos se positionne première et obtient le score « faible » en termes d’investissement nuisible. Il est à noter, toutefois, que ce n’est pas la meilleure note possible – il existe un score « très faible » qu’aucune des banques étudiées n’obtient –, Netwerk Vlaanderen déclarant que la Banque Triodos mène « une politique d'investissement insuffisante sur le thème de la liberté et de la démocratie »7.

Enfin, le magazine Trends-Tendances nomine le directeur de la Banque Triodos, Olivier Marquet, au titre de Manager de l'Année 2008, parmi d’autres entrepreneurs de tous horizons. Cette nomination donne un coup de projecteur sur la réussite de la banque à conjuguer développement durable et activité bancaire, mais souligne aussi les défis à venir, comme la manière dont la direction devra gérer la croissance de la banque en restant fidèle à ses principes. Reste à voir si cette candidature se transformera en tenant du titre…

Sur le plan des produits et services, la succursale belge s’adresse aux particuliers comme aux entreprises avec une gamme variée. Aux premiers, elle propose quatre comptes d’épargne ciblant différents types d’épargnants8 et trois fonds de placement9 qui investissent tous dans des entreprises durables et innovantes. Une troisième manière de placer son argent éthiquement est d’acquérir directement des certificats d'actions de la Banque Triodos. Enfin, pour les épargnants plus fortunés (au-dessus de 400 000 EUR), elle propose une gestion de fortune durable10.

À ses clients professionnels, la banque Triodos offre également des comptes d’épargne et des comptes à terme11, mais aussi des comptes à vue – non disponibles dans l’offre pour les particuliers. Toutefois, c’est son offre crédit qui la rend si attrayante pour les entrepreneurs soucieux d’obtenir des liquidités. Elle propose diverses possibilités, allant du crédit d'investissement au crédit de caisse, en passant par des avances fixes, une garantie bancaire ou un préfinancement de subsides. De plus, en octobre 2008, elle lance le crédit hypothécaire « passif », prêt innovant, car internalisant les économies à venir dans le calcul du montant prêté12.

La qualité de ses produits au regard des critères extrafinanciers est reconnue. D’après un rapport rédigé par un groupe d’ONG13, l’un de ses fonds de placement – le Triodos Values Pioneer Fund – est classé comme le « meilleur fonds écologique durable » parmi une série de fonds dits verts sélectionnés dans six banques belges. De plus, l’ensemble de ses produits et fonds est très bien coté sur les plans éthique et solidaire par la dernière mise à jour de la base de données des produits bancaires dits d’investissements socialement responsables mise en lignepar le Réseau Financement Alternatif14.

Du fait de son approche pionnière dans la manière d’exercer l’activité bancaire, Triodos a acquis une importante expertise dans les dossiers concernant la technologie des énergies renouvelables et la culture en général. En ce qui concerne le premier de ces aspects, comme les préoccupations écologiques occupent une place de plus en plus importante dans les esprits, les grandes banques se penchent désormais aussi sur le sujet. Mais selon le directeur de la Banque Triodos, celle-ci aurait « toujours une longueur d’avance dans ce domaine. »15 Seconde spécialisation de la Banque Triodos : sa longue expérience dans le secteur culturel, qui fait d’elle une référence en la matière. Ces expertises font certainement partie des plus grands atouts de la Banque Triodos.

Mais alors quelles sont les faiblesses de la Banque Triodos ? Si l’on considère les trois axes du développement durable, elle est incontestablement exemplaire sur le plan environnemental. En revanche, sur le plan social, malgré les efforts déployés, la Banque Triodos Belgique n’y investit, en 2007, que 10,1 % de ses projets. Si l’on compare avec les 55,3 % investis dans le secteur « nature et environnement » et les 30,4 % investis dans le domaine « culture et non-marchand », un meilleur équilibre serait envisageable et même souhaitable16. C’est d’ailleurs le cas quand on regarde l’ensemble de Triodos : « nature et environnement » 39,4 % ; « économie sociale » 23,1 % ; et « culture et non-marchand » 34,9 % (autres : 2,2%). Enfin, sur le plan strictement économique, certains lui reprochent ses taux d'intérêt peu alléchants, bien que ceux-ci au bout du compte se situent tout à fait dans la moyenne. D'autres pointent son retour sur investissement, inférieur à celui des autres banques belges. Mais, il faut savoir que ses actionnaires n’ont pas choisi la Banque Triodos par hasard, ils préfèrent très probablement un rendement financier moindre pour un rendement éthique plus élevé.

La Banque Triodos est un modèle en termes de transparence dans un secteur invoquant souvent le « secret bancaire ». Elle publie régulièrement la destination des crédits qu’elle accorde dans son magazine, affiche sur son site Internet les pourcentages d’octroi de crédit par secteur et les modalités précises pour introduire une demande. Toutefois, elle ne mentionne pas les montants octroyés et ne fournit pas une liste exhaustive des crédits accordés. Il est donc toujours possible de s’améliorer…

Un handicap certain de la Banque Triodos réside dans le fait qu’elle soit une « deuxième » banque. L’excellent service qu’elle propose en termes de placement et d’investissement ne remplace pas le fait qu’elle n’offre pas de compte courant (avec une carte de débit) aux particuliers. Les clients belges sont donc obligés de disposer d’un compte dans une autre banque pour leurs opérations courantes. À quand le compte courant pour réunir plus de clients ?

Une dernière critique souvent citée, mais qui semble déplacée, vise le fait que Triodos soit proche du mouvement anthroposophe17. Ce mouvement est controversé, car il semblerait que son fondateur, l’Autrichien-hongrois Rudolf Steiner, ait tenu des propos racistes et discriminatoires18. Toutefois, nous trouvons que cela ne doit pas entacher la réputation de la Banque Triodos, car celle-ci n’adhère en rien à des pratiques discriminatoires ou racistes. De plus, il semblerait que « quelques-unes des banques qui s’étaient d’abord clairement orientées sur la philosophie anthroposophique s’en sont entre-temps distanciées, notamment le groupe Triodos ».19

Perspectives

Le sujet incontournable du moment est la crise financière. Comment réagit la Banque Triodos face à ces turbulences ? Elle reste zen et rassure, comme toutes les banques, ses clients sur l’avenir. Toutefois, même si la crédibilité des institutions bancaires auprès du grand public est fortement ébranlée, les arguments avancés par Triodos sont cohérents avec une réelle tradition de transparence. Peter Blom, directeur général de la Triodos Bank NV affirme que la crise ne touche pas Triodos, car elle possède « une forte solvabilité, une bonne liquidité et de solides atouts »20. Plus concrètement, le directeur de la Banque Triodos explique ceci par le fait que la banque « finance exclusivement l’économie réelle et garantit une transparence absolue »21.

Et dans un futur plus lointain ? La Banque Triodos souhaite poursuivre sa croissance selon sa recette actuelle en quatre points dévoilée dans La Libre Belgique22 :

  • continuer sa politique de transparence ;
  • n’investir que dans l’économie réelle ;
  • chercher à faire des bénéfices, mais « comme un moyen et non comme un but en soi » ;
  • ne pas être cotée en Bourse.

Sur ce dernier élément, il est intéressant de noter, surtout dans le contexte actuel de crise financière, que Triodos a mis en place un dispositif particulier pour ne pas être victime d’OPA hostile – dispositif qui se révèle également précieux pour éviter des spéculations contrastées. Afin de préserver son identité et son indépendance, toutes ses actions sont détenues par le Stichting Administratiekantoor Aandelen Triodos (SAAT), une fondation spécifique régie par la loi néerlandaise. Le SAAT émet des certificats pour les actions de la Banque Triodos qui sont, elles, détenues par le grand public. Toutefois – et c’est là l’envers de la médaille –, ce dispositif a une approche top-down qui limite sérieusement l’influence des détenteurs de certificats d’actions, des clients et de la société. Ceci amène à s’interroger sur la démocratie économique de ce système.

Quoi qu’il en soit, pour continuer à croître, la Banque Triodos devra agir sur différents plans. Du point de vue des services, l’élargissement de sa gamme — offrir un compte à vue paraît l’option la plus logique — semble crucial afin de pouvoir se présenter comme une banque complète. La Banque Triodos a également sondé ses clients actuels sur leur intérêt par rapport à une épargne-pension éthique. Ce pourrait être un complément intéressant aux services déjà proposés. Sur le plan de l’expertise, il faudra rester la référence dans les domaines environnementaux et culturels qui deviennent de plus en plus compétitifs.

Côté chiffres, la Banque Triodos devra veiller à ne pas être victime de son succès. Elle a toujours joué son rôle de banquier, certes cherchant à financer des activités promouvant le développement durable, mais invariablement dans une démarche économiquement viable. Elle doit donc, si la demande de crédit venait à devenir trop grande par rapport à l’encours de dépôts, veiller à ne pas créer une tension au niveau de la gestion du risque. Et inversement, si l’encours de l’épargne venait à dépasser trop largement la demande de crédit, être sûre d’avoir assez de projets culturels, environnementaux et sociaux pour absorber l’épargne des clients23. Il faut donc contrôler la croissance en gardant un bon équilibre financier, mais également en restant en accord avec ses principes.

En quinze ans de présence en Belgique, la Banque Triodos a connu une croissance constante, joui d’une réputation grandissante et construit une solide expertise. C’est un bilan très positif tant pour la banque que pour le développement des activités culturelles, environnementales et sociétales belges. Les perspectives semblent réjouissantes, même si la Banque Triodos devra faire face à de nouveaux défis, au nombre desquels celui de maîtriser sa croissance tout en demeurant fidèle à son credo tri hodos…

Annika Cayrol, décembre 2008


 

1 Pour plus de clarté, dans cet article nous désignerons la succursale belge par  Banque Triodos et la maison mère par Triodos Bank NV. Nous utiliserons Triodos tout simplement quand il s'agit d'éléments concernant l'esprit général de la banque.

2 Voir le site www.triodos.be

3 Voir site Internet d’Alterfin : www.alterfin.be

5 Dixit Christian Rousseau, en charge de la responsabilité sociale des entreprises chez Test-Achats.

6 Netwerk Vlaanderen i.s.m. BankTrack, Ending Harmful Investments, juin 2008.

7 Pour plus de détails, lire « Risque d'investissements nuisibles par Triodos Bank », consultable en ligne : http://www.netwerkvlaanderen.be/fr/index.php?option=com_content&task=view&id=290&Itemid=265

8 Les comptes d'épargne Triodos, Triodos Junior et Triodos Plus ainsi que le compte à terme Triodos.

9 Triodos Values Pioneer Fund, Triodos Values Equity Fund et Triodos Values Bond Fund.

10 En partenariat avec Puilaetco-Dewaay Private Bankers.

11 Compte à terme Triodos (court), Compte d'épargne Triodos, Compte d'épargne Triodos Plus, Compte à terme Triodos, Compte à vue Triodos Business et Compte à vue Triodos Internet Banking Business.

13 Bond Beter Leefmilieu, Friends of the Earth, Greenpeace et WWF, Beleggers op hete kolen, mai 2008, disponible en ligne : http://www.netwerkvlaanderen.be/nl/index.php?option=com_content&task=view&id=522&Itemid=314

14 Pour plus de détails sur les cotations des produits de la Banque Triodos, voir la base de données mise en ligne en décembre 2008 : https://www.financite.be/mon-argent/les-produits-ethiques-et-solidaires,fr,412,95,1.html

15 « Olivier Marquet dans Triodos n’est plus une banque alternative! », sur trends.be, 28/02/2008

16 Les 4, 2% restants sont catégorisés dans « autres » et incluent les octrois de crédits aux particuliers.

17 Commission d’enquête parlementaire belge sur les pratiques illégales des sectes - Audition de MM. J. Borghs et L. Vandecasteele, administrateurs de la Société Anthroposophique en Belgique, 28 mars 1997, disponible en ligne : www.voltairenet.org/article3193.html

18 Pour plus de détails sur le sujet, lire l’article du dictionnaire Les Sceptiques du Québec : http://www.sceptiques.qc.ca/dictionnaire/steiner.html

19 Eric Gremmelmaier et René Hornung, « Anthroposophie, éthique et politique » in Moneta, 26 juin 2006

20 Peter Blom, Our response to the financial crisis, 02/10/2008

21 Olivier Marquet, « Résultats semestriels 2008 de la Banque Triodos », 2008, disponible en ligne : https://www.triodos.be/be/whats_new/news/press_releases/

22 « Investir à Triodos peut changer le monde », G.A. (St.), 20/10/2008, disponible en ligne : http://www.lalibre.be/actu/actualite/article/454127/investir-a-triodos-peut-changer-le-monde.html

23 En effet, les taux de replacement de la Banque Triodos ont été critiqués par le passé car étant relativement bas. Les résultats de 2007 montrent une « proportion entre l’encours des crédits et les fonds confiés à la banque de 45 % ». Alors que la coopérative Crédal a la même année un taux de replacement « frisant les 90 % »…

Type de support
Type de document
Auteur(s)
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux
Sommaire

Née en 1980 à Zeist, aux Pays-Bas, Triodos Bank NV ouvrait une succursale en Belgique en 1993. En quinze ans, la Banque Triodos1 est passée du statut d'acteur bancaire marginal à celui de banque respectable et respectée. Cette analyse se propose de retracer les débuts de la Banque Triodos, d'établir un bilan de son activité en Belgique et d'en détailler les perspectives.

Mots-clés liés

Thématiques liées
Numéro de classement dans la bibliothèque ou code de rangement
AC-CAYR2008-2
Cocher cette case pour générer un nouveau code lors de l'enregistrement de ce contenu
Désactivé
Année d'édition
2008
Date d'édition
12/2008
Mois d'édition
Décembre

Engagement ou exclusion : quelle est la méthode la plus efficace pour un gestionnaire d'actifs institutionnels ?

Soumis par Anonyme le

Introduction

Dans les faits, un gestionnaire d'actifs institutionnels peut être, entre autres, une société de gestion, une compagnie d'assurance, une caisse de retraite ou un fonds commun de placement. En tout état de cause, son but est d'investir les capitaux qui lui sont confiés dans des actions. Fort de cette mission, il peut influencer la manière dont est utilisé cet argent. C'est ainsi qu'historiquement ce sont des fonds publics, syndicaux ou religieux qui ont voulu orienter les politiques de gestion des entreprises dans lesquelles ils investissaient vers une meilleure prise en compte des facteurs sociaux, environnementaux ou de bonne gouvernance1.

De nos jours – et dans une plus forte mesure encore depuis la crise financière –, les gestionnaires d'actifs institutionnels mettent en place des garde-fous pour assurer une certaine cohérence dans leurs placements. Ainsi, pour augmenter la prise de conscience des critères extrafinanciers, ces différentes organisations appliquent diverses démarches dont celles dites « d'engagement »2 et « d'exclusion »3.

Examinons tout d'abord, ce que signifient ces termes dans le domaine de l'ISR. L'engagement, selon le glossaire de Novethic, média français expert du développement durable et de l’investissement socialement responsable,« est un terme, utilisé surtout dans les pays anglo-saxons, pour désigner une activité de dialogue entre un actionnaire institutionnel (fonds de pension, sociétés de gestion, etc.) et une entreprise dont le but est d'améliorer sa performance financière, à moyen et long terme, en facilitant une meilleure prise en compte des facteurs de risques environnementaux et sociétaux. Quand ce dialogue ne donne aucun résultat, l'investisseur-actionnaire porte le débat sur la place publique, lors des assemblées générales. »4 C’est une sorte d'activisme actionnarial, où le dialogue reste tant que possible dans l'arène privée des entreprises. Il s’agit dès lors d'une méthode dynamique et progressive pour entraîner les entreprises à considérer des aspects environnementaux, sociaux et de transparence.

L'exclusion, ou « screening négatif », ou encore « tamisage négatif », est quant à elle une technique plus brusque. L'auteur de l'article Évolution sémantique de l’investissement socialement responsable5, définit ce concept comme visant « à exclure de son univers d'investissement des entreprises impliquées dans certains secteurs d'activités ou produits et services. [...] L'exclusion sera soit globale – exclusion de l’ensemble du secteur d'activité ou exclusion géographique – soit nuancée, par exemple, exclusion des entreprises dont plus de 10 % du chiffre d'affaires proviennent de la vente d'armes. » Dès lors, la manière dont cette exclusion se fait est plutôt directe et elle peut être perçue comme agressive. Les exemples qui suivent illustrent les avantages et les inconvénients respectifs de ces pratiques.

Deux exemples : F&C Investments en Grande-Bretagne et Kommunal Landspensjonskasse (KLP) en Norvège

Le premier exemple concerne la société de placement F&C Investments. Avec 3 millions de clients, 120 milliards d'euros d'actifs et une présence dans une cinquantaine de pays sur trois continents, cette compagnie de taille relativement importante applique une méthode qu'elle a baptisée Reo ("Responsible Engagement Overlay") qui consiste en trois grandes actions :

  • utiliser les actions de leurs clients comme levier pour encourager les entreprises à améliorer leur performance à long terme à travers une meilleure gestion des risques environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance ;
  • exercer cette influence à travers l'engagement et le vote ;
  • mettre en œuvre les PRI6.

Plus concrètement, l'équipe de Karina Litvack, directrice de la Gouvernance et des Investissements durables, s'attache à faire évoluer les choses de l'intérieur par la technique de l'engagement7. Cette technique se déroule en plusieurs temps. Autant de rendez-vous de dialogue avec l'entreprise ou le secteur concerné que nécessaire sont mis en place pour orienter les décisions des présidents d’entreprises vers un comportement plus respectueux du développement durable.

Le secteur bancaire en Grande-Bretagne fournit depuis plusieurs années un bon exemple de cette pratique. Le gestionnaire F&C Investments interpelle les grandes banques anglaises sur une série de sujets, dont la bonne gouvernance, la tension salariale ou le changement climatique. Une des clefs de la réussite de cette méthode est la fréquence des réunions de dialogue, la participation active à des formations internes des banques ainsi que des sessions de consultation et de feedback avec les décideurs.

Plus particulièrement, la Banque HSBC s’est vu demander des comptes en termes de gestion prudente des risques sur les opérations subprimes aux États-Unis. À la suite de cette démarche d’engagement, la banque a détaillé une série de mesures afin de gérer au mieux ces opérations. F&C Investments continue à exprimer ses craintes à ce sujet et à évaluer les progrès faits en la matière.

La stratégie de dialogue employée par F&C Investments dans ce cas est donc de longue haleine, mais semble apporter une amélioration aux pratiques de la banque en question.

Un deuxième exemple décrit la méthode utilisée par KLP. Malgré son statut « d’une des plus grandes compagnies d'assurance-vie en Norvège », cette entreprise est relativement petite avec ses 442 000 clients et ses 23,12 milliards d’euros d’actifs. Sa manière de gérer les fonds est toutefois très intéressante.

Jeanett Bergan, directrice de l’Investissement socialement responsable, explique la manière de procéder de KLP : « Nous utilisons une stratégie en deux parties : nous utilisons la synergie des méthodes d’engagement et d’exclusion »8. En effet, KLP pratique, d’un côté, l’exclusion selon des critères stricts sur les droits humains, le droit du travail, la protection de l’environnement, l’anti-corruption et les armes9 et, de l’autre, l’engagement afin de faire connaître aux entreprises les démarches à mettre en place ou à rectifier pour faire partie de leur univers d’investissement.

Si certaines entreprises sont exclues d'office du fait de la nature de leurs activités10, comme les entreprises de tabac par exemple, d’autres risquent l’exclusion si elles ne changent pas leur comportement à la suite d’un avertissement du Global Ethic Service (GES), département de KLP analysant les compagnies de manière régulière. Un élément important de la stratégie de KLP : elle publie deux fois par an la liste des entreprises qu’elle exclut de son univers d’investissement et les raisons de cette exclusion.

Un exemple concret est le cas de l’entreprise de services de restauration et de chèques services Sodexho. KLP a d’abord dialogué avec Sodexho pour dénoncer les conditions inhumaines de l’« Immigration Removal Centre — IRC »11 de Harmondsworth en Angleterre géré par Kalyx, une filiale de Sodexho12. Vu les faits de violation des droits humains, elle décide d’exclure Sodexho de son univers d’investissement en 2007 et publie un communiqué de presse sur cette exclusion13. Cette action publique mène Sodexho à régler rapidement la situation à l’IRC et à développer une politique d’entreprise globale sur les droits humains. En décembre 2008, Sodexho réintègre l’univers d’investissement de KLP.

La stratégie de KLP consiste donc en un mélange de dialogue et d’action publique d’exclusion, qui a permis des améliorations concrètes dans le cas décrit.

Conclusions

À travers les deux exemples cités, nous observons que chaque méthode présente des avantages et des inconvénients pour le gestionnaire d'actifs institutionnels. Le tableau ci-dessous en recense les principaux :

 

Avantages de la démarche

Inconvénients de la démarche

engagement

- progressive, dynamique et évolutive

- possibilité de réel changement corporatif

- identification des risques à la source

- maintien de bonnes relations entreprises-actionnaires

- chronophage

- relativement coûteuse

exclusion

- impact de levier du public

- telle que pratiquée par KLP, non définitive

- obtention possible de résultats rapides

- peut couper court à une relation actionnaire-entreprise

Ce tableau permet d’observer qu’aucune des deux méthodes n’est radicalement « meilleure » que l’autre. Il montre également que ces techniques peuvent se compléter et faire partie d’une même stratégie pour tendre vers une meilleure prise en compte des facteurs de risques environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance. KLP semble bien tabler sur la complémentarité pour arriver à faire changer le comportement d’importantes multinationales. F&C Investments, quant à elle, cherche plutôt un changement à long terme à coups de rendez-vous et de votes.

En conclusion, les deux méthodes sont valables et une utilisation « synergique » des deux est probablement la voie la plus ferme et la plus efficace pour orienter les entreprises vers un univers d’investissement socialement responsable.

Annika Cayrol

mars 2009


 

1 Lire les articles L'actionnaire public au balcon ? et Les syndicats et l'investissement responsable de Bernard Bayot, disponibles sur www.financite.be

2 D'origine anglo-saxonne, le terme "engagement" est parfois traduit par l'expression "accompagnement" en français.

3 L’exclusion est une partie de la technique de screening, celle-ci pouvant être négative (exclusion) ou positive (best-in-class). Cet article se limite volontairement à comparer deux pratiques – « engagement » et « exclusion » – qui, à elles deux, ne représentent pas l'ensemble des techniques utilisées.

6 UNPrinciples for Responsible Investment, pour plus d'informations voir : http://www.unpri.org/principles/french.php

7 Conférence Novethic, « Environnement, Social et Gouvernance : nouvelle donne pour les investisseurs institutionnels », 5 décembre 2008

8 Conférence Novethic, « Environnement, Social et Gouvernance : nouvelle donne pour les investisseurs institutionnels », 5 décembre 2008

9 Ces critères proviennent de guidelines tels que les dix principes de l’UN Global Compact, les lignes directrices de l’OCDE sur les multinationales et certaines normes de l’UN.

10 Les entreprises exclues du Fonds de pension du gouvernement norvégien sont automatiquement exclues de leur univers d’investissement.

11 Sorte de lieu de détention où les immigrants sont en attente de rapatriement dans leur pays d’origine, plus d’informations sur : http://www.kalyxservices.com/locations/harmondsworth_irc.aspx

Type de support
Type de document
Auteur(s)
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux
Sommaire

De plus en plus de gestionnaires d'actifs institutionnels placent leurs avoirs dans l'investissement socialement responsable (ISR). Ils décident de leur univers d'investissement et peuvent influencer les entreprises ou les États qui les composent par divers stratagèmes. Cet article s'attache à comparer les méthodes dites, d'une part, « d'engagement » et, d'autre part, « d'exclusion », à travers deux exemples en Europe.

Thématiques liées
Numéro de classement dans la bibliothèque ou code de rangement
MO-CAYR2009-1
Cocher cette case pour générer un nouveau code lors de l'enregistrement de ce contenu
Désactivé
Année d'édition
2009
Date d'édition
03/2009
Mois d'édition
Mars

Développer une activité économique génératrice de revenus en Belgique grâce au micro-crédit, c'est possible !

Soumis par Anonyme le
Type de support
Type de document
Auteur(s)
Editeur
Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
Lieux
Sommaire

2005 a été proclamée « Année Internationale du Micro-crédit ». C’est l’occasion de faire un tour d’horizon des différents micro-crédits offerts aux entrepreneurs qui souhaitent se lancer ou développer leur activité professionnelle d'indépendant en Belgique.

Thématiques liées
Numéro de classement dans la bibliothèque ou code de rangement
AR-DEVE2005-1
Cocher cette case pour générer un nouveau code lors de l'enregistrement de ce contenu
Désactivé
Année d'édition
2005
Date d'édition
10/2005
Mois d'édition
Octobre
 

REJOIGNEZ NOTRE MOUVEMENT 

Comme nous, voys croyez qu'une autre finance est possible ? Joignez votre voix aux 4000 membres de notre mouvement (coopératives,asbl,citoyen·ne·s engagé·e·s) et soutenons la finance de demain.