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De Ace à Grameen Bank

Soumis par Anonyme le

Au début du mois d’octobre l’Ace Bank s’est ouverte en Belgique. Pour son administrateur délégué, Monsieur Hayes, elle a l’ambition de devenir le Ryanair du monde financier. « De nombreuses banques ne sont encore nulle part en matière de réduction interne des coûts. Le client paie la facture de prestigieux projets de construction, de la façade affichée en matière de durabilité ou des salaires élevés dans le secteur financier. Chez ACE bank, nous faisons le choix d'une réduction draconienne des coûts. Nous sous-traitons la majeure partie de nos services et notre personnel est payé en fonction du rendement qu'ils génèrent pour les clients. Nous voulons devenir le Ryanair du monde bancaire. »

En matière d’investissement, ACE bank privilégie la rentabilité à tout prix. Elle propose plusieurs fonds et promet un rendement élevé grâce à une stratégie dépourvue de toute considération sociale ou environnementale. Free Labour Found investit uniquement dans les sociétés qui maximalisent leur marge en profitant de coûts salariaux plancher au Bangladesh ou en Chine, Global Change Fund investit dans les sociétés spécialisées dans les activités telles que l'extraction de pétrole dans les zones de conflit, Enduring Freedom Fund propose quant à lui un portefeuille d'actions de fabricants d'armes,... 

Quelques jours plus tard, la baudruche s’est dégonflée. ACE bank n’était autre qu’un canular de nos complices de Netwerk Vlaanderen qui entendaient ainsi stigmatiser, par l’absurde, les investissements non éthiques des banques.

Il n’empêche, l’offre d’investissements non éthiques d’ACE bank et son discours dépourvu du moindre scrupule semblent avoir si peu dénoté dans le monde bancaire belge que celui-ci n’y a manifestement vu que du feu… Jusqu’à la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA) qui a déposé plainte contre ACE bank pour avoir opéré sur le marché belge sans être en possession des autorisations nécessaires ! Et que dire de La fédération financière belge, Febelfin, qui, interrogée sur la politique éthique des banques, a soutenu la liberté de chacune d'entre elles à décider de leur propre stratégie afin de répondre à la demande de leurs clients. Et de renforcer cet argument en citant une étude de Het Nieuwsblad, selon laquelle 80 % de la population ne se préoccupent de toute façon pas de l'utilisation que les banques font de leur argent.  Preuve s'il en est que le service à la clientèle doit avant tout primer sur la responsabilité éthique des banques!

Netwerk Vlaanderen a ainsi eu beau jeu de relever qu’une telle offre non éthique existe bel et bien dans la réalité, même si c’est de façon plus diluée. Et de rappeler qu’un rapport établi en novembre 2005 chiffrait à 8 milliards de dollars les investissements des grands groupes bancaires belges (Axa, Dexia, Fortis, ING et KBC) dans des sociétés qui ne respectent pas les droits de l'homme. 

Le banquier des pauvres

Pendant ce temps, le 13 octobre 2006, le prix Nobel de la paix 2006 était décerné conjointement au Bangladais Muhammad Yunus et à une établissement bancaire, la Grameen Bank, les deux fondateurs du micro-crédit. L'homme et l'institution, qui partageront ce prix attribué depuis 1901, sont récompensés pour leurs efforts pour promouvoir le développement économique et social dans leur pays en favorisant des programmes économiques innovants tels que les micro-emprunts.

L'activité de micro-crédit consiste en l'attribution de prêts de faible montant à des entrepreneurs ou des artisans qui ne peuvent accéder aux prêts bancaires classiques. Dans le Bangladesh rural, pour sortir de la pauvreté et échapper aux usuriers et intermédiaires, les paysans sans terre ont besoin d’un accès au crédit, sans lequel ils ne peuvent lancer leurs propres entreprises, aussi petites soient-elles. Cet accès au crédit leur était refusé dans le monde rural traditionnel, en l’absence de garantie (dans ce cas-ci, le défaut de terre). L’offre bancaire et financière marchande était donc inadéquate et la nécessité d’accéder au crédit a fait naître le projet de la Grameen Bank1 dans le village de Jobra en 1976. Ce projet a renversé la pratique bancaire habituelle en enlevant le besoin de garantie et a créé un système bancaire basé sur la confiance, la responsabilité, la participation et la créativité mutuelle.

La pauvreté, explique Yunus, découle souvent de l’incapacité des travailleurs à bénéficier des fruits de leur labeur, parce qu’ils n’ont pas le contrôle du capital. Les pauvres servent, en fait, ceux qui détiennent ce capital. Non seulement ils n’en sont pas les héritiers, mais ils ne peuvent rien faire puisqu’on leur refuse l’accès au crédit. Au fil des années, on a fini par admettre comme une évidence l’idée selon laquelle on ne peut pas faire confiance aux pauvres en matière d’argent. Mais s’est-on jamais posé la question opposée, et bien plus fondamentale : les banques, elles, sont-elles dignes de confiance, à l’échelle humaine ? 2

La « banque des pauvres » a quant à elle rapidement progressé puisqu’en juillet 2004, la Grameen Bank comptait 3,7 millions de clients au Bangladesh. Avec 1.267 succursales, la banque offre ses services à 46.000 villages, couvrant plus de 68 % des villages du pays. Elle affiche en outre un taux de remboursement plus élevé – 99,06 % en décembre 2003 – que dans les cas de crédits classiques !

Parmi les clients de la banque, 96 % sont des femmes. Ce rôle prépondérant joué par les femmes dans le micro-crédit est une volonté de ses concepteurs : au lieu de prêter au chef de foyer (un homme dans la plupart des cas), ils ont en effet focalisé leur action sur les femmes, explique Yunus. Etre pauvre au Bangladesh est dur pour tout le monde, et l’est davantage encore quand on est une femme. Mais, lorsque les mères de famille se voient offrir une possibilité de s’en sortir, si modeste soit-elle, elles se révèlent plus combatives que les hommes... L’expérience le prouve : le crédit, lorsqu’il passe par les femmes, amène des changements plus rapides que lorsqu’il passe par des hommes. Il ne s’agissait donc pas seulement de leur donner la place qui leur revenait, mais bien davantage de les considérer comme des acteurs privilégiés du développement. Et les femmes ont été, en effet, notre arme la plus efficace contre la pauvreté.3

Télescopage

Ente ces deux événements, l’ouverture de l’Ace Bank et l’attribution du Nobel à Yunus, le calendrier a placé quelques jours seulement ; là où des années-lumière les séparent !

La finance, obtenir des ressources monétaires et les allouer, peut être une fin en soi ou avoir d’autres visées. Soit constituer une pratique volontairement déconnectée de la réalité, qui se suffit à elle-même et qui, pour tout dire, a des tendances schizophréniques. Soit prendre en considération les relations sociales dans lesquelles elle s’inscrit et pour lesquelles elle a été créée.

D’un côté, elle est et se revendique irresponsable, dans le sens premier du terme, car hors de la réalité dont elle ne doit par conséquent pas tenir compte, ni répondre. Elle demeure imperturbablement étrangère au moindre scrupule, dépourvue de toute considération sociale ou environnementale. Sa seule visée et sa seule raison d’être est le profit, envers et contre tout. Qu’importe l’exploitation des travailleurs, rémunérés à des conditions dérisoires, amenés à travailler dans des conditions inacceptables et privés des droits sociaux les plus élémentaires. Qu’importe les démocrates oppressés par des dictatures sanguinaires. Qu’importe les gosses qui tombent sous les bombes à sous-munitions. Qu’importe le réchauffement climatique.

De l’autre, la finance est consciente de sa responsabilité sociale et environnementale. Créée par les hommes, elle est guidée par l’intérêt collectif ou, à tout le moins, celui-ci en constitue un garde-fou.

La finance irresponsable est également inhumaine dans le sens où elle ne place plus l’homme au centre de ses préoccupations et lui retire toujours davantage sa confiance. En n’acceptant pas - ou de moins en moins - des garanties comme la valeur de l’entrepreneur qui sollicite le financement, la validité intrinsèque et les potentialités de développement du projet qu’il soumet ou encore la solidarité d’un groupe dans le remboursement d’un crédit. Ces garanties « humaines » sont délaissées au profit de garanties patrimoniales dont seules les franges plus riches de la population peuvent justifier.

L’autre finance, responsable, met l’homme au centre de ses préoccupations et développe les outils nécessaires, notamment pour l’évaluation du risque, qui permettent de remplir adéquatement sa fonction d’allocation des ressources monétaires.

Il est donc temps, comme le propose Yunus, de retourner la question de la confiance aux banques : sont-elles, elles, dignes de confiance, à l’échelle humaine ? Entre les deux modèles, ACE et Grameen, une infinité de nuances existe sans doute. Mais, après le télescopage de ces deux actualités, qui pourra encore prétendre qu’épargner cent balles, c’est-à-dire choisir l’endroit et la façon de placer son argent, n’est pas, fondamentalement, poser un choix de société ?

Bernard Bayot, novembre 2006

 

1 Muhammad Yunus, Une banque pour les pauvres, Manière de voir, n° 41, septembre-octobre 1998, page 67 ; voir aussi http://www.grameen-info.org/.

2 Muhammad Yunus, Transgresser les préjugés économiques, Le Monde diplomatique,  décembre 1997, pages 14 et 15.

3 Muhammad Yunus, Transgresser les préjugés économiques, op.cit.

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L'actualité du mois d'octobre dernier a fait se télescoper deux images bancaires pour le moins contrastées. D'un côté, l'Ace Bank qui, le 11 octobre, a ouvert un bureau à Bruxelles en promettant un rendement élevé grâce à une stratégie dépourvue de toute considération sociale ou environnementale. De l'autre, la Grameen Bank qui, deux jours plus tard, a reçu le prix Nobel de la paix 2006, après avoir permis à des millions d'exclus du système bancaire traditionnel de développer une activité indépendante et d'échapper ainsi à la misère.

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2006
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11/2006
Mois d'édition
Novembre

L'Europe réglemente l'activité des banques

Soumis par Anonyme le

Le 14 juin 2006, deux directives ont été adoptées par le Conseil et le Parlement européen : celle concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice1, d’une part, et celle sur l’adéquation des fonds propres des entreprises d’investissement et des établissement de crédit2, d’autre part. Même si elles sont intimement liées et posent des questions complémentaires, nous n’évoquerons que la première d’entre elles dans le cadre de la présente analyse.

C’est à partir de la fin des années ’70 qu’a été initiée l’intégration ou la libéralisation du marché bancaire. Les deux premières directives bancaires européennes ont été adoptées respectivement le 12 décembre 19773 et le 15 décembre 19894. Pour regrouper et codifier ces deux directives et d’autres adoptées depuis lors, une nouvelle directive a été adoptée le 20 mars 20005, qui a été elle-même modifiée de façon substantielle à plusieurs reprises. Le 14 juin 2006 enfin, à l'occasion de nouvelles modifications de ladite directive, le législateur européen a, dans un souci de clarté, procédé à une refonte de celle-ci.

Les deux premières directives bancaires répondaient à l'un des principaux axes d'action de l’Union européenne, à savoir mettre en place un environnement réglementaire permettant de fournir des services bancaires sur une base transfrontalière. Pour y parvenir, elle ont prévu que les mesures qu’elles contiennent au sujet des établissements de crédit s’appliquent le plus largement possible, c’est-à-dire à toute entreprise dont l'activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d'autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte. Par ailleurs, ces entreprises se sont vu imposer des conditions souvent difficiles pour accéder à ce statut bancaire.

Moyennant la réunion de ces conditions, tout établissement bancaire ou de crédit qui a été autorisé à opérer comme tel selon ses propres lois et réglementations nationales est désormais libre d'offrir des services bancaires à travers l'ensemble de l’Union, sans avoir à établir une filiale ou un bureau de quelque type que ce soit dans le ou les pays où résident ses clients, et d'établir, sur la base de sa licence bancaire nationale, une succursale dans tout autre Etat Membre afin d'y offrir des services bancaires agréés, et cela sans avoir à obtenir de licence ou d'autorisation délivrée par les autorités bancaires de cet Etat. La liste des services bancaires agréés comprend tous les services bancaires habituels ainsi que certaines activités d'investissements et de conseils en investissements.

Relevons deux difficultés majeures que présente cette législation européenne pour les organisations financières de l’économie sociale et solidaire : l’uniformisation et la monopolisation du statut bancaire.

Les directives bancaires ont gommé autant que possible les différences entre les banques commerciales et les banques de développement. Toutes les particularités qu’avaient ces dernières, comme des facilités fiscales, des garanties publiques, …, qui leur permettaient de remplir leurs fonctions de développement local, ont en grande partie disparu. Une série de banques avaient droit à une exemption dans la première directive bancaire, surtout des organismes publics. La liste nominative de ces banques s’est réduite au fil du temps, l’objectif de la Commission européenne étant de faire disparaître toute distorsion de concurrence entre les différents types de banques. Cette liste est à présent fermée puisque vient d’être supprimée la faculté, qui était encore prévue dans la directive de 2000, que le Conseil, sur proposition de la Commission, modifie cette liste d’exemptions.

Cette uniformisation du statut bancaire s’est ressentie dans divers secteurs. Au sein des caisses d’épargne, par exemple, cette politique favorise celles qui sont les plus importantes et qui ont envie de rentrer dans la concurrence avec les banques commerciales et de grandir au détriment des petites caisses d’épargne qui veulent rester locales et engagées.

On peut dès lors s’interroger sur l’objectif de favoriser la concurrence entre les banques. Si la compétition a sans doute augmenté, l’éventail des services offerts et des publics visés a diminué, obligeant certains gouvernements à forcer les institutions de crédit à offrir des services bancaires de base aux consommateurs. Peut-on encore parler de concurrence lorsqu’on constate une absence de produit ou de service ou des franges de population délaissées par l’offre bancaire ? La raréfaction du crédit professionnel, par exemple, a progressé dans des zones tant urbaines que rurales d’Europe.

Une réponse adéquate à cette situation peut résider dans les organisations financières de l’économie sociale et solidaire qui offrent du crédit à des projets sociaux qui n'ont pas accès au crédit bancaire ainsi qu’à des initiatives touchant les plus démunis et les exclus. Encore faut-il qu’elles puissent soit accéder au statut bancaire, soit exercer leurs activités sans devoir se soumettre aux conditions imposées par ce statut.

Se pose ici une deuxième difficulté majeure de la législation européenne, la monopolisation du statut bancaire : il faut être banque pour pouvoir collecter de l’épargne. En outre, ce statut a été rendu beaucoup plus difficile d’accès et il est donc beaucoup plus malaisé pour une communauté locale de créer sa structure si elle se sent négligée par les structures existantes. Or, les petites banques financent les petits clients. En coupant toute possibilité de créer de nouvelles petites banques, on coupe en même temps la possibilité de créer des instruments qui financent la « petite économie ».

Il faut être banque pour pouvoir collecter de l’épargne, sauf à bénéficier de l’exemption dont nous avons parlé plus haut. Figurent, par exemple, sur la liste des institutions exemptées et ne se voient par conséquent pas appliquer le statut bancaire les Credit Unions d’Irlande, du Royaume-Uni et de Lituanie ou encore leur équivalent en Lettonie, les "krājaizdevu sabiedrības", entreprises qui sont reconnues par le "Krājaizdevu sabiedrību likums" en tant que coopératives fournissant des services financiers uniquement à leurs membres. Ces institutions sont des mutuelles d’épargne et de crédit qui fonctionnent selon le principe du pot commun : les épargnants sont en même temps actionnaires (l’épargne constitue le capital social de la coopérative) et bénéficiaires (ils sont les seuls à pouvoir obtenir du crédit de la structure).

Mais de telles exemptions, sauf à modifier la directive, ne sont plus envisageables pour des institutions similaires, qui existent ou viendraient à se créer dans d’autres Etats de l’Union. On peut par ailleurs craindre que se posera également le problème de la compatibilité au droit européen des lois qui régissent l’activité de micro-crédit en Bulgarie et en Roumanie, qui ont signé, en avril 2005, un traité d'adhésion à l’Union européenne devant entrer en vigueur en 2007.

Sans doute faudra-t-il revenir dans le futur sur la perspective d’introduire une exemption générale pour les organisations financières de l’économie sociale et solidaire, en les autorisant à opérer, sous certaines conditions, sans acquérir le statut bancaire et s’astreindre aux contraintes qu’il suppose.

D’autant que les conditions d’accès au statut bancaire suppose notamment la réunion d’un capital initial minimum de 5 000 000 d’euros. L’article 9 de la directive retient toutefois l’option pour les Etats membres d’accorder l’agrément à des catégories particulières d’établissements de crédit pour autant que le capital initial ne soit pas inférieur à 1 000 000 d’euros et stipule qu’ils doivent notifier à la Commission les raisons pour lesquelles ils font usage de cette faculté. Celle-ci peut donc permettre aux Etats d’appuyer la création ou le développement d’institutions de crédit de l’économie sociale et solidaire dont l’objectif est d’investir pour le bien commun, à charge pour elle de restreindre leurs activités tout en développant leurs compétences dans leur secteur particulier. Encore faut-il que ces institutions puissent faire face aux autres obligations imposées aux banques en matière notamment d’adéquation des fonds propres.

Exemption générale au niveau de l’Union européenne pour les organisations financières de l’économie sociale et solidaire et, au niveau des Etats membres, assouplissement des conditions d’accès au statut bancaire pour les organisations qui souhaitent recourir à ce statut sont certainement deux pistes à creuser pour favoriser un meilleur accès au crédit bancaire.

 

Bernard Bayot, juillet 2006

Sources :

Bernard Bayot, Elaboration d’un service bancaire universel - Deuxième partie - L’accès au crédit et l’exemple du Community Reinvestment Act, Namur, 2003.

Malcolm Lynch, La régulation des banques d’économie sociale au sein de la communauté européenne, Interface n°22, septembre 2004.

 

1 Directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, JO L 177 du 30.6.2006, p. 1–200.

2 Directive 2006/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement et des établissements de crédit, JO L 177 du 30.6.2006, p. 201–255.

3 Première directive 77/780/CEE du Conseil, du 12 décembre 1977, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, JO L 322 du 17.12.1977, p. 30–37.

4 Deuxième directive 89/646/CEE du Conseil du 15 décembre 1989 visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, et modifiant la directive 77/780/CEE, JO L 386 du 30.12.1989.

5 Directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, JO L 126 du 26.5.2000, p. 1–59.

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Les contraintes européennes pèsent lourdement sur les banques et influencent leurs pratiques, notamment celles des organisations financières de l'économie sociale et solidaire, qui offrent aux collectivités et aux particuliers une forme d'épargne alternative dont le rendement n'est pas d'abord financier, mais avant tout social et humain et qui offrent du crédit à des projets sociaux qui n'ont pas accès au crédit bancaire ainsi qu'à des initiatives touchant les plus démunis et les exclus.

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Année d'édition
2006
Date d'édition
07/2006
Mois d'édition
Juillet

L'Europe réglemente les fonds propres des banques

Soumis par Anonyme le

Le législateur européen a toujours considéré que le consommateur risque fort de se montrer réticent à l'idée de placer son argent ou de traiter sur un sujet quelconque avec une banque étrangère située dans un autre Etat Membre, à moins qu'il n'ait l'assurance que la banque en question se trouve soumise à des normes de prudence et à des contrôles appropriés. L'action menée par l’Union européenne pour offrir cette assurance nécessaire a inclus l'adoption d'une législation imposant des exigences minimales communes en matière de "fonds propres" ou de capital (ce qui garantit par conséquent que les banques disposent toujours d'un capital de base adéquat), des ratios minimaux de solvabilité définis sur une base commune (qui assurent donc que les banques maintiennent des ratios leur permettant de faire face à leurs pertes en cas de faillite), ainsi que des mesures destinées à garantir une surveillance adéquate et effective des banques sur une base consolidée.

La directive sur l’adéquation des fonds propres introduit dans l’Union européenne un dispositif de surveillance actualisé qui prend en compte les règles de l’accord de Bâle II sur les normes de fonds propres convenues au niveau du G-10.

Le rôle moteur en matière de régulation bancaire revient en effet à la Banque des Règlements Internationaux (BRI) qui est une organisation internationale qui regroupe les banques centrales ou autorités monétaires de cinquante pays ou territoires et qui a pour mission de stimuler la coopération des banques centrales et d'autres agences dans la poursuite de la stabilité monétaire et financière. Au sein de la BRI s’est créé le G 10, qui est né de la décision de dix pays membres du Fonds monétaire international (FMI), plus la Suisse, de mettre des ressources à la disposition du Fonds au-delà des quotes-parts qui leur avaient été fixées aux termes des Accords généraux d’emprunt (AGE). Depuis 1963, les gouverneurs des banques centrales du G 10 se retrouvent lors des réunions de la BRI et ont institué en leur sein plusieurs comités permanents qui leur font rapport.

Parmi ceux-ci, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, instauré en décembre 1974 et chargé d’améliorer la coopération entre autorités de contrôle des banques. Il coordonne le partage des responsabilités prudentielles entre autorités nationales, dans le but d’assurer une surveillance efficace de l’activité bancaire à l’échelle mondiale. Le Comité a fait paraître en 1983 un rapport sur cette question – le Concordat de Bâle - et, en 1992, a renforcé ces dispositifs en approuvant des normes minimales pour le contrôle des groupes bancaires internationaux et de leurs établissements à l’étranger. Le Comité cherche également à renforcer les normes de surveillance, notamment en matière de solvabilité, afin de contribuer à accroître la solidité et la stabilité de l’activité bancaire internationale. Son rapport le plus connu est l’accord de Bâle sur les fonds propres de 1988, qui a pour but de parvenir à une convergence internationale de la mesure des fonds propres des banques et de fixer des exigences minimales.

Le pivot de l’accord de Bâle est la mise en place d'un ratio minimal de fonds propres par rapport à l'ensemble des crédits accordés, le ratio Cooke, qui prévoit que le rapport des deux valeurs ne doit pas être inférieur à 8 %. Les accords de Bâle sont actuellement appliqués dans plus d'une centaine de pays. La grande limite du ratio Cooke, et donc des réglementations issues des premiers accords de Bâle, est liée à la définition des engagements de crédit. La principale variable prise en compte était le montant du crédit distribué. A la lumière de la théorie financière moderne, il apparaît qu'est négligée la dimension essentielle de la qualité de l'emprunteur, et donc du risque de crédit qu'il représente réellement.

Le Comité de Bâle a donc publié le 15 juillet 2004 la recommandation « Bâle II »3 dans laquelle est définie une mesure plus pertinente du risque de crédit, avec en particulier la prise en compte de la qualité de l'emprunteur, y compris par l'intermédiaire d'un système de notation interne propre à chaque établissement (dénommé IRB, Internal Rating Based). Le nouveau ratio de solvabilité est le ratio McDonough.

En fait, les recommandations de Bâle II s'appuient sur trois piliers (terme employé explicitement dans le texte des accords) :

  • l'exigence de fonds propres (ratio de solvabilité McDonough) ;
  • la procédure de surveillance de la gestion des fonds propres;
  • la discipline du marché (transparence dans la communication des établissements).

Le premier pilier, l'exigence de fonds propres, affine l'accord de 1988 et cherche à rendre les fonds propres cohérents avec les risques réellement encourus par les établissements financiers. Parmi les nouveautés, signalons la prise en compte des risques opérationnels (fraude et pannes de système) et des risques de marché, en complément du risque de crédit ou de contrepartie. Pour le risque de crédit les banques peuvent employer différents mécanismes d'évaluation. La méthode dite standard consiste à utiliser des systèmes de notation fournis par des organismes externes. Les méthodes plus sophistiquées (méthodes IRB) impliquent des méthodologies internes et propres à l'établissement financier d'évaluation de cotes ou de notes, afin de peser le risque relatif du crédit. Les différentes mesures ont une incidence directe sur la capitalisation requise.

Pour ce qui est du deuxième pilier, la procédure de surveillance de la gestion des fonds propres, comme les stratégies des banques peuvent varier quant à la composition de l'actif et la prise de risques, les banques centrales auront plus de liberté dans l'établissement de normes face aux banques, pouvant hausser les exigences de capital là où elles le jugeront nécessaires... Enfin, dans le troisième pilier, la discipline de marché, des règles de transparence sont établies quant à l'information mise à la disposition du public sur l'actif, les risques et leur gestion.

Au niveau de l’Union européenne, l'élaboration du nouveau dispositif d'adéquation des fonds propres est inscrite dans le plan d'action pour les services financiers de la Commission européenne. Ce plan, adopté en mai 1999, décrit dans les grandes lignes les mesures à prendre par l'Union européenne pour achever l'intégration des marchés financiers. Les Conseils européens de Lisbonne et de Stockholm ont approuvé le plan d'action et exigé que cette intégration soit effective en 2005 pour l'ensemble des marchés financiers et en 2003 pour les marchés des valeurs mobilières. Comme les règles du comité de Bâle, les nouvelles normes européennes viseront à aligner plus étroitement les exigences de fonds propres sur les risques sous-jacents et à encourager les institutions à améliorer leur gestion des risques. Le nouveau dispositif s'appliquera à tous les établissements de crédit et à toutes les entreprises d'investissement de l'Union européenne. Selon la Commission européenne, il doit être aussi clair et flexible que possible, afin de répondre aux besoins de ce large éventail de destinataires. Il doit pouvoir s'adapter rapidement à l'évolution des marchés et des réglementations, afin de promouvoir l'efficacité et la compétitivité des entreprises du secteur européen des services financiers.

Les nouvelles propositions de règles prudentielles adoptées dans le cadre du comité de Bâle II vont donc obliger les banques à modifier leur système actuel de rating. Actuellement, tous les types de crédits sont pondérés de manière uniforme. Les nouvelles règles introduiront une pondération du risque en fonction de son niveau. Les banques seront amenées à revoir complètement leur perception du risque de leur portefeuille de crédits et donc de leur politique d’octroi de prêts. La mise en œuvre de la nouvelle réglementation aura une incidence sur les réserves que doivent constituer les banques et donc également sur le volume des crédits octroyés aux différentes catégories d’emprunteurs. Pour certaines catégories d’entre eux, l’accroissement des fonds propres nécessaires pour octroyer un même volume de crédit va en effet réduire le retour relatif sur fonds propres, sauf à augmenter corrélativement la marge bénéficiaire et donc le taux d’intérêt sur ces crédits, ce qui va inciter les établissements de crédit à orienter celui-ci vers les catégories d’emprunteurs pour lesquels le ratio fonds propres/volume de crédit est moins élevé.

Les associations représentatives des PME ont réagi en relevant différents problèmes d’accès aux financements bancaires rencontrés par celles-ci : les coûts engendrés par un exercice de notation, jugés prohibitifs pour une PME ou par rapport au montant total du crédit demandé, l’exigence de garanties trop importantes, le coût du crédit, la lenteur et la bureaucratie du processus décisionnel, le manque de transparence des conditions d’octroi de crédit et le manque de connaissance des banques à l’égard du système des PME.

En ce qui concerne plus spécifiquement les banques de l’économie sociale et solidaire, on relèvera qu’elles sont nées d’une inadéquation des services offerts par les institutions de crédit existantes et du développement corrélatif de techniques de crédit en rupture avec le modèle dominant. Par conséquent, les normes qui se justifient pour ce dernier ne sont pas nécessairement adéquates pour ces banques différentes.

Pour ce qui est de l’évaluation du risque, les plus grandes banques seront avantagées dans l’utilisation de l’évaluation interne ou externe des crédits pour désigner les taux de risque à appliquer. Les plus petites banques recourant à une approche standardisée sur la base de la structure de risque existant devront utiliser l’évaluation de risque proposée dans la directive ou avoir recours à des agences d’évaluation des risques de crédit. Celles-ci sont toutefois coûteuses et, en outre, il leur est difficile de comprendre l’économie bancaire sociale sans analyser les transactions financières sur plusieurs années. Il est par conséquent fort peu probable que les banques d'économie sociale soient capables d’évoluer de l’approche standardisée des risques avant plusieurs années.

En ce qui concerne la détermination des catégories de domaines des risques opérationnels, un changement significatif pour les microcrédits est néanmoins intervenu avec la proposition de directive : les prêts destinés aux petites et moyennes entreprises peuvent désormais être comptabilisés comme des prêts destinés à des particuliers pour autant que le crédit soit inférieur à 1 000 000 d’euros. Cela signifie qu’une estimation à risque moindre pourra être placée dans cette catégorie et non dans celle des prêts destinés aux sociétés. Il s’agit là d’un changement salutaire.

Par contre, la directive ne vise pas la technique d’allégement du crédit qui consiste à présenter un groupe de personnes garantes liées à l’emprunteur. Néanmoins, la directive offre suffisamment de flexibilité pour permettre aux autorités de tutelle de reconnaître la validité de cette technique d’allégement des risques de crédit si les banques d’économie sociale peuvent prouver son efficacité. En dépit de ce qui précède, le risque de voir standardiser les garanties acceptées et d’en voir réduire la liste est toutefois réel : on est très loin de ce qui était accepté par les banques de proximité, par exemple la notoriété.

S’agissant enfin de la transparence bancaire, il n’existe par contre aucun problème pour les banques de l’économie sociale et solidaire dont la transparence entraîne souvent la fourniture d’informations sur l’ensemble des prêts réalisés et dont les investisseurs sont en outre plus patients que ceux d’autres institutions, liés à des institutions financières par des soutiens vis-à-vis des objectifs sociaux en faveur desquels ils sont engagés.

Bernard Bayot, juillet 2006

Sources :

Bernard Bayot, Elaboration d’un service bancaire universel - Deuxième partie - L’accès au crédit et l’exemple du Community Reinvestment Act, Namur, 2003.

Malcolm Lynch, La régulation des banques d’économie sociale au sein de la communauté européenne, Interface n°22, septembre 2004.

 

1 Directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, JO L 177 du 30.6.2006, p. 1–200.

2 Directive 2006/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement et des établissements de crédit, JO L 177 du 30.6.2006, p. 201–255.

3 Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Convergence internationale de la mesure et des normes de fonds propres, dispositif révisé, juin 2004, http://www.bis.org/publ/bcbs107fre.pdf.

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Le 14 juin 2006, deux directives ont été adoptées par le Conseil et le Parlement européens : celle concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice1, d'une part, et celle sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement et des établissement de crédit2. Nous verrons dans le cadre de la présente analyse comment la seconde d'entre elles est susceptible d'influencer les pratiques des organisations financières de l'économie sociale et solidaire, qui offrent aux collectivités et aux particuliers une forme d'épargne alternative dont le rendement n'est pas d'abord financier, mais avant tout social et humain et qui offrent du crédit à des projets sociaux qui n'ont pas accès au crédit bancaire ainsi qu'à des initiatives touchant les plus démunis et les exclus.

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2006
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07/2006
Mois d'édition
Juillet

Le point sur le service bancaire de base, cinq ans après son introduction

Soumis par Anonyme le

La loi sur le service bancaire de base

En septembre 2008, la loi du 24 mars 2003 instaurant un service bancaire de base[1] (S.B.B.) a eu cinq ans. Elle avait été adoptée à l’unanimité suite au constat que, en 2001, l’exclusion bancaire[2] en Belgique touchait une population estimée à 40 000 personnes[3].

La loi garantit depuis lors à tout citoyen ayant sa résidence principale en Belgique le droit à l’ouverture d’un service bancaire de base dans la banque de son choix dès lors qu’il ne possède pas d’autres comptes à vue ou de compte S.B.B. et respecte quelques autres conditions[4].

Ainsi, pour la somme forfaitaire maximale de 13,19 € par an[5], toutes les banques offrant des comptes à vue doivent également offrir un « service bancaire de base », avec ou sans mise à disposition d’une carte de crédit, comprenant au minimum les services suivants : l’ouverture et la clôture d’un compte à vue, la mise à disposition (électronique ou non) des extraits de compte, la possibilité d’effectuer des dépôts et des retraits au guichet (en nombre assez limité) ou par voie électronique lorsqu’une carte de débit est mise à disposition.

Deux ans après son entrée en vigueur, une évaluation de la loi[6] réalisée par nos soins à la demande de la ministre en charge de la Consommation a permis de mettre en évidence que le nombre d’exclus bancaires avait été divisé par quatre entre fin 2001 et fin 2005, passant de 40 000 à 10 000 et que le nombre de C.P.A.S. et de services sociaux ayant eu à connaître des situations d’exclusion bancaire avait largement diminué par rapport à 2001.

L'étude avait alors également mis en lumière le double rôle joué par la loi sur le service bancaire de base : curatif, d’une part, par l’ouverture des comptes S.B.B. à proprement parler et préventif, d’autre part, lorsque les banques acceptent plus facilement l’ouverture d’un compte « classique » ou élaborent des produits spécifiques à destination de certains publics précarisés[7].

Une série de difficultés d’application de la loi sur le S.B.B. étaient toutefois apparues et certaines catégories de personnes s’étaient révélées comme étant en difficulté pour maintenir, ouvrir ou utiliser un compte (personnes surendettées, étrangères ou en difficulté face à l’automatisation des banques).

Afin de résoudre certaines de ces difficultés, une loi modifiant la loi de 2003 et son arrêté d'exécution a alors été adoptée le 1er avril 2007[8], modalisant les mesures suivantes :

  • l’élargissement des conditions d’octroi du service bancaire de base[9] ;
  • la précision, dans la loi, que la décision d’admissibilité d’une procédure en règlement collectif de dettes ne peut justifier un refus ou une clôture de compte S.B.B. ;
  • le maintien dans la loi de la disposition relative à la création d'un fonds de compensation[10] — dont l’objectif est de permettre une compensation financière entre les banques qui fournissent des services bancaires de base et les banques qui rechignent à délivrer de tels services – et la précision que cette création ne peut avoir lieu qu'après une évaluation réalisée au plus tôt en 2008 ;
  • l’obligation pour les établissements de crédit de livrer tous les 6 mois un rapport sur le nombre de comptes ouverts, les refus et les motivations de ces refus au Service de médiation banques-crédit-placements.

Rapport 2007 du Service de médiation banques-crédit-placements

Depuis sa modification, l’année dernière, la loi sur le service bancaire de base impose donc aux banques qui offrent des services aux particuliers de communiquer chaque année au Service de médiation banques-crédit-placements « des informations sur le nombre de comptes ouverts, le nombre de refus et de résiliations ainsi que leur motivation. Les informations sur l’année civile écoulée sont transmises au plus tard le 31 janvier de l’année qui suit ».

Ces statistiques ont été pour la première fois récoltées par le Service de médiation en janvier 2008.

Selon le rapport annuel 2007 du Service de médiation [11], 9.861 comptes de base ont ainsi été recensés en fin 2007 et, pendant cette année-là, 1.855 nouveaux comptes de base ont été ouverts, pour 2.186 clôturés.

Le rapport indique aussi que 290 demandes d’ouverture de SBB ont été refusées en 2007, ces refus étant principalement motivés par l’existence d’un autre compte dans le chef du demandeur (motif invoqué 180 fois) ou par le fait que ce dernier disposait d’un crédit à la consommation de plus de 6 000 euros auprès d'un établissement de crédit (motif invoqué 102 fois) ou encore d’un dépôt d'épargne et d’un crédit à la consommation dont le montant cumulé était supérieur à 6 000 euros (motif invoqué 56 fois).

Enfin, sur les 2 186 clôtures, 1 224 sont intervenues à la demande du titulaire, les autres clôtures étant justifiées dans la quasi-totalité des cas par l’existence « d’autres produits bancaires non compatibles avec un compte de base (motif invoqué 947 fois) ».

Selon le rapport, ce dernier chiffre s'explique par la « fermeture » d'un grand nombre de « services de base » auprès d'une institution financière et leur remplacement par des comptes ordinaires à des conditions égales.

Notons enfin que le rapport indique que sept banques offrent un service bancaire de base, les banques offrant des comptes gratuits n'enregistrant pas de comptes bancaires de base.

Interpellation du ministre en charge de la Protection de la consommation 

Constatant, rapport à l’appui, que le nombre de services bancaires de base a diminué en 2007 alors que le but de la modification de la loi intervenue en 2004 était justement de donner accès à ce service à plus de consommateurs, la députée Katrien Partyka (CD&V) s'est récemment interrogée sur le fait que la modification de la loi intervenue en 2007 ait bien atteint ses objectifs[12].

Selon la députée, différentes raisons expliquent le faible succès du service bancaire de base légal :

  • La plupart des banques offrent, sans doute sous la pression de l’existence du service bancaire de base légal, leur propre compte bancaire de base bon marché, avec, il est vrai, une prestation de services restreinte. Ainsi, par exemple, la carte de banque est uniquement utilisable dans les propres succursales de l’établissement.
  • En outre, la plupart des banques ne promeuvent que très peu leur propre compte bancaire de base bon marché, et favorisent plutôt leurs comptes bancaires plus coûteux.
  • Enfin, les banques diffusent aussi peu d'information au sujet du service bancaire de base légal, en le mentionnant uniquement dans le prospectus de leurs tarifs ainsi qu’ils en ont l’obligation légale. Sur les sites Internet de la plupart des banques, on retrouve peu d’information sur la possibilité d’ouvrir un service bancaire de base, et ce service n’est souvent pas mentionné en dessous du descriptif des comptes à vue offerts.

Considérant « qu’il est à craindre que la majorité des 1,5 million de Belges vivant en dessous du seuil de pauvreté ne soit pas au courant de la réglementation ou possède un compte en banque trop cher », la députée Katrien Partyka a dès sollicité le ministre en charge de la Protection de la consommation afin qu’il « prenne des mesures pour augmenter l'information relative à ce type de produit et examine avec les banques la possibilité que celles-ci fassent la promotion de ce type de produit ou des comptes qui sont moins onéreux que leurs comptes classiques ».

Analyse du rapport au regard des conclusions de l’évaluation de la loi en 2005

Si on compare les chiffres du Rapport 2007 du Service de médiation banques-crédit-placements à ceux collectés en 2005 par le Réseau Financement Alternatif[13] auprès des établissements de crédit[14], on constate que le nombre de comptes SBB ouverts depuis l'adoption de la loi a tout d'abord subi une augmentation croissante, avec 5.541 comptes effectifs fin 2005[15], pour culminer à 10 192 comptes fin 2006-début 2007 et retomber à 9861 fin 2007.

L’évolution du nombre de services bancaires de base en 2007 opère donc bien une rupture par rapport à la tendance observée les années précédentes, une diminution du nombre de comptes SBB ouverts et un nombre de clôtures supérieur au nombre d’ouvertures ayant été constatés pour la première fois.

Ce constat, ainsi que le souligne la députée Katrien Partyka, mérite toute notre attention et devrait amener nos responsables politiques à s’assurer à nouveau que la loi garantit bien un accès effectif à un compte bancaire pour tous les citoyens aujourd’hui en Belgique.

Les chiffres énoncés dans le rapport permettent-ils, à eux seuls, de conclure à une défaillance de la modification de la loi intervenue en 2007 à atteindre ses objectifs ? Nous ne le pensons pas.

Rappelons tout d’abord que les nouvelles dispositions ne sont entrées en vigueur qu’au mois de mai 2007, et n’ont dès lors été appliquées qu’à partir de la seconde partie de l’année. L’examen des données relatives à 2008, qui seront communiquées fin janvier 2009, sera dès lors fort utile pour permettre l’examen des données récoltées sur une période plus représentative.

Précisons ensuite que le nombre d’ouvertures et de clôtures de comptes SBB constitue un indicateur qui doit impérativement être interprété au regard d’une série d’autres éléments dont l’examen est indispensable afin d’établir si l’objectif poursuivi est effectivement atteint. 

Ainsi, on ne saurait répondre correctement à cette dernière question qu’en analysant également en profondeur les éléments suivants :

  • A combien peut-on évaluer aujourd'hui le nombre de personnes exclues bancaires en Belgique ?
  • Vu les différentes mesures prises depuis 2003, quelles sont, selon les acteurs de terrain, les causes qui néanmoins subsistent et génèrent cette exclusion bancaire ?
  • L'offre de service bancaire de base est-elle équitablement répartie entre les différents établissements bancaires ?
  • Existe-t-il des produits bancaires « de substitution » qui captent une partie des bénéficiaires potentiels du service bancaire de base (comptes gratuits, comptes sociaux...), quelle part de marché couvrent-ils et quels sont leurs conditions, avantages et/ou inconvénients par rapport au service bancaire de base ?
  • Quelle est réellement la publicité faite actuellement au sujet du service bancaire de base par les établissements bancaires et les autres parties prenantes ; avec quel impact ?

L’analyse de ces différents points nécessite qu’une étude s’y attarde en détail, et dépasse largement le cadre du présent article.

Nous nous limiterons donc à formuler ici quelques réflexions liminaires qui nous sont apparues à la lecture du Rapport 2007.

Selon ce dernier, près de trois quarts des refus d’octroi d’un service bancaire de base sont justifiés par le fait que le demandeur disposait d’un crédit à la consommation de plus de 6 000 euros auprès d'un établissement de crédit ou encore d’un dépôt d'épargne et d’un crédit à la consommation dont le montant cumulé était supérieur à 6 000 euros.

Or ce motif de refus, certes prévu par la loi, est tout à fait discriminatoire : les crédits à la consommation souscrits auprès d’un établissement de crédit sont autorisés à concurrence d’un montant maximum, alors que les crédits souscrits auprès des dispensateurs de crédit non bancaires (grande distribution, sociétés spécialisées, vente par correspondance...) sont autorisés sans limite !

Le fait que ce motif soit tant invoqué par les banques rend la discrimination d’autant plus criante. On se retrouve en effet devant un droit au SBB différencié, où les personnes ayant recours à des prêteurs non bancaires sont favorisées.

Nous nous interrogeons ensuite sur le fait que les banques qui offrent un compte gratuit n’enregistrent pas de compte de base. Celles-ci ne sont-elles pas tenues de le faire dès lors qu’elles offrent des comptes en banque aux particuliers ? C’est pourtant bien ce que prévoit la loi.

Enfin, le rapport nous apprend que sept banques jouent le jeu en offrant un service bancaire de base. Mais dans quelle mesure ? Certaines assument-elles une plus grosse part de l’offre ou cette dernière est-elle bien répartie entre les différentes enseignes ? Certaines sont-elles plus proactives que d’autres dans ce domaine ?

La création d'un fonds de compensation — qui ne peut avoir lieu qu'après une évaluation réalisée au plus tôt en 2008 — doit-elle être envisagée afin de stimuler les banques à faire le nécessaire pour assurer la promotion et l'ouverture de services bancaires de base ?

Conclusions

La diminution du nombre de comptes bancaires de base observée en 2007 traduit-elle une défaillance de la loi sur le SBB à atteindre ses objectifs ? L’examen isolé des données du rapport annuel du Service de médiation banques-crédit-placements ne permet ni d’affirmer, ni d’infirmer cette allégation.

Seule une étude approfondie portant sur un faisceau d’indicateurs bien plus large permettrait de répondre à cette question, qui doit en réalité être posée en ces termes : les produits bancaires disponibles sur le marché actuellement et les mesures mises en place par les différentes parties prenantes, dont le service bancaire est un des éléments piliers, permettent-ils aujourd’hui de lutter efficacement contre l'exclusion bancaire en Belgique?

Lise Disneur, septembre 200.8


 

[1] Moniteur belge, 15 mai 2003, 2ème éd., page 26.402

[2] Exclusion bancaire est le terme utilisé pour désigner le processus par lequel une personne rencontre des difficultés d’accès et/ou d’usage dans ses pratiques bancaires et qu’elle ne peut plus mener une vie normale dans notre société.

[3] Voir les résultats de l’étude « Élaboration d’un service bancaire universel » menée par le Réseau Financement Alternatif en 2003.

[4] La loi prévoyait alors que pour pouvoir bénéficier d’un SBB, le demandeur ne devait pas posséder

  • de comptes titres, de fonds de placement, de produits d’assurances, de SICAV et de SICAF ;
  • de crédits en cours auprès d’un établissement de crédit ;
  • d’autres comptes (tel le compte épargne) dont le solde créditeur cumulé moyen annuel dépasse 2 500 euros (les garanties locatives ne sont pas prises en considération pour la détermination du montant maximum).

Ces conditions ont été modifiées en 2007 (voir note de bas de page n° 9).

[5] Montant indexé pour 2008.

[6] « Évaluation de la loi du 24 mars 2003 instaurant le service bancaire de base », Étude réalisée à la demande de Mme Freya Van den Bossche, ministre en charge de la Protection de la consommation, Lise Disneur, Françoise Radermacher et Bernard Bayot, disponible sur www.rfa.be/files/Synth%E8se%20fr.pdf

[7] Tels les comptes sociaux offerts par Dexia à destination des personnes émargeant au C.P.A.S.

[8] Loi modifiant la loi du 24 mars 2003 instaurant un service bancaire de base, M.B. 24-04-2007 et Arrêté royal du 1er avril 2007 modifiant l'arrêté royal du 7 septembre 2003 portant certaines mesures d'exécution de la loi du 24 mars 2003 instaurant un service bancaire de base, M.B. 24-04-2007.

[9] Le bénéficiaire d’un service bancaire peut désormais avoir aussi bien un crédit à la consommation qu’un compte d’épargne, pourvu que le montant cumulé de ces deux produits soit inférieur à 6 000 euros.

[10] Les cotisations des banques pour financer ce fonds sont fixées selon un ratio calculé en fonction du nombre de services bancaires de base délivrés par les banques d’une part, et de leur taille sur le marché, d’autre part. Le fonds a vocation à assurer la viabilité du service bancaire de base en répartissant son coût entre tous les opérateurs concernés.

[11] Disponible sur http://www.ombfin.be/files/om2007fr.pdf

[12] Voir le communiqué de presse du 13/08/2008 sur le site http://www.cdenv.be/actua/persberichten/katrien-partyka-%E2%80%9Cbasisbankdiensten-zijn-onvoldoende-bekend%E2%80%9D

[13] « Évaluation de la loi du 24 mars 2003 instaurant le service bancaire de base », op.cit.

[14] Ces données proviennent des établissements de crédit ayant répondu à l'enquête menée par RFA, sans faire l'objet d’une extrapolation. Ces derniers représentaient alors 81,35 % du secteur bancaire belge.

[15] Le nombre d’ouvertures de comptes S.B.B. a été le plus important durant les deux premières années puisque 2003 et 2004 ont enregistré respectivement 2 707 et 3 691 ouvertures de comptes S.B.B. 2005 marquait alors une diminution par rapport à 2004, avec 2 730 nouveaux S.B.B. ouverts. Le total cumulé des clôtures depuis le lancement du S.B.B. jusqu'à fin 2005 s'élevait à 3 587.

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Le rapport du Service de médiation banque-crédit-placements annonce une diminution du nombre de comptes bancaires de base ouverts en 2007. Ce constat traduit-il une défaillance de la loi sur le S.B.B. à atteindre ses objectifs ?

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Année d'édition
2008
Date d'édition
09/2008
Mois d'édition
Septembre

Les syndicats et l'investissement responsable

Soumis par Anonyme le

Les expériences syndicales en matière d'investissement socialement responsable (ISR) sont multiples à travers le monde. Développées dans des contextes différents, elles ne sont pas nécessairement transposables. On peut les schématiser en cinq actions, qui peuvent, bien sûr, se cumuler : le boycott, la labellisation, l'actionnariat actif, la gestion des fonds de pension et l'action financière.

Boycott

La première formule consiste à soutenir des mouvements de boycott des investissements dans certains pays (Afrique du Sud du temps de l'apartheid, Chine, Soudan...) ou de certaines entreprises lorsqu'elles se rendent coupables, par exemple, de violation de droits civils ou sociaux.

Labellisation

La labellisation de produits financiers consiste à identifier certains de ceux-ci pour récompenser les producteurs respectant des normes de qualité et pour indiquer ce respect au consommateur. En France, le Comité intersyndical de l'épargne salariale (CIES), créé en janvier 2002, rassemble presque tous les syndicats représentatifs (CFDT, CFECGC, CFTC, CGT) et publie annuellement une sélection d'offres d'épargne salariale socialement responsable qu'il labellise.

Ses critères de sélection sont de trois ordres : le meilleur rapport qualité-prix pour les salariés, des instruments d’investissement socialement responsables et diversifiés, en fonction du risque et de l’orientation souhaités par le salarié, et enfin des garanties fortes (contrôle par un conseil de surveillance composé majoritairement de représentants des salariés, capacité donnée à ce conseil de contrôler régulièrement et concrètement la gestion des fonds, transparence et clarté de la gestion).

Actionnariat actif

L’activisme actionnarial consiste, pour les actionnaires, à exercer leur droit de vote aux assemblées générales annuelles des entreprises cotées dont ils détiennent des parts. Ils utilisent ainsi un levier puissant pour améliorer le comportement éthique, social et/ou environnemental des entreprises, en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales.

À l’occasion d’une réunion qui s’est tenue au début du mois d'avril 2003 à Stockholm, l'alliance syndicale internationale Global Unions [1], regroupant la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)[2], les Fédérations syndicales internationales et la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (CSC-OCDE) [3], a décidé d’intensifier ses efforts en vue d’assurer que les entreprises multinationales assument leurs responsabilités sociales.

Les participants, qui ont passé en revue une large gamme d’initiatives volontaires privées en matière de responsabilité sociale, ont notamment examiné l’essor de l’investissement socialement responsable et le rôle que les investisseurs – tels que les fonds de pension, par exemple – peuvent jouer dans ce domaine.

Le sujet n'est pas neuf : depuis un rassemblement international qui a eu lieu à Stockholm également, en 1999, la coopération intersyndicale s'est accrue en vue d'améliorer l’influence des capitaux des salariés.

Sur le plan mondial, l’objectif poursuivi par les organisations syndicales est d’utiliser comme levier d’action le pouvoir des 11 000 milliards de dollars détenus par les travailleurs et investis pour leur retraite, afin d’améliorer les comportements des entreprises et de les rendre plus socialement responsables.

Cette stratégie syndicale se retrouve également sur le plan national.

Aux États-Unis, les syndicats associés à l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO), qui gèrent presque 1500 fonds, soit environ 400 milliards de dollars d’encours, environ 328,7 milliards d’euros, ont lancé le programme "Capital Stewardship" pour coordonner les activités d’engagement actionnarial, en particulier les résolutions visant à réformer la gouvernance d’entreprise [4].

Ils sont également les auteurs du "Proxy Voting Guidelines", guide du vote par procuration accessible au grand public [5], du "Key Vote Survey", qui dresse une liste des gérants d’actifs et de leur performance de vote sur un nombre sélectionné de résolutions d’actionnaires [6], et de l’"Investment Product Review" qui dresse une liste des canaux d’investissement dans lesquels les fonds des syndicats peuvent investir, car ils créent des "bénéfices collatéraux" ou des retours financiers positifs et défendent des valeurs de travail [7].

Au Royaume-Uni, à l’occasion de la publication d’un rapport intitulé "Working Capital" [8] et d’une conférence qu’elle organisait à Londres, le 24 février 2003, la Confédération syndicale britannique Trade Union Congress (TUC) [9] a adopté une position claire en faveur de l'investissement socialement responsable.

L’objectif qu'elle se fixe est de mobiliser les 260 milliards d’euros détenus par les fonds de pension comportant des administrateurs membres du TUC pour développer des investissements économiquement ciblés afin de combler des fossés sur les marchés de capitaux ou de les orienter sur les projets créateurs ou préservateurs d’emplois ; de désinvestir des entreprises qui ont un comportement social inacceptable ; de sélectionner les entreprises sur la base de leur comportement social ; et, enfin, de pratiquer l’engagement actionnarial aux assemblées générales annuelles.

En France, le Comité intersyndical de l'épargne salariale (CIES) envisage également d’expérimenter des campagnes de vote lors des assemblées générales des entreprises.

Gestion des fonds de pension

Les syndicats interviennent également, à des degrés divers, dans la gestion ou le contrôle de la gestion des fonds de pension et peuvent, à ce titre, agir pour promouvoir l'ISR. C'est le cas, par exemple, au Brésil où les syndicats cherchent la participation au marché financier, en particulier dans la politique de création et de gestion des fonds de pension. Pour cette politique, ils s’appuient sur le discours de gouvernance d’entreprise, de responsabilité sociale, d'investissements éthiques et de défenseurs légitimes des droits des travailleurs.

Ce "dialogue" entre syndicalistes et marché financier présente une nouvelle variable dans l’histoire du syndicalisme brésilien, ainsi qu’une nouvelle nature dans le rapport capital/travail. La méthode de recherche a été constituée à partir des entrevues avec plusieurs syndicalistes des centrales syndicales du Brésil, c'est-à-dire, la Centrale unique des travailleurs (CUT), Force syndicale (FS), et la Centrale générale des travailleurs (CGT). Théoriquement, cette recherche s’inspire des travaux de quelques sociologues, tels Robert Castell, et de grands noms de la sociologie du travail du Brésil [10].

Action financière

Deux exemples québécois, la Caisse d'économie Desjardins des travailleuses et des travailleurs et le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, montrent enfin la possibilité pour un syndicat de devenir lui-même acteur financier.

La Caisse d'économie Desjardins des travailleuses et des travailleurs (Québec) a vu le jour le 24 février 1971 sous le nom de Caisse d'économie des travailleurs réunis de Québec. À l'initiative de militantes et de militants de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) de la région de Québec, cette caisse délaisse l'action conventionnelle des caisses populaires et d'économie. Elle a proposé, dès le départ, une démarche coopérative militante axée essentiellement sur la promotion de l'action collective. Les militants poursuivent deux objectifs : prendre le contrôle de leur épargne et démontrer qu'il est possible de faire autrement sur le plan économique. La Caisse reste au service des travailleuses et des travailleurs, mais elle met en place une nouvelle stratégie de développement, d'abord sur le plan de la collecte de l'épargne collective par la voie syndicale, et elle s'engage plus à fond auprès des groupes populaires et communautaires. Elle se développera pour beaucoup à partir de coopératives d'habitation et de travail.

Par ailleurs, au début des années 80, le Québec traverse une difficile récession. Près du quart des jeunes sont sans emploi. Plus de 14 % de la main-d'œuvre québécoise est au chômage. Les taux d'intérêt démentiels obligent plusieurs petites et moyennes entreprises à fermer leurs portes. En avril 1982, le premier ministre du Québec, René Lévesque, lance un appel à la solidarité lors du Sommet socio-économique convoqué d'urgence à Québec par le gouvernement québécois.

Consciente de la gravité de la situation, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) se dit prête à collaborer. Louis Laberge, alors président de la FTQ, la plus importante centrale syndicale du Québec propose à ses membres de se doter d'une nouvelle politique syndicale face aux licenciements et aux fermetures d'entreprises. « Nous devons répondre à l'urgence de l'heure chez nos membres et dans la société québécoise : le maintien et la création d'emplois, déclare-t-il. Sinon, à quoi servent les syndicats ? »

Un des moyens préconisés est la création d'un fonds d'investissement de solidarité contrôlé par la FTQ. L'objectif est d'investir du capital de risque dans les PME québécoises. Dans les mois qui suivent, des professionnels de la Société de développement des coopératives et des dirigeants de la FTQ se mettent à l'œuvre. Le gouvernement du Québec exprime son appui en accordant aux futurs actionnaires du Fonds des conditions fiscales avantageuses. Il sera d'ailleurs suivi par le gouvernement fédéral quelque temps après. Le 3 mars 1983, la FTQ annonce son projet de créer le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ), une première dans les annales du monde syndical !

Conclusions

Comme on le voit, les pistes ne manquent aux organisations représentatives des travailleurs pour influencer le cours des choses en matière financière. Correctement utilisé, l'effet de levier dont elles disposent au travers de leurs adhérents et des fonds de pension à la gestion desquels elles sont associées est immense. Mais, pour en faire usage, des évolutions de mentalité sont parfois nécessaires, tant il est vrai que les actions possibles en ce domaine n'appartiennent pas au champ d'activité traditionnel des syndicats.

Les réticences sont plus prononcées, ici ou là, en fonction du type de syndicalisme déployé. Pour certains, c'est une véritable révolution culturelle qui est nécessaire, le cas échéant. Mais ne rien faire, revient à refuser d'apporter une réponse syndicale globale dans un contexte qui, lui, est globalisé.

Bernard Bayot, 3 octobre 2008 


 

[1] http://www.global-unions.org.

[2] http://www.icftu.org/default.asp?Language=FR.

[3] http://www.tuac.org.

[4] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital.

[5] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/proxy_voting_guide....

[6] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/keyvotesurvey2002.pdf.

[7] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/2002_IPR.pdf.

[8] http://www.tuc.org.uk/pensions/tuc-6269-f0.pdf.

[9] TRADE UNION CONGRESS - Working Capital - www.tuc.org.uk -février 2003.

[10] Maria Aparecida, CHAVES JARDIM, Nouvelles stratégies syndicales au Brésil : création et gestion de fonds de pension.

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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La finance américaine, et donc mondiale, vit des moments dramatiques. Alors que le monde retient son souffle, il nous paraît utile de rappeler que, si capital et monde du travail ont souvent des intérêts opposés, voire contradictoires, il n'est pas dit que le second ne puisse peser sur le premier pour favoriser la prise en compte d'une plus grande responsabilité sociale.

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Année d'édition
2008
Jour d'édition
3
Date d'édition
03/10/2008
Mois d'édition
Octobre

Création d'un Service Bancaire Universel (SBU) en France : la montagne a-t-elle accouché d'une souris ?

Soumis par Anonyme le

Le discours prononcé par le premier ministre français Dominique de Villepin lors de l’installation à Matignon du Conseil National de lutte contre l’exclusion le 16 septembre 2005 en avait surpris plus d’un.

A cette occasion, il avait en effet annoncé la création d’un service bancaire universel en 2006, et avait chargé le ministre français de l’économie Thierry Breton, le ministre de la cohésion sociale Jean-Louis Borloo et le ministre délégué à la Cohésion sociale Catherine Vautrin de mettre en place ce système.

Cette annonce, qui avait réjouit les associations de consommateurs, avait par contre été assez mal accueillie par le secteur bancaire, qui considère que le système actuel couvre « tous les besoins » en France et qu'un service bancaire universel n’est dès lors pas justifié1.

Le dispositif existant permet à toute personne physique domiciliée en France dépourvue d’un compte de dépôt d’ouvrir un tel compte dans l’établissement de son choix ou auprès des services financiers de la Poste.

Les établissements de crédit demeurent toutefois libres de contracter ou non, la personne ayant essuyé un refus officiel de la part de l’établissement choisi devant alors saisir la Banque de France par écrit afin que cette dernière lui désigne un établissement bancaire afin de lui ouvrir un compte.

L’organisme bancaire désigné selon cette procédure doit alors assurer gratuitement les services bancaires de base.

Ce droit au compte fait toutefois l’objet de nombreuses critiques, notamment en raison de la possibilité de refus laissée aux banques et de la lourdeur de la procédure auprès de la Banque de France.

Suite à l’annonce du premier ministre, la question de l'accès à un compte en banque et aux moyens de paiement a été mise à l’ordre du jour du Comité consultatif des services financiers (CCSF), qui regroupe les banques, les associations familiales et de consommateurs et les pouvoirs publics.

Celui-ci s’est réunit une première fois le 19 octobre, et il avait alors été convenu que le CCSF remette son rapport fin décembre.

A l'issue de cette première rencontre, le ministre de l'Economie avait indiqué que « plusieurs pistes » étaient à l'étude et les banques se déclaraient prêtes à participer à l'élaboration d'un diagnostic.

La deuxième réunion du CCSF, qui a eu lieu le 28 novembre, a cristallisé les divergences de point de vue des différents protagonistes.

Ces divergences portaient notamment sur « la définition ou non de critères de ressources » ou sur « les modalités de financement d'un nouveau dispositif plus large que l'existant ».

Désireuses de réaffirmer leurs revendications, plusieurs associations de consommateurs (l’UFC-Que Choisir, Familles rurales, UFCS et l’Unaf) cosignaient le 27 janvier dernier un communiqué2 par lequel elles sollicitaient que les ministres prennent position pour un service bancaire universel, accessible directement, sans condition de ressources, et gratuitement.

Afin d’appuyer leur propos, ces dernières soulignaient que « 8 membres du CCSF sur 13 affirment qu'il y a, au-delà de l'actuel SBB, nécessité d'un service universel dit d'intérêt général ».

Mettant un terme aux expectatives des uns et des autres, le plan d’action présentéle ministre des Finances à l’issue du CCSF le 30 janvier écoulé s’articule autour de quatre engagements distincts :

  • Le premier engagement vise à garantir « un droit au compte effectif pour tous ».

Pour ce faire, deux mesures concrètes seront mises en œuvre : le droit au compte pourra désormais être activé en 24 heures (un jour ouvré), la banque se chargeant désormais de toutes les formalités auprès de la Banque de France…

  • Le second engagement a trait à « l’accès pour tous à une carte bancaire ».

Celui-ci sera garanti par une modification apportée au service bancaire de base, qui inclura désormais obligatoirement une carte de paiement à autorisation systématique, en restant totalement gratuit.
De leur coté, les banques devront accélérer la diffusion des gammes alternatives de paiement et des cartes de paiement à autorisation systématique.

  • Le troisième engagement concerne « l’accompagnement personnalisé en direction des publics en difficulté ».

Les banques devront contacter de manière personnalisée tous leurs clients interdits de chéquier qui ne sont pas équipés de moyens de paiement alternatifs (1.179.000 personnes contactées d’ici fin juin 2006) et un plan de développement de l’accompagnement social des personnes en difficulté sera déployé pour lutter contre l’exclusion bancaire.

  • Enfin, le quatrième engagement prévoit des mesures concrètes afin d’instaurer l’ «acceptation généralisée des moyens modernes de paiement dans les services publics de proximité ».

Il est convenu que le Premier Ministre fera un premier bilan de ce plan d’action à l’occasion de la prochaine conférence nationale de lutte contre l’exclusion à la fin du mois d’avril prochain.

Force est de constater qu’on est loin de rencontrer les revendications d’un service bancaire universel, accessible directement, sans condition de ressources et gratuitement tel que revendiqué par les associations de consommateurs.

Quant au principe même de la création d’un service universel tout d’abord, une définition s’impose.

Selon la Commission européenne3, « la notion de service universel porte sur un ensemble d’exigences d'intérêt général dont l'objectif est de veiller à ce que certains services soient mis à la disposition de tous les consommateurs et utilisateurs sur la totalité du territoire d'un État membre, indépendamment de leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances nationales particulières, à un prix abordable ».

Les points essentiels4 ressortant de cette définition sont donc l’accès de chacun à certains services jugés essentiels, la couverture de l’ensemble du territoire, la spécification d’un niveau de qualité et enfin la notion de prix abordable.

Or, si il répond bien aux critères de qualité minimale spécifiée et de prix abordable (gratuité), le service bancaire de base tel que proposé par le droit au compte nouvelle formule ne rencontre pas la condition d’accessibilité à tous, puisque seules les personnes n’ayant jamais eu de compte ou qui ont vu leur compte fermé peuvent y avoir accès.

Le droit au compte ne constitue donc pas un service bancaire universel.

Quant à l’accès au droit au compte « nouvelle formule » ensuite, celui-ci demeure un droit indirect, octroyé après l’intervention de la Banque de France, les banques conservant leur droit de refuser l'ouverture d'un compte sans avoir à se justifier.

La saisie de cette dernière est désormais internalisée au sein de l’établissement de crédit qui a marqué son refus, le droit au compte étant ensuite « activé » dans les 24 heures.

A cet égard l’Union Fédérale des Consommateurs (UFC)-Que choisir5 relève toutefois que, la Banque de France devant de toute façon désigner un établissement proche du domicile du demandeur, il y a fort à parier qu'elle désigne la banque ayant refusé l'ouverture du compte et pas une autre, l’étape intermédiaire étant alors inutile…

 

Enfin, quant à la gratuité, celle-ci ne sera (comme précédemment) de mise que pour les bénéficiaires du service bancaire de base (SBB), c’est-à-dire les personnes qui ne disposent d’aucun compte bancaire.

 

Ce service bancaire de base concerne actuellement 15.000 à 20.000 personnes environ, alors que le nombre de clients inscrits au fichier central des chèques s’élève à environ 2 millions au total, soit un rapport de un à cent6.

Comme le souligne le conseil de la consommation français7, ce rapport de un à cent permet d’évaluer l’effet incitatif de la gratuité du droit au compte sur le comportement des établissements bancaires.

Cette gratuité peut alors « inciter les établissements bancaires à agir pour éviter que les consommateurs y aient accès, par exemple en conservant des consommateurs défaillants à qui ils ont retiré l'usage du chéquier et en leur facturant les moyens de paiement dont ils continuent de bénéficier, plutôt que de prendre le risque d’être obligés de leur offrir les mêmes services à titre gratuit ».

Si l’on veut éviter que la gratuité n’engendre de tels dysfonctionnements, il convient que celle-ci vise une série de services jugés d’intérêt général offerts à tous, dont le financement du coût net restant à la charge du prestataire est organisé dans des conditions objectives et non discriminatoires propres à le rendre pro-concurrentiel.

Lorsqu’elle n’est pas le corollaire d’un service universel, la gratuité non seulement perd de sa force, mais peut de plus engendrer un effet pervers et limitatif sur l’offre de services.

Une fois ces précisions apportées, il faut toutefois reconnaître que le droit au compte nouvelle version apportera néanmoins une solution, certes indirecte, aux situations d’exclusion bancaire liées aux difficultés d’accès au compte.

Or, c’est justement sur base de l’affirmation qu’« il est indispensable d’avoir accès au service bancaire » que le chef du gouvernement avait « appelé à la mise en place d’un service bancaire universel dans les plus brefs délais afin qu’en 2006 les personnes les plus démunies puissent toutes avoir un compte en banque et qu’elles bénéficient d’un accompagnement personnalisé » 8.

Cet accès désormais mieux garanti, on peut considérer que l’objectif annoncé par le premier ministre sera atteint grâce aux mesures prises, service universel ou pas….

Reste que l’exclusion bancaire est un phénomène qui dépasse la simple impossibilité d’accès à un compte bancaire, où difficultés d’accès aux services bancaires au sens large et les difficultés d’usage de ces mêmes services (interdits de chéquiers, surendettés) sont mêlées9.

A cet égard, le plan concocté par les pouvoirs publics prévoit que les banquiers mettront en place, d'ici fin juin 2006, une information pour présenter leurs « gamme de moyens de paiement alternatifs » qui comprend désormais une carte de paiement à autorisation systématique.

Les critiques fusent déjà du coté de l’UFC-Que choisir10, qui souligne que ce « pack » proposé par les banques depuis octobre 2005 est restreint à quelques opérations de base (relevé de compte mensuel, encaissement de virements et de chèques, dépôt et retrait d'espèces à la banque, ...) et reste cher (3 euros/mois) pour les usagers en difficulté financière.

Celle-ci ne se satisfait pas par ailleurs de ce qu’elle dénonce comme « un simple toilettage du droit au compte » alors « qu’était attenduun réel service bancaire universel (SBU) promis par le premier ministre ».

Du côté de l’association de consommateurs CLCV11, on estime que les mesures d'accompagnement sont « une avancée significative » car « l'information arrive toujours mieux à destination quand elle est dispensée sur le lieu de vente ».

Satisfaite, la Fédération bancaire française (FBF)12 souligne que les mesures prises sont dans le prolongement des engagements pris par les établissements de crédit en 2004, et indique que « les banques mèneront une large campagne d'information pour faire connaître ces services ».

Le ministre Français de l’économie13 affirme quant à lui que ses « concitoyens auront désormais non seulement un accès au compte bancaire, mais aussi le droit à des moyens de paiement modernes - tout particulièrement une carte de paiement - et un accompagnement personnalisé ».

L’avenir nous apprendra vite si la fourniture de services spécifiques assurée de manière discrétionnaire par les établissements de crédits français permettra effectivement de remédier aux problèmes d’exclusion bancaire dénoncés.

Entre nous, on s’interroge toutefois sur la déclaration de Thierry Breton, qui annonce que « l’ensemble des mesures prises permettra de faire du droit au compte un vrai service universel »14 …

 

Lise Disneur - Janvier 2006

 

1 Voir notre article « Dominique de Villepin annonce la création d’un service bancaire universel pour 2006 en France » et les références citées, publié en octobre 2005 sur le site www.rfa.be rubrique publications

2 Communiqué du 27.01.2006, disponible sur le site http://www.quechoisir.org

3 Livre Vert de la Commission sur les services d'intérêt général, 21.5.2003 COM(2003) 270

4 Points essentiels mis en évidence par le Conseil de la concurrence Français dans son Avis n° 05-A-08 du 31 mars 2005 relatif à une demande d’avis de la Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie sur les conditions dans lesquelles pourrait être envisagée la mise en place d’un service bancaire de base.

5 Communiqué du 01.02.2006 sur le site http://www.quechoisir.org

6 Données reprises dans le communiqué de la FBF sur le site

7 Avis du Conseil de la concurrence n°05-A-08 du 31 mars 2005 relatif à la demande d’avis de la confédération de la

Consommation, du Logement et du Cadre de Vie ( CLCV) portant sur les conditions dans lesquelles pourrait être envisagée la mise en place d’un service bancaire de base

9 Pour de plus amples informations sur ce sujet voir Gloukoviezoff G. (éd.), (2005), Exclusion et liens financiers. Rapport du Centre Walras 2004, Paris

10 Communiqué du 01.02.2006 sur le site http://www.quechoisir.org

11 Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie

12 Communiqué du 30.01.2006 sur le site http://www.fbf.fr

14 Idem

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Alors que le Premier Ministre français annonçait il y a quatre mois la création d'un service bancaire universel en 2006, la réunion du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) qui s'est tenue ce 30 janvier a débouché sur un aménagement du dispositif existant en matière de droit au compte.

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2006
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01/2006
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Janvier

Dans quelle mesure l'implication des organisations non gouvernementales (ONG) apporte une valeur ajoutée dans les partenariats publics privés (PPP)?

Soumis par Anonyme le

La notion de PPP est devenue un terme internationalement très usité qui, de fait, varie en fonction des pays ou des secteurs économiques. De façon générale, les analystes s’entendent sur la définition suivante1 : « mode de financement par lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. Le partenaire privé reçoit en contrepartie un paiement du partenaire public et/ou des usagers du service qu'il gère.»

Les partenariats étudiés lors de la préparation du cycle de formation2 ont mis en valeur un acteur supplémentaire d’importance : les ONG. Certes, les ONG font partie de la sphère du droit privé, mais elles diffèrent radicalement des entreprises classiques du fait qu’elles n’ont pas pour finalité essentielle la recherche de profit. Par nature, les ONG impliquées dans des partenariats peuvent jouer divers rôles : ceux de censeur, de moteur, de médiateur de proximité ou de type organisationnel. La finalité et la nature de l’action des ONG au sein des PPP sont donc très variables, mais elles semblent être généralement jugées comme très positives par les autres partenaires.

En effet, souvent le propre des ONG est de dénoncer une pratique contraire aux droits ; qu’ils soient fondamentaux, sociaux, environnementaux ou économiques. En théorie, autant ce rôle dénonciateur peut sembler néfaste dans la mise en oeuvre des PPP, autant dans les faits, il est nécessaire pour montrer les dysfonctionnements de notre société en servant de catalyseur aux changements. Si dans un premier temps cela permet d’exposer les problèmes, il faut savoir, en un deuxième temps, en tirer profit non pas pour créer un climat délétère mais au contraire pour pousser les entités en tort à réagir.

Dans le meilleur des cas, nous avons pu observer que l’action des ONG peut aboutir à une collaboration entre différents acteurs afin qu’ils trouvent des solutions. Malheureusement, il arrive également que cela ne mène qu'à des hostilités stériles. L’idéal pour les ONG est donc de savoir utiliser ce pouvoir de censure à bon escient afin de s’allier aux autres entités pour trouver des solutions plutôt que de s’en faire des adversaires.

Un autre aspect des ONG dans le montage de partenariats est leur rôle moteur. Comme elles ont tendance à identifier les manquements dans la société, elles sont à même d’initier des actions visant à résoudre ces carences. Comme exemple de ce rôle, il faut mentionner le cas de l’Association au Droit à l’Initiative Economique (ADIE), association française, dont le but premier est de financer et accompagner les créateurs d'entreprise qui n'ont pas accès au crédit bancaire.

Cette association s’est rendue compte du peu de connaissances des micro-entrepreneurs en termes de logiciels de base informatiques, tels que Word, Excel ou cie!l3 (logiciel de devis et factures). Grâce à un partenariat initié par l’ADIE4, il lui a été possible de mettre en place une sorte de cercle vertueux. Du côté des ONG, des formateurs recrutés par l’ADIE et PlaNet Finance5 donnent des leçons à des chômeurs désireux d’acquérir des compétences informatiques les aidant à trouver du travail, pendant que les Restos du Cœur de Valence révisent les ordinateurs et installent les logiciels. Du côté privé, les compagnies Microsoft France et ciel! mettent à leur disposition des logiciels, leur permettant par le même coup de gagner en visibilité. Enfin, sur le plan public, le Fonds Social Européen amène un soutien financier, promouvant de la sorte la cohésion sociale ainsi que la réintégration des sans-emploi au marché du travail.

Le rôle de moteur de l’ADIE permet une situation « gagnant-gagnant » où chaque acteur trouve son avantage. Menée par l’ADIE, la mise en commun des forces de chacun des opérateurs aboutit à un succès prouvé par les chiffres : quinze centres de formation, au lieu des cinq prévus initialement, ont été mis en place dans cinq régions en France.

Un exemple portugais nous montre le rôle réunificateur ou de médiateur qu’une ONG peut jouer. L’Associação Nacional de Direito ao Crédito (ANDC) est une association développant le microcrédit au Portugal. Créée en 1998, pour poursuivre son objectif d’attribution de microcrédit, cette association monte des partenariats entre des banques privées et les autorités publiques.

Plus précisément, l’ANDC entretient des liens étroits avec l’Institut de l’Emploi, organisme public chargé de réduire le taux de chômage, ainsi qu’avec trois banques, dont deux commerciales Millennium et Espírito Santo Bank, et une publique, la Caixa Geral de Depósitos. En effet, la loi portugaise permet seulement aux institutions bancaires d’accorder des prêts. C’est ainsi qu’à travers des partenariats - grâce aux banques - que l’ANDC peut offrir du microcrédit à son public cible. Dans ce cadre, l’ANDC sert donc de médiateur entre les pouvoirs publics ayant un but commun, celui de favoriser la cohésion sociale, tout en permettant aux banques d’y trouver leur avantage, par l’élargissement de leur clientèle.

Bien souvent les ONG jouent un rôle de proximité et de connaissance du terrain. Il arrive effectivement que les autorités publiques se trouvent trop loin des réalités du groupe cible qu’elles aimeraient aider. Prenons le cas suédois de la commune de Bergsjön. Cette partie de la ville de Göteborg est connue pour sa grande communauté immigrante, en particulier en provenance de Somalie.

La commune de Bergsjön veut aider les immigrants somaliens à s’intégrer en leur offrant des cours de langue, des services d’aide à la recherche d’emploi etc. Toutefois, du fait de la situation politique dans leur pays d’origine, les Somaliens sont devenus très méfiants envers tous types de services publics. C’est donc grâce à l’intervention et l’implication d’une ONG qui travaille depuis ses débuts avec les immigrants somaliens, que la commune de Bergsjön a pu mieux comprendre les besoins de la communauté et ainsi mettre en place un programme mieux adapté à leur intégration. Il est à noter que celui-ci a également été en partie financé par des entreprises résidant sur la commune.

On peut dire ici que l’ONG en relation avec la population somalienne a un rôle essentiel de proximité et de connaissance de la population, servant d’intermédiaire pour instaurer la confiance entre les immigrants somaliens et la commune de Bergsjön.

Le dernier rôle que peuvent avoir les ONG est celui d’organisation et de coordination entre les partenaires privés et publics d’un partenariat. Cette vocationde nature organisationnelle est évidemment primordiale pour le bon fonctionnement d’une collaboration entre ces différentes parties prenantes. Dans ce contexte, l’ONG initie des actions mais prend également les devants pour organiser les ressources afin de maximiser l’action défendue.

Nous pouvons citer le cas allemand d’Enigma Gründungszentrum (Enigma) qui a mis en place un partenariat portant sur des couveuses d’entreprises avec l’aide financière du gouvernement et d’entreprises sponsors. Tout est régi de manière fonctionnelle et orienté sur l’action : les participants, en général des chômeurs, ont six mois pour développer leur idée d’entreprise. Enigma organise la formation selon une méthode bien définie et, dans le même temps, les rôles des entreprises et du gouvernement se limitent plutôt à leur participation financière.

En conclusion, l’implication des ONG dans les PPP semble clairement s’affirmer comme une valeur ajoutée. De positions parfois antagonistes à l’origine, les entités publiques, privées et ONG parviennent à se mettre d’accord en coordonnant leurs efforts afin de parvenir à un objectif commun, même si leurs buts sont souvent différents, voire antagonistes. Si, par exemple, tous les opérateurs souhaitent une meilleure cohésion sociale, c’est certainement pour des raisons diverses. Les autorités publiques cherchent à remplir leurs obligations de service public ; les entreprises privées y voient un avantage à moyen terme (sortir les gens du chômage engendre le fait qu’ils peuvent devenir de potentiels clients) et les ONG souhaitent que ces derniers retrouvent leur dignité en décrochant une occupation rémunérée.

Ainsi, si les ONG remplissent parfois un rôle de censeur, elles sont aussi et plus souvent fédératrices des énergies, des financements, des ressources humaines ainsi que des connaissances du terrain des diverses parties. Elles jouent un rôle de catalyseur et permettent ainsi de multiplier les chances de succès.

 

Annika Cayrol, septembre 2007

 

1 Site Wikipédia, Partenariat public-privé, http://fr.wikipedia.org/wiki/Partenariat_public-priv%C3%A9

2 Eufin, projet européen de formations basé sur l'expérience des partenariats publics privés dans différentes villes d'Europe (www.eufin.org).

3 Site Internet des logiciels ciel, http://www.ciel.be/Public/index.php?ID=13

5 Site Internet du PlaNet finance, http://www.planetfinance.org/

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Dans un partenariat, chaque type d'acteur joue un rôle particulier. Alors que les autorités publiques tiennent plus le rôle de facilitateur ou de stabilisateur, les entreprises privées en général s'occupent du soutien financier ou technique. Quelles fonctions ont les ONG? Nous verrons dans cette analyse les différents aspects du rôle des ONG.

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09/2007
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Septembre

Les banques responsables du changement climatique?

Soumis par Anonyme le

Un constat sans appel

En décembre 2005, un rapport sur les impacts environnementaux et sociaux massifs générés par le secteur financier européen, réalisé par Action Aid, Amnesty International, CAFOD, Christian Aid, The Corner House, Friends of the Earth, Global Witness, New Economics Foundation, Tax Justice Network et WWF a démontré, par sept études de cas, que le secteur financier n’assumait pas ses responsabilités en matière de changement climatique, de corruption, d’évasion fiscale, de pauvreté, d’exclusion sociale, de violation des droits humains et de dégradation de l’environnement. Il appelait les États européens et l’Union européenne à prendre des mesures législatives pour garantir que le secteur financier assume ses responsabilités et contribue à la création de sociétés durables.1

Un rapport français publié en 2006 par les Amis de la Terre fournit, quant à lui, une analyse détaillée des performances environnementales des plus grands réseaux bancaires français au regard des meilleures normes et pratiques françaises et internationales. Ses conclusions sont dures : parmi les huit banques françaises étudiées, aucune ne dispose d’une véritable politique environnementale, complète et précise. Les banques n’apportent pas la preuve qu’elles font de l’environnement la priorité qu’elles affichent toutes.2

Si la réputation et le sérieux de ces ONG n'étaient connus et appréciés, on pourrait croire qu'elles ont forcé le trait. Il semble au contraire que le secteur financier éprouve quelques difficultés à appréhender la problématique environnementale et à assumer sa responsabilité en la matière, même si les évolutions récentes sont de bon augure.

Les bonnes pratiques

Est-il si difficile pour les banques d'assumer leur responsabilité environnementale ? Manifestement pas, si l'on en croit de bonnes pratiques, malheureusement trop isolées, qui constituent autant d'exemples intéressants.

Ainsi, en 2005, HSBC – un des premiers groupes de services bancaires et financiers au monde, dont le siège social est à Londres, mais dont le réseau international compte plus de 9 800 implantations réparties dans 77 pays – est devenu la première banque au monde à être parvenue à un bilan carbone neutre pour ses émissions directes, en les réduisant de 10 % et en compensant le reste par l’achat d’électricité verte et de permis d’émissions.

Wells Fargo, une société de services financiers (banque, assurance, prêt, investissement) qui compte plus 23 millions de clients aux États-Unis, a acheté 550 millions de kWh générés par des éoliennes. Il s’agit du plus gros achat de crédits énergies renouvelables aux États-Unis en 2006.3

Toujours aux États-Unis, Bank of America a pris l’engagement de comptabiliser puis réduire de 7 % les émissions indirectes de gaz à effet de serre de son portefeuille d’investissement «énergie», tandis que JPMorgan Chase a adopté en 2005 une politique qui vise à demander à ses clients de mesurer et publier leurs émissions et d’adopter des plans de réduction de ces émissions.

Le développement de fonds d'investissement socialement responsable (ISR), respectueux notamment du respect de critères environnementaux par les entreprises qu'ils financent, est également une réponse appropriée du secteur bancaire. Un exemple frappant : la société de gestion financière britannique Henderson a demandé à la société spécialisée Trucost de mesurer les émissions de CO2 des sociétés détenues par l'un de ses fonds ISR. Verdict ? Ces émissions étaient en 2005 de 43 % inférieures à celles des entreprises qui composent l'indice MSCI World. 4

Dans la même veine, en novembre 2006, Fortis Investments a annoncé son intention d'appliquer une méthode développée par la société Trucost pour quantifier et évaluer les bénéfices environnementaux des technologies durables dans les domaines de l’énergie propre, de l’eau et des déchets pour l'un de ses fonds ISR. Un bénéfice environnemental apparaît lorsqu’une technologie alternative réduisant le recours aux ressources environnementales est utilisée à la place de technologies traditionnelles, créant ainsi un bénéfice équivalent au coût évité.

En 2006, Fortis a par ailleurs été classé meilleur élève pour sa manière d'aborder la question des changements climatiques dans une enquête mondiale menée par le Carbon Disclosure Project5. Cette étude s'est basée sur les rapports relatifs aux émissions de gaz à effet de serre remis par les plus grandes sociétés internationales ainsi que sur un rapport d'évaluation indépendant sur la stratégie en matière de changements climatiques et la gestion des risques.

Développer des stratégies globales

Les exemples de bonnes pratiques montrent que les banques ne sont pas démunies en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Encore faut-il intégrer de bonnes pratiques, parfois éparses, dans des stratégies globales.

Pour les Amis de la Terre, il existe quatre priorités :

  1. La première est que toutes les banques mettent en place une politique de transparence exigeante. L’opacité accroît légitimement les doutes sur la réalité des efforts fournis. Elle nourrit l’argument que les engagements ne dépassent pas le stade de l’affichage et la rhétorique.
  2. La deuxième concerne les composantes environnementales des politiques d’investissement et de financement, qui doivent être renforcées d’urgence dans leurs trois composantes : politiques d’investissement sectoriel, screening des entreprises clientes, épargne et prêts environnementaux.
  3. La troisième priorité est l’établissement d’objectifs, moyens et échéanciers clairs, publics et mesurables, permettant de fixer des orientations lisibles.
  4. Enfin, la dernière priorité consiste à renforcer la formation interne en matière environnementale.6

Dans une communication du 12 décembre 2007, Banktrack7 considère qu'en réponse aux défis du changement climatique, toutes les banques devraient développer, en consultation avec les organisations de la société civile et d'autres parties prenantes, une politique complète et transparente en matière de climat. Cette politique devrait inclure des stratégies qui visent trois objectifs : se retirer de toutes les activités qui contribuent directement et sensiblement au changement climatique, réduire l'impact climatique de tous les prêts et investissements accordés et financer la transition vers une économie fondée sur des émissions de gaz carbonique nulles ou faibles.

D'abord, se retirer de toutes les activités qui contribuent directement et sensiblement au changement climatique. Si les banques veulent jouer un rôle positif en facilitant une transition vers une économie fondée sur des émissions de gaz carbonique plus faibles, elles doivent progressivement, en vertu de calendriers précis, arrêter de soutenir financièrement de nouveaux projets d'extraction de pétrole, de charbon et de gaz et de livraison de ceux-ci. Une stratégie globale sérieuse en matière de réduction d'émission de gaz à effet de serre implique une réduction draconienne de l'usage du charbon, qui doit commencer immédiatement, car toute nouvelle centrale à charbon a une vie utile de l'ordre de 50 ans au moins. Les banques doivent donc immédiatement retirer leur soutien aux centrales à charbon. Enfin, si la combustion des combustibles fossiles produit actuellement la plus grande part des émissions de gaz à effet de serre à travers le monde, plusieurs autres activités et secteurs économiques causent également des dommages significatifs au climat. Les banques devraient tenir compte de ces impacts quand elles sont engagées dans ces activités et secteurs et devraient cesser de soutenir les activités dont l'impact négatif est le plus élevé. Les activités et les secteurs visés sont notamment la gestion des forêts, l'agriculture et les transports.

Outre un retrait de toutes les activités qui contribuent directement et sensiblement au changement climatique, il est demandé aux banques de réduire l'impact climatique de tous les prêts et investissements accordés. D'abord, pour expliquer entièrement leur empreinte climatique, les banques devraient mesurer et faire rapport sur les émissions de gaz à effet de serre liées aux services financiers qu'elles fournissent à leurs clients. Ensuite, elles devraient se fixer des objectifs de réduction de ces émissions. Enfin, les banques devraient développer et mettre en application les outils appropriés pour s'assurer qu'elles atteignent ou excèdent leurs objectifs de réduction d'émission.

Il est enfin demandé aux banques de financer la transition vers une économie fondée sur des émissions de gaz carbonique nulles ou faibles. Elles devraient développer une stratégie proactive pour investir dans des programmes et des projets d'énergie renouvelable et d'efficacité énergétique. Les banques devraient en outre développer pour leurs clients une gamme de produits et services consacrés à l'amélioration du climat, comme des programmes visant à aider les consommateurs à acheter des maisons et des appareils offrant le meilleur rendement énergétique ou à investir leur épargne de manière plus favorable pour le climat. Les banques pourraient enfin exiger de leurs clients actifs dans l'immobilier de respecter des critères rigoureux d'efficacité énergétique et de structurer leurs investissements pour améliorer cette efficacité.8

Et en Belgique ?

Parmi les banques présentes en Belgique, le Crédit agricole, ING et ABN AMRO reçoivent de Bantrack une note de 1 sur 4 ; ce qui signifie que ces institutions financières reconnaissent leur responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre qu'elles financent, mais qu'elles n'y apportent pas de réponse.

Fortis, Dexia et KBC reçoivent, quant à elles, une note de 2 sur 4, ce qui les place dans le lot de tête du secteur. Cette notation signifie que soit elles intègrent dans leur stratégie l'objectif de mesurer et de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les projets qu'elles financent, soit qu'elles prennent des mesures concrètes pour déplacer les financements qu'elles accordent vers les énergies renouvelables et les économies d'énergie.9

Conclusions

Comme on le voit, si le tableau belge n'est pas franchement mauvais, il est loin d'être bon et les banques belges pourraient redoubler d'effort pour intégrer la lutte contre le réchauffement climatique dans leur stratégie d'entreprise. Les exemples et les outils font florès en la matière. Seule la volonté peut, le cas échéant, faire défaut. Aux parties prenantes du monde bancaire – et en premier lieu aux clients – de donner de la voix pour attiser une volonté encore trop incertaine!

 

1 “A Big Deal : Corporate Social Responsability and the Finance Sector in Europe”, décembre 2005, http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/a_big_deal_-_uk_ngos_dec_05.pdf

2 « Banques françaises et environnement : presque tout reste à faire », février 2006, http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/Rapport_banques_et_envt_fev_06-3.pdf

3 “Top Five Socially Responsible Investing News Stories of 2006”, http://www.socialfunds.com/news/article.cgi/article2197.html

5 Le Carbon Disclosure Project(CDP regroupe investisseurs et assureurs déterminés à faire pression sur les entreprises pour qu’elles maîtrisent leur « risque carbone » au même titre que d’autres risques liés à la pollution.

6 « Banques françaises et environnement : presque tout reste à faire », op.cit.

7 BankTrack est un réseau d’organisations non gouvernementales (ONG) et d’individus qui surveille les opérations du secteur financier privé (banques commerciales, investisseurs, compagnies d’assurance, fonds de pension) ainsi que les impacts de ses opérations sur l’Homme et la planète.

8 A Challenging Climate, What international banks should do to combat climate change, 2007.

9 Banktrack, Mind the gap, Benchmarking credit policies of international banks, décembre 2007.

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Les banques ont été sévèrement critiquées pour leurs pratiques en matière environnementale. Mais elles tentent, par ailleurs, de développer de bonnes pratiques en la matière. Plongée dans une réalité contrastée.

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De la citoyenneté politique à la citoyenneté financière

Soumis par Anonyme le

Ce fondement religieux, qui n'a pas totalement disparu aujourd'hui, s'est arrimé, dans le contexte des Etats-Unis des années 70, à un fondement beaucoup plus large, davantage citoyen et politique, qui trouve son origine dans les bouleversements sociaux et culturels des années 60, en particulier les mouvements de lutte pour les droits civiques, les mouvements féministes, consuméristes, environnementalistes ou encore le mouvement de contestation contre la guerre au Vietnam. Ces préoccupations ont donné naissance à une véritable conscience publique au sujet des problèmes sociaux, environnementaux et économiques ainsi que de la responsabilité des entreprises à leur égard.

Cette évolution est parfaitement illustrée par une anecdote vécue, en 1967, par Luther Tyson et Jack Corbett qui travaillaient, à Washington, pour le Conseil de l'Eglise et la Société de l'Eglise méthodiste unie, sur des questions comme la paix, le logement et l'emploi. Tyson reçut une lettre d'une citoyenne de l'Ohio qui lui posait une question simple : "Existe-t-il un fonds commun de placement qui gère mon épargne-pension sans investir dans l'industrie militaire ?". Au terme d’une recherche bien menée, à sa plus grande surprise, Tyson dut faire l’amer constat qu’il n’existait pas de fonds répondant à cette exigence. Un an plus tard, retour de France où il s’était rendu en tant que membre d'une délégation surveillant les entretiens de paix de Paris qui ont permis de négocier la fin de la guerre du Vietnam, il décida qu'il était temps de créer des fonds qui répondent aux attentes de cette habitante de l'Ohio et de tous les autres investisseurs qui avaient les mêmes préoccupations qu’elle.1

C'est ainsi que Luther Tyson et Jack Corbett ont créé, en 1971, le Pax World Fund. Avec le Dreyfus Third Century Fund, créé l'année suivante, ce fut le premier fonds à proscrire l'énergie nucléaire et les contrats militaires de son portefeuille d’investissements. Ce fut aussi le premier fond à prendre en considération des critères sociaux dans sa gestion. Le Pax World Fund et le Third Century Fund marquent l’émergence de l’ISR au sein de la société civile et la prise en compte de critères extra-financiers, à caractère plus politique, dans la gestion financière. Cette tendance allait se confirmer avec le mouvement de lutte contre le régime de l'apartheid sévissant en Afrique du Sud.

Le boycott de l'Afrique du Sud de l'apartheid.

En 1973, la population noire d’Afrique du Sud a lancé, dans le cadre de sa lutte pour abolir l'apartheid, un appel à la communauté internationale afin qu'elle exerce diverses formes de boycott, de retrait d’investissement et de sanctions à l’égard du régime sud-africain.

Dès 1971, à l’initiative de l’un de ses nouveaux administrateurs — le Révérend Leon Sullivan, qui était le premier Noir américain nommé au conseil d’administration d’une multinationale —, une première résolution de vote, proposant la cessation des activités en Afrique du Sud, avait été soumise à l’assemblée générale de General Motors.

Parmi les nombreuses parties qui ont préparé le terrain pour que cesse l'apartheid en Afrique du Sud figure le mouvement de l'ISR, en particulier aux Etats-Unis. Ce mouvement débuta vers la fin des années 70, prit de l'ampleur tout au long des années 80 et eut pour effet que de nombreuses institutions retirèrent de leur portefeuille d'investissement les actions des sociétés qui ont continué à faire des affaires avec le régime raciste. Ce mouvement de désinvestissement a amplifié l'intérêt pour les fonds communs de placement investis de façon responsable.

La montée en puissance de cette campagne anti-apartheid s’est traduite par le départ de plus des deux tiers des entreprises américaines implantées en Afrique du Sud. Mais il aura fallu attendre 1993 pour que l’Assemblée générale de l’ONU lève finalement les sanctions économiques contre l’Afrique du Sud tout en maintenant l’embargo sur le pétrole et les armes, répondant ainsi à l’appel du président de Nelson Mandela, qui avait demandé la levée de ces sanctions, estimant que « le compte à rebours vers la démocratie » en Afrique du Sud avait commencé.

Cette victoire allait-elle mettre un terme à l'ISR fondé sur la défense des droits humains, voire à l'ISR tout court ? C'était en tout cas une opinion largement répandue à l'époque aux États-Unis. Il n'en a, pourtant, rien été puisque le rapport 1995 du Social Investment Forum (SIF) américain montrait notamment que 78 % environ des gestionnaires de fonds privés qui ont soutenu le démantèlement de la ségrégation en Afrique du Sud continuaient à gérer des portefeuilles ISR pour leurs clients deux ans après la fin de la campagne de désinvestissement.2

Par ailleurs, le mouvement anti-apartheid allait laisser d'autres traces tangibles en matière de responsabilité sociale des entreprises : en 1977, le Révérend Leon Sullivan édictait les « Sullivan Principles », code de conduite pour la promotion des droits de l’homme et de l’égalité des chances à destination des entreprises intervenant en Afrique du Sud. Vingt ans plus tard ils ont été révisés, élargis et rebaptisés Global Sullivan Principles for Corporate Responsibility, puis relancés par les Nations unies et un groupe de multinationales le 2 novembre 1999. Ils exigent des entreprises qu’elles contribuent à « promouvoir la justice économique, sociale et politique » là où elles opèrent.

En Belgique aussi, cette longue lutte de boycott et de désinvestissement des entreprises présentes en Afrique du Sud allait être à l'origine de réflexions et d'initiatives en matière d'éthique et de solidarité financière. C'est ainsi qu'à la fin des années 70 sont nées des initiatives d’épargne et de prêt de proximité, rapidement suivies de la création de structures comme Crédal et le Réseau Financement Alternatif et de leur homologues néerlandophones, Hefboom et Netwerk Vlaanderen.

La Birmanie est l'Afrique du Sud des années 90

On le voit, la préoccupation politique est désormais au coeur de la démarche d'investissement socialement responsable. Comment, en effet, concilier citoyenneté politique, fondée sur le vote démocratique, et citoyenneté financière, sinon en privant de financement les entreprises qui soutiennent directement ou indirectement des régimes non démocratiques?

C'est évidemment le cas de la Birmanie qui vit, depuis 1962, sous le joug d'une dictature militaire. En 1988, l'armée réprima violemment un mouvement de protestation contre la situation économique et politique en ouvrant le feu sur la foule qui protestait. La conséquence indirecte de ce mouvement fut qu'il permit la tenue d'élections en 1990. Elles virent la victoire de la NLD (National League for Democracy) dirigée par Aung San Suu Kyi mais elles furent annulées ensuite par la dictature militaire. Cela provoqua un scandale au niveau international. Suu Kyi reçut cette année-là le prix Sakharov et le prix Rafto puis le prix Nobel de la paix l’année suivante. Elle fut tour à tour emprisonnée, libérée puis assignée à résidence.

En 1993, lorsque l'Archevêque Desmond Tutu, qui avait reçu le Prix Nobel de la paix en 1984 pour son combat pacifiste contre le régime de l'apartheid, eut connaissance des brutalités commises par la junte contrôlant la Birmanie, il décrivit celle-ci comme « l'Afrique du Sud des années 90 ». Et de déclarer : « Il est temps aujourd'hui d'admettre que la politique de l'engagement constructif [avec le gouvernement militaire birman] est un échec (…). La pression internationale peut faire changer les choses. Ce furent des sanctions dures qui amenèrent finalement (…) l'aube d'une ère nouvelle dans mon pays. C'est là le langage qu'il convient de parler avec les tyrans, car c'est là, hélas, le seul qu'ils comprennent. »3

Aung San Suu Kyi elle-même lança divers appels en ce sens : « Je voudrais en appeler à ceux qui sont prêts à utiliser leurs talents pour promouvoir la liberté intellectuelle et les idéaux humanitaires, afin que, sur le principe, ils prennent position contre les entreprises qui font des affaires avec le régime militaire birman. Que votre liberté puisse servir la nôtre. »4

Ces appels ne sont pas restés sans réponse : des entreprises comme Pepsi, Levi's, Interbrew, Carlsberg, Heineken, Reebok, C&A, Hewlett-Packard, Ericsson, Adidas-Salomon, H&M, IKEA, Newmont ou British Petroleum ont choisi de se retirer de Birmanie. Mais il faut bien constater que d'autres multinationales, basées en Europe pour beaucoup, continuent à jouer un rôle clef dans l'appui à l'économie birmane qui finance la junte. Cinq des plus grands groupes bancaires présents en Belgique (Axa, DEXIA, Fortis, ING et KBC) investissent quant à eux massivement dans ces entreprises présentes en Birmanie, apportant ainsi un soutien financier (plus de 2,5 milliards $) à des entreprises qui soutiennent la junte militaire en place.5 Seule KBC a réagi en retirant, en avril 2006, TOTAL de ses fonds d'investissement éthiques.

26 communes belges se sont depuis lors émues de cette situation et ont voté une motion par laquelle elles nomment Aung San Suu Kyi citoyenne d’honneur de leur commune, interdisent tout investissement des finances communales ainsi que tout achat de produits d'entreprises actives en Birmanie et interpellent leurs banques pour qu’elles cessent d’investir dans les sociétés actives en Birmanie. 6

Le monde bancaire belge reste cependant sourd à ces appels et, par conséquent, les économies que chacun peut placer sur un compte d'épargne ou investir dans un fonds de placement continuent, au moins en partie, à soutenir les entreprises qui persistent à faire des affaires avec la junte birmane. A l'instar de la réaction citoyenne qui s'est développée en réaction au régime d'apartheid, la seule réponse possible est, ici aussi, de priver de financement les entreprises qui soutiennent directement ou indirectement la junte birmane en enjoignant aux banques d'arrêter immédiatement de financer ces entreprises avec nos dépôts. On le voit, la prise en compte de critères extra-financiers à caractère plus politique dans la gestion financière, initiée par Luther Tyson et Jack Corbett en 1971, reste plus que jamais d'une brûlante actualité et nécessité.

Bernard Bayot, avril 2007

2 Social Investment Forum, After South Africa, The State of Socially Responsible Investing in the United States, 1995

3 Desmond Tutu, Burma as South Africa, Far Eastern Economic Review, 16 septembre 1993

4 Le Monde, 10 décembre 1998

5 Netwerk Vlaanderen, Votre banque investit-elle en Birmanie?, février 2006, https://www.financite.be/gallery/documents/burma/mini-dossier-birma-fr-.pdf

6 Bruxelles-Ville, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Ixelles, Andenne, Remicourt, Rochefort, Mettet, Comblain-au-Pont, Dour, Alost, Schaerbeek, Huy, Gembloux, Zottegem, Nassogne, Gesves, Fléron, Anthisnes, Chaudfontaine, Baelen, Engis, Chastre, Nivelles, Dalhem, Watermael-Boitsfort, Gembloux

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L'histoire de l'investissement socialement responsable (ISR) remonte à plusieurs siècles. Les investisseurs religieux de confession juive, chrétienne et islamique ainsi que de nombreuses cultures indigènes ont longtemps mêlé argent et morale, prenant en considération les conséquences de leurs actions économiques et refusant les investissements qui entraient en contradiction avec leurs conviction profondes.

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Le crédit aux plus démunis profite aux mieux nantis !

Soumis par Anonyme le

Banco Compartamos

Banco Compartamos est une institution de microfinance mexicaine créée en 1990 grâce à des subventions variées. Le 20 avril dernier, elle a lancé une offre publique de vente de 30 % de son capital. Cette offre a été souscrite 13 fois, ce qui peut être considéré comme un succès important sur tout marché financier.1 La demande n’ayant pas pu être satisfaite, le prix des actions, a grimpé jusqu’à atteindre 22 % de hausse dès le premier jour d’échange. Les actions ont finalement été achetées par les gestionnaires de fonds internationaux habituels et d’autres investisseurs commerciaux. Le succès de cette offre est lié à divers facteurs : la croissance et la rentabilité exceptionnelles de Compartamos, une pénurie d’investissements mexicains sur les marchés émergeants, une valeur rare, une gestion solide de l’organisation et l’intérêt suscité par la microfinance. En ce qui concerne la rentabilité, Banco Compartamos génère des profits importants (rendement de 56 % sur les fonds propres) grâce aux taux d’intérêt élevés qu'elle pratique, qui dépassent 100 %, c'est-à-dire des taux intérêts qui sont considérablement supérieurs à ce dont la banque a besoin pour couvrir ses coûts.2

Selon Standard & Poor’s, l’une des trois principales société de notation financière, les plus de 15 milliards de dollars de microcrédits actuellement recensés sont dérisoires par rapport au potentiel, qui est, lui, de l’ordre de 150 milliards de dollars3. En septembre, Standard & Poor’s prévoit d'ailleurs de définir de nouvelles normes mondiales et devrait noter environ vingt organismes de microcrédits, mesure demandée par les fonds de pension et autres, pressés de toucher les rendements alléchants que peut offrir ce segment.

Un autre aspect de cet engouement est la titrisation des crédits, c'est-à-dire l'émission de titres représentant une société spécialement créée pour acheter le portefeuille de crédit d'un organisme prêteur. De cette manière, l’investisseur acquiert en quelque sorte une fraction du portefeuille de crédits, avec le rendement mais aussi les risques liés à celui-ci. En mai dernier, la banque d'investissement Morgan Stanley a ainsi titrisé des petits crédits accordés par une douzaine d’organismes à but lucratif – valeur totale : 108 millions de dollars – en un titre négociable rapportant jusqu’à 7,7 %. Et, annonce Standard & Poor’s, deux autres poids lourds de l’industrie devraient eux aussi se jeter à l’eau cette année, en offrant 500 millions de dollars au total en titres.

Les rendements sur fonds propres élevés qu'espèrent les investisseurs suscitent l’intérêt des grands noms du capital risque. En mars, la société Sequoia Capital, qui finance des entreprises comme Google et YouTube, s’est jetée sur une participation de 11,5 millions de dollars dans SKS Microfinance, basée à Hyderabad, en Inde. Depuis sa fondation en 1998, SKS a accordé des prêts à 731 000 Indiens, à des taux allant de 24 à 30 %.4

Crise des subprimes

La « crise des subprimes » que nous avons connue cet été a, quant à elle, été provoquée par un krach des prêts hypothécaires à risque aux Etats-Unis : les subprimes. Aux Etats-Unis, les banques et assurances classent leurs clients en non-primes, primes et subprimes selon les risques estimés de défaillance de l’emprunteur ; les subprimes étant les plus potentiellement défaillants. Les subprime mortgage sont donc des prêts hypothécaires censés permettre à de petits salariés, voire à des chômeurs, de devenir propriétaires. Ces crédits sont accordés par des institutions financières de moins en moins regardantes sur le profil de l’emprunteur. Ils ont un taux d’intérêt très élevé, de 4 à 5 points supérieur au taux normal (prime de risque), et variable en fonction de l’évolution des taux de la Réserve fédérale américaine. Leur remboursement se fait souvent suivant la règle du 2 28 : deux ans de remboursements très faibles, puis 28 ans à pleine charge. Les montages financiers permettent parfois de prêter jusqu’à 110 % de l’acquisition.

Ces prêts ont connu un grand succès lié au fait que le taux directeur de la Réserve fédérale américaine était très faible. Mais ce taux s'est mis à augmenter : il est passé de 1 % en 2004 à plus de 5 % en 2007. Une hausse des taux longs s'en est suivie, qui a entraîné une augmentation des montants de remboursement, et certains ménages ont commencé à ne plus pouvoir faire face à leurs dettes. Près de 1,2 million de prêts immobiliers ont fait défaut en 2006 aux Etats-Unis, soit une augmentation de 42 % par rapport à 2005, avec bien sûr pour conséquence immédiate et dramatique la mise en vente des logements.5

Par ailleurs, à partir de 2006, le marché immobilier américain est entré dans une crise, faisant baisser les prix des logements. Dans ce contexte, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur n'arrive plus à recouvrer la totalité de sa créance en revendant le bien immobilier. A la faillite personnelle des emprunteurs s'est donc ajoutée une série de graves difficultés financières pour les prêteurs et certains de leurs banquiers.

La combinaison des deux facteurs a conduit à une crise financière internationale. En effet, des titres représentatifs de ces subprimes se sont négociés sur le marché des prêts hypothécaires et la crise connue par les prêteurs s'est répercutée sur les marchés financiers dès que les créances douteuses ont été révélées par les organismes prêteurs.

Conclusions

Ces deux exemples, par ailleurs très différents, montrent deux choses : d'une part, l'activité de crédit peut générer des revenus très élevés grâce à des taux d'intérêt d'usuriers car les pauvres n'ont souvent pas d’autre solution et, d'autre part, les marchés de capitaux s’intéressent très sérieusement à ce marché des crédits aux pauvres, au moins pour spéculer sur la période durant laquelle ceux-ci sont encore en capacité de rembourser.

Car c'est là que se situe le problème. Aux Etats-Unis, au Mexique ou partout ailleurs dans le monde, les individus et ménages à revenus modestes n'accèdent pas au crédit classique, soit parce qu'il n'existe pas d'institution financière pour les servir, soit parce qu'ils ont un profil jugé trop risqué ou simplement insuffisamment évaluable. Pour eux, l'alternative se pose souvent en ces termes: ne pas bénéficier d'un crédit, alors qu'il s'avère parfois indispensable pour lancer ou soutenir une activité professionnelle ou tout simplement pour faire face à un aléa de la vie, soit accepter, quand cette faculté existe, des conditions à ce point exorbitantes qu'elles portent bien souvent en elles-mêmes les germes de la défaillance de l'emprunteur.

En d'autres termes, la fragilité – objective – dans laquelle se trouve l'emprunteur est exploitée de manière éhontée par des prêteurs sans scrupules qui, par les marges qu'ils entendent se réserver, renforcent encore cette fragilité, quand ils n'anéantissent tout simplement pas des existences. Selon les études de l'Institut français de Pondichéry, le microcrédit a entraîné en Inde des vagues de suicides chez les paysans.6

Sont ainsi posées à la fois les limites d'une finance fondée sur la maximisation du profit et la nécessité corrélative pour les institutions qui veulent fournir un crédit adapté aux populations précarisées de mobiliser l'épargne solidaire plutôt que de courir vers le marché des capitaux. Cette épargne solidaire, qui place le souci de cohésion sociale avant celui du rendement, est en effet la seule qui permette de répondre à des besoins réels de financement de personnes ou de groupes pour sortir de la précarité, de favoriser l’émergence d’activités nouvelles rencontrant des difficultés de financement auprès des banques classiques (environnement, éducation, action sociale, etc., particulièrement sur le plan local) et de faire la preuve que l’économie peut être utilisée de façon plus humaine et plus au service des hommes. Est enfin posée à l'épargnant la question de ses choix d'investisseur, y compris de ses choix par défaut – ou par cécité serait-il plus exact d'écrire – lorsqu'il se complaît dans l'ignorance dans laquelle le berce sa banque quant à l'utilisation des fonds qui lui sont confiés.

2 Richard Rosenberg, Réflexions de CGAP sur la première offre publique de vente de Compartamos : Une étude de cas sur les taux d’intérêts et les profits de la microfinance, CGAP/The World Bank, Washington, D.C.

3 Standard & Poor’s, Report Of The Microfinance Rating Methodology Working Group, 19 juin 2007.

4 Keith Epstein, avec Geri Smith à Mexico et Nandini Lakshman à Hyderabad, « Les grands de la finance jouent le microcrédit », Business Week, 13 juillet 2007

5 Michel Lasserre, Crise des crédits immobiliers "subprime" et turbulences financières mondialisées, http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=5368

6 Jean-Michel Servet, « Le microcrédit n'est pas un levier fort du développement », Libération, 21 mars 2007; Banquier aux pieds nus, Editions Odile Jacob, 2006.

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Les plus démunis, s'ils veulent accéder à du crédit doivent passer sous les fourches caudines de conditions de prêt - notamment de taux d'intérêt - abusives. Les mieux nantis, qui disposent du capital, en retirent des profits éhontés, quand ils ne spéculent pas froidement sur la probable période durant laquelle l'emprunteur restera en capacité de rembourser, pour revendre le crédit avant qu'il ne fasse dé- faillance. Cette description peut apparaître comme une mauvaise caricature. L'actualité récente, en particulier l'offre publique de vente de Banco Compartamos et la crise des subprime mortgage aux Etats-Unis, semble toutefois lui donner les traits d'une triste et inquiétante réalité.

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