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Comment améliorer les pratiques bancaires en matière environnementale ?

Soumis par Anonyme le

Activisme militant

Prenons deux bonnes pratiques aux États-Unis. Bank of America, tout d'abord, qui a pris l’engagement de comptabiliser puis de réduire de 7 % les émissions indirectes de gaz à effet de serre de son portefeuille d’investissement «énergie ». JP Morgan Chase, ensuite, qui a adopté en 2005 une politique qui demande à ses clients de mesurer et publier leurs émissions de gaz à effet de serre et d’adopter des plans de réduction de ces émissions. Ces attitudes positives ne sont pas le fruit du hasard, mais la conséquence immédiate et tangible de l'activisme particulièrement efficace d'un groupe californien de défense de l’environnement : Rainforest Action Network (RAN).

En 2000, celui-ci a demandé à Citigroup, la plus grande banque du monde, d’adopter une politique de prêt prenant en compte les critères environnementaux. La société a tout d’abord refusé et les activistes ont dénoncé l'attitude de la banque. Ainsi, par exemple, le 13novembre 2002, par le biais d’une annonce occupant une page entière du New York Times, RAN dénonçait le fait que Citigroup octroyait des prêts à des entreprises dont les activités ont d’importants impacts environnementaux comme la destruction de forêts fragiles, le déplacement de communautés locales ou l'accélération du réchauffement climatique. Citigroup était, entre autres, associée au projet péruvien d’exploitation du gisement gazeux de Camisea, à l’oléoduc équatorien Crudos Pesados, à la centrale électrique thaïlandaise Ratchaburi, au gisement pétrolifère Gobe, en Papouasie Nouvelle-Guinée, à la coupe d’anciens séquoias en Californie, au pipeline Tchad-Cameroun, etc.

RAN estimait qu'en sa qualité de plus grande banque du monde, Citigroup avait le pouvoir et la responsabilité de mettre en place de nouvelles normes environnementales pour les institutions financières. L'organisation écologique lui demandait en conséquence de mettre fin aux investissements destructeurs dans les combustibles fossiles et la déforestation et de privilégier le financement des énergies propres, renouvelables. Après plus de trois ans de protestations, Citigroup a finalement reconnu qu’il serait plus coûteux que profitable d’accorder des prêts à des industries polluantes, alors que leur refuser un prêt constituerait une bonne publicité, gratuite.

Une fois que Citigroup eut cédé, sa relation antagoniste avec RAN s’est transformée en une collaboration destinée à assurer le respect de ces nouveaux standards – un partenariat qui a apporté encore davantage de publicité gratuite à cette société. Pendant ce temps, RAN a tranquillement rédigé une lettre aux dirigeants de Bank of America, leur demandant d’adopter une politique similaire. Bank of America, ayant pu constater le désordre que des militants déterminés pouvaient causer en s’attachant aux portes des banques, a vite réalisé qu’il était préférable de rejoindre les rangs des banques écologiquement respectables. Après la capitulation de Bank of America, JP Morgan Chase est devenu la cible suivante et n’a pas tardé à suivre l’exemple de la concurrence.

Comme on le voit, même de grands groupes financiers, parmi les plus importants au monde, peuvent trembler et se soumettre aux exigences de militants écologistes déterminés. C'est en quelque sorte le combat de David contre Goliath au pays du réchauffement climatique – la fronde de David s'apparentant à un usage astucieux des médias. Cette forme d'activisme, classique, n'est pas la seule à laquelle le monde économique soit perméable.

Activisme actionnarial

La protection de l’environnement, traditionnellement perçue par les investisseurs comme un frein à la rentabilité, est désormais envisagée par les plus éclairés d'entre eux comme source de profit et de rentabilité. Et ils le font savoir au travers de l'activisme actionnarial : en exerçant leur droit de vote aux assemblées générales annuelles des entreprises cotées dont ils détiennent des parts, les actionnaires utilisent un levier puissant pour améliorer le comportement éthique, social et/ou environnemental des entreprises, en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales. Quelques exemples.

Le géant pétrolier Exxon est depuis des années la bête noire d'un nombre grandissant d'actionnaires responsables et d'ONG luttant contre le changement climatique, qui l'accusent de négliger les impacts de ses activités sur le changement climatique, mais aussi de se livrer à un lobbying forcené auprès du gouvernement fédéral afin que les États-Unis n'approuvent pas le protocole de Kyoto. Un rapport publié par un groupe d'experts américains montre ainsi comment Exxon a organisé et financé une campagne de désinformation sur les changements climatiques en distribuant près de 16 millions de dollars entre 1998 et 2005 à un réseau composé d'une quarantaine de think tanks et de lobbyistes.

Face à cette politique de la direction d'Exxon, ses actionnaires, ou au moins certains d'entre eux, ne sont pas restés inactifs. Dès 2004, 8,8 % des votes en assemblée générale, représentant 475 millions d'actions, se sont déterminés en faveur d'un projet de la résolution qui demandait à Exxon :

  • d'expliquer sur quels fondements elle se basait pour proclamer qu'il existe « des zones inconnues dans la science climatique » ;
  • d'effectuer une comparaison entre les coûts prévisionnels d'une politique prenant en compte le changement climatique et ceux probables induits par une non-prise en compte ;
  • d'expliquer les différences marquantes entre la position de l'entreprise et celle du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC - Intergovernmental Panel on Climate Change/IPCC), le corpsd'experts chargé, à l'échelle internationale, de la recherche sur ce changement, et dont le troisième rapport d'évaluation, en 2001, démontrait clairement que le réchauffement climatique mondial observé au cours des cinquante dernières années était, pour sa majeure partie, dû à l'activité humaine ;
  • de dresser un état des recherches menées par l'entreprise pour justifier son point de vue minoritaire sur le changement climatique.

En 2005, ce projet de la résolution a été déposé à nouveau et a reçu cette fois 10,3 % de soutien, tandis qu'une autre résolution, demandant à la compagnie de présenter des plans sur la manière dont elle pense contribuer à réduire ses gaz à effet de serre dans les pays signataires du Protocole de Kyoto, a reçu 28,3 % de soutien, soit 1,5milliard d’actions d’une valeur sur le marché de 83,3 milliards de dollars. La résolution avait été présentée par le Centre multiconfessionnel pour la responsabilité des entreprises et soutenu par des investisseurs institutionnels des États-Unis et d’Europe, dont CALPERS, le Fonds de pension des employés de l’État de Californie, la Direction du Fonds de pension de la ville de Londres et un groupe-conseil mandataire fondé de pouvoir du nom de Institutional Shareholder Services.

En mai 2006, 17 fonds de pension américains, contrôlant 110 millions d'actions de l'entreprise, ont été reçus par la direction pour évoquer la stratégie du groupe sur ces questions. Par contre, le projet de résolution sur le changement climatique destinée à l'assemblée générale d'Exxon a été, en 2006, écarté par la Securities and Exchange Commission (SEC).

Même si leur action n'a encore produit que des résultats très limités, les actionnaires exercent – on le voit – une pression que la direction d'Exxon aura toujours davantage de difficulté à ignorer.

Ces actionnaires se rassemblent au sein d'organisations comme le Investor Network on Climate Risk (INCR), créé en novembre 2003, pour favoriser une meilleure compréhension auprès des investisseurs institutionnels des risques et des opportunités résultant du changement climatique. Actuellement, l' INCR rassemble plus de 50 membres gérant plus de 3 000 milliards de dollars. Citons également, avec un spectre plus large, le Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) composé de 275 investisseurs institutionnels religieux. L'ICCR et ses membres poussent les entreprises à adopter un comportement responsable sur les plans sociaux et environnementaux. Tous les ans, l'ICCR, au travers de ses membres, dépose plus de 200 résolutions d'actionnaires concernant les principales questions sociales et environnementales. On estime la valeur du portefeuille géré par les membres d'ICCR à 110 milliards de dollars. Enfin, le CERES est quant à lui un réseau nord-américain d'investisseurs, d'organismes de protection de l'environnement et autres des groupes d'intérêt public travaillant avec des entreprises et des investisseurs pour relever des défis de développement durable comme le changement climatique.

Autre exemple de l'intérêt croissant porté par les investisseurs à la protection de l’environnement : le « Carbon Disclosure Project » (CDP), qui regroupe investisseurs et assureurs déterminés à faire pression sur les entreprises pour qu’elles maîtrisent leur « risque carbone » au même titre que d’autres risques liés à la pollution. Les 280 investisseurs institutionnels qui participent au CDP – représentant plus de 41 000 milliards de dollars en gestion – demandent chaque année aux 500 plus grosses entreprises mondiales (celles qui composent l'indice FTSE 500) d’expliquer comment elles prennent en compte le réchauffement climatique dans leurs activités, au moyen d’un questionnaire abordant la production, l’innovation, les consommations d’énergie, etc.

Conclusions

Beaucoup de choses séparent sans doute les Robins des Bois de Rainforest Action Network des investisseurs institutionnels à col blanc qui se préoccupent de réchauffement climatique. À commencer par la motivation profonde sans doute : la défense de l’environnement pour les uns et la recherche de profit et de rentabilité pour les autres. Il n'empêche, les uns comme les autres sont alliés objectifs dans la lutte contre le réchauffement climatique. Et les uns comme les autres réussissent à infléchir la politique des plus grands groupes financiers en la matière.

Ils contribuent, avec des méthodes différentes, à remettre la finance au coeur de la vie et des préoccupations humaines. À n'en pas douter, le réchauffement climatique est de celles-ci. Ainsi l'argent et les flux financiers perdent cette posture désincarnée qui les caractérise si souvent, comme s'ils répondaient à quelque fatalité et non, tout simplement, au choix des habitants de cette bonne terre.

Ce constat à lui seul est réjouissant, même s'il faudra sûrement redoubler d'effort pour faire vaincre la lutte contre le réchauffement climatique et contre les investissements nuisibles à l'homme et à l'environnement.

 


Bernard Bayot, Les banques responsables du changement climatique ?, décembre 2007

Erik Assadourian, Le rôle des différentes parties prenantes, Evolution des sociétés de capitaux - 2ème partie, http://www.delaplanete.org/IMG/pdf/role.pdf

Union of Concerned Scientists, Smoke, Mirrors & Hot Air, How ExxonMobil Uses Big Tobacco’s Tactics to Manufacture Uncertainty on Climate Science, january 2007, http://www.ucsusa.org/assets/documents/global_warming/exxon_report.pdf

Nathalie Fessol, Bon résultat d'un projet de résolution d'actionnaires SR sur le changement climatique chez Exxon, 16 juin 2004, http://www.isr-info.com/library/fr/columns/A80Fn75EdT7WBNItzgu3.htm

Lisa Mastny, Les actionnaires d’ExxonMobil apportent un soutien sans précédent à une résolution concernant les changements climatiques, L’état de la planète Magazine, n°23 : septembre/octobre 2005, Renseignements environnementaux, http://www.delaplanete.org/Renseignements-environnementaux,228.html

Concerned That Exxon Mobil's Handling of Climate Change Lags Behind Other Competitors, U.S. Institutional Investors Seek Meeting with Exxon Board, http://www.incr.com/index.php?page=ia&nid=179

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Les pratiques bancaires en matière environnementale sont très variées. Comment expliquer ce tableau contrasté où l'on retrouve les meilleurs comme les pires exemples ? Ou comment et pourquoi le monde financier peut-il se défaire de mauvaises pratiques dans le domaine environnemental ? Deux acteurs qui y contribuent sont sans conteste : les ONG et les investisseurs.

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Année d'édition
2007
Date d'édition
12/2007
Mois d'édition
Décembre

Réduire l'impôt pour favoriser l'épargne solidaire.

Soumis par Anonyme le

Introduction

Le 30 mars 2006, les sénateurs Sabine de BETHUNE, Jan STEVERLYNCK, Étienne SCHOUPPE, Lionel VANDENBERGHE et Christian BROTCORNE ont déposé une proposition de loi instaurant une réduction d'impôt pour les participations sous la forme d'actions dans des fonds de développement du microfinancement dans les pays en développement et fixant les conditions d'agrément en tant que fonds de développement. Une proposition reprenant le même texte a été déposée à nouveau le 1er octobre 2007 par les sénateurs Sabine de BETHUNE, Wouter BEKE, Étienne SCHOUPPE, Els SCHELFHOUT et Elke TINDEMANS.

Cette proposition de loi vise à élargir le financement des fonds de développement qui investissent dans des institutions de microfinancement dans le Sud, par le biais de prêts, de participations en capital ou de garanties. Le but est de développer ce type de financement au moyen d'un incitant à créer, en vue d'encourager les particuliers à investir dans les fonds de développement en question. L'incitant consiste à accorder une réduction d'impôt aux particuliers qui prennent des participations dans ces fonds de développement ou qui leur consentent des prêts.

Les incitants fiscaux existants

Les auteurs de la proposition se réfèrent à juste titre à des incitants similaires qui existent tant en Belgique qu'à l'étranger. Il est sans doute opportun de faire le point à ce propos.

En Belgique

Le Fonds Starters

La société Fonds Starters a pour objet de contribuer au financement des prêts réalisés par le Fonds de Participation en faveur de personnes physiques ou morales – y compris les demandeurs d'emploi inoccupés – désireuses de créer leur propre entreprise ou installées dans leur activité professionnelle depuis quatre ans au maximum.

Le Fonds de Participation a notamment développé à cet effet la Business Line "Microfinance" qui couvre les crédits octroyés aux demandeurs d'emploi et aux personnes n’ayant pas facilement accès au crédit bancaire classique pour le lancement de leur propre activité économique. Les partenaires du Fonds de participation dans cette Business Line sont des structures d'appui, reconnues et agréées par le Fonds, qui assurent un accompagnement professionnel aux bénéficiaires de ces crédits.

Dans ce cadre, trois produits sont développés par le Fonds de Participation :

  • le Prêt Lancement : il fournit aux demandeurs d'emploi inoccupés les moyens financiers afin de lancer leur propre affaire et un accompagnement professionnel est garanti pour la préparation de la demande de crédit, ainsi que pendant les 18 premiers mois de la phase de démarrage des activités;
  • le Plan Jeunes Indépendants pour les moins de 30 ans : les structures d'appui aux starters, financièrement soutenues par le Fonds de participation, offrent un accompagnement gratuit aux bénéficiaires pour une période de 3 à 6 mois, afin de les soutenir dans le lancement du projet;
  • le Prêt solidaire : créé par la Fondation Roi Baudouin, ce microcrédit peut être accordé à une personne qui, vu sa situation financière personnelle, ne peut avoir accès aux crédits bancaires ou d'investissement classiques.

 

Le Fonds de l'économie sociale et durable

Le Fonds de l'économie sociale et durable, constitué par la Société Fédérale d'Investissement conformément à la loi-programme du 8 avril 2003, a pour objet toute forme d’intervention, notamment des prises de participation ou prêts, au bénéfice d’activités relevant de l'économie sociale et durable. Au moins septante pour cent de ses moyens doivent être investis dans celle-ci.

Sont considérées comme relevant de l'économie sociale et durable les activités qui sont développées par une société commerciale ou par une association sans but lucratif et qui appliquent les principes de base suivants :

  • la primauté du travail sur le capital ;
  • une autonomie de gestion ;
  • une finalité de service aux membres et à la collectivité plutôt que le profit ;
  • un processus décisionnel démocratique ;
  • un développement durable respectueux de l'environnement.

 

L'incitant fiscal

Les deux Fonds décrits ci-dessus offrent le même avantage fiscal à l'épargnant.

En cas de souscription d'obligations nominatives à 60 mois, il est accordé aux personnes physiques une réduction d’impôt pour les sommes versées pendant la période imposable pour leur acquisition.

La réduction d'impôt est égale à 5 % des paiements réellement effectués (soit un avantage fiscal à peu près équivalent à 1 % par an) et ne peut excéder 210 euros (actuellement 270 euros avec l'indexation) par période imposable. Chaque conjoint a droit à la réduction si les obligations sont émises à son nom propre.

En France

En France, l'épargne solidaire est favorisée par trois mesures fiscales :

  • Les produits de partage solidaires bénéficient de la loi 2003-709 du 1er août 2003 sur le mécénat. Celle-ci porte la réduction d'impôt pour les particuliers à 60 % du montant des dons, avec effet rétroactif au 1er janvier 2003, dans la limite de 20 % du revenu imposable, et avec possibilité de report sur 5 ans en cas de dépassement du plafond ; pour les entreprises, la réduction d'impôt est de 60 % du montant des dons, dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires, avec possibilité de report sur les 5 exercices suivants en cas de dépassement du plafond ou d'exercice déficitaire.
  • L'épargne solidaire investie dans des actions non cotées bénéficie de la loi 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique qui porte la réduction d'impôt à 25 % de l’investissement réalisé, dans la limite annuelle de 20 000 euros pour un célibataire et de 40 000 euros pour un couple, avec effet rétroactif au 1er janvier 2003.
  • L'épargne solidaire investie dans le cadre de l'épargne salariale dans des fonds communs de placement d'entreprise solidaire (FCPES) est exonérée d'impôt sur le revenu. Cette exonération s’applique dans une limite annuelle pouvant atteindre 43 000 euros et calculée selon des modalités qui varient selon l’origine des sommes placées (participation, intéressement ou abondement) et les dispositifs servant de support.

L'épargne solidaire bénéficiaire de ces deux dernières mesures est celle qui est dirigée vers des entreprises solidaires au sens de l’article L.443-3-1 du Code du travail.

Aux Pays-Bas

Les fonds verts d'épargne et d'investissement ainsi que les fonds socio-éthiques d'investissement doivent investir ou prêter au moins 70 % de leur capital dans des projets respectivement verts ou socio-éthiques, agréés par les autorités pour une durée maximale de 10 ans.

Par projets verts, on entend par exemple :

  • projets naturels et paysagers ;
  • projets dans le domaine de l'agriculture biologique ;
  • projets relatifs à l'énergie renouvelable ;

     

  • projets dans le domaine de la construction durable ;

     

  • projets orientés vers la construction de pistes cyclables.

     

Par projets socio-éthiques, on entend des projets dans les pays en voie de développement, qui, d’une manière significative, visent la sécurité et l’amélioration alimentaires, le développement social et culturel, le développement économique, l’emploi et le développement régional. Les projets ne peuvent avoir d’effet négatif sur le cadre social et environnemental et doivent être réalisés avec la participation des populations locales et l’aide des connaissances locales.

Depuis janvier 1995, la réglementation sur les fonds verts contient un incitant fiscal prévu dans la loi relative aux impôts sur les revenus. Depuis janvier 2002, un incitant identique a été créé pour les fonds socio-éthiques. Les épargnants de ces fonds ne doivent pas payer l’impôt sur le revenu mobilier (1,2 %) et leur impôt sur les revenus est réduit de 1,3 % du montant investi dans les fonds verts et socio-éthiques, soit au total un rendement complémentaire de 2,5 % par rapport au rendement habituel.

Au Royaume-Uni

Le Finance Act 2002 a instauré un avantage fiscal, la « Community Investment Tax Relief » (CITR), qui vise à encourager l'investissement communautaire privé.

La CITR est une réduction d'impôt accordée aux citoyens à concurrence de 5 % du montant de leur investissement dans une Community Development Finance Institution (CDFI) agréée, et ce, chaque année pour une période de cinq ans.

Cette mesure, prise en faveur du développement local, vise à encourager les investissements privés dans les organisations, à but lucratif ou non, au sein des communautés défavorisées.

Pour être agréées, les CDFI doivent en effet avoir pour objectif principal de fournir (directement ou indirectement) des financements (prêts ou investissements), accompagnés ou non d’une activité de conseil, aux entreprises engagées dans les communautés défavorisées, c’est-à-dire :

  • les entreprises situées dans des secteurs défavorisés ainsi que ;
  • celles possédées ou dirigées par – ou conçues pour servir – des membres de groupes défavorisés.

La procédure d'agrément vise à garantir que seuls les investissements des particuliers dans des organisations qui travaillent effectivement à la promotion des entreprises au sein des communautés défavorisées donnent droit à cet avantage fiscal. Parmi les programmes que cette mesure vise à soutenir, figurent l’installation de nouveaux équipements, la rénovation de bâtiments, la création de nouveaux services, ou tout autre programme visant à revigorer les secteurs faibles et à créer un capital social et économique.

L'épargne solidaire

On le voit, les incitants fiscaux existants en Belgique et dans les pays voisins visent à favoriser certaines formes d'épargne solidaire, qu'elles soient conçues pour satisfaire les besoins de financement dans le Sud ou dans nos pays.

Ils s'inscrivent dans une démarche de soutien public à cette forme d'épargne qui intéresse des citoyens toujours plus nombreux. C'est dans cet esprit que Finansol (France), le Réseau Financement Alternatif (Belgique) et FEBEA (Fédération Européenne des banques Éthiques et Alternatives) se sont associés, fin 2005, pour mener, avec le soutien de la Commission européenne, un projet visant à favoriser le développement de la finance solidaire à une échelle internationale. D’autres institutions, qui financent l'économie sociale et solidaire, ont collaboré activement au projet et ont apporté leur expertise : Banca Popolare Etica (Italie), Bank für Sozialwirtschaft (Allemagne), Charity Bank (Royaume Uni), Colonya-Caixa Pollença (Espagne), Crédal (Belgique), Crédit Coopératif (France), Merkur Bank (Danemark).

Après une année de travail, ces organisations ont pu établir les bases pour :

  • un label européen des produits d'épargne solidaire qui permette de distinguer les produits d’épargne solidaire des produits d'épargne classique ;
  • des indicateurs européens qui favorisent une meilleure connaissance du secteur de l'épargne solidaire à l’échelle européenne. 

Ce label européen de l'épargne solidaire sera lancé durant le premier semestre 2008. Il consacrera toute forme d'épargne et d'investissement socialement responsable qui vise à favoriser la cohésion sociale par le financement, grâce à un mécanisme de solidarité, d’activités de l'économie sociale et solidaire, et ce, dans une transparence totale à l’égard des souscripteurs.

En ce sens, les produits d'épargne labellisés financent des projets et des entreprises qui présentent une valeur ajoutée pour l'homme, la culture et/ou l'environnement.

Discussion

La question essentielle que pose la proposition de loi est la suivante : pourquoi limiter l'incitant fiscal au financement des fonds de développement qui investissent dans des institutions de microfinancement dans le Sud ?

Le législateur a déjà prévu des incitants similaires pour des fonds publics qui, en Belgique, offrent du microcrédit ou financent l'économie sociale et durable. Des fonds de développement non publics qui, comme Crédal et Hefboom, ont une activité identique ne bénéficient pas, quant à eux, de ce soutien.

Dans leur mémorandum en vue des dernières élections fédérales, Netwerk Vlaanderen et le Réseau Financement Alternatif demandaient un avantage fiscal similaire à celui lié à l’investissement dans le Fonds de l’économie sociale et durable, à savoir une déduction de 5 % du capital souscrit avec un maximum de 250 euros pour :

  • les prises de participation dans les SCRL, sociétés à but social et produits financiers compatibles avec une économie solidaire (y compris les microcrédits) ;
  • les prêts et souscriptions à des obligations d'entreprises compatibles avec une économie solidaire (y compris les microcrédits) pour autant que la rémunération de ces produits (sept jours avant l’émission) ne dépasse pas le taux des obligations d'État sur cinq ans.

Plus récemment, dans leurs propositions pour le gouvernement fédéral communiquées en décembre 2007, l'ensemble des financiers solidaires, qu'ils destinent leurs fonds au Sud ou à l'économie sociale belge – à savoir Alterfin, Crédal, Incofin, Hefboom, Netwerk Rentevrij, Oikocredit-be, Trividend et, au nom du secteur, le Réseau Financement Alternatif, SAW-B et VOSEC (Vlaams Overleg Sociale Economie) – demandaient des conditions concurrentielles égales aux initiatives publiques. En particulier sur le plan fiscal, le stimulant fiscal qui existe pour le Fonds de l'économie sociale et durable devrait être reconnu, selon ces organisations, pour les coopératives qui se chargent du financement solidaire de l'économie sociale ou pour les entreprises à finalité sociale et écologique.

La présente proposition de loi, si on élargissait sa portée, offrirait ainsi une double opportunité :

  • s'appliquer à toute l'épargne solidaire, qu'elle finance des institutions de microfinancement dans le Sud ou le microcrédit et l'économie sociale en Belgique;
  • mettre un terme à cette inégalité de traitement injustifiée entre le Fonds de l’économie sociale et durable ou le Fonds Starter et les fonds de développement non publics actifs en Belgique.

 


3-1649/1

S. 4-221

Art. 2. § 1er de l'arrêté royal du 16 mai 2003 déterminant les modalités de création de la filiale de financement du Fonds de Participation dénommée « Fonds Starters » visée à l'article 74, § 4, de la loi du 28 juillet 1992 portant des dispositions fiscales et financières, MB 12 juin 2003.

Articles 90 et s., M.B. 17 avril 2003, pages 19.436 et s. ; voir aussi l’arrêté royal du 3 mai 2003 portant exécution du chapitre 11 du titre IV de la loi-programme du 8 avril 2003 portant création du " Fonds de l'Économie sociale et durable ", M.B. 9 mai 2003, 2e éd., pages 25.328 et s.

Loi du 26 juin 2001 approuvant l'accord de coopération du 4 juillet 2000 entre l'État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne, la Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté germanophone relatif à l'économie sociale, M.B., 28 août 2001, 1e éd., p. 28.684.

Netwerk Vlaanderen, Réseau Financement Alternatif, Le rôle des pouvoirs publics en matière d'investissement socialement responsable, mai 2007, http://rfa.be/files/04fr.pdf

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Réseau Financité
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Il est question de créer des incitants pour les investissements en faveur du microcrédit dans le Sud. Et si on élargissait cette mesure à toute l'épargne solidaire ?

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12/2007
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Décembre

Épargne-pension éthique

Soumis par Anonyme le

Selon le Conseil des ministres, la responsabilité sociétale des entreprises est un processus d'amélioration dans le cadre duquel les entreprises intègrent de manière volontaire, systématique et cohérente, des considérations d'ordre social, environnemental et économique dans leur gestion, et ce, en concertation avec les parties prenantes ou avec les intéressés. Au travers du plan d'action qu'il vient d'adopter, le Conseil des ministres entend stimuler cette responsabilité sociétale des entreprises.

Un des moyens retenus est de favoriser les placements et investissements éthiques en Belgique, au travers d'une réduction fiscale accrue de l'épargne- pension fiscale. Celle-ci fait partie, avec l'assurance vie individuelle assortie d'un avantage fiscal, du troisième pilier des pensions, qui s'adresse à tous les contribuables quel que soit leur statut social. Les salariés et les indépendants peuvent donc accéder à celui-ci et combiner ces formules avec les autres systèmes du second pilier (entre autres les assurances de groupe). L'épargne- pension fiscale se décline en deux versions : le compte épargne pension souscrit auprès d'une banque ou d'une société de Bourse et l'assurance épargne-pension conclue auprès d'une compagnie d'assurance.

L'article 1458, alinéa 2 du Code des impôts sur les revenus 1992 stipule que le montant pris en considération pour la réduction pour épargne-pension est limité à 500 € par période imposable mais que ce montant peut être porté à un maximum de 1.000 € par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres. Le Conseil des Ministres du 26 octobre 2005 a approuvé un projet d'arrêté royal qui augmente de 25 % le montant maximum de la réduction d'impôt et qui porte donc le montant de 500 € à 625 € (780 € montant indexé) à partir de l'exercice d'imposition 2006. L'avantage fiscal effectif varie entre 30 et 40% des primes payées (majoré de l'impôt communal épargné).

Concrètement, le projet de Madame Els Van Weert signifie que ceux qui choisiront en faveur d'une épargne-pension éthique pourront investir un montant plus important de manière fiscalement avantageuse. Cet avantage vaudra tant pour les comptes d'épargne collectifs et individuels que pour l'assurance épargne. Cette décision sera encore mise en oeuvre sous cette législature, selon Madame Els Van Weert.

Si l'on ne peut que souscrire à l'objectif poursuivi – favoriser la responsabilité sociétale des entreprises – encore faut-il s'interroger à la fois sur le contenu de cette responsabilité et sur les moyens envisagés pour la stimuler.

Avantage fiscal

Le gouvernement n'a pas encore décidé, semble-t-il, si l'avantage fiscal qu'il entend réserver à l'épargne-pension éthique va être accordé en plus du montant de 625 € reconnu à toute forme d'épargne-pension ou si tout ou partie de l'avantage existant va être subordonné à la preuve d'un investissement éthique. En d'autres termes, il reste à préciser si on va augmenter l'avantage fiscal existant ou le maintenir dans l'enveloppe actuelle mais le conditionner à des critères d'investissement socialement responsable (ISR).

Seule cette deuxième formule paraît défendable. Selon la Secrétaire d'Etat Els Van Weert elle-même, « de plus en plus d'études montrent qu'à long terme, les portefeuilles ISR sont aussi rentables que d'autres et qu'ils présentent moins de risques. D'autre part, il ressort de ces études que les placements ISR sont moins volatiles et moins sensibles aux mouvements cycliques ». Pourquoi dès lors offrir un avantage fiscal supplémentaire aux heureux investisseurs qui auront combiné pertinence sociétale et économique?

La vraie question est au contraire de savoir si l'Etat doit favoriser fiscalement l'investissement dans des entreprises qui n'assument pas leur responsabilité sociétale. Poser la question, c'est y répondre !

Faire une différenciation fiscale au sein de l'épargne-pension, selon qu'elle soit éthique ou pas, est certainement justifié au regard du souci du gouvernement de favoriser la responsabilité sociétale des entreprises, mais elle doit se comprendre plutôt en termes de condition mise à l'obtention de l'avantage existant qu'en termes d'avantage supplémentaire.

Épargne-pension éthique ?

Pour qu'un avantage fiscal soit accordé à l'épargne-pension éthique, encore convient-il préalablement de définir ce que l'on entend par là et donc les critères objectifs et transparents permettant de distinguer l'épargne-pension éthique de l'épargne-pension ordinaire. Derrière cet enjeu fiscal se cache donc un enjeu bien plus important : la normalisation publique de l'investissement socialement responsable.

Depuis les années 70, c’était la société civile qui définissait les frontières de l’épargne éthique. Au début des années 2000, les banques ont progressivement pris le relais. Il semble donc que l'on s'engage à présent dans un processus de définition publique. On ne peut que s'en réjouir, vu la difficulté grandissante de s’y retrouver entre des fonds qui se revendiquent de l'ISR mais qui utilisent critères et méthodologies disparates. Il est d'ailleurs permis de s’interroger sur la légitimité des gestionnaires de fonds à choisir seuls de tels critères. Au nom de quoi ceux-ci devraient-ils échapper au débat citoyen ? La responsabilité sociale, s’il s’agit d’un sujet et d’un enjeu fondamental de la gestion entrepreneuriale et de la finance, est aussi un thème qui nous concerne tous et il nous paraît que le milieu financier doit accepter de partager cette compétence.

Si, à ce stade, ni le Réseau Financement Alternatif, ni son homologue flamand Netwerk Vlaanderen, n'ont été consultés sur cette initiative gouvernementale, il paraît assez inconcevable qu'en qualité de porte-paroles de la société civile sur les questions de finance éthique et solidaire, ils ne soient pas étroitement associés aux travaux de définition de l'épargne-pension éthique.

Ils seront en tous cas attentifs à ce que les normes publiques à venir soient de qualité, et non un pis-aller de bonne conscience.

Parmi les produits éthiques à rendre éligibles pour l'épargne-pension éthique figurent en première place ceux de l'épargne solidaire – et ce n'est certainement pas Madame Van Weert, en charge par ailleurs de l'économie sociale qui nous contredira. Ceux-ci visent à favoriser la cohésion sociale par le financement, grâce à la solidarité, d’activités de l’économie sociale et investissent en conséquence dans les entreprises qui font de la responsabilité sociale, non l’appendice d’une activité lucrative, mais l’essence même de leur engagement.

Ces produits financiers, non seulement éthiques mais aussi solidaires, visent soit à répondre à des besoins réels de financement de personnes ou de groupes pour sortir de la précarité, soit à favoriser l’émergence d’activités nouvelles rencontrant des difficultés de financement auprès des banques classiques (l’environnement, l’éducation, l’action sociale, etc., particulièrement sur le plan local), soit à faire la preuve que l’économie peut être utilisée de façon plus humaine et plus au service des hommes.

S'il existe un type de produit éthique pour lequel un avantage fiscal se justifie plus que pour un autre, c'est bien pour l'épargne solidaire. Certes, une réduction d’impôt est accordée en cas de souscription d’obligations émises par le Fonds de l'économie sociale et durable, mais, par contre, les particuliers qui utilisent les outils traditionnels de financement de l'économie sociale et durable, comme la coopérative Crédal par exemple, ne se voient pas accorder un avantage fiscal similaire.

Il serait donc paradoxal qu'un avantage fiscal soit accordé pour des investissements éthiques et pas pour des investissements non seulement éthiques mais aussi solidaires et, à ce titre, offrant souvent une rentabilité moindre. En France, par exemple, un avantage fiscal est reconnu pour ceux qui investissent directement au capital d'entreprises solidaires, dans le capital d'institutions financières solidaires agréées ou encore dans des fonds communs de placements d'entreprises solidaires (FCPES) dont 5 à 10 % sont affectés à des entreprises solidaires, y compris des sociétés de capital risque ou de finance solidaire. Un exemple qui est certainement à méditer, à l'heure où une définition européenne de l'épargne solidaire a pu être dégagée avec l'appui de la Commission européenne.

 


Arrêté royal du 10 novembre 2005 modifiant l'AR/CIR 92 en ce qui concerne l'épargne-pension, M.B. 18 novembre 2005.

Communiqué de presse, L'épargne-pension devient plus avantageuse pour ceux qui choisissent les placements éthiques, 21 décembre 2006, http://www.elsvanweert.be/default.aspx?ref=AAACAU&lang=FR

Bernard Bayot, « L’éthique privatisée ? », in Les placements éthiques et solidaires, édition Belgique, Alternatives Économiques, 2006.

http://www.fineurosol.org

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Le 21 décembre dernier, le Conseil des Ministres a marqué son accord sur un plan d'action qui, dans le cadre des compétences fédérales, a pour objectif de stimuler la responsabilité sociétale des entreprises. Ce plan fait partie du plan fédéral de développement durable 2004-2008 qui vise notamment à favoriser la responsabilité sociétale des entreprises et les placements et investissements éthiques en Belgique. Selon un communiqué de presse de Madame Els Van Weert, Secrétaire d'Etat au développement durable, le Conseil des ministres a notamment approuvé, dans le cadre de ce plan, sa proposition visant à rendre l'épargne-pension plus avantageuse pour les placements éthiques par le biais d'une déduction fiscale différenciée.

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2007
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20
Date d'édition
20/01/2007
Mois d'édition
Janvier

Évolution sémantique de l'ISR

Soumis par Anonyme le

Introduction

Le développement sémantique d’un domaine constitue en général un bon indicateur de l’évolution du domaine en question. Les termes génériques des débuts se déclinent en termes plus spécifiques et nuancés pour migrer ensuite vers le langage commun. Prenons l’exemple du « commerce équitable », chacun comprend aujourd’hui de quoi il s’agit. Il n’en fut pas de même lors du lancement de ce concept. Il a d’abord dû se faire connaître, accepter et mettre en pratique pour, in fine, entrer dans le langage commun.

Qu'en est-il à ce jour du concept de l’investissement socialement responsable ? À la différence du commerce équitable, l’ISR comprend une diversité vaste et plurielle de pratiques financières, et, en l’absence de cadre juridique délimitant le concept, chaque institution financière, association ou fédération est libre d’en établir une définition propre.

D’aucuns parleront d’« investissements éthiques », d’autres d’« investissements durables », « socialement responsables », voire « soutenables ». Derrière ces variations sémantiques, que nous détaillerons par la suite, l’on retrouve toujours le même socle fondateur, généralement en phase avec l’évolution des préoccupations citoyennes : la prise en compte de considérations éthiques et sociales, au-delà des objectifs financiers traditionnels, dans les décisions d’investissement ou de placements1.

La définition de l’ISR reste imprécise par essence, « dans la mesure où elle repose sur l’idée de responsabilité sociale corporative, concept au cœur de débats et de perceptions diverses »2. De plus, l’éthique est loin d’être une notion absolue, celle-ci variant en fonction des cultures, des convictions, des époques et des lieux.

Toutefois si l’ISR est un concept en constante évolution – et ce, tant en Europe que dans les pays anglo-saxons – et si les termes pour le définir sont interchangeables, il nous paraît important de distinguer, quelle que soit la sémantique utilisée, l’investissement « éthique », qui porte un jugement moral ou de valeur, de l’investissement « socialement responsable », qui évoque les impacts sociétaux de tout investissement.

Genèse et évolution

L’intégration de critères autres que financiers dans les décisions d’investissement est apparue pour la première fois aux États-Unis, dans le courant du 19ème siècle, sous l’action des quakers américains qui refusaient d’investir dans les deux marchés les plus rentables de l’époque : l’armement et le commerce d’esclaves. Par la suite, le mouvement s’est perpétué à la suite de la pression exercée par les congrégations religieuses qui refusaient d’investir dans des actions « du péché », (les sin stocks), et qui excluaient d’emblée de leur politique d’investissement les entreprises actives dans l’alcool, le tabac, le jeu, l’armement et la pornographie. D’où l’origine du terme « investissementéthique ».

Progressivement les champs d’exclusion se sont élargis à d’autres secteurs d’activité, à d’autres zones géographiques et à d’autres investisseurs en fonction des nouvelles revendications de groupes de pression d’origines diverses : guerre du Vietnam et refus de financer l’industrie de l’armement ; régime de discrimination raciale en Afrique du Sud et boycott des investissements au nom de l’antiracisme ; catastrophes de Tchernobyl et de l’Exxon Valdez et lutte pour la protection de l’environnement.

Dans les années 1980, et à l'initiative d'un activiste américain, Léon Sullivan, le concept entre dans une nouvelle logique : en lieu et place d’exclure des entreprises en fonction de leurs activités, on s’intéresse davantage à leurs modes de fonctionnement, à leurs engagements vis-à-vis de la société. On les compare entre elles et on sélectionne celles qui affichent une réelle responsabilité sociétale. On parle donc d’« investissement socialement responsable ».

Le rapport Brundtland (1987), qui fait référence en termes de définition du développement durable, et le Sommet de la Terre de Rio (1992) ont largement contribué à renforcer l’évolution du concept qui, d’un instrument de boycott obéissant à une logique d’opposition, est devenu un moyen de tendre, positivement, vers un développement durable de notre société.

Les scandales financiers de ces dernières années – tout le monde a encore en mémoire le scandale d’Enron – n’ont fait que renforcer l’importance de la notion de responsabilité dans les actes financiers ainsi que dans le rôle d’actionnaire, où le concept d’activisme actionnarial, l'un des trois aspects de l’ISR, prend de l’ampleur.

De nos jours l’investissement éthique a donc fait place à l’investissement socialement responsable, voire même, depuis deux ans, à l’« investissement socialement responsable et durable(ISRD) ». L’ajout récent de ce dernier qualificatif traduit l’évolution du concept dans les pays anglo-saxons, où l’on parle de plus en plus de « socially responsible and sustainable investment (SRSI) ».

Au vu de ce qui précède, il est incontestable que le concept d’ISR évolue et évoluera encore. Depuis cette année, les termes « green and ethical investment »3, « green funds » ou « fonds thématiques ISR »4 font leur apparition. Nul doute que la problématique du changement climatique et de la protection de l’environnement influencera largement l’ISR au cours de ces prochaines années.

Ces éléments attestent donc le dynamisme et la richesse du concept de l'ISR. Mais ils montrent aussi que les professionnels de la finance se sentent suffisamment concernés par cette problématique pour vouloir participer à la définition de son cadre sémantique.

Cadre de l'ISR

 

Comme mentionné précédemment, l'investissement socialement responsable se définit au sens large comme toute forme d'investissement qui ne répond pas uniquement à des critères financiers, mais également à des préoccupations sociales, éthiques et environnementales.

En général, et de manière reconnue par la majorité des acteurs du secteur, les investissements responsables peuvent se classer selon trois grandes catégories :

  • Selon une approche active, en fonction de l'engagement ou de l'activisme actionnarial auprès des entreprises du portefeuille de placement. « L'activisme actionnarial consiste à exercer son pouvoir d'actionnaire, par le biais de son droit de vote, aux assemblées générales des entreprises cotées en Bourse afin d'améliorer le comportement éthique, social et/ou écologique de l'entreprise dont on est actionnaire, en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales »5.
  • Selon une approche passive, en fonction de l'application de filtres positifs ou négatifs sur la base de critères éthiques, sociaux ou environnementaux, au moment du choix de placement. On parle dès lors de « screening » ou « tamisage positif ou négatif de l'univers d'investissement ».

Le « screening négatif » ou « screening d'exclusion » consiste à exclure de son univers d'investissement des entreprises impliquées dans certains secteurs d'activités ou produits et services. De nos jours les secteurs qui sont remis en question sont généralement : l'armement, l'énergie nucléaire, le tabac, l'alcool, le pétrole, etc. Les pays qui posent problème sont les pays non démocratiques, non respectueux des droits de l'Homme, des conventions de l'OIT. Quant aux pratiques réputées sensibles, citons, à titre d’exemples, les manipulations génétiques, les tests sur les animaux, les OGM…

L'exclusion sera soit globale, exclusion de l’ensemble du secteur d'activité ou exclusion géographique, soit nuancée, par exemple, exclusion des entreprises dont plus de 10 % du chiffre d'affaires proviennent de la vente d'armes.

A contrario, le « screening positif » ou « screening d'inclusion » vise à inclure dans l'univers d'investissement les entreprises qui affichent des pratiques exemplaires ou, du moins, qui adoptent les meilleures pratiques de leur catégorie (Best in Class) ou qui apportent une contribution signification au développement durable, par exemple.

  • Selon une approche communautaire (ou solidaire ou de partage) en fonction des investissements communautaires ou des investissements dits « solidaires » ou dits « de partage ». On sélectionne, ici, les produits financiers de différentes formesqui visent à fournir du capital en prêtant à des entreprises locales ou à des particuliers ou en faisant des investissements sous forme de participation dans de telles entreprises en vue de favoriser le développement communautaire ou d’appuyer les groupes défavorisés ou à faibles revenus ou de développer l'économie locale, sociale.

C'est très certainement dans cette dernière catégorie que l'on retrouve le plus d'hétérogénéité entre les pays. La richesse et la multiplicité des outils financiers développés de par le monde en vue de répondre au réel besoin de financement de l'économie sociale fait qu'il est difficile de se limiter à trois catégories pour définir l'ISR. La Belgique et la France ont des spécificités ISR qui se regroupent au sein d'une quatrième catégorie appelée « placement de partage ». Le Canada définit quant à lui l'ISR en six catégories, ajoutant ainsi aux quatre catégories évoquées ci-dessus des prêts responsables et du capital risque soutenant le développement durable6. D'autres préféreront parler de « finance socialement responsable » afin de pouvoir marquer clairement la distinction entre les deux types de pratiques que sont les placements, d’une part, et les investissements, d’autre part7.

Sans parler des nuances de terminologie entre les notions anglo-saxonnes de « charity », « communit »y, « local economy » et celles, francophones, de « partage », « solidaire », « social ».

Pour avoir une vue exhaustive de ces différentes notions, il serait nécessaire de consacrer tout un article la sémantique de la finance solidaire. Ce qui n'est pas l'objet premier de cette analyse.

Néanmoins, notons que l'Europe a songé tout récemment à créer un label qui définit les critères pour les produits financiers solidaires. Outil précieux sans nul doute qui permettra, d'une part, d'éclairer le consommateur, et, d'autre part, de ne pas mettre le solidaire à toutes les sauces.

Conclusion

Indépendamment des questions de sémantique, l'investissement socialement responsable est un concept important : il permet d'agir sur les pratiques des grandes entreprises, de ramener l'économie mondialisée et de plus en plus distante des préoccupations de la société dans un champ plus citoyen, de dégager par le biais de ses investissements communautaires du capital de développement, indispensable pour un développement harmonieux de l'ensemble de notre société. Il permet de reconstruire le lien, oublié dans cette mondialisation financière, entre l'investisseur et le projet de développement.

La mise en place d'un cadre définissant de manière légale l'investissement responsable devient peut-être une réelle nécessité. Les professionnels de la finance ne sont pas prêts à l’admettre, arguant que délimiter l'investissement responsable viendrait à réduire le concept et à empêcher son évolution. Ce n'est pas faux mais, a contrario, étiqueter des produits financiers ISR alors qu'ils n'ont strictement rien d'ISR en dehors de leur nom pose un réel problème, du même ordre que la vague greenwashing8 qui déferle en ce moment sur notre société.

La mise en place d'un cadre légal, aussi large fût-il, permettrait déjà de préserver l'ISR de dérives commerciales et d'ainsi garantir la pérennité du concept.

Alexandra Demoustiez, octobre 2007

Références:

 

  • Bourque, Gendron, « La finance responsable : la nouvelle dynamique d’une finance plurielle ? », in Economie et Solidarités, volume 34, numéro 1, 2003.
  • Association canadienne pour l'Investissement Responsable (AIR), : La revue 2004 de l'Investissement responsable au Canada.
  • Novethic Etudes, Les nouveaux territoires de l'ISR : les investissements verts qui se réclament de l'ISR, octobre 2007
  • Bayot, Demoustiez, L'investissement socialement responsable en Belgique – rapport 2004, Réseau Financement Alternatif, juin 2004.
  • Jean-Jacques Rosé, Responsabilité sociale de l'entreprise, De Boeck Université, 2006

 

1 L’investissement socialement responsable vient, à l’origine, du terme anglo-saxon « SociallyResponsible Investment » dans lequel le terme « investment » désigne tant les activités d’investissement que de placement. Dans le cadre de cette analyse, nous utiliserons également le terme « investissement » pour désigner à la fois l’investissement et le placement.

2 Bourque, Gendron, « La finance responsable : la nouvelle dynamique d’une finance plurielle ? », in Économie et Solidarités, volume 34, numéro 1, 2003 p. 21 à 36.

3 Henderson

4 " Les fonds thématiques ISR se définissent principalement par des choix d'investissement dans des secteurs d'activité proposant des solutions en faveur d'un développement durable.", in Novethic Etudes, Les nouveaux territoires de l'ISR : les investissements verts qui se réclament de l'ISR, octobre 2007.: p. 3.

5 Bayot, Demoustiez, L’investissement socialement responsable en Belgique - rapport 2004, Réseau Financement Alterntif, juin 2004, p. 13.

6 Association canadienne pour l'Investissement Responsable (AIR), La revue 2004 de l'Investissement responsable au Canada..

7 Bourque, Gendron, op.cit., p.25.

8 Terme anglophone pouvant être traduit par « verdissement d'image ». Il est utilisé par les groupes de pression environnementaux pour désigner les efforts de communication des entreprises sur leurs avancées en termes de développement durable – avancées qui ne sont pas accompagnées d'action véritable. Ce terme est également utilisé pour désigner le rapprochement d’une entreprise avec l'ONU dans le cadre du Global Compact.

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L'investissement éthique, l'investissement socialement responsable, durable, soutenable... que de termes pour qualifier un même concept, à savoir, la prise en compte de critères extrafinanciers lors d'un choix de placement ou d'investissement. Mais derrière chacune de ces variantes se profile une nuance. Prenons le temps de les examiner.

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2007
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10/2007
Mois d'édition
Octobre

État des lieux des initiatives socialement responsables des institutions financières

Soumis par Anonyme le

Introduction

Les institutions financières multiplient, depuis quelques années, les initiatives volontaires afin d'améliorer leur responsabilité sociale et environnementale. Aujourd'hui, on peut en dénombrer sept principales, allant de l'élaboration de lignes directrices en termes de lutte contre le blanchiment d'argent, la corruption et le financement du terrorisme – Wolfsberg Principles – à une standardisation des bonnes pratiques en matière de transparence – Global Reporting Initiative – ou à une collecte d'information sur l'empreinte écologique des entreprises détenues en portefeuille – Carbon Disclosure Project. Comme nous le verrons en détail par la suite, les domaines sont donc vastes, variés et complexes. Toutes ces initiatives, louables en soi, nécessitent, pour devenir réellement efficaces et espérer déboucher sur un changement significatif, un réel engagement en interne et la mise en place de sérieuses procédures de suivi de la part de l'institution bancaire. Et c'est malheureusement là que très souvent le bât blesse.

L'objectif de cette analyse est de réaliser un état des lieux des sept principales initiatives bancaires en termes de responsabilité sociétale, de porter un regard critique sur leur efficacité pour amener in fine le débat à la question : initiative volontaire ou réglementation du marché financier ?

État des lieux

Global Reporting Initiative (GRI)

Créé en 1997, le Global Reporting Initiative, comme son nom l’indique, poursuit l’objectif de standardiser les bonnes pratiques en matière de transparence et de reporting. Il s’est donné pour mission de développer, en partenariat avec différents groupes d’acteurs et d’experts, un référentiel en matière de reporting social et environnemental– Sustainability Reporting. Le GRI définit les principes et indicateurs qu’une organisation (entreprise privée ou publique, ONG, association, sprl...) peut utiliser pour mesurer et rendre compte de ses performances économiques, sociales et environnementales. En 2006, le GRI a édité sa troisième version de lignes directrices dénommée G3 Guidelines.

En développant un référentiel en matière de reporting économique, social et environnemental, le GRI permet de stimuler la demande pour de l’information « durable » (sustainable development), d’accroître la qualité de l’information ainsi que de faciliter les comparaisons intersectorielles.

Carbon Disclosure Project (CDP)

Lancé en 2000, le Carbon Disclosure Project (projet de publication volontaire des émissions de dioxine de carbone – CO2) regroupe, aujourd'hui, plus de 300 investisseurs institutionnels qui gèrent, au total, plus de 40 milliards de dollars d'actifs. L'objectif du projet est de fournir à ses membres des informations essentielles et souvent difficiles à obtenir concernant la stratégie en matière de changements climatiques et d'émissions de gaz à effet de serre des entreprises dans lesquelles ils investissent, et ce, afin de leur permettre d'évaluer les risques et opportunités liés aux changements climatiques. Pour récolter ces informations, le CDP, par le biais de ses membres, mène chaque année une enquête sur la base d'un questionnaire en dix points. La première édition, menée en 2000, portait sur les 500 premières entreprises mondiales (FT500). Depuis, le taux de réponse n'a cessé d'augmenter et l'univers de s'élargir pour arriver aujourd'hui à plus de 2000 entreprises interrogées.

L'atout de cette initiative : conscientiser le secteur bancaire et le monde des entreprises aux changements climatiques et encourager les entreprises à calculer et réduire leur empreinte écologique.

Ses limites : plus de 20 % des premières entreprises mondiales par capitalisation boursière (FT500) refusent toujours de publier leurs émissions de gaz à effet de serre. Se pose également une question de crédibilité étant donné qu'aucun organisme indépendant ne valide ni ne certifie les données récoltées.

Les principes de l'Équateur (Equator Principles - EP)

Les principes de l’Équateur sont un ensemble de dix principes calqués sur les standards environnementaux et sociaux de l'International Finance Corporation visant à permettre aux institutions financières une gestion saine des problèmes sociaux et environnementaux liés au financement de projets.

L'objectif des EP, pour les établissements financiers signataires, consiste à s'assurer que les projets qu'ils financent, et particulièrement ceux qu'ils financent dans les pays et marchés émergents, sont réalisés en tenant compte de critères sociaux et environnementaux.

Ils servent de base pour la mise en œuvre, par chaque institution financière signataire, de ses propres politiques, procédures, normes internes. Depuis le lancement en 2003, les EP sont adoptées à ce jour par plus de cinquante institutions financières internationales.

L'atout de cette initiative : rationaliser, de par la création de ce réseau international, la gestion de risque social et environnemental ainsi qu'harmoniser les exigences sociales et environnementales en termes de financement de projets.

Ses principales limites : la question de la gestion et de la bonne gouvernance des « banques d'Équateur ». Une des faiblesses souvent évoquées à l’égard des EP réside dans le fait que  les banques d’Équateur ne disposent pas, d’une part, d’un réel mécanisme de gouvernance et, d’autre part, ne constituent pas un consortium solide. La mise en place d’un mécanisme de gouvernance, via une fonction de coordination appuyée par des politiques et des critères, permettrait à tout le moins de garantir l’intégrité de l’initiative volontaire de chaque banque signataire, de maintenir ainsi un contrôle de qualité minimum et d’assurer le développement des EP à terme.

United Nations Global Compact (ou le Pacte mondial)

Il s’agit d’un ensemble de dix principes qui engagent, sur base volontaire, les entreprises signataires à respecter et promouvoir, dans leurs stratégies et opérations, le respect des droits de l’Homme, les normes du travail, l’environnement et la lutte contre la corruption.

« En termes de droits de l’homme : (1) elles sont invitées à promouvoir et à respecter la protection du droit international relatif aux droits de l’homme dans leur sphère d’influence ; et (2) à veiller à ce que leurs propres compagnies ne se rendent pas complices de violations des droits de l’homme. En termes de droit du travail : elles se doivent de respecter (3) la liberté d’association et le droit de négociation collective, (4) l’élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire, (5) l’abolition effective du travail des enfants ; et (6) l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. Sur le plan environnemental, elles sont invitées à (7) appliquer l’approche de précaution face aux problèmes touchant l’environnement, (8) à entreprendre des initiatives tendant à promouvoir une plus grande responsabilité en matière d’environnement, ainsi qu’à (9) favoriser la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l’environnement. En matière de lutte contre la corruption, elles sont invitées (10) à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l’extorsion de fonds et les pots de vin. »

Depuis son lancement officiel, le 26 juillet 2000, l’initiative concerne actuellement plus de 5 600 signataires répartis dans 120 pays. Elle s’adresse aux entreprises et organisations les plus diverses, et souhaite favoriser, de par sa structure volontaire et en réseau, la participation au processus de diverses parties prenantes de la société civile et promouvoir ainsi l’interaction et l’échange de bonnes pratiques. Plusieurs mécanismes tels que la concertation, l’apprentissage, la mise en place de réseaux locaux et les partenariats sont proposés en vue de faciliter la mise en pratique du pacte.

Les critiques les plus souvent émises à l’égard de l’initiative proviennent principalement de la faiblesse de son système de reporting ; de sa pénétration limitée sur le marché, essentiellement auprès des grandes compagnies d’Europe de l’Ouest ; et de la nécessité de définir des critères plus précis, moins amples, afin de pouvoir, d’une part, les appliquer concrètement, et, d’autre part, initier un réel changement des comportements entrepreneuriaux.

Les Principes Wolfsberg

Fondé en 2000, le Wolfsberg Groupe est une association de onze établissements financiers d’importance internationale qui se sont accordés sur un ensemble de directives mondiales pour la lutte contre le blanchiment d’argent, la corruption et la répression du financement du terrorisme. Leur volonté est de développer des normes et des références adéquates pour les institutions financières.

La première directive définie concerne les directives mondiales anti-blanchiment pour les services bancaires privés, dont l’objectif est de prévenir l’utilisation de leurs opérations internationales à des fins illicites, via, entre autres, des procédures de vérification internes dans l’acceptation du client. Ces directives ont ensuite été traduites pour les banques correspondantes.

En matière de prévention contre le terrorisme, la Déclaration de Wolfsberg sur la répression du financement du terrorisme de 2002 définit, quant à elle, des lignes de conduite aux institutions financières qui, par le biais de la prévention, de la détection et du partage des informations, peuvent aider les gouvernements et organismes publics à lutter contre le terrorisme.

Tous ces textes reconnaissent la nécessité d’un contrôle approprié des transactions et des clients mais ne traitent nullement des questions relatives à l’élaboration et à la mise en place de telles procédures. C’est chose faite, via la Déclaration sur la surveillance, le filtrage et la recherche qui aborde ce point en déterminant les questions à aborder afin d’être en mesure de développer de telles procédures.

Ces mesures volontaires sont certainement utiles pour pallier des déficiences dans des domaines régis par des législateurs ou régulateurs. Néanmoins, en Europe, la directive du 4 décembre 2001 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux assure une réglementation stricte en la matière.

Initiative de transparence des industries extractives - Extractive Industries Transparency Initiative (EITI)

Initiative lancée en 2002 au sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg par le premier Ministre britannique Tony Blair et largement soutenue par le G8, elle vise à accroître la transparence des paiements des industries extractives (Pétrole, Gaz, industries minières) effectués auprès des gouvernements des pays riches en ressources naturelles. L’exploitation de ces ressources minières par les compagnies génère des revenus sous formes de royalties, taxes, primes à la signature des contrats d’exploitation et d’autres formes de paiements auprès des gouvernements locaux. Ces revenus devraient contribuer à la croissance économique et au développement social de ces pays. Malheureusement, le manque de transparence lors des transactions financières peut exacerber des pratiques de mauvaise gouvernance et aboutir à des cas de corruption, de conflit ainsi que de pauvreté.

Le mécanisme est simple : encourager la publication, par les Etats, des recettes perçues au titre de l’exploitation de ces ressources naturelles et, par les entreprises, des paiements effectués aux Etats. Parallèlement, la mise en place d’un mécanisme de réconciliation de ces données permet de s’assurer de la concordance entre les recettes perçues par les Etats et les paiements effectués par les entreprises.

Les institutions financières et investisseurs institutionnels peuvent encourager cette initiative en adhérant à la Déclaration des investisseurs sur la transparence dans le secteur de l’extraction. Par cette adhésion, les institutions financières s’engagent à soutenir les principes de transparence de l’EITI en demandant aux entreprises dans lesquelles elles investissent de soutenir et de promouvoir activement les principes de l’EITI.

La coalition internationale « Publiez ce que vous payez » souligne l’importance de cette initiative et les développements encourageants qu’elle entraine auprès d’institutions financières internationales telles que le FMI, la Banque Mondiale et la BERD. Néanmoins, elle relève deux points critiques d’importance : D’une part, la question de l’approche tripartite de l’EITI entre le gouvernement, l’industrie et la société civile et qu’il serait plus judicieux que l’entreprise divulgue individuellement l’information concernant leurs paiements afin de permettre un contrôle efficace de la publication des données et éviter ainsi les pressions exercées par le gouvernement. D’autre part, la question de l’approche volontaire, pays par pays, car l’initiative risque de ne pas s’appliquer aux pays qui ont le plus besoin de transparence en la matière. Les élites au pouvoir profitant de la gestion secrète des revenus provenant des ressources naturelles sont peu susceptibles de s’engager sur base volontaire.

Principes pour l’Investissement Responsable - United Nations Principles for Responsible Investment (PRI)

Lancé en 2006 sous l’égide de l’UNEP-FI et du Global Compact, les Principes pour l’Investissement Responsable visent à intégrer les problématiques environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) dans la gestion des portefeuilles d’investissement.

Le PRI est composé de 6 principes, déclinés en une série de 35 actions concrètes possibles pour guider les investisseurs à mettre les principes en place. Ils consistent à (1) intégrer les problématiques ESG dans l’analyse et les décisions d’investissement ; (2) devenir investisseur actif et prendre en compte les questions ESG dans les politiques et pratiques actionnariales – via la politique des droits de vote par exemple ; (3) demander aux entités dans lesquelles elles investissent de publier des informations appropriées sur les questions ESG ; (4) favoriser l’acceptation et l’application des principes dans le secteur de l’investissement ; (5) travailler ensemble afin d’accroître l’efficacité dans la mise en application de ces principes ; (6) rendre compte à titre individuel des activités et des progrès réalisés dans l’application de ces principes.

Les PRI, comme toutes les initiatives mentionnées ci-dessus, relèvent d’un engagement volontaire, non obligatoire de la part des institutions financières et certes la question de l’efficacité, du suivi, du contrôle et de l’impact réel se pose à nouveau. Néanmoins, l’atout de ces principes réside essentiellement dans le fait qu’ils fournissent une reconnaissance officielle aux questions ESG dans le secteur financier et qu’ils concernent la totalité des actifs financiers au-delà du champ de l’Investissement Socialement Responsable.

Social Investment Organisation (SIO), un organisation qui promeut l’Investissement Socialement Responsable au Canada souligne que « sans la pression des actionnaires les principes n’aboutiront pas in fine à de grands changements. Le PRI étant basé sur les procédures plutôt que sur les revenus proprement dits, il laisse la porte ouverte aux investisseurs de les signer sans devoir changer d’un dollar leurs portefeuilles d’investissement, donnant ainsi l’impression de changement, plutôt qu’un réel changement ».

Conclusion

Au regard de l’ensemble de ces initiatives volontaires, il est incontestable que la question de la responsabilité sociale et environnementale ne peut plus être et n’est plus ignorée par le monde financier. Elles démontrent la prise de conscience du rôle des institutions financières vis-à-vis de la société actuelle et future et apporte une reconnaissance officielle aux questions environnementales, sociales et de gouvernance. Cet élément justifie à lui seul pleinement leur existence.

Le mouvement est donc initié. Néanmoins après le lancement de la première initiative il y a 11 ans, n’est-il pas temps de se poser la question de leur efficacité ? Et d’ouvrir à nouveau le débat sur la question : initiative volontaire ou réglementation du marché financier ? Les associations et organisations non gouvernementales actives en la matière portent un regard de plus en plus sceptique quant à l’efficacité des démarches volontaires. Celles-ci se multiplient mais les résultats sont faibles et les changements peu perceptibles. Souvent instrumentalisées à des fins de communication, peu contraignantes, elles passent fréquemment à la trappe face aux obligations de rendement et autres obligations financières. L’adage n’est-il pas : Chassez le naturel, il revient au galop. Pour qu’une démarche volontaire mène à un réel changement, l’initiative nécessite un engagement, et ce à tous les niveaux en interne. Elle doit s’intégrer dans le core business de l’institution, être acceptée, assimilée, acquise par tous et non circonscrite à un département extra-financier qui s’occupe des questions de responsabilité sociale et environnementale. De sérieuses procédures de contrôle et de suivi se doivent d’être mises en place. Or très souvent elles sont absentes. Un rapport de l’OCDE sur la question des approches volontaires pour les politiques environnementales concluait que l’efficacité environnementale des approches volontaires est bien souvent questionnable et leur efficacité économique généralement faible.

 


Carbon Disclosure project 2006, Enquête menée auprès des entreprises du SBF120, p.17.

Pour plus d'information sur les principes de l'Équateur, se reporter à l'analyse " Les principes de l'Équateur", Alexandra DEMOUSTIEZ, Réseau Financement Alternatif, septembre 2007.

Par financement de projet, on entend un « mode de financement dans lequel le prêteur considère avant tout les revenus générés par un projet à la fois comme source de remboursement de son prêt et comme sûreté attachée à son exposition. Ce type de financement concerne donc généralement de vastes projets complexes et onéreux tels que centrales électriques, usines chimiques, mines, infrastructures de transport, environnement et télécommunications. » (Source : Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Convergence internationale de la mesure et des normes de fonds propres – Dispositif révisé(« Bâle II »), novembre 2005, http://www.bis.org/publ/bcbs107fre.pdf).

Les dix principes sont issus des conventions internationales suivantes : Déclaration universelle des droits de l’homme, Déclaration de l’Organisation internationale du travail relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, conventions des Nations unies contre la corruption.

Nom de la localité suisse où s’est tenue la séance de travail visant à définir ces directives.

Banco Santander, Bank of Tokyo-Mitsubishi, Barclays, Citigroup, Crédit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs, HSBC, J.P. Morgan Chase, Société Générale, UBS.

Par « banques correspondantes », on entend : les banques, maisons de courtage, fonds mutuels, sociétés d’investissement à capital variable, fonds de pension, sociétés de financement des ventes à tempérament, etc.

France Diplomatie – l’initiative pour la transparence dans les industries extractives – juin 2007

Publish what you pay – est une coalition internationale regroupant plus de 200 ONG et qui appel à l’entière transparence des paiements des compagnies minières, pétrolières et gazières de tous les gouvernements nationaux. www.publishwhatyoupay.org

UNEP-FI : unité du PNUE visant à encourager l’adoption de meilleures pratiques environnementales par les professionnels de la finance. www.unepfi.org

Ethical Corporation – North America: The Principles of Responsible Investment: Time to step up to the mark. http://www.ethicalcorp.com/content.asp?ContentID=4354

’autorégulation>
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Les institutions financières de par le monde adoptent, sur base volontaire, une série d'initiatives en vue d'améliorer leur responsabilité sociale et environnementale.

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2007
Date d'édition
12/2007
Mois d'édition
Décembre

Les principes de l'Équateur

Soumis par Anonyme le

Introduction

Les principes de l'Équateur (Equator Principles – EP) ont vu le jour en juin 2003 à l'initiative d'un groupe de banques internationales. Il s'agit d'un ensemble de dispositions en vue d'une gestion saine des problèmes sociaux et environnementaux liés au financement de projets. Cet ensemble de principes, qui vient de connaître une évolution en passant dans sa version II en juillet 2006 (EPII), permet a priori l'identification, l'évaluation et la gestion du risque social et environnemental en matière de financement de projets.

Par financement de projet, on entend un "mode de financement dans lequel le prêteur considère avant tout les revenus générés par un projet à la fois comme source de remboursement de son prêt et comme sûreté attachée à son exposition. Ce type de financement concerne donc généralement de vastes projets complexes et onéreux tels que centrales électriques, usines chimiques, mines, infrastructures de transport, environnement et télécommunications (…). Les EPII s'appliquent donc à des projets d'envergure dont le seuil d'investissement s'élève au minimum à 10 millions de dollars.

L'objectif des EP, pour les établissements financiers signataires, est de s'assurer que les projets qu'ils financent, et particulièrement ceux qu'ils financent dans les pays et marchés émergents, sont réalisés en tenant compte de critères sociaux et environnementaux.

Il y a donc, au travers de l'élaboration de ces principes, la reconnaissance de la responsabilité sociale du milieu bancaire, la reconnaissance du rôle que peuvent jouer les financiers dans la promotion d’une gestion responsable de l'environnement ainsi que d’un développement social responsable.

Les principes de l'Équateur ont pour vocation de servir de base et de référence communes pour la mise en œuvre, par chaque institution financière signataire, de ses propres politiques, procédures, normes internes en matière sociale et environnementale de financement de projets.

Pour ce faire, les EP se calquent sur les standards environnementaux et sociaux de l'IFC – International Financial Corporation – institution appartenant au groupe de la Banque Mondiale et chargée des opérations avec le secteur privé. L'IFC a été créée en 1956 dans le but de promouvoir les investissements privés dans les pays en développement.

Notons toutefois que l'adhésion aux Principes de l'Équateur par une institution financière n’entraîne, en aucun cas, des droits ou des obligations dans le chef de cette institution envers quelque personne que ce soit. Ces principes servent de référentiel et sont adoptés sur base volontaire uniquement.

Les Principes de l'Équateur - EPII

Les EP dans leur version II sont de l'ordre de 10.

Principe 1: examen et catégorisation

L'institution financière signataire des EP (EPFI) se doit de catégoriser les projets pour lesquels un financement est sollicité en fonction de l'importance de ses impacts et risques potentiels en matière sociale et environnementale. Il existe trois catégories allant des impacts sociaux et environnementaux potentiels significatifs, hétérogènes et irréversibles (catégorie A) à minimes ou nuls (catégorie C).

Principe 2: Évaluation sociale et environnementale

Pour chaque projet de catégorie A ou B, l'emprunteur doit fournir une évaluation des conséquences sociales et environnementales liées au projet et également proposer des mesures d'atténuation et de gestion pertinentes, adaptées à la nature et à l'échelle du projet envisagé.

Principe 3 : Critères sociaux et environnementaux applicables

Pour les projets localisés dans les pays de l'OCDE qui ne sont pas considérés à haut revenu ou dans les pays hors OCDE, sont d'application les critères de performance de l'IFC ainsi que les directives spécifiques du secteur d'activité en matière d'environnement, de santé et de sécurité (directives EHS).

Pour les projets localisés dans les pays de l'OCDE à haut revenu, le processus d'évaluation se fera conformément à la législation locale ou nationale. Et ce, afin de rationaliser et d'éviter tout doublon, car les exigences réglementaires d'autorisation et d'enquête publique sont en général équivalentes ou supérieures aux critères de performance de l'IFC et aux directives EHS.

Notons que les principes suivants (le 4, le 5 et le 6) s'appliquent aux projets de catégorie A ou B et localisés hors pays OCDE ou pays OCDE non considérés à haut revenu.

Principe 4 : Plan d'action et système de gestion

Obligation de la part de l'emprunteur de rédiger un plan d'action sur la base des conclusions de l'évaluation. Ce document décrit et hiérarchise les actions nécessaires pour mettre en œuvre les mesures d'atténuation, les actions correctrices et le suivi nécessaire pour gérer les impacts et les risques identifiés dans l'évaluation. L'emprunteur doit également établir un système de gestion sociale et environnementale.

Principe 5 : Consultation et communication

Consultation par le gouvernement, l'emprunteur ou l'expert indépendant des communautés affectées, et ce, d'une manière coordonnée et adaptée. On entend par « communautés affectées » les communautés locales établies dans la zone d'influence du projet. L'objectif étant d'assurer au minimum la consultation préalable de ces communautés et de faciliter leur participation sur l'ensemble du processus du projet (et non uniquement lors des premières phases).

Principe 6 : Mécanisme de règlement des griefs

Mise en place d'un mécanisme de règlement des griefs par l'emprunteur afin de recevoir les plaintes et de faciliter la résolution des conflits avec des individus ou des groupes affectés par le projet.

Principe 7 : Expertise externe

Nomination d'un expert externe indépendant en matière sociale et environnementale sans lien direct avec l'emprunteur afin d'examiner l'évaluation, le plan d'action et la documentation relative au processus de consultation.

Principe 8 : Obligations de faire ou de ne pas faire

L'incorporation d'obligations de conformité est l'un des piliers des Principes de l'Équateur ; pour les projets de catégorie A ou B, l'emprunteur s'engage, dans la documentation financière, à respecter toutes les lois et réglementations sociales et environnementales du pays d'accueil ; à respecter le plan d'action, à informer périodiquement sur ses obligations de conformité, à mettre hors service ses installations, là où il convient, selon un plan de démantèlement convenu.

Principe 9 : Indépendance du suivi et du reporting

Nomination d'un expert indépendant pour vérifier les conclusions.

Principe 10 : Présentation des rapports par les EPFI

Chaque institution financière signataire s'engage à publier, au minimum sur une base annuelle, un rapport sur ses procédures et ses résultats de mise en œuvre des EP. Ces rapports devraient au minimum comprendre le nombre d'opérations passées en revue par chaque EPFI, leur répartition par catégorie ainsi que des informations relatives à la mise en œuvre.

Avantages et limites des EPII

À ce jour, les Principes de l'Équateur version II sont adoptés par plus de cinquante institutions financières internationales, devenant ainsi les standards mondiaux pour évaluer et gérer les risques sociaux et environnementaux pour le financement de projets.

Les EP permettent, d'une part, au sein des institutions financières, de rationaliser tant que faire se peut la gestion de risque social et environnemental et, de par la création de ce réseau international, d'aider au transfert de connaissances, à l’apprentissage et au développement de meilleures pratiques. D'autre part, et ce, du point de vue du secteur industriel, cette fois, ils permettent de structurer et d'harmoniser les exigences sociales et environnementales en termes de financement de projets.

De plus, le processus révisionnel des EP, qui a abouti au lancement, en juillet 2006, d'un nouveau set de critères environnementaux et sociaux plus exigeants (par exemple, dans le domaine des conditions de travail ainsi qu'au niveau du respect des conventions sociales et environnementales des pays hôtes), s'est fait en incluant la participation de stakeholders et d'ONG externes. Ce qui, indéniablement, constitue un plus dans la qualité du processus de révision des critères.

Néanmoins, malgré la mise en place de critères plus poussés, d'une procédure de révision régulière de ces critères, les Principes de l'Équateur pèchent par certaines faiblesses majeures et par des problèmes fondamentaux de bonne gouvernance.

Champ d'activité

Le champ d'activité des EP ne concerne que le financement de projets et non l'ensemble des activités des institutions financières. En outre, même si le seuil d'investissement est passé de 50 millions USD à 10 millions USD, il limite encore le nombre de projets susceptibles d’être soumis aux EP.

Critères sociaux et environnementaux

Les critères sociaux et environnementaux des EP se calquent en majorité sur ceux de l'IFC, heureusement revus à la hausse, mais qui restent néanmoins en deçà de normes internationales, standards et bonnes pratiques en la matière et qui inquiètent par leur faiblesse dans certains domaines, notamment le changement climatique.

De plus, dans certains domaines, les EP n'ont pas suivi les révisions à la hausse des IFC et en sont restés à des principes moins forts notamment dans le domaine des nouvelles réglementations en matière de transparence des revenus et contrats, dans le secteur des industries extractives, ainsi que dans le domaine de la reconnaissance de communautés ne possédant pas un titre de territoire "reconnaissable".

En outre, les banques ont, en général et à titre individuel, adopté des politiques sociales et environnementales en termes de financement de projets qui vont plus loin que les EP.

Gestion et bonne gouvernance

Une des faiblesses souvent évoquées par Friends of the Earth, toutes deux membres du réseau d’ONG BankTrack, à l’égard des EP réside dans le fait que « les banques d’Équateur » ne disposent pas, d’une part, d’un réel mécanisme de gouvernance et, d’autre part, ne constituent pas un consortium solide. La mise en place d’un mécanisme de gouvernance, via une fonction de coordination appuyée par des politiques et des critères, permettrait à tout le moins de garantir l’intégrité de l’initiative volontaire de chaque banque signataire, de maintenir ainsi un contrôle de qualité minimum et d’assurer le développement des EP à terme.

Conclusion

Comme on le voit, l’objectif des principes de l’Équateur reste sans nul doute un objectif louable et positif. Néanmoins les banques signataires n’ont-elles pas laissé passer, lors du récent processus de révision des EP, une réelle opportunité de tendre vers une autorégulation efficace ? Vers une réelle prise en compte de leur responsabilité sociale et environnementale en tant que financeurs de projets aussi vastes et complexes que les centrales électriques et autres projets énergétiques ?

Lorsque l’on sait qu’une partie des financeurs du très controversé projet pétrolier gazier Sakhalin II, en Russie, – qui pourrait, entre autres, être responsable de l’extermination des dernières baleines grises de nos océans – sont des signataires des Principes de l’Équateur, il est légitime de se demander si les EP sont un nouvel outil marketing ou le signe d’une réelle prise de conscience du monde bancaire. De telles inconsistances ne peuvent malheureusement que remettre en cause le système des Principes de l’Équateur dans son intégralité et intégrité. Seule la mise en place de mécanismes de bonne gouvernance, de cohérence politique et de transparence au niveau de l’information pourra garantir la fiabilité des EP à long terme. Néanmoins comme le souligne BankTrack : « les Principes d’Équateur sont des lignes directrices (baseline) et nullement des bonnes pratiques en matière de gestion sociale et environnementale ».

 


(…) Il peut également servir à financer la construction d’une installation exigeant de nouveaux capitaux ou à refinancer une installation déjà existante, en y apportant ou non des améliorations. Dans ce type de transaction, le prêteur est habituellement payé uniquement ou presque sur les flux de trésorerie générés par les contrats relatifs à la production de l’installation, par exemple l’électricité vendue par une centrale. L’emprunteur est généralement une structure ad hoc (Special Purpose Entity– SPE) qui n’est pas autorisée à servir d’autres fins que le développement, le contrôle et le fonctionnement de l’installation. Il en résulte que le remboursement repose essentiellement sur les flux de trésorerie provenant du projet et sur la valeur de la sûreté attachée aux actifs. » Source : Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Convergence internationale de la mesure et des normes de fonds propres – Dispositif révisé(« Bâle II »), novembre 2005. http://www.bis.org/publ/bcbs107fre.pdf

Dans la première version des EP, le seuil d'investissement s'élevait à 50 millions USD.

Les principes de l'Equateur – Juillet 2006, www.equator-principles.com

"(…) le plan d'action peut aller d'une description succincte des mesures d'atténuation à un ensemble de documents (...) par exemple : plan de déplacement des populations, plan relatif aux populations autochtones, plan d'urgence et d'intervention, plan de démantèlement, etc.).", Les principes de l'Equateur, juillet 2006, p. 3.

"Le système de gestion sociale et environnementale recouvre les éléments suivants : (i) évaluation sociale et environnementale, (ii) programme de gestion, (iii) capacité organisationnelle, (iv) formation, (v) engagement auprès des communautés, (vi) suivi et (vii) présentation de rapports. Les principes de l'Equateur, juillet 2006, p. 3.

Friends of the Earth (FoE) est une organisation gouvernementale qui se consacre à la sauvegarde de la planète pour les générations à venir. Elle représente le plus vaste réseau écologique international. www.foei.org. Michelle Chan-Fishel, Friends of the Earth, Revised Equator Principles fall short of international best practice for Project Finance, by Bill Baue, social funds.com, July 2006.

Rainforest Action Network. www.ran.org

BankTrack est un réseau d’organisations non gouvernementales (ONG) et d’individus qui surveille les opérations du secteur financier privé (banques commerciales, investisseurs, compagnies d’assurance, fonds de pension) ainsi que les impacts de ses opérations sur l’Homme et la planète.

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Lancé en juin 2003, révisé en juillet 2006, cet ensemble de principes en vue d'une gestion saine des problèmes sociaux et environnementaux liés au financement de projets correspond-il à un nouvel outil marketing ou à une autorégulation efficace du marché financier ?

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2007
Date d'édition
09/2007
Mois d'édition
Septembre

Une économie porteuse de progrès : rêve ou réalité?

Soumis par Anonyme le

L'économie n'est pas une fatalité dictée par une loi naturelle qui nous laisserait sans pouvoir. Même si l’on n'en mesure sans doute pas encore suffisamment la portée, le moindre succès des syndicats et ONG, ces dernières années, n'a pas été de démonter la pensée unique et de démontrer que l'économie n'est pas seulement celle décrite par le dogme libéral, mais qu'elle peut développer des formes et des contenus divers.

En 1944 déjà, dans La Grande Transformation, Karl Polanyi développait le concept d’économie plurielle qui renvoie à une lecture tripolaire de l’économie fondée sur trois grands principes de comportement économique que l’on retrouve dans toute société :

  • le principe de marché (rencontre entre l’offre et la demande de biens, en vue de réalisations d’échanges et sur une base de contrat, à des fins d’intérêt financier) ;
  • le principe de redistribution (présence d’une autorité centrale qui a la responsabilité de répartir la production en fonction de mécanismes de prélèvement et d’affectation) ;
  • le principe de réciprocité (prestations entre individus en vue de créer ou manifester un certain lien social entre eux).

Dans cette économie plurielle, chacune des formes que prend l'économie a vocation à rencontrer des besoins spécifiques et les pouvoirs publics ont, à cet égard, un rôle essentiel à jouer : en qualité de régulateur de l'économie de marché, visant, par exemple, à ce que la recherche de profit ne se construise pas sur un cimetière social ou environnemental, ou encore en qualité de garant d’une économie publique efficace en termes économiques et sociaux et, enfin, en qualité de soutien à l’économie sociale et solidaire.

Le citoyen, comme les pouvoirs publics, porte une responsabilité fondamentale par rapport à l'économie, sauf à verser dans la cécité ou la lâcheté. Il exprime ses choix de société dans l’isoloir mais aussi dans son supermarché. Acheter un vêtement sans vérifier s'il a été produit par un enfant ou dans une entreprise violant les droits fondamentaux des travailleurs est aussi grave que de voter en tirant au sort la liste à laquelle on offre son suffrage, sans savoir si celle-ci défend des valeurs démocratiques et, notamment, les droits sociaux fondamentaux.

Exerçant ses choix au supermarché, le consommateur politique venge l’État : de même que le capital transnational sape le pouvoir des États, le consommateur politique sape le pouvoir du capital transnational en décidant de ne pas acheter tel produit, mais plutôt tel autre. Ces contre-pouvoirs s’expriment à travers les organisations non gouvernementales, les mouvements de défense de la société civile globale et l’opinion publique mondiale, qui forment des réseaux transnationaux d’acteurs. Ceux-ci s’adressent aux États et de la sorte suscitent des coalitions d’États pour des objectifs tels que le respect des droits de l’homme.

De la même manière, lorsque le citoyen pénètre dans son agence bancaire et place 1 000 € sur son compte d'épargne. Cet argent ne dort pas, il est utilisé par l'institution financière mais dans une totale discrétion, pour ne pas dire dans le secret le plus absolu. L'épargnant ignore ce que deviennent ses 1 000 €. Si, par exemple, ils sont investis ou prêtés à une entreprise qui déploie ses activités et est le soutien indispensable d'une dictature féroce ou s'ils vont permettre de financer une activité qui détruit notre environnement.

L'argent, la finance, sont des outils indispensables aux échanges économiques, à tout le moins ils les facilitent. Mais si l'on n'y prend pas garde et si elle n'est pas correctement régulée, la finance dépasse ce rôle instrumental pour devenir une fin en soi. De grands hérauts du libéralisme ont, plus souvent qu'à leur tour, fustigé les dégâts que peut provoquer sur l'économie la recherche de rentabilité financière à court terme. L'activité financière, du statut d'outil de l'économie, passe au premier plan, se suffisant à elle-même, souvent pour détruire l'activité économique qui l'a fondée.

Au-delà de ce constat sur les tendances autodestructrices d'une certaine financiarisation, la responsabilité citoyenne et publique consiste à veiller à ce que l'objectif de profit de l'économie de marché ne se fasse pas au détriment des droits sociaux et de l'environnement. C'est ce que les Anglo-Saxons appellent le triple bottom line: "People, Planet, Profit". Ces trois objectifs, qui sont ceux du développement durable, méritent une attention aussi soutenue les uns que les autres. S'agissant de la finance, l'objectif est de veiller à ce que l'épargne n'irrigue que les entreprises qui s'insèrent dans cette logique de développement durable.

Au sein de cette finance, appelée « éthique » ou « socialement responsable », existe un noyau dur, l' « épargne solidaire ». Celle-ci vise à favoriser la cohésion sociale par le financement, grâce à la solidarité, d’activités de l’économie sociale et investit en conséquence dans les entreprises qui font de la responsabilité sociale, non l’appendice d’une activité lucrative, mais l’essence même de leur engagement. Ces produits financiers, non seulement éthiques mais aussi solidaires, visent soit à répondre à des besoins réels de financement de personnes ou de groupes pour sortir de la précarité, soit à favoriser l’émergence d’activités nouvelles rencontrant des difficultés de financement auprès des banques classiques (l’environnement, l’éducation, l’action sociale, etc., particulièrement sur le plan local), soit à faire la preuve que l’économie peut être utilisée de façon plus humaine et plus au service des hommes.

Engagement citoyen et public pour la finance éthique et solidaire, des enjeux prioritaires méritent d'être soutenus, à la veille des élections législatives.

Label et indicateurs européens de l’épargne solidaire

Les finances solidaires s’intensifient dans de nombreux pays européens. Afin de favoriser une évolution commune à l’échelle européenne et d’asseoir ainsi la notoriété de ces finances solidaires, il était important de créer une dynamique européenne du secteur. C’est désormais chose faite. Febea, Finansol et le Réseau Financement Alternatif ont entrepris, dès fin 2005, de codiriger une étude intitulée « Fineurosol » en vue d’analyser et définir les cadres de la finance solidaire en Europe. Au total, 7 pays se sont associés au projet « Fineurosol » : Allemagne, Angleterre, Belgique, Danemark, Espagne, France et Italie. L’étude a, dès l’origine, reçu le soutien financier de la Commission Européenne.

L’année 2006, aura ainsi permis d’établir pour la première fois :

  • un état des lieux de la finance solidaire dans 7 pays de l’Union européenne ;
  • le nouveau label international qui distingue les produits d’épargne solidaire ;
  • les indicateurs de l’épargne solidaire mis en place pour quantifier et qualifier le secteur de la finance solidaire à l’échelle européenne.

Proposition

Soutenir la mise en oeuvre, en Belgique, du nouveau label européen qui distingue les produits d’épargne solidaire et assurer la collecte des données nationales relatives aux indicateurs de l’épargne solidaire définis au niveau européen.

Statut juridique des financiers alternatifs

Certains organismes offrent aux collectivités et aux particuliers cette forme d'épargne alternative que constitue l’épargne solidaire – dont le rendement n'est pas d'abord financier, mais avant tout social et humain – et offrent du crédit à des projets sociaux qui n'ont pas accès au crédit bancaire ainsi qu’à des initiatives touchant les plus démunis, les exclus, belges ou étrangers.

Le Réseau Financement Alternatif mène actuellement pour le compte de la Fondation Roi Baudouin une étude qui a pour objectif d’émettre des recommandations et des propositions relatives au régime juridique applicable à ces « financiers alternatifs ». Une demande émise par ceux-ci consiste à leur permettre de développer une activité de type bancaire dans un contexte réglementaire mieux adapté à leurs caractéristiques spécifiques.

Proposition

Créer un statut particulier, limité à certaines activités bancaires mais autorisant l'appel public à l'épargne, pour les structures de crédit de l'économie sociale et durable.

Nouvelle catégorie d’OPC

Les entreprises qui font de la responsabilité sociale, non l’appendice d’une activité lucrative, mais l’essence même de leur engagement offrent souvent une rentabilité moindre, qui handicape leur financement et justifie que des mesures spécifiques soient prises afin d'assurer celui-ci. Il en va de même des Instituts de microfinance qui développent leurs activités dans les pays en développement.

Une mesure consiste à créer un véhicule financier qui favorise les prises de participation dans ces secteurs.

Proposition

Elaborer une nouvelle catégorie d’OPC qui soit un véhicule financier spécifique à l'économie sociale et durable et au microcrédit, assorti d’incitants fiscaux.

Incitants fiscaux

En cas de souscription d’obligations nominatives à 60 mois émises par le Fonds de l’Economie sociale et durable, il est accordé aux personnes physiques une réduction d’impôt pour les sommes versées pendant la période imposable pour leur acquisition. La réduction d’impôt est égale à 5 % des paiements réellement effectués (soit un avantage fiscal équivalent à 1 % par an) et ne peut excéder 210 euros (actuellement 250 euros avec l'indexation) par période imposable. Chaque conjoint a droit à la réduction si les obligations sont émises à son nom propre. Il paraît justifié d’accorder le même avantage fiscal aux particuliers qui utilisent les outils traditionnels de financement de l'économie sociale et durable ou un nouveau véhicule financier spécifique à l'économie sociale et durable et au microcrédit.

Une autre mesure fiscale incitative pourrait consister en une réduction du précompte mobilier de 15 à 10 % sur les instruments financiers qui investissent au moins 5 % de leurs actifs dans l'économie sociale et durable

Proposition

Accorder une réduction d’impôt égale à 5 % des paiements réellement effectués et au maximum 210 euros par période imposable pour toute souscription de :

  • prises de participation directes dans les entreprises relevant de l'économie sociale et durable à la condition qu'elles soient constituées sous la forme d'une société à finalité sociale ou d'une société coopérative agréée par le Conseil national de la coopération ;
  • obligations émises par les sociétés commerciales et associations sans but lucratif considérées comme relevant de l'économie sociale et durable, à la condition qu'elles ne soient pas rémunérées par un intérêt supérieur au taux des obligations linéaires (OLO) à cinq ans publié sept jours avant la date d’émission ;
  • emprunts accordés à ces mêmes sociétés commerciales et associations sans but lucratif, à la condition qu'ils ne soient pas rémunérés par un intérêt supérieur au taux des obligations linéaires (OLO) à cinq ans publié sept jours avant la date d’émission ;
  • participations dans un produit financier spécifique à l'économie sociale et durable et au microcrédit.
  • accorder une réduction du précompte mobilier de 15 à 10 % sur les instruments financiers qui investissent au moins 5 % de leurs actifs dans l'économie sociale et durable.

 


Karl Polanyi, La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, Paris, 1994.

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Pour paraphraser Charles Forbes, comte de Montalembert, vous avez beau ne pas vous occuper d'économie, l'économie s'occupe de vous tout de même.

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Année d'édition
2007
Jour d'édition
31
Date d'édition
31/01/2007
Mois d'édition
Janvier

Des mesures nécessaires pour mieux encadrer le crédit à la consommation

Soumis par Anonyme le

Introduction

En cette période de crise financière et de crise du pouvoir d’achat, la nécessité d’encadrer et de réguler les activités de crédit aux particuliers apparaît de manière plus perceptible que jamais1. Soucieux de prendre les mesures législatives qui s’imposent, nos mandataires politiques ont déposé plusieurs propositions en ce sens ces derniers mois.

Organisée le 29 novembre dernier à l'initiative de quatorze associations francophones et néerlandophones, la Journée sans crédit a été l'occasion, pour les acteurs de terrain luttant contre le surendettement, de sensibiliser les consommateurs aux dangers du crédit facile et de rappeler leurs recommandations aux pouvoirs publics pour améliorer la protection des consommateurs les plus fragilisés.

Après avoir effectué une analyse comparative des différents types de mesures proposées par nos politiques, nous examinerons leur adéquation aux revendications formulées par les acteurs de terrain et nous nous interrogerons sur leurs conséquences.

Propositions de loi visant à encadrer le crédit à la consommation et à protéger le consommateur contre le « crédit facile ».

Plusieurs groupes politiques proposent aujourd’hui des mesures en vue d’encadrer le crédit à la consommation et de protéger le consommateur contre le crédit facile.

Ainsi, début juillet 2008, Christiane Vienne, Joëlle Kapompolé et Olga Zrihen ont déposé une proposition de loi au Sénat visant à lutter contre le « crédit facile », complétée par 17 des 52 propositions adoptées par le Bureau du PS le 6 novembre dernier « en vue de mieux protéger les épargnants, les investisseurs, les emprunteurs et les assurés ». Ces propositions ont pour objet de mieux encadrer le secteur du crédit à la consommation en raison du risque de surendettement qu’il fait peser sur les emprunteurs.

De son côté, le groupe Ecolo-Groen! a déposé une proposition de loi à la Chambre le 4 novembre dernier2 modifiant la législation relative aux crédits à la consommation en vue de mieux protéger les consommateurs et d’éviter que ceux-ci ne contractent des dettes excessives à des taux usuraires et voient leur pouvoir d’achat s’éroder de manière structurelle.

De l’analyse des mesures proposées par les deux partis se dégagent plusieurs constatations.

Tout d’abord, les différentes propositions de loi déposées par les deux partis s’accordent sur la nécessité d’introduire les mesures suivantes :

  • Plafonnement des intérêts usuraires : la proposition de loi d’Ecolo et de Groen! fixe légalement à 9 % les taux annuels effectifs globaux (TAEG) maxima pour tous les crédits à la consommation3, tandis que le PS
    entend modifier les TAEG maxima pour les ouvertures de crédit en établissant un taux maximum unique de 10 %, et ce, quel que soit le montant.
  • Augmentation du délai de réflexion du consommateur : le PS propose de généraliser le délai de réflexion de sept jours à tous les contrats de crédit à la consommation, alors qu’Écolo et Groen ! proposent que ce délai de réflexion soit porté à quatorze jours pour tous les types de contrat de crédit, quel qu’en soit le montant.
  • Introduction d’un délai de « zérotage » pour tous les contrats d’ouverture de crédit et réduction de ce délai à un an pour les crédits jusque 5.000 euros et à maximum cinq ans pour les crédits de plus de 5.000 euros, et ce, quelles que soient leur durée et la nature (capital ou intérêt) de leur remboursement périodique.
  • Amélioration de la lisibilité des taux en matière d’ouvertures de crédit : Pour Écolo et Groen!, des informations standardisées doivent être indiquées dans toute publicité mentionnant un taux d’intérêt ou des chiffres liés au coût du crédit4 et le prêteur doit être obligé d’indiquer le coût des ouvertures de crédit en euros à côté du pourcentage actuel. Pour le PS, il convient de traduire le TAEG en pourcentage mensuel dans le contrat d'ouverture de crédit en plus de la précision du TAEG en pourcentage annuel. Le coût du crédit doit également être exprimé en valeur nominale plutôt qu'en pourcentage.
  • Amélioration de la réglementation du découvert bancaire : la proposition d’Ecolo-Groen! prévoit que l’établissement de crédit ne peut accorder un crédit ou autoriser un solde débiteur en compte courant que si le client l’a explicitement demandé. Elle inclut la modification de la sanction en cas de dépassement en vue de l’application des dispositions de la loi sur le crédit à la consommation5.
    Cette mesure ne figure pas dans la proposition des Sénateurs PS, mais est bien reprise dans la liste des 52 mesures adoptées par le Bureau du PS en novembre dernier.

Par ailleurs, la proposition du groupe Ecolo-Groen! prévoit également l’adoption des deux mesures suivantes :

  • un réexamen de la situation financière de l’emprunteur à l’occasion de toute offre intermédiaire de crédit de la part du prêteur dans le cas des ouvertures de crédit ;
  • l’obligation pour le prêteur ou l’intermédiaire de crédit de prévoir un service gratuit par le biais d’un guichet où l’emprunteur doit pouvoir poser toutes ses questions et avoir l’assurance d’obtenir une réponse. 

La proposition de loi des sénateurs PS de juillet dernier comporte en outre plusieurs autres revendications émises par la plateforme en 2007 :

  • Limitation des frais de souscription d’un contrat d’assurance lié à un contrat de crédit : les frais relatifs à la souscription, libre ou non, d'un contrat d'assurance lié à un contrat de crédit doivent être systématiquement inclus dans le coût total du crédit.
  • Clarification de la notion de publicité abusive dans la loi sur le crédit à la consommation : les publicités qui mettent en évidence la facilité, la rapidité d'octroi, le regroupement et la centralisation des crédits visent toujours un public fragilisé et doivent être considérées, par essence, comme dangereuses et abusives.
  • Séparation physique entre le lieu d’achat d’un bien et celui de la conclusion du contrat d’ouverture crédit de cet achat.
  • Amélioration de la formation du personnel des prêteurs et intermédiaires de crédit : des conditions minimales de formation sont imposées en vue de permettre à ces derniers d'assumer correctement l'obligation légale d'information et le devoir de conseil lors de la conclusion du contrat de crédit.
  • Mise à disposition du public de la liste des intermédiaires de crédit :actuellement, seule la liste des prêteurs agréés6 est publiée au Moniteur belge.
  • Renforcement des sanctions en matière de publicité sur le crédit à la consommation7.

Cette dernière mesure fait également l’objet d’une proposition de loi déposée à la Chambre des représentants par François-Xavier de Donnéa, du MR, en novembre 2007 8.

Adéquation des mesures législatives proposées aux revendications des acteurs de terrain

Ce 29 novembre dernier, les acteurs de terrain de la plateforme Journée sans crédit ont publié leurs Constats et recommandations 2008 pour une meilleure protection des consommateurs en matière de crédit à la consommation9. Le document, très fourni, propose un baromètre des recommandations formulées en 2007 qui examine chaque recommandation émise en relevant l’existence ou non d’actions prises par les responsables politiques pour y répondre et en posant une appréciation de chaque action prise.

L’examen du baromètre permet de constater que, hormis la mesure visant à réduire les TAEG maxima pour les ouvertures de crédit sur laquelle nous reviendrons plus bas, l’ensemble des mesures reprises dans les propositions de loi communes au groupe Ecolo-Groen! et au PS répondent à des revendications formulées par la plateforme en 200710 et font l’objet d’une appréciation positive de la part de la plateforme.

Au-delà des mesures reprises dans les propositions de loi ci-dessus, la plateforme préconisait également, dans ses recommandations 2007, que soient prises des mesures complémentaires :

  • En matière de publicité pour le crédit : il conviendrait que plus de moyens financiers soient alloués aux autorités pour contrôler les publicités, que la transparence et la diffusion des résultats des contrôles et enquêtes du SPF Économie soient assurées et qu’on procède à un renforcement des pouvoirs de contrôle et de sanction à l’égard des prêteurs et intermédiaires qui n’assument pas leur devoir de conseil et leur obligation d’information.
  • En termes de moyens pour la lutte contre le surendettement : il conviendrait de renforcer les contrôles des dispositions en matière de publicité et de conditions d’octroi des crédits, de publier une liste des prêteurs ayant enfreint la loi, de diffuser, vers le grand public, des informations sur le règlement collectif de dettes et d’encourager le crédit social pour mieux lutter contre l’exclusion bancaire et le surendettement.

En conclusion de son baromètre, la plate-forme souligne l'important écho qu'ont eu ses recommandations, mais considère néanmoins que « le bilan actuel est assez maigre dans la mesure où, au niveau national, seules des propositions législatives ont été déposées au Parlement (Chambre ou Sénat)».

Pour 2008, la plateforme a également formulé de nouvelles recommandations sur plusieurs points essentiels, à savoir l’amélioration de l’utilisation de la Centrale des crédits aux particuliers telle qu’elle existe aujourd’hui, l’amélioration de l’information et de la protection du consommateur par la mise au point et l’utilisation d’un formulaire standardisé avant tout octroi de prêt.

Elle se positionne aussi sur l’élargissement – inopportun à son sens — des données enregistrées dans la Centrale des crédits aux particuliers. Elle plaide également pour l’interdiction d’offres de crédit non liées à des achats. Et sous un volet plus curatif, elle formule quelques suggestions visant à rendre plus efficace la procédure de demande de facilités de paiement auprès du juge de Paix.

Bien que ne faisant pas encore l’objet de propositions législatives en bonne et due forme, plusieurs de ces recommandations11, trouvent toutefois déjà écho dans la liste de propositions adoptées par le Bureau du PS le 6 novembre dernier « en vue de mieux protéger les épargnants, les investisseurs, les emprunteurs et les assurés ». Le document plaide, en outre, pour une coordination des actions entreprises par les pouvoirs publics et le monde associatif en matière de sensibilisation des consommateurs aux dangers du crédit facile.

Si on ne peut qu’appuyer cette volonté de coordination des actions de sensibilisation, il nous semble par ailleurs également crucial que les mesures législatives proposées traduisent bien des revendications des acteurs de terrain. L’exposé ci-dessus démontre que c’est largement le cas, ce dont nous nous réjouissons.

Diminution des TAEG maxima : une proposition qui pose question

Une mesure proposée par les mandataires publics, tant du groupe PS que du groupe Ecolo-Groen! échappe néanmoins à ce constat : la proposition de diminuer les TAEG maxima à 9 ou 10 % pour les ouvertures de crédit, voire tous les contrats de crédit à la consommation, ne traduit pas une recommandation des acteurs de terrain, qui ne se sont pas encore exprimés à cet égard.

Il s’agirait pourtant d’une mini révolution dans le monde du crédit à la consommation tel que nous le connaissons actuellement.

Les deux propositions soulignent très justement les différents risques que présente pour le consommateur la multiplication des contrats d’ouverture de crédit à des taux « usuraires » variant de 16 et 19 %. Malheureusement, celles-ci négligent néanmoins d’examiner de manière approfondie un élément crucial permettant de juger de l’opportunité d’une telle mesure, à savoir l’impact que pourrait avoir une diminution des TAEG maxima sur l’offre, et partant sur l’accès au crédit à la consommation en général.

Tout au plus, la proposition d’Ecolo-Groen! affirme-t-elle que cette mesure dissuadera surtout les établissements de crédit d’octroyer des crédits faciles. Ils seront plutôt tentés d’effectuer une analyse approfondie des clients auxquels ils octroient un crédit en raison des marges bénéficiaires moins élevées. De cette manière, les crédits octroyés tiendront compte de la capacité financière du consommateur. Il n’y aura pas moins de crédits, mais ce seront des crédits sur mesure.

Or, en réalité, de multiples éléments laissent à penser qu’une telle diminution des TAEG entraînera très certainement une diminution du nombre de crédits accordés.

Présentons ici brièvement certains enseignements non négligeables que nous pourrions tirer à cet égard du débat et des recherches en cours en Europe à ce sujet12.

Si l’existence de plafonds maxima pour les TAEG en matière de crédit à la consommation est une évidence en Belgique, il n’en va pas de même dans tous les pays européens. Ainsi, si l'Autriche, la France, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, la Pologne et la Slovaquie ont également instauré de tels plafonds13, plusieurs pays, tels que la Pologne, l’Italie, l’Irlande et le Royaume-Uni sont préoccupés par, voire carrément opposés au recours à cette pratique.

Différentes études démontrent en effet un risque majeur lié à la mise en place d’un taux maximum : fixés trop bas, les plafonds risquent d'avoir pour effet d'exclure les personnes pour lesquelles les coûts de la fourniture de crédit sont élevés et ne peuvent être couverts par les intérêts. Il s’agit généralement de personnes qui souhaitent et qui ont besoin d'emprunter de petites sommes d'argent pendant de courtes périodes, c'est-à-dire précisément dans le cas où les méthodes de recouvrement sont plus coûteuses ou encore lorsque la probabilité d'un défaut de paiement est supérieure à la moyenne.

Le refus de crédit pour ces personnes en fait, par conséquent, la proie des prêteurs informels et illégaux – certaines études tendant à démontrer que le plafonnement des taux d'intérêt a pour effet de faire grimper le nombre de prêts illégaux.

On le voit, il est dès lors indispensable d’analyser de manière approfondie les conséquences d’une diminution des TAEG maxima pour les ouvertures de crédit au regard des spécificités du marché du crédit belge afin d’identifier quels pourraient être les effets positifs, mais également négatifs d’une telle mesure.

Ce n’est qu’une fois ces derniers aspects identifiés, qu’il sera possible de juger de l’opportunité de l’introduction d’une telle mesure, couplée éventuellement à d’autres mécanismes permettant de contrecarrer ses effets négatifs éventuels.

Conclusion

La question de l’encadrement du crédit à la consommation semble être enfin prise à bras le corps par nos mandataires politiques. Ceux-ci donnent aujourd’hui largement écho aux revendications des acteurs de terrain en la matière.

Reste à souhaiter que l’essai soit transformé avec succès dans les mois qui viennent grâce à une collaboration encore accrue des différentes parties prenantes, tant en ce qui concerne la sensibilisation que la réglementation du secteur.

À cet égard, on peut s’attendre à ce que les représentants du monde du crédit, demeurés fort discrets jusqu’à présent, sortent du bois très prochainement et se prononcent sur les différentes mesures proposées. Afin de favoriser un réel débat sur la question et de permettre une prise de mesures cohérentes dans leur ensemble, il nous semble indispensable de réexaminer l’opportunité de diminuer le TAEG maximum des ouvertures de crédit en analysant de manière approfondie l’impact d’une telle mesure sur l’offre et l’accès au marché du crédit. Il s'agirait aussi d’évaluer dans quelle mesure une telle disposition peut rencontrer les objectifs poursuivis.

 

Lise Disneur, décembre 2008

 

 

1 Voir à ce sujet notre analyse « Les sirènes du crédit facile », octobre 2008

2 Proposition de loi modifiant la législation relative aux crédits à la consommation déposée à la Chambre par

Mme Meyrem Almaci et consorts DOC 52 1538/001, p. 2438

3 Ce maximum est lié à l’indice de référence A (certificat de trésorerie à 12 mois) utilisé pour la fixation des

taux d’intérêt du crédit hypothécaire (article 9, § 1er, de la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire).

Pour les montants inférieurs à 1.250 euros, le taux annuel effectif global maximum est fixé à l’indice de référence A (annuel) + 5 %. Pour les crédits d’un montant supérieur à 1.250 euros, le taux annuel effectif global maximum est fixé à l’indice de référence A (annuel) + 4 %.

4 Doivent y figurer le taux débiteur, le montant total du crédit, le TAEG, la durée du contrat, et le montant

total à payer par le consommateur et le montant des échéances.

5 La loi prévoit la suspension des prélèvements et le remboursement du dépassement dans les 45 jours. À

défaut de remboursement dans les 45 jours, la banque aura la possibilité soit de clôturer le compte, soit de faire signer un contrat d’ouverture de crédit.

6 C'est-à-dire les banques, les compagnies d'assurances, les sociétés de financement.

7 Actuellement, les sanctions comprennent une peine d'emprisonnement allant de 8 jours à 1 an et une amende

de 26 à 100 000 euros, ou une de ces peines seulement. Il est proposé de faire passer la durée d'emprisonnement de 3

mois à 2 ans et l'amende de 500 euros à 200 000 euros.

8 Nº DOC 52 0328/001

9 Le document complet est téléchargeable sur http://www.journeesanscredit.be/Recommandations-2008,9

10 Voir le document dossier intitulé "Les ouvertures de crédit : constats et recommandations pour une meilleure

protection des consommateurs" publié en 2007 disponible sur http://www.journeesanscredit.be/En-2007-Les-32-

recommandations

11 Telles que l’utilisation optimale de la Centrale et l’interdiction d’offres de crédit non liées à des achats.

12 Pour une étude approfondie de la question, lire à ce sujet le chapitre 9.2.1.2. du rapport de l’étude « Offre de

services financiers et prévention de l’exclusion financière » réalisée en 2007-2008 par le Réseau Financement

Alternatif pour le compte de la Commission Européenne, dont les paragraphes suivants sont largement issus.

13 Le niveau de ces taux d'intérêt plafonnés varie entre les pays et au sein même de pays pour différents types

de crédit. Par exemple, en France, les taux s'échelonnent entre 8,72 % et 20,35 % de TAEG – en fonction, de la somme empruntée et du type de crédit utilisé. L'Italie possède 15 taux différents. Aux Pays-Bas, il n'y a qu'un seul plafond fixé à 17 % au-dessus du taux de base de la Banque centrale ; en Pologne, c'est quatre fois le taux de base.

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Examen critique des propositions de loi déposées récemment en la matière au regard des revendications formulées par les acteurs de terrain.

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Le profit peut nuire gravement à votre économie !

Soumis par Anonyme le

Cette croissance financière est construite sur l’écrasement des coûts salariaux et des dépenses sociales. Dans tous les pays européens, la part des revenus du travail dans le PIB a diminué significativement depuis le début des années 80. 1 A l’exception de la Belgique, le niveau actuel de la part des revenus du travail dans le PIB est inférieur à celui du début des années 60. Cette évolution négative résulte notamment d’une progression des salaires inférieure à celle de la productivité. Même un pays comme l’Irlande qui connaît un taux de croissance économique soutenu depuis plus de dix ans a vu la part de la rémunération du travail chuter et la plus forte diminution du salaire réel. Si on se limite à la rémunération des salariés, c'est-à-dire sans prendre en compte les revenus du travail des indépendants et professions libérales, la part de la rémunération des salariés dans le PIB belge a fortement chuté depuis 1981, passant de 57 % à 51 %.2

La pression induite par cette exigence financière ne pèse pas uniquement sur le monde du travail mais sur toute l'économie réelle. En effet, les taux de rentabilité exigés ont pour conséquence que le capital est sans cesse poussé à rechercher sa valorisation dans des activités financières supplémentaires. Celles-ci sont souvent désincarnées, externes à la sphère productive. C'est ainsi que désormais, dans les transactions interbancaires de la planète, là où se nouent tous les règlements monétaires, le volume des transactions consacrées à l'économie réelle (biens et services produits pendant une année, par exemple l'année 2005) est absurdement faible, puisque celui-ci représente moins de 2,2 % de la totalité des échanges monétaires. Par contre, les transactions sur produits dérivés, toutes catégories confondues, qui représentaient moins de 1 T$ (soit mille milliards de dollars) au début des années 1980 se montent vingt-cinq ans plus tard à 1,406 T$ (soit 1 million quatre cent six mille milliards de dollars !). 3

Cette évolution nourrit un cercle vicieux redoutable! Le profit escompté étant proportionnel au risque couru, l'appétit aiguisé par la perspective de retours sur investissement à deux chiffres a légitimé des aventures comme celle des subprimes. Celle-ci a montré deux choses: d'une part, l'activité de crédit aux plus défavorisés peut générer des revenus très élevés grâce à des taux d'intérêt d'usuriers car les pauvres n'ont souvent pas d’autre solution et, d'autre part, les marchés de capitaux s’intéressent très sérieusement à ce marché des crédits aux pauvres, au moins pour spéculer sur la période durant laquelle ceux-ci sont encore en capacité de rembourser.4 Le résultat a été catastrophique tant pour les principaux intéressés – on estime à 3 millions le nombre de saisies immobilières prévues cette année aux États-Unis – que pour les institutions financières et l'économie en général. Toute l’activité économique, tous les bilans des grands groupes s’en trouvent gangrenés.

Si la finance s'est largement émancipée de l'économie pour tourner sur elle-même et créer des bulles spéculatives, les conséquences de celles-ci sont quant à elles bien palpables dans l'économie réelle ! Les États-Unis sont au plus mal et l'Europe inquiète de plus en plus. La crise bancaire a atteint le Vieux Continent, les déficits budgétaires dérapent et les indices d'entrée en récession se multiplient. II est temps que les gouvernements se concertent et réintroduisent des règles, des contrôles, donc de la transparence et de la stabilité. Il convient en outre que les pouvoirs publics favorisent d'autres modèles financiers plus proches de l'économie réelle, qui prennent en considération le temps, les impacts et la juste rémunération.

Le temps, les impacts et la juste rémunération

La recherche effrénée de profit est souvent synonyme d'opérations spéculatives à (très) court terme, souvent incompatibles avec le développement économique. S'il est évident que des mouvements à court terme sont nécessaires pour répondre notamment aux nécessités de trésorerie, ils ne peuvent se justifier pour des investissements qui demandent du temps pour sortir leurs effets. Il faut donc remettre à l'honneur ce que les anglo-saxons appellent le capital patient, c'est-à-dire un capital qui ne peut être remboursé avant un long terme, par exemple 15 ans, et qui permet de soutenir les opérations des entreprises et d’appuyer des investissements immobiliers pour le développement de nouvelles activités.

Une finance proche de l'activité économique prend en considération la durée nécessaire au développement de celle-ci mais aussi les conséquences de celle-ci au point de vue social et environnemental. C'est ce qu'il est convenu d'appeler l'Investissement Socialement Responsable (ISR) qui consiste à ouvrir les yeux sur les impacts sociaux et environnementaux de l'activité économique dans laquelle on envisage d'investir et d'intégrer, aux côtés de l'analyse financière, l'évaluation que l'on peut porter sur ces impacts dans ses choix d'épargne ou d'investissement. Cette approche permet, mieux que d'autres, de construire des portefeuilles solides, sur des thématiques d'avenir qui conservent leur validité à long terme, à distance des remous provoqués par les comportements irresponsables de certains acteurs de la sphère financière.5 Une norme légale minimale qui permette de qualifier un investissement de socialement responsable doit permettre le développement de l'ISR.

Plus fondamentalement, nous devons inverser la logique de la ponction démesurée du profit par l'actionnaire au détriment de l'activité économique et privilégier les modèles économiques qui imposent des limites à la course au profit. Il faut que la plus-value réalisée grâce à l'activité économique d'une entreprise soit modérément distribuée pour rémunérer le capital et davantage réinvestie dans l'entreprise elle-même. C'est ce que nous pourrions appeler la modération actionariale qui est d'application dans les sociétés à finalité sociale et les coopératives agréées par le Conseil National de la Coopération (CNC). Les conditions de cette agrément reprennent en effet les cinq grands principes de la coopération : l'adhésion volontaire, le principe d'égalité ou la limitation du droit de vote aux assemblées générales, la désignation des administrateurs par l'assemblée générale, un dividende modéré servi aux parts sociales (actuellement  6 % net) et une ristourne aux associés.6

On le voit, des modèles financiers responsables et solidaires existent, qui soutiennent l'économie réelle et l'intérêt général, au lieu de les détruire. Les favoriser passe par une action publique déterminée qui incite les détenteurs de capitaux à les utiliser davantage qu'ils ne le font aujourd'hui.

Bernard Bayot

 

1 Direction Générale de l’Emploi et des Affaires sociales de la Commission européenne, L'Emploi en Europe 2007, COM(2007) 733 final, 23.10.2007.

2 Robert Plasman , Michael Rusinek, François Rycx et, Ilan Tojerow, La structure des salaires en Belgique, document de travail, N°08-01.RR, Dulbea, février 2008.

3 Lionel Jospin et François Morin, Faire face à la déraison financière, Le Monde, 5 septembre 2008.

4 Bernard Bayot, Le crédit aux plus démunis profite aux mieux nantis !, 24 août 2007, https://www.financite.be/ma-documentation/mes-articles/le-credit-aux-plu....

5 Lire à ce propos l'interview de Bertrand Fournier, Président du Directoire de Sarasin Asset Management (France), http://www.cfo-news.com/Bertrand-Fournier-de-Sarasin-AM-nous-parle-de-la...

6 Arrêté royal du 8 janvier 1962.

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Le profit est une rémunération variable, incertaine mais espérée, du risque pris par le détenteur d'un capital investi. En règle générale, plus le risque est élevé, plus le capital sera rémunéré et donc le profit élevé. Le retour sur investissement ou rentabilité du capital investi désigne quant à lui un ratio financier qui mesure le montant d'argent gagné ou perdu par rapport à la somme d'argent investi. Lorsque le capital était encore détenu par l'entrepreneur, propriétaire de son entreprise, un retour sur investissement de l'ordre de 3 à 6 % par an était considéré comme honorable. Aujourd'hui un taux de 15, 20 voire 30% est considéré comme un minimum. Cette évolution s'explique par le fait que le capital est devenu essentiellement financier, c'est-à-dire détenu par les fonds de pension et autres intermédiaires financiers dont la seule logique est celle du profit le plus élevé et souvent à (très) court terme.

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Octobre

Octroi de crédit : la minimisation des risques de défaillance n'a pas le dernier mot

Soumis par Anonyme le

De l'accès au crédit

Il existe en Belgique différents types de professionnels du crédit : banque ou organisme de crédit, ou encore fournisseur de carte de crédit ou compagnie d'assurances.

Chaque acteur développe sa stratégie en matière d'offre de crédit, peut choisir de se spécialiser dans l'offre de certains produits ou cibler certains publics particuliers ; l'accès au crédit n'étant pas, en tant que tel, un droit du citoyen. La politique « risque » qui est décidée au sein d'un établissement déterminera le taux de défaut de paiement acceptable, compte tenu du rendement projeté du type de crédit envisagé. Cette politique commerciale se construit en grande partie sur ce qui est généralement qualifié de « credit scoring » ou « scoring d'octroi », qui établit une probabilité de défaillance pour tout profil de demandeur de crédit.

En fonction de leur positionnement sur le marché, certains prêteurs auront donc plus que d'autres tendance à s'approcher de publics financièrement plus fragiles (organismes proposant des cartes de paiement et des cartes de crédit) alors que d'autres s'en éloigneront (banques s'orientant vers la gestion de fortune).

Et si tous, sans exception, cherchent à minimiser leur risque de perte sur crédit, le pourcentage de risque de défaillance « acceptable » peut différer d'un prêteur à l'autre, puisqu'il dépend, notamment :

  • des politiques poursuivies (s'ouvrir une niche de clientèle particulière, élargir sa part de marché, tester un nouveau produit...) ;
  • de l'image de marque du prêteur et de son positionnement sur le marché ;
  • des particularités des crédits proposés (taux, durée, montant, marketing, process...) qui influencent le niveau de rentabilité du produit.

Autrement dit, si les prêteurs cherchent à minimiser les risques de défaillance, ils le font dans un souci de maximisation du profit. Mais cette recherche du profit maximal peut amener certaines institutions à tolérer une part d'impayé plus ou moins significative, car cela permet de dégager plus de bénéfices.

Maximisation du profit : notion de base

La maximisation du profit se calcule de manière précise en théorie microéconomique, ce qui permet de déterminer avec justesse le niveau de production idéal à mettre en oeuvre pour l'atteindre.

Pour ce faire, cette théorie démontre qu'une entreprise a intérêt à augmenter sa production aussi longtemps que le revenu supplémentaire (appelé le revenu marginal) tiré d'une unité supplémentaire vendue (en l'occurrence, ici, un crédit supplémentaire) est supérieur aux coûts supplémentaires qui ont dû être mis en oeuvre pour produire cette nouvelle unité. Elle atteindra son niveau de profit maximum précisément au moment où les revenus dégagés égalisent les coûts engagés.

Une autre manière d'illustrer schématiquement cette recherche de profit maximum est donc de trouver la meilleure combinaison entre coûts fixes et coûts variables. On sait que les coûts fixes sont d'autant plus faibles à l'unité produite que le volume produit est important (on réalise alors des économies d'échelle). Ceci est vrai à l’intérieur de certaines marges, au-delà desquelles il devient à nouveau nécessaire d’accroître les coûts fixes (ex. : surface de l'entreprise, standard téléphonique, publicité...).

Dans le cas qui nous occupe, la maximisation du profit déterminera le volume idéal de crédits à réaliser, qui correspond lui-même à un niveau de score spécifique, comme nous allons l'illustrer dans le paragraphe suivant.

Illustration

Le graphique ci-dessous représente la répartition des clients selon qu'ils ont ou non remboursé leur crédit ; ces clients sont classés en fonction du niveau de score obtenu (axe des abscisses). On comprend que pour chaque niveau de score, un certain nombre de clients n'ont pas remboursé (ligne pointillée) et qu'un certain nombre d'autres ont remboursé (ligne continue).

On constate aussi que, pour chaque niveau de score, la proportion change. À 400, le nombre de crédits non remboursés est supérieur à celui des crédits remboursés. Autour de 500, on se trouve à environ 50 % remboursés / 50 % non remboursés. Au-delà, la part des crédits remboursés est supérieure à celle des défaillances.

Mais où placer le niveau idéal de production ? À 600 à 700 ? Au-delà ? Comment être sûr de faire le bon choix, de fixer le bon objectif ?

Graphe :

 

 

 

Afin d'établir le volume de production idéal, les informations contenues dans ce graphique ne sont donc pas suffisantes.

On constate, en effet, que si le seul critère de décision était la minimisation des risques de défaillance, on se situerait dans des niveaux d'exigence de score très élevés, qui dans notre graphique dépasseraient les 750 points. À ces niveaux, force est de constater que les volumes de production sont faibles, car rares sont les clients qui obtiennent de tels niveaux de score. Et pour atteindre cette « élite », il est nécessaire de traiter un très gros volume de dossiers, traitement qui implique des coûts importants alors que presque toutes les demandes seront refusées. Il y a fort à parier que ces coûts seront bien plus élevés que les bénéfices réalisés sur le seul volume atteint grâce à « l'élite ».

La minimisation des risques ne maximise-t-elle donc pas le profit ?

Certes, les pertes sur crédits alourdissent les coûts de l'entreprise, raison pour laquelle le prêteur cherchera à les contenir, comme il le fait d'ailleurs pour l'ensemble des autres coûts. Toutefois, en fonction des volumes d'affaires envisagés, d'autres éléments interviennent qui peuvent impacter la rentabilité, et, en particulier, les économies d'échelles susceptibles d'être réalisées grâce à un volume d'affaires plus grand. Ces économies d'échelle permettent notamment de répartir les coûts fixes – personnel de base, administration, équipement, marketing et communication... – sur un plus grand volume et, donc, de réduire le coût unitaire de production. Cette dernière permet à l'entreprise d'envisager d'augmenter son profit en augmentant sa production jusqu'au moment où coûts et revenus supplémentaires s'égalisent.

Conclusions

Ce recadrage nous paraît important à l'heure où la responsabilité du prêteur dans la phase précontractuelle fait l'objet d'une attention particulière, que ce soit de la part des médiateurs de dettes, d'organisations de défense du consommateur, et d'organismes régionaux tels que le Grepa, l’Observatoire du crédit et de l'endettement ou encore le Vlaams Centrum Schuldebemiddeling, acteurs de prévention et de traitement du surendettement.

Alors que de plus en plus souvent, également, les prêteurs ou leurs représentants mettent en avant et insistent sur l'évidence de l'intérêt qu'ils ont à réduire autant que possible le nombre de défaillances1 et en profitent ainsi pour éluder le débat. On l'a vu, le coût des défaillances est un des coûts pris en compte dans le calcul de rentabilité, mais quelles que soient les circonstances, le niveau de score se déduit d'une politique de rentabilité et non l'inverse. Des marges existent donc à ce niveau, et sans doute pour les types de crédits qui connaissent des taux importants de défaillance, à savoir les ouvertures de crédit. D'ailleurs, ce n'est sans doute pas un hasard si ce type de crédit connaît le taux de défaillance le plus élevé : c'est aussi celui dont le volume en nombre est en forte croissance depuis des années. Le seuil de maximisation du profit des producteurs n'est donc sans doute pas encore atteint sur ce produit.

Dans ce cadre plus spécifique, des espaces de progrès sont donc envisageables du côté de la performance générale du credit scoring utilisé. C'est en améliorant ce dernier (l'analyse risque réalisée avant l'octroi) pour réduire les probabilités de défaillances (et donc, « aplatir » la courbe pointillée du graphique) que l'offre de crédit sera plus adéquate.

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Aucun prêteur, c'est entendu, n'octroie de crédit à une personne qu'il ne considérerait pas comme potentiellement solvable. Et pourtant, c'est en tolérant un certain taux de défaillance que les prêteurs peuvent accroître leur rentabilité... Recadrage d'un élément classique du discours des professionnels du crédit.

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MO-JERU2007-8
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Année d'édition
2007
Date d'édition
12/2007
Mois d'édition
Décembre
 

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