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Indicateur de pauvreté et budgets minima : une avancée pour une définition absolue du phénomène ?

Soumis par Anonyme le

Introduction

Sous une terminologie non encore définitivement fixée à ce jour – budgets standards, budgets standardisés, références budgétaires ou encore exemples budgétaires – on trouve des descriptions de budgets (revenus et dépenses) de ménages adaptées à leur composition familiale – prise en compte de la composition (nombre d'adultes et d'enfants ou du niveau de bien-être envisagé (minimum, intermédiaire ou élevé). Ces budgets de référence, ainsi que nous les désignerons dans la suite de cette peuvent servir à de nombreuses applications, dont les principales sont brièvement exposées ci-après.

Quand ils sont développés pour établir un standard minimum de vie (seuil de dignité/seuil de pauvreté), ils prennent la forme d’une liste précise de biens et services qui doivent être accessibles au ménage considéré, sous peine d'avoir un niveau de vie inférieur à ce seuil. Cette liste est adaptée au nombre de personnes qui composent le ménage, à leur sexe et à leur âge. À la différence des autres applications possibles, cette référence « minimale » est élaborée sans tenir compte des revenus disponibles. On ne cherche pas à établir un budget équilibré en fonction des revenus disponibles, comme cela se fait pour d'autres applications. Ici, il s'agit bien de définir le panier auquel tout ménage devrait pouvoir accéder sous peine d'être tenu pour « pauvre » dans le pays considéré.

En revanche, quand les budgets de références sont utilisés à des fins éducatives (gestion/guidance budgétaire) ou curatives (médiation de dettes amiable ou judiciaire), les méthodologies d'élaboration pourront être plus variées, pas forcément basées sur la définition précise d'un panier de biens. Des moyennes statistiques pourront être utilisées, par exemple. En revanche, c'est la notion d'équilibre budgétaire qui devient essentielle ici. Nous consacrerons une seconde analyse à cette famille de références budgétaires.

Pour mémoire, citons encore comme applications possibles des budgets de référence : leur usage dans l'estimation des capacités de remboursement dans le cadre de l'octroi responsable de crédit, leur usage par les autorités publiques pour identifier les profils de ménages les plus « déprivés » et prendre des mesures adaptées et ciblées. Ils sont également utiles pour réaliser des simulations et vérifier les impacts budgétaires que des mesures publiques/fiscales auront sur le pouvoir d'achat des différents profils de ménage.

Avant de passer à la présentation concrète de telles références minimales, il est important de signaler qu'en aucun cas cette approche n'est en soi une manière de définir « scientifiquement » ce qu'est la pauvreté. Cette notion contiendra toujours une part de subjectivité qu'il n'est pas question ici de remettre en cause. Cependant, l'approche utilisée et la méthodologie employée permettent une grande transparence et une grande flexibilité (il est aisé d'ajouter ou de retirer des éléments du panier), et, dès lors, elles ouvrent la porte à des débats qui peuvent aboutir à un consensus social. Car c'est bien de cela qu’il est question : la définition d'une norme sociale (ici, un pouvoir d'achat minimum) en deçà de laquelle on considère qu'un citoyen est pauvre.

La transparence et la précision sont donc les principales qualités d'une telle approche, revient ensuite à la qualité et à la maturité des parties prenantes la responsabilité d'atteindre ou pas un consensus quant à un panier minimum. Comme tout instrument, il convient donc de le construire avec art et de le manier avec un peu de dextérité.

Standard minimum, pauvreté, dignité humaine... de quoi parle-t-on ?

Pour construire une référence budgétaire pour un niveau de vie minimum en Belgique, il est donc nécessaire d'élaborer un « panier de biens et services » qui illustre ce qu'il est nécessaire de pouvoir acquérir pour échapper à la pauvreté. Cela se traduit donc in fine par un pouvoir d'achat, une fois que ce panier est estimé aux prix courants. Il est important de se rappeler que ce panier ne correspond toutefois pas à ce que les personnes doivent acheter, mais à ce à quoi, à un moment donné, on considère que toute personne ou tout ménage doit pouvoir accéder pour échapper à la pauvreté.

Ces questions lèvent déjà un premier voile sur l'importance que revêt, dans cette approche, l'élaboration d'une définition commune de la pauvreté ou de la dignité humaine, si l'on souhaite aboutir à un consensus. Vivre dignement, c'est évidemment pouvoir satisfaire ses besoins essentiels, mais n'est-ce pas aussi pouvoir vivre de façon autonome, pouvoir prendre part de façon responsable à la vie en société ?... Une abondante littérature traite toutefois ces questions et ce sont, en général, des chercheurs/experts qui, en lançant les premières bases de telles références minimales, proposent la définition sur laquelle ils vont se reposer1. D'autres approches existent, que l'on trouvera plus souvent mises en oeuvre dans les pays anglo-saxons (Royaume-Uni2, Irlande3), qui partent, au contraire, d'une construction du panier minimum au travers de groupes de personnes qui vivent la pauvreté. Cette approche pragmatique, plutôt que théorique, répond de facto à ce type de questions, mais de manière implicite.

Principes d'élaboration

Pour construire un tel panier, il faut idéalement lister l'ensemble des biens et services qui doivent pouvoir être accessibles à chaque ménage (en fonction de sa composition) afin de pouvoir échapper à la pauvreté.

Pour ce faire, les dépenses sont classées par catégories, dont voici une nomenclature possible, basée sur les modes de paiement. Il existe d'autres catégories possibles, basées sur les données de l'ancienne INS4, sur le rythme des dépenses... Il n'existe pas en tant que telle de solution « idéale ».

Revenu

  • Revenu(s) professionnel(s)
  • Pécule(s) de vacances
  • Prime(s) de fin d’année
  • Allocation compl. RIS
  • Allocation compl. chômage
  • Allocation compl. mutuelle
  • Allocation compl. handicapé
  • Allocations familiales
  • ADEL
  • Indemnités de formation
  • Étudiant
  • Indépendant
  • Chèques repas
  • Pension alimentaire perçue
  • Remboursement contributions
  • Autres ressources secondaires
Dépenses
  • Dépenses fixes
  • Loyer / Crédit hypothécaire
  • Énergies et fluides
  • Taxes locales
  • Téléphonie et Internet
  • Assurances
  • Études et frais scolaires
  • Transport
  • Dépenses « à provisionner »
  • Vêtement et chaussures
  • Équipements ménagers, mobilier
  • Santé – traitements médicaux
  • Loisirs
  • W-E et vacances
  • Dépenses ménagères
  • Alimentation et snack
  • Cigarettes
  • Entretien/nettoyage du logement
  • Soins corporels
  • Animaux domestiques
  • Divers (timbres, fleurs...)
  • Cadeaux (anniversaires, fêtes...)
  • Autres déplacements

Pour chacune des catégories de dépenses citées, il faut ensuite détailler le panier de biens qui les composera... Puisque le format d'une analyse ne nous permet pas de passer l'ensemble des postes budgétaire en revue, nous avons choisi d'en présenter quelques-uns qui nous permettront de souligner la dimension subjective que cette approche maintient, mais aussi, on l'espère, de souligner les bienfaits qu'une transparence complète par rapport à ces éléments peut apporter sur le chemin d'un consensus social.

Quels articles ?

Pour l'alimentation, plusieurs pistes sont possibles : on peut partir de la liste des produits alimentaires utilisée dans l'enquête sur le budget des ménages, où on compte plus de 330 produits différents. Mais, parmi ceux-ci, lesquels doivent se retrouver dans le panier minimum ? Des choix doivent-ils être opérés ? Sur quelle base ? On peut également partir des prescriptions en matière d'alimentation réalisées par des diététiciens/nutritionnistes. On peut encore décider de partir des habitudes alimentaires nationales, pour autant qu'elles soient connues par enquête, ou encore des paniers tels que ceux que des personnes en précarité cherchent à obtenir.

Pour les assurances : prendra-t-on seulement en compte les assurances rendues obligatoires par la loi ? Considérera-t-on aussi celles qui protègent des risques du surendettement (hospitalisation, crédits...) ?

Pour le mobilier, quels seront les éléments minimums d'un aménagement décent ? Se référera-t-on aux dépenses moyennes observées par l'INS ? Ou plutôt à un panier déterminé par des experts ou par des personnes pauvres ?

Pour les (télé)communications : si une ligne fixe ou un GSM pour le ménage ne devrait pas soulever de questions, qu'en est-il de la place de l'Internet ? Cette question est cruciale quand on sait quelles économies cela peut permettre en termes de télécommunications, quand on sait l'utilité d'un tel outil pour l'éducation, les loisirs, la recherche d'emploi...

Pour les soins de santé : ce poste est un des plus délicats à aborder dans une telle approche, puisque l'accès à la santé fait partie des besoins essentiels et que la santé en tant que telle n'est pas un bien de consommation que l'on doit apprendre à consommer adéquatement. En revanche, l'accès aux soins de santé et à la prévention de la santé peut être coûteux pour le particulier – produits et prestations hors prescription et remboursement (aspirine... mais aussi lunettes, dentisterie, le minimum à facturer...). Ce problème n'existe pas dans les pays où l'accès gratuit est garanti à tous.

Quelles quantités ?

Pour l'alimentation, on peut notamment partir d'une grille élaborée par des diététiciens, qui prennent en compte l'âge et le sexe des membres de la famille pour établir des menus, ou encore partir des données collectées sur les habitudes alimentaires. Certains ont choisi une formule hybride (menus constitués sur la base des habitudes nationales, mais adaptés aux quantités recommandées par les diététiciens), après avoir constaté qu'en général les gens mangent de trop grosses portions.

Pour les assurances : ici, la question est directement liée à la structure du ménage et de son patrimoine.

Pour le mobilier : sur ce type de poste (mais aussi pour l'énergie, le loyer...), des économies d'échelle existent. S'il faut un lit pour chaque enfant, une grande table à manger et une TV suffisent pour le ménage.

Pour les (télé)communications : si l'Internet est sans doute devenu indispensable dans les familles où des enfants sont en âge de scolarité, ou quand un adulte est en recherche d'emploi, la question portera aussi sur les GSM et sur leur nombre. Quant au GSM : qui y accède dans la famille ? À partir de quel âge ? Quel budget prévoir par adulte et par enfant ? Ici plus qu'ailleurs, les débats peuvent aller bon train, mais on n'oubliera pas, au final, que c'est le coût total du panier ainsi défini qui a de l'importance, plutôt que le montant spécifique de chaque poste. Chaque poste individuel ne représente en effet qu'une dépense «potentielle ».

Pour les soins de santé : hormis la présence de maladie chronique, il restera toujours très difficile d'anticiper un tel poste de dépenses... et, donc, d'éviter qu'un panier minimum ne sous-estime de nombreuses situations particulières dans lesquelles le coût des soins de santé est plus élevé (ou devrait l'être pour que les membres du ménage soient adéquatement soignés).

Quelle qualité ?

Pour l'alimentation : parmi les nombreuses options possibles, on peut citer : choisir exclusivement les produits les meilleurs marchés, prendre comme référence une qualité moyenne, prendre comme référence les habitudes d'achat moyennes ou celles des populations précaires, si elles sont connues par enquête ou par consultation de « focus groupes », sur la base des prix pratiqués dans les lieux d'achats privilégiés par les personnes précaires...

Pour les assurances : ici, la question pourra se traiter sur la base de la recherche du meilleur rapport qualité-prix, ou du contrat le moins coûteux... ou de l'assurance la plus adaptée à la situation familiale et patrimoniale.

Pour le mobilier : on prendra en considération, soit les données statistiques disponibles, soit les catalogues de magasins spécialisés, en donnant la préférence, soit au meilleur marché, soit à une qualité considérée comme moyenne, soit encore aux choix que posent en général les personnes en état de précarité, pour autant que l'on dispose de l'information (organisation de « focus groupes », partenariat avec des associations représentant des personnes pauvres).

Pour les (télé)communications : comme pour les assurances, la question du meilleur rapport qualité-prix est sans doute la plus pertinente.

Pour les soins de santé : cette question reste encore relativement abstraite en Belgique, même si elle fait sens dans d'autres pays d'Europe. Le problème principal en Belgique reste l'accès aux soins plutôt que la qualité de ceux-ci.

Quelle durée de vie ?

Question souvent liée à celle de la qualité, pour l'ensemble des biens dont la durée de vie dépasse le mois, il est important d'en établir la durée de vie présumée afin de pouvoir transformer le coût d'achat en « provision » mensuelle. Si l’on considère qu'un lave-linge dure six ans dans une famille de quatre personnes, compte tenu de la marque/qualité choisie, on divisera son prix d'achat par 72 pour en connaître la « charge mensuelle ».

Il en ira de même pour les chaussures, les vêtements...

Un bel outil pour un usage responsable

Si nous avons souhaité présenter cette méthode de mesure absolue de la pauvreté, c'est que nous souhaitions tour à tour souligner :

  • sa richesse et sa complexité méthodologique, qui n'éliminent toutefois pas la subjectivité de sa construction et la multitude des approches possibles
  • sa grande transparence indispensable, sous peine de ne jamais permettre d'atteindre un consensus ;
  • la nécessité, compte tenu de son mode d'élaboration, de sa mise à jour régulière (une fois par an, pour la mise à jour des prix, et une fois tous les 5 ans au moins, pour ce qui concerne le contenu du panier) ;
  • son utilité pour vérifier la validité des mesures relatives de la pauvreté, et nous pensons, en particulier, au seuil de 60 % du revenu médian, qui est aujourd'hui l'indicateur de pauvreté le plus utilisé en Europe ;
  • son utilité pour vérifier la pertinence des tables d'équivalence utilisées pour simuler les diverses constellations de ménages (1er adulte = 1 ; 2ème adulte ou enfant de plus de 14 ans = 0,5 ; et enfant de moins de 14 ans = 0,3), quand on travaille sur la base des unités de consommation modifiées.

À ce jour, en Belgique, une recherche sur cette matière est mise en oeuvre par une équipe supervisée par le professeur Karel Van den Bosch (Centrum voor Social Beleid – Université d'Anvers) et financée par la politique scientifique belge, tandis que le Réseau Financement Alternatif participe à un projet européen d'apprentissage mutuel relatif à l'élaboration de budgets standardisés. La comparaison des approches, des méthodes et des contextes nationaux est primordiale à ce stade pour une compréhension complète de cette méthode et des différences marquantes qui peuvent subsister d'un pays à l'autre. Cette présentation et les réflexions qu'elles suscitent sont issues de la confrontation des diverses approches étudiées dans le cadre de ces deux projets.

Repères bibliographiques

  • Budget Handboeck, kerncijfers huishoudfinanciën, NIBUD, 2007-2.
  • Beyond the breadline, a poverty threshold based on a generalised budget approach, The Netherlands Institute for Social research SCP, February 2008.
  • Standard Budgets and Household Economy, report from a seminar on Nordic models for household budgeting in St Petersburg, 14-16 October 2001.
  • Minimum Essential Budgets for six households, The Vincentian Partnership for Social Justice, 2006.
  • A minimum income standard for Britain, What people think, Jonathan Bradshaw, Sue Middleton, Abigail Davis, Nina Oldfield, Noël Smith, Linda Cusworth and Julie Williams, Joseph Rowntree Foundation, Loughborough University, 2008.

Olivier Jérusalmy, octobre 2008.

 

1 Doyal, L., & Gough, I. (1984). A theory of human needs. Critical Social Policy.

4 SPF Économie - Direction générale Statistique et information économique

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Les indicateurs de pauvreté soulèvent toujours de nombreuses questions, qu'ils s'expriment de manière relative ou de manière absolue... Dans ce dédale, l'approche par la définition d'un panier de biens et services minimum, ainsi que l'estimation du coût de son acquisition semble ouvrir des perspectives intéressantes..

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Investissement socialement responsable et argent public

Soumis par Anonyme le
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Fonds de pension, d'investissement ou de placement des deniers publics respectant des critères éthiques - De beaux exemples existent, mais le manque de sensibilisation et d'outils techniques freine la multiplication des initiatives publiques dans ce domaine.

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Les sirènes du crédit facile

Soumis par Anonyme le

Le crédit à la consommation : outil fantastique à double tranchant

Ce matin, dans le métro, je suis interpellée par ce gros crapaud qui me sourit depuis son panneau publicitaire et m’invite en ces termes : « Augmentez votre pouvoir d’achat, allégez votre charge mensuelle ! » Ensuite, alors que je fais mes courses, je découvre avec surprise qu’avec la carte Untel émise par mon supermarché de prédilection, je peux « payer mon caddy en 3 fois sans frais ». Un crédit en ces temps financièrement difficiles, ce serait donc ça la solution ?

S'il est évident que le crédit à la consommation, qui offre à chacun la possibilité d’étaler ses dépenses au gré de ses préférences et des événements inopinés de la vie, peut s’avérer essentiel dans le monde contemporain et constitue un rouage essentiel de notre économie, il convient néanmoins de ne pas négliger que celui-ci peut également, lorsqu’il n’est pas accordé de manière adaptée, faire plonger l’emprunteur dans une spirale de surendettement.

La crise du crédit qu'a initiée l’économie américaine démontre à suffisance que l’octroi irresponsable de crédits a des effets désastreux non seulement pour l’individu en tant que consommateur, mais également pour l’économie en général.

Or, force est de constater que la crise du crédit actuelle coïncide avec une hausse des prix des produits de consommation de base – comme les produits alimentaires et l’énergie – qui pèse sur le pouvoir d’achat des consommateurs.

Le recours au crédit en ces temps difficiles est-il une bonne ou une mauvaise chose ? Tout dépend bien entendu de la situation particulière du consommateur, des termes du produit souscrit, et de l’utilisation à laquelle le crédit est destiné.

Les développements actuels du marché du crédit et les lacunes qui subsistent en matière de protection du consommateur à l’égard de certains produits laissent néanmoins craindre un risque accru de voir le consommateur confronté à des crédits inadaptés à ses besoins, voire dangereux.

Le nombre de crédits à la consommation en Belgique augmente

Le consommateur a de plus en plus facilement accès au crédit en Belgique.

Ainsi, selon les dernières données relatives aux enregistrements de la Centrale des crédits aux particuliers collectés par la Banque Nationale de Belgique, fin juin 20081, 4.761 millions de Belges étaient enregistrés auprès de la Centrale des crédits, dont 3.643 millions pour au moins un crédit à la consommation.

Quelque 56 % de la population majeure ont au moins un crédit à rembourser, ce qui représente une augmentation de près de 10 % en quatre ans. Le nombre de contrats — environ 7.743 millions – est encore plus élevé. En outre, l’augmentation du nombre de contrats – de 15 % – est plus forte que celle du nombre de personnes ayant un crédit à rembourser. En 2007, pour chaque nouveau consommateur contractant un crédit venaient s’ajouter trois contrats de crédit. Fin juin 2008, près de 10 % des particuliers ayant emprunté avaient cinq contrats ou plus à rembourser.

Force est donc de constater que, d’une part, de plus en plus de consommateurs contractent un crédit à la consommation et que, d’autre part, les consommateurs contractent davantage de crédits.

L’ouverture de crédit : la formule la plus utilisée

Par ailleurs, on constate que ce sont les ouvertures de crédit qui occupent en nombre la plus grande partie de ce marché (crédits à la consommation et crédits hypothécaires).

L'ouverture de crédit, également appelée « credit revolving », « crédit renouvelable », « crédit permanent » ou « réserve d’argent », est une forme de crédit à la consommation qui se présente sous forme d’une ligne de crédit, c'est-à-dire un droit de tirage grâce auquel le consommateur peut librement emprunter, sans toutefois pouvoir dépasser le plafond déterminé par le prêteur. Le moment et le montant du remboursement restent à l’appréciation du consommateur une fois la ligne de crédit entamée – un remboursement mensuel minimum étant généralement imposé par le prêteur. La réserve financière proposée lors d’une ouverture de crédit est reconstituée au fur et à mesure des remboursements, ce qui permet au titulaire de réutiliser immédiatement les sommes remboursées, sans qu’un nouveau contrat de crédit soit conclu.

En quatre ans, le nombre de contrats d’ouverture de crédit a augmenté d’environ vingt pour cent, pour atteindre 3.589.993 unités, et cette croissance ne semble pas près de fléchir. Fin juin 2008, ces contrats représentaient un montant total de 10.685 milliards d’euros, soit presque un tiers du marché du crédit.

L’ouverture de crédit — une formule qui n’est pas sans risques 

Le pourcentage de contrats d’ouverture de crédit défaillants est bien plus élevé que celui des autres types de crédit à la consommation.

L’analyse des nouveaux contrats permet de constater qu’il y a un problème insidieux au niveau des ouvertures de crédit. On observe en effet que 34,2 % des nouveaux contrats sont des ouvertures de crédit, mais que les ouvertures de crédit représentent 41,3 % des nouveaux arriérés de paiement. La ligne de crédit moyenne est de plus en plus élevée et a augmenté en 2007 de plus de 7 %, pour s’établir à 6.141 euros par contrat. Le montant moyen de l’arriéré a diminué légèrement l’an dernier et s’élève à 1.589 euros, mais simultanément, 5.758 contrats avec arriéré de paiement sont venus s’ajouter.

Ce recours accru aux ouvertures de crédits, observé depuis quelques années, soulève différentes critiques, liées directement à la nature du produit :

  • son coût est généralement élevé, le taux annuel effectif global (TAEG)2 étant presque toujours fixé au maximum légal3, les TAEG maxima s'élevant actuellement à 17 % pour les ouvertures de crédit de plus de 1.250 euros et à 19 % pour ceux de moins de 1.250 euros ;
  • contrairement aux prêts amortissables classiques, le taux à la souscription n’est pas garanti et rien ne garantit donc que le taux annoncé sera celui appliqué le jour de l’utilisation effective de l’argent, surtout si celle-ci a lieu quelques mois plus tard ;
  • l’absence de plan fixe de remboursement et la possibilité offerte de puiser à tout moment dans la réserve d'argent sans qu'un nouveau contrat soit conclu nécessite que le consommateur dispose d’une importante capacité à maîtriser fermement son budget4 ;
  • son obtention est souvent trop aisée et rapide et la réserve octroyée, qui dépasse souvent le besoin, constitue une tentation qui incite parfois le consommateur à éviter de réfléchir à la structure et à l'équilibre de son budget ou à l'utilité d'une dépense.

Par ailleurs, on constate que les contrats proprement dits sont de plus en plus souvent émis par des établissements qui ne sont pas des organismes de crédit. On observe également de manière générale que la proportion de contrats défaillants est plus importante chez ces derniers. Ainsi, les cartes de crédit des magasins sont une considérable source d'endettement des ménages. Ceux-ci ont accumulé 1,37 milliard d'euros de dette par leur biais, selon des chiffres du SPF Économie, soit une hausse de 13 % par rapport à 2006 et de 50 % par rapport à 2000.

Or, en 2006, les cartes de crédit qui n'émanent pas des banques représentaient déjà 65,9 % des quelque 4 millions de crédits ouverts via des cartes en Belgique5. Il s'agissait, pour une grande part, de cartes proposées par des supermarchés, des chaînes de distribution et des sociétés de vente par correspondance.

Cette pratique croissante soulève une seconde salve de critiques :

  • Le vendeur travaillant dans un magasin, ou une grande surface n’étant pas un professionnel du crédit, il est très souvent incapable d’informer ou de conseiller correctement le consommateur quant au choix du crédit le plus adapté.
  • L’objectif du vendeur étant de maximiser la consommation des produits du magasin pour lequel il travaille, n’existe-t-il pas un conflit d’intérêts alors que le prêteur est normalement obligé d’adapter le type de crédit proposé aux besoins du consommateur ?
  • On constate actuellement que les vendeurs-intermédiaires de crédit proposent de plus en plus des crédits qui ne sont absolument pas liés à un achat dans leur enseigne, voire aux fins d’un rachat de crédit — jouant là un rôle de banquier qui n’est pas le leur !

L’omniprésence de ces formules de crédit disponibles dans les magasins, les grandes surfaces, via les achats par correspondance, etc., et la facilité avec laquelle elles sont octroyées rend la tentation d’autant plus forte et constitue un argument de vente de poids pour les enseignes, qui en usent et en abusent largement !

Crise du pouvoir d’achat et risque de crédit inadapté

Si, pour les ménages à revenus modestes qui ne disposent pas de liquidités suffisantes, le crédit à la consommation, et plus particulièrement l’ouverture de crédit, permet d’anticiper un revenu qui n’a pas encore été perçu et de donner ainsi un accès immédiat à des biens ou des services, il est néanmoins communément admis que le choix de l’ouverture de crédit n’est adapté que pour un besoin temporaire de liquidités.

L’ouverture de crédit n’est un crédit adapté aux besoins du consommateur que si le montant du crédit consenti est adapté aux revenus du consommateur, qui doit être en mesure de le rembourser dans un délai très court. Par ailleurs, s’il s’agit de financer des achats ou des services, l’ouverture de crédit ne sera adaptée que si elle a la même durée de vie que ces biens et ces services.

Dans le contexte de crise financière et économique que l'on connaît actuellement, il est légitime de craindre une multiplication d'ouvertures de crédit inadaptées pouvant entraîner des conséquences désastreuses.

En effet, la crise financière pousse les établissements bancaires dits « classiques » à faire preuve de plus de vigilance dans l’octroi de crédit, risquant de jeter bon nombre de personnes dans les bras de prêteurs moins scrupuleux.

Parallèlement à cela, la crise du pouvoir d’achat due à l’augmentation du coût de la vie se fait sentir pour de nombreux ménages qui éprouvent davantage de difficultés à joindre les deux bouts.

Ceux-ci étant, dans le même temps, de plus en plus confrontés à des offres de crédits « faciles » – mais très chers – par le biais de publicités de plus en plus agressives, la tentation est forte d'avoir recours à l'ouverture de crédit non plus pour l’acquisition ponctuelle d’un bien ou d’un service précis, mais bien de manière structurelle et récurrente pour satisfaire des besoins quotidiens (alimentation, électricité, soins de santé) ou pour rembourser un prêt à tempérament, regrouper des dettes, acheter une voiture, financer un abonnement dans une salle de fitness, etc. Dans ces cas, l'ouverture de crédit permet de camoufler pour un temps un déséquilibre structurel dans le budget du ménage, en permettant de faire face à des dépenses plus élevées que les revenus.

Dès lors qu’une ouverture de crédit est octroyée pour une durée indéterminée, le risque d’installer le consommateur dans un endettement permanent est alors non négligeable.

Conclusion 

En cette période de crise du pouvoir d’achat que nous connaissons actuellement en Belgique, la nécessité de sensibiliser les consommateurs aux risques du crédit inadapté et de réguler l’usage de telles pratiques, clamée depuis plusieurs années par les acteurs de terrain dans le domaine du surendettement, est indéniablement accrue.

Gageons que la « mise sous les projecteurs » de cette problématique, qui s’inscrit sans conteste dans le contexte plus large de la crise financière, incitera nos mandataires publics à proposer des mesures pour faire taire les sirènes du crédit facile, dont il conviendra de suivre de près les développements dans les mois qui viennent.

 

Lise Disneur - Octobre 2008

 

1 Rapport Statistiques de la Centrale des crédits aux particuliers - 2007 actualisé au 30 juin 2008, Banque Nationale de Belgique.

2 Qui comprend le taux d'intérêt débiteur et les frais annexes au contrat (frais de dossier, assurance solde restant dû).

3 L’arrêté royal du 19 octobre 2006 (Moniteur belge 31.10.2006.) entré en vigueur le 1er février 2007, a instauré une nouvelle grille des taux annuels effectifs globaux maxima et a mis en place un système d'adaptation automatique des taux maxima. L’adaptation est fonction de l’évolution de certains indices de référence du marché financier. Cette évolution est examinée tous les 6 mois, à la fin du mois de mars et de septembre, et donne lieu à une adaptation de taux lorsque l’indice varie d’au moins 0,75 %. Le ou les taux adaptés sont publiés sans délai au Moniteur belge et entrent en vigueur le 1er jour du 2ème mois qui suit la publication. Une première adaptation de + 1 % de l’ensemble des TAEG maxima est entrée en vigueur le 1er juin 2007. Une seconde adaptation de + 1 % est intervenue le 1er décembre 2007 pour les TAEG maxima des ouvertures de crédit. Celle-ci est toujours d'application. Les TAEG maxima s'élèvent actuellement à 17 % pour les ouvertures de crédit de plus de 1.250 euros et 19 % pour ceux de moins de 1.250 euros.

4 Ainsi, celui qui s’en tient à rembourser des montants peu élevés remboursera essentiellement des intérêts, laissant la dette de capital quasiment intacte.

5 Working Paper document nº 78 - janvier 2006 – BNB- Crédits aux particuliers - analyse des données de la Centrale des crédits aux particuliers, pages 14 à 20.

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En cette période de crise du pouvoir d'achat, il est fort tentant de recourir au crédit pour joindre les deux bouts... avec, à la clé, le risque de souscrire un crédit inadapté ?

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Permettre un accès plus souple au marché des capitaux pour les initiatives à finalité sociale

Soumis par Anonyme le

1. Les produits d’investissement solidaire: un plus pour les investisseurs générant une plus-value sociale et une source importante de moyens financiers pour les organisations à finalité sociale

Dans l’économie solidaire, les valeurs comme le respect de l’environnement, la gestion démocratique, la priorité du travail sur le capital ainsi que la prestation de services à la communauté occupent une place centrale. Cette économie est solidaire avec les groupes à risque, l’environnement et la société dans laquelle elle est active.

De nos jours, de plus en plus d’investisseurs sont suffisamment réalistes pour se rendre compte qu’investir dans un environnement plus propre, dans des projets d’emplois adaptés ou dans des produits et services comblant les besoins de base pour des prix abordables, s’accompagne parfois, mais pas systématiquement, d’un bénéfice accru. Ils sont disposés à réduire leurs attentes financières en échange de plus-values sociales.

Ces investisseurs optent alors pour des produits d’investissement solidaire, au moyen desquels ils réalisent un investissement direct dans le capital d’organisations alternatives à finalité sociale telles que des coopératives, organisations non gouvernementales, associations sans but lucratif (asbl).

L’appel à souscription de parts de coopérateur, l’émission d’obligations d’asbl ou encore l’offre de prise de participation constituent des outils essentiels permettant aux organisations de l’économie solidaire de recueillir auprès du public les moyens financiers nécessaires à la réalisation de leurs objectifs.

Ainsi, de nombreuses coopératives actives dans des domaines variés telles que, par exemple, Alterfin1, Crédal2, Émissions Zéro3, Espace Kegeljan4 ou encore Les Tournières5 proposent aujourd’hui à un large public de devenir coopérateur. De même, les asbl OXFAM Magasins du monde6 et OXFAM Solidarité7 proposent au public de souscrire des obligations.

Ce faisant, ces organisations réalisent ce qu’on nomme un « appel public à l’épargne ».

2. L’appel public à l’épargne: une activité strictement réglementée imposant la publication d’un prospectus afin d’informer les investisseurs

En vue d’assurer la protection des investisseurs et de renforcer la confiance du public dans les valeurs mobilières, l’appel public à l’épargne est réglementé, tant en droit belge8 qu’en droit européen9.

Ainsi, dès que leur offre s’adresse à 100 personnes au moins ou concerne un montant total égal ou supérieur à 100 000 €10, la loi oblige les entreprises et organisations désireuses de recueillir des emprunts et actions auprès de la population à publier un prospectus fournissant une série d’informations déterminées à destination de l’investisseur.

L’établissement, la forme, le contenu et les moyens de publication du prospectus sont strictement réglementés et soumis au contrôle préalable de la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA).

Cette loi s’applique en principe à tout type de société, que celle-ci poursuive un but purement lucratif ou des objectifs sociaux, éthiques et environnementaux.

Il existe néanmoins quelques exceptions prévues dans la loi.

3. Exemption de publication d’un prospectus: disposition claire pour les obligations émises par les asbl mais sujette à interprétation pour les parts des coopératives agréées par le Conseil national de la Coopération  

Depuis 196411, deux types d’organisations bénéficient d’une dérogation à l’obligation de publication d’un prospectus : les asbl12 en ce qui concerne les émissions d’obligations et les coopératives agréées auprès du Conseil national de la Coopération en ce qui concerne leurs émissions de parts de coopérateurs.

Pour les asbl, l’application de cette disposition ne pose aucun problème et permet, par exemple, à une association comme OXFAM Solidarité de proposer au public, via son site internet, de souscrire à une "Obligation de Solidarité", sans que l’information relative à cette souscription ne fasse l’objet d’un contrôle par le CBFA.

Pour les émissions de parts de coopérateurs des coopératives agréées auprès du Conseil national de la Coopération, cette dérogation est limitée et soumise à conditions, et son application est bien moins évidente.

Première restriction, cette dérogation n’étant pas prévue dans la Directive 2003/71/CE, il a été précisé qu’elle n’est désormais applicable que lorsque le montant total de l’offre est inférieur à 2 500 000 €.

Seconde restriction, les offres publiques portant sur les parts de sociétés coopératives agréées peuvent déroger aux obligations prévues en matière de prospectus « pour autant que l’acquisition ou la possession de ces parts constituent pour leur titulaire la condition requise pour qu’il puisse bénéficier des services rendus par ces sociétés coopératives 13».

La formulation de cette disposition n’est malheureusement pas claire et est sujette à interprétation : la loi ne précise ni la nature et l’importance des services rendus aux coopérateurs qui sont visés, ni la proportion de l’actionnariat qui doit en bénéficier pour pouvoir se placer sous le couvert du régime d’exemption de prospectus.

Les services visés doivent-ils être offerts exclusivement aux coopérateurs ou est-il possible d’offrir ces mêmes services, à un prix un peu plus élevé, à l’ensemble du public ?

Les services en question doivent-ils être systématiquement offerts à tous les coopérateurs ou ceux-ci peuvent-ils être destinés uniquement à une catégorie bien définie de coopérateurs, à l’instar de ce qui se passe dans les coopératives qui font publiquement appel à l’épargne afin de financer l’octroi de microcrédit et de financements à l’économie sociale ?

Cette imprécision des conditions d’application de la disposition génère une insécurité juridique pour les coopératives qui voudraient s’en prévaloir.

À ce jour, bon nombre de coopératives ont décidé de supporter la responsabilité de se placer sous le régime d’exemption, sans certitude toutefois de n’être pas un jour prises en défaut devant les cours et tribunaux pour non-respect de la loi.

4. Formalités et coût de la publication d’un prospectus: des règles lourdes et peu adaptées aux réalités des sociétés à finalité sociale 

Dans l’état actuel des choses, les sociétés à finalité sociale qui ne bénéficient pas de la dérogation de publication d’un prospectus sont soumises aux mêmes obligations de publication d’un prospectus (quant au contenu et aux coûts qu’il engendre) que n’importe quel organisme qui poursuit un but purement lucratif.

Or, les formalités prévues par la loi, ainsi que leur coût, sont assez lourdes à supporter et peu adaptées aux initiatives non marchandes poursuivant des objectifs sociaux, éthiques et environnementaux et aux produits d’investissement solidaire qu’elles proposent.

Un premier pas a été franchi, il y a un an, en ce qui concerne l’obstacle financier que représente la publication d’un prospectus pour ce type de structure, avec l’adoption d’un arrêté royal14 qui modifie les contributions liées à l’intervention de la CBFA.

Celui-ci a réduit à un quart les frais pour les dossiers relatifs aux sociétés ou associations dont l’objet social vise, à titre principal, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Pour illustrer les conséquences de cette nouvelle disposition, prenons l’exemple d’une coopérative tenue de publier un prospectus en vertu de la loi, qui sollicite toute l’année auprès du public la souscription de parts de coopérateurs. Celle-ci réalise ce qu’on appelle une émission continue d’actions, pour laquelle un « prospectus de base » doit être approuvé par la CBFA. Dans ce cas, la contribution à percevoir par la CBFA pour cette formalité, qui s’élève normalement à 8 000 €, sera ramenée à 2 000 € lorsque la coopérative a un objet social qui vise à titre principal la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale15.

Par contre, une société coopérative participant à l’économie solidaire n’ayant pas cet objet social de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale à titre principal, mais qui promeut néanmoins des valeurs telles que la solidarité ou la prestation de services à la communauté devra, quant à elle, payer le prix plein, soit 8 000 €, pour la même opération, ce qui peut s’avérer très – voire trop – lourd pour ce type de structure qui ne recherche par définition qu'un bénéfice patrimonial limité16 ou aucun bénéfice patrimonial.

5. Conclusions

L’appel public à l’épargne pour des produits d’investissement solidaire répond indéniablement au souhait des investisseurs qui désirent que leur investissement génère une plus-value sociale et constitue une source importante de moyens financiers pour les organisations qui poursuivent une finalité sociale.

Pour ces raisons, il est primordial de prendre toutes les mesures qui s’imposent afin de favoriser un accès souple au marché des capitaux pour ce type d’organisations en éliminant les problèmes qui subsistent et qui sont liés à la réglementation de l’appel public à l’épargne telle que formulée aujourd’hui.

Le souci de transparence et d’information et la gestion démocratique constituent des valeurs essentielles portées par les coopératives agréées qui sont également largement partagées par les sociétés poursuivant une finalité sociale.

Il ne s’agit donc nullement ici de plaider en faveur d’une suppression pure et simple de l’information prodiguée aux investisseurs faisant le choix de produits d’investissements solidaires, mais bien que soit mise en place et garantie une protection de ces derniers qui soit adaptée au secteur concerné.

La première étape pour y parvenir consiste à clarifier la portée exacte de la disposition législative prévoyant une dérogation à l’obligation de publication d’un prospectus pour les émissions de parts des coopératives agréées auprès du Conseil national de la Coopération. Il est en effet indispensable et dans l’intérêt de toutes les parties concernées que l’application d’une dérogation légale à un tel régime de protection soit clairement définie et ne puisse être génératrice d’insécurité juridique.

Ensuite, dans tous les cas où la publication d’un prospectus est requise et que l’on se trouve en présence d’un appel public à l’épargne émanant d’une société à finalité sociale, il convient de modifier la loi – en concertation avec les acteurs concernés – afin de prévoir des formalités mieux adaptées au fonctionnement et aux produits d’investissement proposés par ce type d’acteur.

Enfin, il convient d’étendre le bénéfice de la réduction de contributions liées à l’intervention de la CBFA prévue pour les dossiers relatifs aux sociétés ou associations dont l’objet social vise, à titre principal, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale à l’ensemble des dossiers concernant les sociétés à finalité sociale afin que les frais liés à la publication d’un prospectus ne puissent plus constituer pour ces dernières un obstacle financier incontournable.

Lise Disneur

 

1 Coopérative qui investit, en Asie, Afrique et Amérique latine, dans des institutions de microcrédit et des associations de petits producteurs liées au commerce équitable. www.alterfin.be

2 Coopérative

3 Coopérative ayant pour mission la production et la fourniture d’électricité éolienne. http://www.emissions-zero.com/

4 Coopérative ayant pour mission la gestion et l’animation de l'ancien hospice Kegeljan à Namur, en tant que lieu de rencontre, de formation ou de lieu de vie. www.espacekegeljan.be.

5 Coopérative ayant pour objectif social l’acquisition et la rénovation de bâtiments, et/ou des terrains dans un quartier de Liège, afin de les mettre à la disposition d'associations et de collectifs impliqués dans le secteur social, culturel, environnemental, de l'insertion professionnelle, de l'économie, de l'économie sociale et de l'éducation permanente. www.lestournieres.be

8 Loi du 16 juin 2006 relative aux offres publiques d’instruments de placements et aux admissions d’instruments de placement à la négociation sur des marchés réglementés, M.B.21.06.2006.

9 Directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation. J.O. L.345/64 31.12.2003.

10 Article 3§ 2 b) et e) de la loi du 16 juin 2006.

11 La loi du 10 juin 1964 sur les appels publics à l'épargne exempte les émissions de parts de coopératives agréées par le Conseil national de la Coopération de l’obligation de prospectus contrôlé par la Commission bancaire et financière.

12 Article 16. § 1er 8° : la loi « ne règle pas les offres publiques d’instruments de placement émis par des associations bénéficiant d’un statut légal ou par des organismes sans but lucratif, reconnus par un État membre de l’Espace économique européen, en vue de se procurer les moyens nécessaires à la réalisation de leurs objectifs non lucratifs. »

13 Article 18. § 1er a) de la loi.

14 Arrêté royal du 23 mai 2007 modifiant l'arrêté royal du 22 mai 2005 relatif à la couverture des frais de fonctionnement de la CBFA, pris en exécution de l'article 56 de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, et en exécution de diverses dispositions légales relatives aux missions de la CBFA., M.B. 15.06.2007.

15 Arrêté royal du 23 mai 2007 article 8, 2° et ANNEXE art N1 code 50 et 80

16 La loi autorise un bénéfice patrimonial direct limité dans le chef des associés de la société à finalité sociale: la distribution de dividendes est permise pour autant qu’elle ne qui ne dépasse pas un taux spécifique fixé à 6% net (Arrêté Royal du 10 novembre 1996 en exécution de la loi du 20 juillet 1955 portant institution d’un Conseil National de la Coopération.)

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Parts de coopérateurs, obligations émises par des asbl, prises de participation dans des sociétés à finalité sociale... Il est aujourd'hui nécessaire d'adapter les règles relatives à l'appel public à l'épargne pour les produits d'investissement solidaire.

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2008
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06/2008
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Juin

Spéculateurs affameurs

Soumis par Anonyme le

Le contexte

Le 9 avril dernier, M. Jacques Diouf, Directeur général de la FAO, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, estimait que les prix des denrées alimentaires au niveau mondial ont bondi de 45 % sur les neuf derniers mois et qu'il y a de sérieuses pénuries de riz, de blé et de maïs. Caritas International a, de son côté, lancé un cri d'alarme: «Les céréales sont devenues un objet de spéculation et ce sont les malheureux qui en paient le prix».1 Selon Philippe Pinta, président de l'Association générale des producteurs de blé (France), la part de la spéculation dans le cours du blé atteint 20 %.2

C'est que, aux dires de la commissaire européenne chargée de l’Agriculture, Mariann Fischer Boël, 140 fonds indexés partiellement ou totalement sur les prix des matières premières agricoles ont été lancés en février dans l’Union européenne.3 La plupart des grandes banques proposent ce type de fonds qui misent en grande partie sur la hausse de l’énergie et des matières premières. La composition de ces fonds est basée sur trois indices de références. Le Dow Jones AIG Commodity Index se compose de 19 matières premières, dont chacune est pondérée entre 2% et 15% du fonds. L’agriculture représente 41% de cet indice. L’indice Goldman Sachs Commodity Index comprend 24 matières premières et l’énergie représente 73% du fonds. Le troisième indice est le Rogers International Commodities Index (RICI) qui contient 35 matières premières pondérées selon les volumes d’échanges.4

Le droit à une alimentation adéquate

Le « droit à une alimentation adéquate » est contenu dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 11) ratifié par la Belgique. En 2002, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation a défini ce droit de la manière suivante : le droit à une alimentation adéquate est un droit de l'homme, inhérent à tous, « le droit d'avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne ».

Cette définition reprend tous les éléments normatifs définis en détail dans l'Observation générale 12 relative au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : « le droit à une nourriture suffisante est réalisé lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en communauté avec d'autres, a physiquement et économiquement accès à tout moment à une nourriture suffisante ou aux moyens de se la procurer »

La spéculation

Selon la FAO, la tendance à la hausse des prix internationaux de la plupart des produits agricoles qui persiste depuis l’an dernier est seulement en partie le reflet de la contraction des approvisionnements, c'est-à-dire du jeu de l'offre et de la demande. En effet, les marchés mondiaux sont de plus en plus entrelacés. Récemment, des liaisons et des répercussions d’un marché sur l’autre se sont fortement accrues, non seulement entre produits agricoles, mais au sein de tous les produits et entre les produits et le secteur financier. La FAO pointe plusieurs facteurs en particulier : la hausse du prix du pétrole, les taux de fret et de change ainsi que l'évolution des marchés financiers.

Des marchés financiers soutenus, comme c'est la cas actuellement, stimulent en effet la répartition de l’actif et attirent l’attention des spéculateurs sur les marchés opérant avec des instruments financiers liés au fonctionnement des marchés des produits agricoles (par exemple, marchés des instruments à terme et des options). Ceux-ci représentent un moyen de diversifier les risques et d’obtenir des rendements supérieurs.5

Le niveau des prix 

La première conséquence de cette spéculation concerne le niveau des prix. Ainsi, les prix des céréales sont artificiellement gonflés par la spéculation à grande échelle sur les opérations des marchés boursiers de New York et de Chicago. En 2007, le Chicago Board of Trade (CBOT), a en effet fusionné avec le Chicago Mercantile Exchange, formant la plus importante entité au monde traitant dans le commerce des produits de base et comptant un large éventail d'instruments spéculatifs (les options, les options sur contrat à terme, les fonds indiciels, etc.). Des transactions spéculatives sur le blé, le riz ou le maïs, peuvent dès lors se produire sans qu'il y ait de transactions réelles de ces produits.

Les institutions qui actuellement spéculent sur le marché des céréales ne sont donc pas nécessairement impliquées dans la vente ou la livraison des grains. Les transactions peuvent se faire par fonds indiciels qui permettent de parier sur la hausse ou la baisse en général de la variation des prix des marchandises.6

La volatibilité

La hausse des prix n'est pas la seule conséquence de la spéculation, il faut également compter avec la volatibilité, c'est-à- dire le degré de fluctuation des prix d’un produit sur une période de temps donné. Il faut d'ailleurs observer que plus les variations de prix d’un produit sont fortes et imprévisibles, plus la possibilité de réaliser de larges gains en spéculant sur les futures variations de prix de ce produit est importante. Cela signifie que la volatilité peut attirer une activité spéculative significative, qui à son tour peut initier un cercle vicieux de déstabilisation des derniers cours au comptant.7

Cette déstabilisation est source d’inquiétude pour les gouvernements, les négociants, les producteurs et les consommateurs. De nombreux pays en développement sont encore fortement dépendants des produits de base, qu’il s’agisse des exportations ou des importations. Même si des pics de prix élevés peuvent provisoirement bénéficier aux exportations, ils peuvent aussi augmenter le coût des matières premières et intrants agricoles importés. En même temps, de fortes fluctuations des prix peuvent avoir un effet déstabilisateur sur les taux de change réels des pays, exerçant une forte tension sur leur environnement économique et entravant les efforts déployés pour réduire la pauvreté. Dans un environnement d’instabilité prolongée, le problème d’extraire du chaos l’indication du juste prix peut se poser et entraîner une répartition inefficace des ressources. Une incertitude plus forte limite les occasions pour les producteurs d’accéder aux marchés du crédit et tend à aboutir à l’adoption de techniques de production à faible risque au détriment de l’innovation et de l’entreprenariat.8

Les remèdes

Selon Michel Chossudovsky, ce qui cause la famine est l'absence de procédures réglementaires relatives au commerce spéculatif (les options, les options sur contrat à terme, les fonds indiciels). Dans le contexte actuel, un gel des transactions spéculatives sur les produits alimentaires de base, décrété par décision politique, contribuerait immédiatement à faire baisser les prix des produits alimentaires.9

Le Ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner ne dit pas autre chose, qui affirmait le 30 avril dernier, en réponse à une question posée lors de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qu'il faut « empêcher la spéculation qui s'abat sur les matières premières alimentaires comme le blé, comme le riz, pour éviter les risques de famine qui touchent les pays les plus pauvres ».

Les Etats ont à cet égard une responsabilité au plan international, en vue de favoriser une pareille interdiction, mais également au niveau national. En 2004, à l'issue de deux années de débats et de négociations au sein du groupe de travail, le Conseil de la FAO a adopté par consensus les Directives volontaires à l'appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale. De nature non contraignante, les Directives volontaires s'inspirent du droit international et fournissent des orientations sur la mise en œuvre des obligations en vigueur. Elles sont destinées aux États parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et aux États qui le ratifieront ultérieurement. Mais elles visent également les intervenants qui oeuvrent pour une meilleure mise en œuvre du droit à l'alimentation à l'échelle nationale.10

Parmi ces directives, on trouve notamment:

  • « 4.1 Il convient que les États, dans le respect de leur législation et de leurs priorités nationales, ainsi que de leurs engagements internationaux, améliorent le fonctionnement des marchés, en particulier des marchés de produits alimentaires et agricoles, en vue de favoriser la croissance économique et le développement durable notamment en mobilisant l’épargne intérieure publique et privée, en formulant des politiques adéquates en matière de crédit, en établissant des niveaux adéquats durables d’investissement productif grâce aux crédits à des conditions libérales et en renforçant les capacités humaines (...)
  • 4.3 Il convient que les États encouragent les entreprises à assumer leurs responsabilités sur le plan social et tous les acteurs du marché et de la société civile à s’engager en faveur de la concrétisation progressive du droit de chacun à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale (...)
  • 4.7 Il convient que les États s’efforcent de faire en sorte que les politiques concernant les aliments, le commerce des produits agricoles et les échanges en général contribuent à renforcer la sécurité alimentaire pour tous, grâce à un système de commerce local, régional, national et mondial à la fois non discriminatoire et axé sur le marché ».

Quelles sont les actions possibles au niveau national ? Nous plaidons pour que soit élaborée une loi-cadre interdisant les pires formes de bénéfices, qui élargisse à d'autres domaines l'interdiction, votée le 20 mars 2007, de financer la production de mines antipersonnel et de bombes à sous-munitions.11 Dans la foulée, pourquoi en effet ne pas interdire les investissements dans des activités qui violent les droits humains fondamentaux, mais aussi dans celles qui dévastent les écosystèmes, dans la production d'armes controversées et dans le soutien à des régimes dictatoriaux? La société belge repose en effet sur un consensus à propos de ces questions fondamentales et le parlement a ratifié des engagements internationaux à ce sujet. Il serait donc cohérent d'éviter les financements qui contreviennent à ces engagements. Les investissements purement spéculatifs qui violent le droit à une alimentation adéquate figureraient dans cette liste, conformément aux engagements internationaux de la Belgique.

 

Bernard Bayot,

 

1 Karl Müller, «Ce sont les pauvres qui sont les plus touchés», Horizons et débats, n°16, 21 avril, http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=894.

2 Laetitia Clavreul, La spéculation sur les matières premières affole le monde agricole, Le Monde, 24 avril 2008.

3 Julie Majercza, La famine fait spéculer, Libération, 13 mai 2008.

4 Caroline Pintard - D Pellecuer, Un placement indexé sur les prix alimentaires, Le journal des finances, 7 mai 2008.

5 FAO, Prix élevés et volatilité des produits agricoles, Perspectives de l'alimentation, novembre 2007, http://www.fao.org/docrep/010/ah876f/ah876f13.htm.

6 Michel Chossudovsky, La famine mondiale, Mondialisation.ca, 4 mai 2008, http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=8894.

7 Op.cit.

8 FAO, Volatibilité des produits agricoles, Perspectives de l'alimentation, op.cit.

9 Michel Chossudovsky, op.cit.

11 Loi du 20 mars 2007 interdisant le financement de la fabrication, de l'utilisation ou de la détention de mines antipersonnel et de sous-munitions, M.B. 26 avril 2007.

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« Tirez avantage de la hausse du prix des denrées alimentaires ! » C'est le slogan employé par la KBC pour vanter les mérites d'un produit financier qui investit dans six denrées alimentaires. La pénurie d'eau et de terres agricoles exploitables ayant pour conséquence une pénurie de produits alimentaires et une hausse du prix des denrées alimentaires, y est présentée comme une opportunité...

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2008
Date d'édition
05/2008
Mois d'édition
Mai

Crédits rapides et grands magasins : un problème, quel problème ?

Soumis par Anonyme le

Introduction

On vit une époque formidable, on ne le dit pas assez. Ces quelques lignes provocatrices, pourquoi nous choquent-elles ? Craquer pour une dépense coup de cœur ? On en rêve tous, non ? Ou, en tout cas, ne rêvons-nous tous pas de pouvoir nous les offrir, ces coups de cœur ? Alors, qui sera le premier à jeter la pierre ? Le consommateur asphyxié par son crédit, mais assis dans un superbe canapé ? Le vendeur de canapés, qui grâce à ce salon vendu, peut s'asseoir dans un canapé encore plus beau ? Le pouvoir politique, qui doit certes financer des services de médiation de dettes lorsque la situation est vraiment grave, mais qui, d’une manière générale, permet le maintien d'une consommation élevée afin de soutenir l'économie ? Ou le médiateur de dettes qui souhaite arriver à une solution viable de remboursement, en méditant, assis sur sa chaise, aux plaisirs différents qu’il pourrait tirer d’un bon canapé acheté cash plutôt qu'à crédit ?

Et puis, n'est-ce pas notre très cher Oscar Wilde, peu avare de bons mots, qui, dans Le Portrait de Dorian Gray, nous assène cette vérité un tant soit peu subversive : « Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais » ?

Dès lors, vivons sans regret... et endettés?

Sans une analyse du problème, pas de solution possible

Ce n'est sans doute pas un hasard si les lieux de grande distribution multiplient les possibilités et facilités de paiement entre leurs murs. Car si les stimuli d'achat sont diffusés en permanence sous des formes multiples et par des canaux variés – spots publicitaires à la radio ou à la télévision, publicité sur Internet, dans la presse, dans les rues et lieux publics au moyen d’affiches, de panneaux rotatifs, d’enseignes, d’enseignes lumineuses et digitales, de sculptures et d’objets urbains, d’écrans électroniques, messages publicitaires au dos de tickets de caisse, au cinéma avant le film, mais aussi pendant le film, grâce au placement d'objets, publicité, encore, dans les messages d'attente téléphonique, dans l'enveloppe des chèques repas, pour ne citer que quelques exemples – rien ne vaut le contact réel avec la marchandise. La vue, le toucher, l'essai possible sont autant d'expériences qui peuvent nous convaincre des satisfactions que nous pourrons tirer de nos nouvelles acquisitions. Et comme nous sommes amenés à pousser régulièrement les portes de ces magasins, puisqu'on s'y approvisionne par ailleurs d'une multitude de biens de consommation courante, la résistance à s'offrir une petite folie s'émoussera de manière régulière.

Dans ces conditions, il devient évident que le lieu d'octroi du crédit n'est pas neutre. Dans bien des cas, le crédit est précisément mis à disposition pour permettre des achats sur place, ou, si ce n'est pas le cas, il est proposé au même titre que les autres biens et services : on passe en grande surface pour acheter un crédit.

En quoi est-ce un problème ?

Que l'on soit pour ou contre ce modèle économique, que l'on apprécie ou non ces temples de la consommation, la question que nous souhaitons soulever ici est la suivante : ces offres de crédit sont-elles particulièrement problématiques quand elles sont proposées en grandes surfaces ?

Dans une précédente analyse1, il est effectivement montré que les ouvertures de crédit – soit le crédit phare proposé dans ces lieux – continuent de connaître une croissance du nombre de défauts de paiement (cf. chiffres de la Centrale des crédits aux particuliers). On y rappelle également les divers risques spécifiques qui y sont liés.

La Centrale des crédits aux particuliers (CCP) nous informe aussi que le taux de défauts des ouvertures de crédit est plus élevé lorsque ces dernières sont octroyées par les « autres institutions »2 que par les « établissements de crédit »3. Sur la base des données 2007, le pourcentage de contrats défaillants est de 6,8 % pour les autres institutions (155.044 défauts / 2.284.314 contrats) contre 5,2 % pour les établissements de crédit (59.979 défauts / 1.149.623 contrats). Malheureusement, la CCP ne dispose d'aucune information relative au canal d'octroi du crédit (sur le point de vente, par courrier, par internet, à l'agence, à domicile, etc.) et ne peut, dès lors, pas identifier les éventuels canaux qui seraient plus risqués que d'autres.

Qu'est-ce qui différencie une ouverture de crédit offerte en « grande surface » d'une ouverture de crédit proposée en banque ?

  • a) On l'a dit, les motivations de souscription peuvent être, plus qu'en banque, liées à une impulsion lorsque le crédit est souscrit en grande surface... le consommateur est donc, sur ce plan, en partie responsable de ce problème... et il peut lui arriver de regretter son acte. Toutefois, face à ce problème, il existe d'ores et déjà un droit de rétractation pour le consommateur, qui devrait d'ailleurs être renforcé dans le cadre de la Directive européenne 2008/48/CE, puisqu'il y est prévu, dans le considérant 34, que la rétractation soit possible pendant 14 jours, sans pénalité ni justification.
  • b) Les devoirs d'information et de conseil y sont la plupart du temps réduits à néant. Si la législation sur ce point s'intéresse à la qualité de l'information et des conseils qui peuvent être donnés au consommateur dans la phase pré-contractuelle, elle ne s'applique que peu ou pas aux crédits proposés en grandes surfaces. En effet, cette obligation, d'une part, ne porte pas directement sur les intermédiaires de crédit, et, d'autre part, l'offre de crédit y est en général d'un seul type. Dans ces conditions, le conseil n'a plus vraiment lieu d'être, puisque le prêteur ne peut proposer de conseil qu'entre les produits qu'il met à la disposition de la clientèle.
  • c) L'analyse de la solvabilité : lorsque l'offre de crédit bancaire est faite par le banquier du consommateur, elle n'est pas faite à un inconnu, mais au contraire à un client dont sont connus la surface financière, les mouvements en comptes, les habitudes de gestion. La rapidité d'octroi peut donc ne pas impacter la qualité de l'analyse.

En revanche, en grande surface, les clients qui sollicitent un crédit sont de parfaits inconnus, et l'on sait que les modalités d'octroi y sont aisées et que l'enquête de solvabilité est réduite à sa plus simple expression. La plupart du temps, en effet, seul le fichier de la CCP est consulté. Mais c'est là une obligation légale aisément contrôlable, puisque la référence de la consultation doit être indiquée sur le contrat de crédit, qui est dès lors très efficace et bien appliquée. Elle est par ailleurs facile à réaliser, puisque la CCP est accessible en ligne et que l'opération ne requiert pas plus de quelques minutes.

Exploration de solutions envisageables

Passons en revue les solutions qui pourraient être envisagées et tâchons d'identifier les plus pertinentes :

Achat « coup de coeur », où, contrairement au bon mot d'Oscar, le malendettement qui découle d’un achat impulsif fait regretter amèrement cette petite (ou grande) « folie ». Si l'on souhaite protéger le consommateur contre ses propres impulsions, ou en tout cas, contre celles qu'il peut être amené à regretter dans le futur, l'approche actuelle de délai de rétractation est une première piste intéressante. Toutefois, ce délai semble relativement peu souvent utilisé, car il ne peut s'appliquer que lorsque le bien financé peut être rendu à l'état neuf, ce qui n'est plus le cas la plupart du temps. En outre, il paraît peu approprié d'interdire tout bonnement l'accès aux crédits « rapides » en grande surface puisque, dans une majorité de cas, ces derniers sont bel et bien honorés.
Du reste, la mise en oeuvre concrète d'une telle mesure n'irait pas sans soulever de très nombreuses questions. À partir de quelle distance considère-t-on que l'offre n'est plus réalisée sur le lieu d'achat ? Que penser, par exemple, d’une offre faite sur le parking du lieu d’achat ? Quel nombre minimum de mètres devrait être parcouru ? Que faire des institutions de crédit présentes dans le périmètre ainsi défini ? Comment les professionnels contreront-ils cette mesure ? Que risquent-ils de mettre en place ? Ne sera-ce pas pire ? Sans compter que cela ne résoudra pas de manière satisfaisante les deux autres problèmes soulevés ci-dessous...
Les devoirs d'information ...

Pour que cette obligation puisse être correctement remplie, il faut idéalement :

  • du personnel qui connaisse le/les produit(s) financier(s) proposé(s) – afin d'être à même de présenter des droits et obligations qui en découlent, notamment les modalités de remboursement, les coûts et les mesures qui seront mises en oeuvre en cas de défaut de paiement. À ce stade, il est utile de penser au moyen de prouver qu'une telle information a bien été donnée. Pour ce faire, un dépliant « simplifié », présentant l'essentiel de ces informations en termes clairs pourrait être élaboré... mais ce n'est là qu'une piste de réflexion ;
  • du personnel qui puisse déterminer les besoins de financement du client et le type de crédit qui lui correspond et ne finaliser une offre que lorsque cette correspondance est avérée. Cet élément nous semble bien difficile à imposer dans un cadre légal puisque, d'une part, dans la majorité des cas, seul un type de crédit est proposé, et que, d'autre part, cela demanderait à ces professionnels de travailler « contre leur intérêt », ce qui paraît peu réaliste. En effet, la décision de crédit se prend dans une logique de maximisation des profits, et si le risque de défaut de paiement est en dessous du seuil d'acceptation, on comprendrait mal qu'un prêteur se rétracte. Enfin, la mise en place d’une procédure de contrôle vérifiant qu’une telle analyse a été faite semble à ce jour difficile à imaginer.

... et de conseil

C'est en général sous ce vocable que l'on trouve l'analyse de la solvabilité.

À ce jour, les obligations se concentrent autour de trois éléments d'information :

  1. la vérification de l'identité du consommateur (indispensable pour l'étape 2) ;

  2. la consultation du fichier CCP ;

  3. le but du crédit (le plus souvent énoncé de manière floue).

Pour le reste, c'est aux professionnels qu’il revient de recueillir les informations qu'ils considèrent comme nécessaires pour apprécier la situation financière du consommateur.

Il nous semble nécessaire d'aller plus loin sur ce point. Pour l'ensemble des parties prenantes (prêteurs et intermédiaires, consommateurs et pouvoirs publics), une analyse appropriée de la solvabilité reste le meilleur rempart contre la mise en place de crédit inadéquat.

Nous considérons que les obligations légales sur ce point ne vont pas assez loin. La plate-forme « Journée sans crédit » à laquelle participe le Réseau Financement Alternatif a présenté, en 2008, dans sa proposition 4.14, une piste sérieuse de solution.

L'idée consiste en la réalisation d'un questionnaire standard permettant d'évaluer la situation financière du consommateur. Le prêteur ou son intermédiaire devraient, pour ce faire, questionner le consommateur sur ses ressources (revenus, allocations...), mais aussi sur sa situation familiale (composition du ménage), ses charges courantes et ses dettes. Ceci devrait permettre de vérifier que le consommateur dispose des ressources suffisantes pour faire face, à la fois, à ses dépenses incompressibles et au remboursement du crédit envisagé. Pour ce faire, le consommateur devrait être invité à fournir les justificatifs des principaux postes et s'engager, comme c'est déjà le cas, sur la véracité des diverses informations qu'il communique.

Étude de solvabilité objectivée, la panacée ?

Dans notre quête de solution au problème de surendettement, dans notre volonté d'éviter que des pratiques préventives réduisent par ailleurs l'accès du crédit à des ménages en situation financière précaire, il nous semble inévitable de faire reposer en grande partie la décision d'octroi sur la solvabilité réelle du consommateur, et, à ce stade, une objectivation de cette dernière paraît une étape indispensable à mettre en place.

Pourquoi privilégier cette approche ?

 

  • Elle fait reposer la décision d'octroi sur des éléments objectifs.
  • Elle permet d'établir clairement les responsabilités des uns et des autres : le consommateur se doit d'apporter les pièces justificatives et de répondre sincèrement aux questions qui lui seront posées. Le dossier constitué en apportera la preuve. On peut même réfléchir à la manière dont on pourrait traiter différemment le sort des consommateurs de bonne ou de mauvaise foi, au même titre que des prêteurs de bonne ou de mauvaise foi, lorsque des défauts de paiement aboutissent à des litiges ou à des procédures de médiation de dettes.
  • Le consommateur responsableet solvable pourra toujours obtenir rapidement un crédit, puisqu'il se munira des pièces ad hoc pour remplir son dossier. Pour les autres, il est probable que cela prenne plus de temps (oubli de document...). Ceci présente l'avantage pour ces derniers de ne plus pouvoir facilement tomber dans l'achat impulsif qui doit être financé par un crédit et d'avoir à mettre le nez dans le budget et dans la vérification dans les grandes lignes de la capacité de remboursement.
  • Pour le prêteur ou son intermédiaire, il s'agit de vérifier les pièces justificatives, de les joindre au dossier et de compléter la grille budgétaire afin de vérifier le disponible pour le remboursement du crédit. Si, on en convient, cela prend plus de temps que ce qui se pratique à ce jour, nous sommes convaincus des capacités des professionnels à rationaliser ce process pour en réduire autant que possible le coût.
  • Cette approche s'applique à l'ensemble de la profession et ne créera donc pas de distorsion de concurrence.
  • Elle n'entre pas en contradiction avec le projet de la Directive 2008/48/CE.
  • Elle renforce et objective la notion de « crédit responsable » et permet de réaliser un bond en avant en matière de responsabilité sociale des entreprises financières. L'usage approprié d'un questionnaire standard pouvant devenir une norme minimale du crédit responsable.

En guise de conclusion

Quel prêteur qui se considère comme responsable peut considérer cette option comme inappropriée ou inadéquate ? Après ce que les crédits subprime ont déclenché comme tempête, peut-on encore envisager de faire du crédit sur base de credit-scoring simpliste, sans une approche individuelle précise de la capacité de remboursement ?

Chers prêteurs, la balle est dans votre camp... et celui qui parmi vous sera performant dans une approche responsable développera un avantage compétitif, n'est-il pas ?

Olivier Jérusalmy

 

1 Lise Disneur, Réseau Financement Alternatif, « Les Sirènes du crédit facile », octobre 2008

2 Institutions, autres que les établissements de crédit, qui sont agréées par le SPF Économie pour l'octroi de crédits à la consommation.

3 Institutions soumises à la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit et qui sont agréées par la Commission bancaire, financière et des assurances.

4 http://www.journeesanscredit.be/var/www/eqpop/www.journeesanscredit.be/I...

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La proximité de biens de consommation attrayants, les techniques de marketing agressives, la volonté de déclencher autant que possible l'achat « coup de coeur » sont d'autant plus efficaces que le consommateur, même quand il ne dispose pas d'argent disponible, peut tout de même se l'offrir grâce à une ouverture de crédit disponible illico presto...

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Et qu'en pense la société civile ?

Soumis par Anonyme le
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Depuis plusieurs semaines, les mondes financier et politique, des experts et analystes en tous genres ne cessent de s'exprimer sur les causes et les conséquences de la crise actuelle. On a par contre fort peu (voire pas du tout) entendu la société civile. Pourtant, les combats qu'elle mène s'inscrivent eux aussi dans ce qu'il convient d'appeler maintenant l'économie réelle.

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C'est l'effet papillon... Petites causes, grandes conséquences...

Soumis par Anonyme le

Prenez un pays où les emplois sont de plus en plus précaires, et un marché du crédit complètement dérégulé, où tout est permis, même et surtout des « prêts rapaces », que l’on va refiler en masse aux consommateurs nsolvables, en les appâtant : « vous aussi, vous pouvez devenir propriétaire. Il ne faut pas de capital de départ, le taux d’intérêt n’est que de 2 % les deux premières années, il est variable ensuite, mais soyez sans crainte, en cas de pépin vous ferez une bonne affaire en revendant votre logement, les prix sont à la hausse. D’ailleurs, tout le monde fait comme vous et les autorités vous y encouragent ». Et bien, puisque tout le monde est d’accord... Les consommateurs insolvables signent. 

L’institution prêteuse se débarrasse aussitôt de la responsabilité d’encaisser à l’avenir les remboursements de ces créances douteuses en les titrisant (cf. glossaire). Une fois ces titres (papiers commerciaux « adossés » à des actifs... qui sont en fait des créances) vendus, l’institution prêteuse peut retirer les créances titrisées de son bilan. Elle peut alors réduire le volume des réserves qu’elle est tenue de constituer, et utiliser les capitaux libérés pour prêter à nouveau.

Mais qui donc a acheté ces créances titrisées ? Des courtiers les ont revendues à de gros investisseurs : banques, fonds de pension, assureurs, partout dans le monde. Il faut dire que ces titres avaient tout pour plaire : avantages fiscaux, intérêts juteux, possibilité d’être revendus ou joués en Bourse. Ils ont aussi servi de « levier » pour d’autres emprunts. Ainsi, Lehman Brothers a emprunté, avec ce levier, jusqu’à 30 fois la valeur de son lot de titres adossés à des créances. Quant au risque, des assureurs spécialisés en ont fait leur affaire en couvrant les opérations des spéculateurs. Les agences de notation, payées par les émetteurs de titres, étaient de connivence.

Le destin d’une bulle : éclater !

Mais il y a des limites à la hausse des prix de l’immobilier. Quand les « subprimes» (cf. glossaire) deviennent des
« surprimes » impayables, une masse croissante de consommateurs insolvables ne remboursent plus leurs emprunts. Leurs biens se retrouvent tous sur le marché, et du coup, l’offre étant plus forte que la demande, la valeur de ces actifs s’écroule. Les organismes prêteurs ne peuvent plus se rembourser par la vente des maisons car celles-ci ne valent plus rien.

Les institutions financières tombent à court de liquidités, elles ne peuvent plus rembourser leurs épargnants, ni emprunter à d’autres banques qui connaissent le même problème ou ne souhaitent pas, en ces temps difficiles,
prêter à des organismes en difficulté. Quant à celles qui avaient racheté ces titres toxiques, elles se retrouvent avec des titres qui ne valent pratiquement plus rien et qu’elles ne peuvent plus utiliser comme garantie pour emprunter à d’autres. C’est alors que les États sont appelés à la rescousse...

Glossaire

  • Prime : prix ou mensualité minimale, à payer pour une hypothèque ou une assurance. Aux USA, le secteur «prime» désigne les emprunteurs considérés comme solvables.
  • Subprime : l’emprunteur qui n’est pas « prime » n’est pas tenu de prouver sa solvabilité, il n’est donc pas fiable. Les Américains rechignent à admettre que la plupart des emprunteurs « subprime » sont des pauvres. Ils préfèrent l’idée que leur situation précaire est accidentelle. La rentabilité des crédits subprime n’est assurée que par la hausse des prix, le gage étant le bien acquis. Tant que celui-ci peut être revendu plus cher, tout va bien...
  • Alt -A : les emprunteurs Alt-A se situent entre ces deux catégories, « prime » et « subprime ».
  • Bulle : surévaluation des prix dans un secteur. Quand la bulle (immobilière, internet, boursière) éclate, les prix dégringolent.
  • Produits dérivés : contrats dont la valeur dépend de celle d’un actif ou d’un indice sous-jacent : contrats à terme d’instruments financiers « futures », contrats d’échanges de taux d’intérêt (swaps), options.
  • Produits structurés : produits financiers combinant des placements sûrs à des placements plus risqués (ex SICAV).
  • Titrisation : transformation d’un énorme paquet de créances (des milliers de prêts individuels), en petites tranches égales pour en faire des titres financiers, vendus sous des formes diverses, ex. les ABS.
  • ABS « Asset-backed securities » ou « asset-backed Commercial Papers » : papiers commerciaux adossés à des actifs ou plus exactement, à des créances. « Adossé » est une trouvaille linguistique pour éviter d’utiliser le mot « garanti », car la relation entre le titre et l’actif en question est éloignée.
  • Equities : le pluriel de « equity » désigne des fonds, capitaux propres, un capital d’actions, ou des actions cotées en Bourse. Sont-elles équitables, rien n’est moins sûr ! Même si le terme choisi pourrait le faire penser...
  • Secur ities : le pluriel de « security » désigne soit une caution, une garantie, soit une valeur, un titre. Que le titre soit une garantie de sécurité, rien n’est moins sûr ! Même si le terme choisi... (refrain connu)
  • Futures : Le pluriel de « future » désigne des marchandises achetées à terme, (c’est-à-dire plus tard mais au prix fixé au moment de la transaction) ou le marché à terme.
  • Predatory lending : prêt rapace, usurier. Ainsi, la technique « bait and switch » (appâter et déconnecter) consiste à promettre, puis à faire signer quelque chose qui ne correspond pas du tout à la promesse...
  • Credit crunch : restrictions dans l’octroi de crédits, du fait de la crise bancaire.
  • Hedge funds : fonds « de couverture », en réalité ce sont des fonds spéculatifs.
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Comment la crise survenue aux États-Unis a-t-elle un impact aussi considérable sur notre économie?

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Pour lutter contre la discrimination économique des personnes à revenu faible, l'exemple viendrait-il des Etats-Unis ?

Soumis par Anonyme le

Community Reinvestment Act : de quoi s’agit-il ?1

C’est bien connu : on ne prête qu’aux riches. Les banques préfèrent s’adresser à une clientèle aisée, supposée capable de rembourser ses crédits. Pour les personnes à revenu modeste, obtenir un prêt relève, le plus souvent, du parcours du combattant.

Ainsi, aux Etats-Unis, les communautés noires ou latino-américaines, dans la majorité des cas économiquement défavorisées, se trouvaient généralement excluent du marché des crédits. Pour mettre fin à cette discrimination, ou à tout le moins pour la diminuer, fut adopté le Community Reinvestment Act (CRA), en 1977, sous la présidence de Carter. Ce premier dispositif allait se voir renforcé en 1994- 1995 par l’administration Clinton.

Le CRA mentionne que ‘les institutions financières ont une obligation continue et non discriminatoire d’aider à répondre aux besoins de crédit des communautés, y compris dans les régions à revenu faible ou modéré, et ce, sans que cela soit incompatible avec des pratiques de prêt saines’.

Pour atteindre cet objectif, les banques et autres institutions financières de prêt doivent octroyer des crédits et d’autres services financiers dans toutes les zones géographiques où elles proposent des comptes bancaires. Ces zones sont définies par les établissements bancaires.

Par ailleurs, les banques ont l’obligation de justifier les rejets de prêts. Seuls les critères économiques peuvent entrer en ligne de compte pour le refus d’octroi d’un crédit.

La performance sociale des banques est analysée sur la base de quatre domaines :

  • les crédits : prêts aux personnes à revenu faible ou modéré en vue de la construction ou de la rénovation de logements modestes ; crédit à des associations répondant prioritairement aux besoins des personnes à revenu faible ou modéré ; crédit à la réhabilitation environnementale ou au développement d’un ancien site industriel situé dans des quartiers défavorisés ; crédits pour les aménagements dans les quartiers de personnes à revenu faible ou modéré ; etc.
  • les investissements : financement (sous la forme de dépôts, de prise de participation, …) des organisations travaillant à la construction et la rénovation du logement ; des organisations favorisant le développement économique par le financement de TPE ou de PME ; des associations et fondations caritatives actives dans la gérance d’immeubles, le crédit-conseil, ou l’éducation financière ; des financiers alternatifs (tels que les C.D.F.I.) qui prêtent principalement aux personnes à revenu faible ou modéré, etc.
  • les services offerts: assistance technique aux organisations gouvernementales et autres associations s’occupant de personnes à revenu faible ou modéré ou de revitalisation économique ; conseil en crédits, gérance d’immeuble, planning financier ; etc.
  • le Community development : « soutien financier accordé aux associations de quartiers et à toute autre forme de participation des résidents à la vie de leur quartier »2.

Comment le respect du Community Reinvestment Act est-il évalué ?

Ces quatre domaines de la performance sociale (crédits, investissements, services et Community development) constituent les critères sur la base desquels est analysé le respect du Community Reinvestment Act par les banques.

Ainsi, la partie ‘crédits’ est contrôlée en termes de montant des crédits octroyés dans les zones géographiques économiquement défavorisées. Pour les ‘investissements’, il est tenu compte du niveau de placements et financements réalisés dans les régions ou quartiers défavorisés. Les ‘services offerts’ sont mesurés en fonction du nombre moyens de distribution disponibles (tels que les agences bancaires ou les guichets automatiques) ou encore en fonction de l’éventail des services offerts. Quant au Community development, il est évalué sur la base du soutien financier accordé aux projets de quartier.

Chaque banque doit répondre à ces contrôles, en tout ou en partie, en fonction de sa taille. Ainsi, trois types d’examens existent :

  • les grandes banques (avoirs supérieurs à 1 milliards de dollars) sont évaluées sur la base des crédits, des investissements et des services proposés. Elles ont, en outre, l’obligation de rédiger un rapport relatif aux prêts octroyés aux petites entreprises, aux fermes et au Community Development.
  • les banques moyennes (avoirs compris entre 250 millions et 1 milliards de dollars) sont évaluées sur la base des crédits et du Community Development. Elles n’ont pas d’obligation de rapport.-
  • les petites banques (celles dont les avoirs sont inférieurs à 250 millions de dollars) et les caisses d’épargne sont évaluées sur la base des crédits uniquement et n’ont pas d’obligation de rapport.

Notons encore que les banques commerciales (qui ne s’adressent donc pas aux particuliers) doivent uniquement remplir leurs obligations en termes de Community Development.

Ces évaluations ont lieu tous les deux ans pour les institutions financières dont les avoirs dépassent les 250 millions de dollars. Pour les banques de taille plus réduite, l’évaluation a lieu tous les 4 à 5 ans.

Le respect du Community Reinvestment Act par les banques est contrôlé par l’administration fédérale. Quatre instances différentes se partagent la tâche : une pour les banques nationales, deux pour les banques d’état et, enfin, une pour les caisses d’épargne.

L’agenda des évaluations est publié tous les trimestres, notamment via Internet.

« Les banques doivent rendre compte de leur situation en fournissant un grand nombre de données sur support électronique permettant ainsi un traitement informatique immédiat. Ces données se basent sur les définitions standardisées de produits ainsi que d’autres paramètres relatifs aux engagements. L’analyse de ces données […] est utilisée pour vérifier l’application des obligations prescrites par la réglementation. Elle permet également d’établir une information comparative sur divers aspects de la performance sociale d’une banque à partir des données sur son activité par zone géographique et catégorie sociale prédéfinies. »3

 

Outre les contrôles périodiques, les particuliers et les associations sont invités à formuler, s’ils le désirent, et à n’importe quel moment, un commentaire sur la performance d’une banque.

Ainsi, par exemple, le NCRC (National Community Reinvestment Coalition, une association de défense des populations défavorisées) avait donné un commentaire négatif par rapport à la politique de prêt dans les quartiers défavorisés d’une banque en Virginie. Cela a entraîné une mauvaise évaluation de la banque et retardé de plusieurs mois un projet de fusion (voir plus loin l’impact du CRA sur les fusions et acquisitions). En conséquence, la banque a commercialisé plusieurs nouveaux produits pour les emprunteurs à revenu faible ou modéré (notamment des crédits hypothécaires), si bien que, l’année suivante, son rating s’était largement amélioré.

A la suite des évaluations, les banques se voient attribuer une appréciation allant de ‘très insuffisant’ à ’excellent’, en passant par ‘doit s’améliorer’ et ‘satisfaisant’.

Seul 2 % par an des institutions analysées échouent et se retrouvent dans la dernière catégorie.

Pour autant, cela ne signifie pas que 98% des institutions contrôlées satisfont au CRA. En effet, une banque peut être mal évaluée au niveau d’un Etat particulier ou encore globalement au niveau d’une des parties analysées (crédit, investissement ou services).

Si le contrôle du respect des dispositions du Community Reinvestment Act par les banques se fait au travers de contrôles réguliers, il s’effectue également lorsqu’une banque achète ou fusionne avec une autre. Dans ce cas, l’institution financière doit soumettre une demande aux instances régulatrices fédérales. Celles-ci basent leur décision sur différents critères, dont le respect de la loi sur le CRA.

En effet, les banques doivent apporter la preuve que la fusion ou l’acquisition ne portera pas préjudice à la performance sociale de la banque.

En outre, durant une période d’un mois après l’introduction de la demande de fusion/acquisition par la banque, tout citoyen ou organisation représentative d’une communauté pour formuler des commentaires quant aux performances de prêt d’une banque.

Le cas échéant, bien que cela arrive rarement, les instances régulatrices ont le pouvoir de rejeter la demande de fusion/acquisition ou encore de l’approuver sous certaines conditions, telles que celle de commencer une politique de prêt aux communautés minoritaires ou d’entamer quelques réformes à la politique existante.

Généralement, une mauvaise cotation d’une banque à l’un ou l’autre niveau stimule cette banque à améliorer son rating.

En effet, en cas de non respect du CRA, les banques s’exposent à des sanctions telles qu’une amende, la perte de l’accès au refinancement à court terme de la FED4 ou à l’arrêt temporaire des opérations du fusion ou d’acquisition.

Community Reinvestment Act : un bilan

« L’intuition première du législateur était que la menace de publicité négative à laquelle serait exposée une banque mal notée par le CRA serait suffisante pour réduire les pratiques discriminatoires de crédit. Elle s’est avérée fondée dans la mesure où peu de banques américaines ont été soumises à une amende.»5

Ce résultat positif est dû, en partie au moins, au fait que les banques sont examinées sur la base des résultats, et non des déclarations d’intention, en matière de lutte contre la discrimination. Ainsi, « si dans des zones d’évaluation du CRA, l’analyse statistique du portefeuille de crédits identifie des exemples de discrimination, y compris par l’absence de prêts, les banques sont appelées à se justifier. Elles doivent fournir une justification économique à leur décision de ne pas prêter. Comme ceci peut s’avérer aussi onéreux que difficile, les banques préfèrent faire de sérieux efforts pour ne pas voir leurs politiques remises en question. »6

Ainsi, les prêts hypothécaires aux personnes à revenu faible ou modéré ont augmenté de 39% entre 1993 et 1998, selon le département du Trésor américain.

Mieux, plusieurs études ont démontré que le risque de crédit supporté par les banques n’a pas augmenté du fait de l’instauration du Community Reinvestment Act. En effet, les institutions financières ont appris à connaître les tenants et les aboutissants d’un marché somme toute inconnu d’elles quelques années plus tôt et la concurrence a joué son rôle dans l’économie libérale de Etats-Unis. Par conséquent, l’évaluation des risques clients s’est affinée de telle façon que le taux de créances non remboursées n’est pas plus élevé auprès des clients CRA qu’auprès des autres clients.

« le CRA, ce n’est pas obliger les banques à octroyer de mauvais crédits mais bien les stimuler à octroyer des crédits sains sans oublier les personnes démunies. » John TAYLOR, président, NCRC

Pour autant, le Community Reinvestment Act n’est pas la panacée. En effet, « un nombre important de quartiers d’immigrants ou composés de populations minoritaires doit encore faire face à de sévères problèmes de pénurie de capital et à un marché immobilier déprimé.»7

Par ailleurs, si les banques s’exposent à des sanctions en cas de non respect du CRA (cfr. supra), le CRA ne prévoit cependant aucune compensation à l’intention des personnes et/ou des zones discriminées de facto. Les banques sont invitées à améliorer leur performance future mais pas à réparer les dommages causés par le passé.

Enfin, « une faiblesse majeure du CRA consiste en l’implication de quatre régulateurs différents. Par conséquent, il existe une variation importante de la façon dont le CRA est mis en vigueur. Cette variabilité marquée dans la sévérité des ‘régulateurs’ a mené le secteur bancaire à demander régulièrement l’abolition du CRA parce qu’il est appliqué de façon peu équitable et incohérente. »8

Quoi qu’il en soit, si le CRA n’est pas un outil parfait, il n’en demeure pas moins qu’avec son avènement, les banques allaient, pour la première fois, être jugées sur leur performance sociale.

Le CRA a, en effet, permis un accord win-win implicite entre les personnes à revenu faible ou modéré d’une part, et les institutions financières d’autre part : pour les communautés, davantage de crédits permettant l’acquisition d’un logement ou d’un commerce et, pour les banques, le développement d’un nouveau marché.

Le Community Reinvestment Act, a connu ses maladies d’enfances, a fait l’objet de révisions sous diverses administrations, et enregistre, in fine, au bout de près de 30ans d’existence, un bilan positif en terme de lutte contre la discrimination raciale et économique. A quand, donc, une disposition similaire en Europe ?

 

Françoise Radermacher

Juin 2006

1 Cet article a été rédigé sur la base d’analyses ou d’exposés de John TAYLOR, NCRC, Pat CONATY, NEF, et Kent HUDSON, rencontrés lors d’une conférence internationale « Responsible Credit », organisée par NCRC et IFF, tenue à Bruxelles, les 28 et 29 avril 2006.

2 HUDSON Kent, Le Community Reinvestment Act (CRA), page 4

3 HUDSON Kent, Le Community Reinvestment Act (CRA), 2004, page 2

4 Banque Fédérale américaine

5 HUDSON Kent, Le Community Reinvestment Act (CRA), page 4

6 Id.

7HUDSON Kent, Le Community Reinvestment Act (CRA), page 4

8 CONATY Pat, présentation sur le CRA, conférence internationale « Responsible Credit », Bruxelles, les 28 et 29 avril 2006.

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Aux Etats-Unis, dans une économie très libérale, l'administration a imposé, au travers du Community Reinvestment Act, une obligation de performance sociale au secteur bancaire.

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Crédit à la consommation - constats et recommandations 2008

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