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Les syndicats et l'investissement responsable

Soumis par Anonyme le

Les expériences syndicales en matière d'investissement socialement responsable (ISR) sont multiples à travers le monde. Développées dans des contextes différents, elles ne sont pas nécessairement transposables. On peut les schématiser en cinq actions, qui peuvent, bien sûr, se cumuler : le boycott, la labellisation, l'actionnariat actif, la gestion des fonds de pension et l'action financière.

Boycott

La première formule consiste à soutenir des mouvements de boycott des investissements dans certains pays (Afrique du Sud du temps de l'apartheid, Chine, Soudan...) ou de certaines entreprises lorsqu'elles se rendent coupables, par exemple, de violation de droits civils ou sociaux.

Labellisation

La labellisation de produits financiers consiste à identifier certains de ceux-ci pour récompenser les producteurs respectant des normes de qualité et pour indiquer ce respect au consommateur. En France, le Comité intersyndical de l'épargne salariale (CIES), créé en janvier 2002, rassemble presque tous les syndicats représentatifs (CFDT, CFECGC, CFTC, CGT) et publie annuellement une sélection d'offres d'épargne salariale socialement responsable qu'il labellise.

Ses critères de sélection sont de trois ordres : le meilleur rapport qualité-prix pour les salariés, des instruments d’investissement socialement responsables et diversifiés, en fonction du risque et de l’orientation souhaités par le salarié, et enfin des garanties fortes (contrôle par un conseil de surveillance composé majoritairement de représentants des salariés, capacité donnée à ce conseil de contrôler régulièrement et concrètement la gestion des fonds, transparence et clarté de la gestion).

Actionnariat actif

L’activisme actionnarial consiste, pour les actionnaires, à exercer leur droit de vote aux assemblées générales annuelles des entreprises cotées dont ils détiennent des parts. Ils utilisent ainsi un levier puissant pour améliorer le comportement éthique, social et/ou environnemental des entreprises, en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales.

À l’occasion d’une réunion qui s’est tenue au début du mois d'avril 2003 à Stockholm, l'alliance syndicale internationale Global Unions [1], regroupant la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)[2], les Fédérations syndicales internationales et la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (CSC-OCDE) [3], a décidé d’intensifier ses efforts en vue d’assurer que les entreprises multinationales assument leurs responsabilités sociales.

Les participants, qui ont passé en revue une large gamme d’initiatives volontaires privées en matière de responsabilité sociale, ont notamment examiné l’essor de l’investissement socialement responsable et le rôle que les investisseurs – tels que les fonds de pension, par exemple – peuvent jouer dans ce domaine.

Le sujet n'est pas neuf : depuis un rassemblement international qui a eu lieu à Stockholm également, en 1999, la coopération intersyndicale s'est accrue en vue d'améliorer l’influence des capitaux des salariés.

Sur le plan mondial, l’objectif poursuivi par les organisations syndicales est d’utiliser comme levier d’action le pouvoir des 11 000 milliards de dollars détenus par les travailleurs et investis pour leur retraite, afin d’améliorer les comportements des entreprises et de les rendre plus socialement responsables.

Cette stratégie syndicale se retrouve également sur le plan national.

Aux États-Unis, les syndicats associés à l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO), qui gèrent presque 1500 fonds, soit environ 400 milliards de dollars d’encours, environ 328,7 milliards d’euros, ont lancé le programme "Capital Stewardship" pour coordonner les activités d’engagement actionnarial, en particulier les résolutions visant à réformer la gouvernance d’entreprise [4].

Ils sont également les auteurs du "Proxy Voting Guidelines", guide du vote par procuration accessible au grand public [5], du "Key Vote Survey", qui dresse une liste des gérants d’actifs et de leur performance de vote sur un nombre sélectionné de résolutions d’actionnaires [6], et de l’"Investment Product Review" qui dresse une liste des canaux d’investissement dans lesquels les fonds des syndicats peuvent investir, car ils créent des "bénéfices collatéraux" ou des retours financiers positifs et défendent des valeurs de travail [7].

Au Royaume-Uni, à l’occasion de la publication d’un rapport intitulé "Working Capital" [8] et d’une conférence qu’elle organisait à Londres, le 24 février 2003, la Confédération syndicale britannique Trade Union Congress (TUC) [9] a adopté une position claire en faveur de l'investissement socialement responsable.

L’objectif qu'elle se fixe est de mobiliser les 260 milliards d’euros détenus par les fonds de pension comportant des administrateurs membres du TUC pour développer des investissements économiquement ciblés afin de combler des fossés sur les marchés de capitaux ou de les orienter sur les projets créateurs ou préservateurs d’emplois ; de désinvestir des entreprises qui ont un comportement social inacceptable ; de sélectionner les entreprises sur la base de leur comportement social ; et, enfin, de pratiquer l’engagement actionnarial aux assemblées générales annuelles.

En France, le Comité intersyndical de l'épargne salariale (CIES) envisage également d’expérimenter des campagnes de vote lors des assemblées générales des entreprises.

Gestion des fonds de pension

Les syndicats interviennent également, à des degrés divers, dans la gestion ou le contrôle de la gestion des fonds de pension et peuvent, à ce titre, agir pour promouvoir l'ISR. C'est le cas, par exemple, au Brésil où les syndicats cherchent la participation au marché financier, en particulier dans la politique de création et de gestion des fonds de pension. Pour cette politique, ils s’appuient sur le discours de gouvernance d’entreprise, de responsabilité sociale, d'investissements éthiques et de défenseurs légitimes des droits des travailleurs.

Ce "dialogue" entre syndicalistes et marché financier présente une nouvelle variable dans l’histoire du syndicalisme brésilien, ainsi qu’une nouvelle nature dans le rapport capital/travail. La méthode de recherche a été constituée à partir des entrevues avec plusieurs syndicalistes des centrales syndicales du Brésil, c'est-à-dire, la Centrale unique des travailleurs (CUT), Force syndicale (FS), et la Centrale générale des travailleurs (CGT). Théoriquement, cette recherche s’inspire des travaux de quelques sociologues, tels Robert Castell, et de grands noms de la sociologie du travail du Brésil [10].

Action financière

Deux exemples québécois, la Caisse d'économie Desjardins des travailleuses et des travailleurs et le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, montrent enfin la possibilité pour un syndicat de devenir lui-même acteur financier.

La Caisse d'économie Desjardins des travailleuses et des travailleurs (Québec) a vu le jour le 24 février 1971 sous le nom de Caisse d'économie des travailleurs réunis de Québec. À l'initiative de militantes et de militants de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) de la région de Québec, cette caisse délaisse l'action conventionnelle des caisses populaires et d'économie. Elle a proposé, dès le départ, une démarche coopérative militante axée essentiellement sur la promotion de l'action collective. Les militants poursuivent deux objectifs : prendre le contrôle de leur épargne et démontrer qu'il est possible de faire autrement sur le plan économique. La Caisse reste au service des travailleuses et des travailleurs, mais elle met en place une nouvelle stratégie de développement, d'abord sur le plan de la collecte de l'épargne collective par la voie syndicale, et elle s'engage plus à fond auprès des groupes populaires et communautaires. Elle se développera pour beaucoup à partir de coopératives d'habitation et de travail.

Par ailleurs, au début des années 80, le Québec traverse une difficile récession. Près du quart des jeunes sont sans emploi. Plus de 14 % de la main-d'œuvre québécoise est au chômage. Les taux d'intérêt démentiels obligent plusieurs petites et moyennes entreprises à fermer leurs portes. En avril 1982, le premier ministre du Québec, René Lévesque, lance un appel à la solidarité lors du Sommet socio-économique convoqué d'urgence à Québec par le gouvernement québécois.

Consciente de la gravité de la situation, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) se dit prête à collaborer. Louis Laberge, alors président de la FTQ, la plus importante centrale syndicale du Québec propose à ses membres de se doter d'une nouvelle politique syndicale face aux licenciements et aux fermetures d'entreprises. « Nous devons répondre à l'urgence de l'heure chez nos membres et dans la société québécoise : le maintien et la création d'emplois, déclare-t-il. Sinon, à quoi servent les syndicats ? »

Un des moyens préconisés est la création d'un fonds d'investissement de solidarité contrôlé par la FTQ. L'objectif est d'investir du capital de risque dans les PME québécoises. Dans les mois qui suivent, des professionnels de la Société de développement des coopératives et des dirigeants de la FTQ se mettent à l'œuvre. Le gouvernement du Québec exprime son appui en accordant aux futurs actionnaires du Fonds des conditions fiscales avantageuses. Il sera d'ailleurs suivi par le gouvernement fédéral quelque temps après. Le 3 mars 1983, la FTQ annonce son projet de créer le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ), une première dans les annales du monde syndical !

Conclusions

Comme on le voit, les pistes ne manquent aux organisations représentatives des travailleurs pour influencer le cours des choses en matière financière. Correctement utilisé, l'effet de levier dont elles disposent au travers de leurs adhérents et des fonds de pension à la gestion desquels elles sont associées est immense. Mais, pour en faire usage, des évolutions de mentalité sont parfois nécessaires, tant il est vrai que les actions possibles en ce domaine n'appartiennent pas au champ d'activité traditionnel des syndicats.

Les réticences sont plus prononcées, ici ou là, en fonction du type de syndicalisme déployé. Pour certains, c'est une véritable révolution culturelle qui est nécessaire, le cas échéant. Mais ne rien faire, revient à refuser d'apporter une réponse syndicale globale dans un contexte qui, lui, est globalisé.

Bernard Bayot, 3 octobre 2008 


 

[1] http://www.global-unions.org.

[2] http://www.icftu.org/default.asp?Language=FR.

[3] http://www.tuac.org.

[4] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital.

[5] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/proxy_voting_guide....

[6] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/keyvotesurvey2002.pdf.

[7] http://www.aflcio.org/corporateamerica/capital/upload/2002_IPR.pdf.

[8] http://www.tuc.org.uk/pensions/tuc-6269-f0.pdf.

[9] TRADE UNION CONGRESS - Working Capital - www.tuc.org.uk -février 2003.

[10] Maria Aparecida, CHAVES JARDIM, Nouvelles stratégies syndicales au Brésil : création et gestion de fonds de pension.

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La finance américaine, et donc mondiale, vit des moments dramatiques. Alors que le monde retient son souffle, il nous paraît utile de rappeler que, si capital et monde du travail ont souvent des intérêts opposés, voire contradictoires, il n'est pas dit que le second ne puisse peser sur le premier pour favoriser la prise en compte d'une plus grande responsabilité sociale.

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Octobre

Étude portant sur une proposition de définition d'une norme légale d'investissement socialement responsable

Soumis par Anonyme le
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Définition d'un cadre normatif à l'investissement socialement responsable, basé sur les conventions internationales ratifiées par la Belgique, et dans l'objectif d'asseoir une cohérence et une exigence de qualité du marché ISR. Introduction Méthodologie Questions liminaires Les listes noires existant au niveau international Les conventions internationales La proposition d'une norme minimale Les résultats de la consultation Annexes

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2008
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Décembre

Les banques responsables du changement climatique?

Soumis par Anonyme le

Un constat sans appel

En décembre 2005, un rapport sur les impacts environnementaux et sociaux massifs générés par le secteur financier européen, réalisé par Action Aid, Amnesty International, CAFOD, Christian Aid, The Corner House, Friends of the Earth, Global Witness, New Economics Foundation, Tax Justice Network et WWF a démontré, par sept études de cas, que le secteur financier n’assumait pas ses responsabilités en matière de changement climatique, de corruption, d’évasion fiscale, de pauvreté, d’exclusion sociale, de violation des droits humains et de dégradation de l’environnement. Il appelait les États européens et l’Union européenne à prendre des mesures législatives pour garantir que le secteur financier assume ses responsabilités et contribue à la création de sociétés durables.1

Un rapport français publié en 2006 par les Amis de la Terre fournit, quant à lui, une analyse détaillée des performances environnementales des plus grands réseaux bancaires français au regard des meilleures normes et pratiques françaises et internationales. Ses conclusions sont dures : parmi les huit banques françaises étudiées, aucune ne dispose d’une véritable politique environnementale, complète et précise. Les banques n’apportent pas la preuve qu’elles font de l’environnement la priorité qu’elles affichent toutes.2

Si la réputation et le sérieux de ces ONG n'étaient connus et appréciés, on pourrait croire qu'elles ont forcé le trait. Il semble au contraire que le secteur financier éprouve quelques difficultés à appréhender la problématique environnementale et à assumer sa responsabilité en la matière, même si les évolutions récentes sont de bon augure.

Les bonnes pratiques

Est-il si difficile pour les banques d'assumer leur responsabilité environnementale ? Manifestement pas, si l'on en croit de bonnes pratiques, malheureusement trop isolées, qui constituent autant d'exemples intéressants.

Ainsi, en 2005, HSBC – un des premiers groupes de services bancaires et financiers au monde, dont le siège social est à Londres, mais dont le réseau international compte plus de 9 800 implantations réparties dans 77 pays – est devenu la première banque au monde à être parvenue à un bilan carbone neutre pour ses émissions directes, en les réduisant de 10 % et en compensant le reste par l’achat d’électricité verte et de permis d’émissions.

Wells Fargo, une société de services financiers (banque, assurance, prêt, investissement) qui compte plus 23 millions de clients aux États-Unis, a acheté 550 millions de kWh générés par des éoliennes. Il s’agit du plus gros achat de crédits énergies renouvelables aux États-Unis en 2006.3

Toujours aux États-Unis, Bank of America a pris l’engagement de comptabiliser puis réduire de 7 % les émissions indirectes de gaz à effet de serre de son portefeuille d’investissement «énergie», tandis que JPMorgan Chase a adopté en 2005 une politique qui vise à demander à ses clients de mesurer et publier leurs émissions et d’adopter des plans de réduction de ces émissions.

Le développement de fonds d'investissement socialement responsable (ISR), respectueux notamment du respect de critères environnementaux par les entreprises qu'ils financent, est également une réponse appropriée du secteur bancaire. Un exemple frappant : la société de gestion financière britannique Henderson a demandé à la société spécialisée Trucost de mesurer les émissions de CO2 des sociétés détenues par l'un de ses fonds ISR. Verdict ? Ces émissions étaient en 2005 de 43 % inférieures à celles des entreprises qui composent l'indice MSCI World. 4

Dans la même veine, en novembre 2006, Fortis Investments a annoncé son intention d'appliquer une méthode développée par la société Trucost pour quantifier et évaluer les bénéfices environnementaux des technologies durables dans les domaines de l’énergie propre, de l’eau et des déchets pour l'un de ses fonds ISR. Un bénéfice environnemental apparaît lorsqu’une technologie alternative réduisant le recours aux ressources environnementales est utilisée à la place de technologies traditionnelles, créant ainsi un bénéfice équivalent au coût évité.

En 2006, Fortis a par ailleurs été classé meilleur élève pour sa manière d'aborder la question des changements climatiques dans une enquête mondiale menée par le Carbon Disclosure Project5. Cette étude s'est basée sur les rapports relatifs aux émissions de gaz à effet de serre remis par les plus grandes sociétés internationales ainsi que sur un rapport d'évaluation indépendant sur la stratégie en matière de changements climatiques et la gestion des risques.

Développer des stratégies globales

Les exemples de bonnes pratiques montrent que les banques ne sont pas démunies en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Encore faut-il intégrer de bonnes pratiques, parfois éparses, dans des stratégies globales.

Pour les Amis de la Terre, il existe quatre priorités :

  1. La première est que toutes les banques mettent en place une politique de transparence exigeante. L’opacité accroît légitimement les doutes sur la réalité des efforts fournis. Elle nourrit l’argument que les engagements ne dépassent pas le stade de l’affichage et la rhétorique.
  2. La deuxième concerne les composantes environnementales des politiques d’investissement et de financement, qui doivent être renforcées d’urgence dans leurs trois composantes : politiques d’investissement sectoriel, screening des entreprises clientes, épargne et prêts environnementaux.
  3. La troisième priorité est l’établissement d’objectifs, moyens et échéanciers clairs, publics et mesurables, permettant de fixer des orientations lisibles.
  4. Enfin, la dernière priorité consiste à renforcer la formation interne en matière environnementale.6

Dans une communication du 12 décembre 2007, Banktrack7 considère qu'en réponse aux défis du changement climatique, toutes les banques devraient développer, en consultation avec les organisations de la société civile et d'autres parties prenantes, une politique complète et transparente en matière de climat. Cette politique devrait inclure des stratégies qui visent trois objectifs : se retirer de toutes les activités qui contribuent directement et sensiblement au changement climatique, réduire l'impact climatique de tous les prêts et investissements accordés et financer la transition vers une économie fondée sur des émissions de gaz carbonique nulles ou faibles.

D'abord, se retirer de toutes les activités qui contribuent directement et sensiblement au changement climatique. Si les banques veulent jouer un rôle positif en facilitant une transition vers une économie fondée sur des émissions de gaz carbonique plus faibles, elles doivent progressivement, en vertu de calendriers précis, arrêter de soutenir financièrement de nouveaux projets d'extraction de pétrole, de charbon et de gaz et de livraison de ceux-ci. Une stratégie globale sérieuse en matière de réduction d'émission de gaz à effet de serre implique une réduction draconienne de l'usage du charbon, qui doit commencer immédiatement, car toute nouvelle centrale à charbon a une vie utile de l'ordre de 50 ans au moins. Les banques doivent donc immédiatement retirer leur soutien aux centrales à charbon. Enfin, si la combustion des combustibles fossiles produit actuellement la plus grande part des émissions de gaz à effet de serre à travers le monde, plusieurs autres activités et secteurs économiques causent également des dommages significatifs au climat. Les banques devraient tenir compte de ces impacts quand elles sont engagées dans ces activités et secteurs et devraient cesser de soutenir les activités dont l'impact négatif est le plus élevé. Les activités et les secteurs visés sont notamment la gestion des forêts, l'agriculture et les transports.

Outre un retrait de toutes les activités qui contribuent directement et sensiblement au changement climatique, il est demandé aux banques de réduire l'impact climatique de tous les prêts et investissements accordés. D'abord, pour expliquer entièrement leur empreinte climatique, les banques devraient mesurer et faire rapport sur les émissions de gaz à effet de serre liées aux services financiers qu'elles fournissent à leurs clients. Ensuite, elles devraient se fixer des objectifs de réduction de ces émissions. Enfin, les banques devraient développer et mettre en application les outils appropriés pour s'assurer qu'elles atteignent ou excèdent leurs objectifs de réduction d'émission.

Il est enfin demandé aux banques de financer la transition vers une économie fondée sur des émissions de gaz carbonique nulles ou faibles. Elles devraient développer une stratégie proactive pour investir dans des programmes et des projets d'énergie renouvelable et d'efficacité énergétique. Les banques devraient en outre développer pour leurs clients une gamme de produits et services consacrés à l'amélioration du climat, comme des programmes visant à aider les consommateurs à acheter des maisons et des appareils offrant le meilleur rendement énergétique ou à investir leur épargne de manière plus favorable pour le climat. Les banques pourraient enfin exiger de leurs clients actifs dans l'immobilier de respecter des critères rigoureux d'efficacité énergétique et de structurer leurs investissements pour améliorer cette efficacité.8

Et en Belgique ?

Parmi les banques présentes en Belgique, le Crédit agricole, ING et ABN AMRO reçoivent de Bantrack une note de 1 sur 4 ; ce qui signifie que ces institutions financières reconnaissent leur responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre qu'elles financent, mais qu'elles n'y apportent pas de réponse.

Fortis, Dexia et KBC reçoivent, quant à elles, une note de 2 sur 4, ce qui les place dans le lot de tête du secteur. Cette notation signifie que soit elles intègrent dans leur stratégie l'objectif de mesurer et de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les projets qu'elles financent, soit qu'elles prennent des mesures concrètes pour déplacer les financements qu'elles accordent vers les énergies renouvelables et les économies d'énergie.9

Conclusions

Comme on le voit, si le tableau belge n'est pas franchement mauvais, il est loin d'être bon et les banques belges pourraient redoubler d'effort pour intégrer la lutte contre le réchauffement climatique dans leur stratégie d'entreprise. Les exemples et les outils font florès en la matière. Seule la volonté peut, le cas échéant, faire défaut. Aux parties prenantes du monde bancaire – et en premier lieu aux clients – de donner de la voix pour attiser une volonté encore trop incertaine!

 

1 “A Big Deal : Corporate Social Responsability and the Finance Sector in Europe”, décembre 2005, http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/a_big_deal_-_uk_ngos_dec_05.pdf

2 « Banques françaises et environnement : presque tout reste à faire », février 2006, http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/Rapport_banques_et_envt_fev_06-3.pdf

3 “Top Five Socially Responsible Investing News Stories of 2006”, http://www.socialfunds.com/news/article.cgi/article2197.html

5 Le Carbon Disclosure Project(CDP regroupe investisseurs et assureurs déterminés à faire pression sur les entreprises pour qu’elles maîtrisent leur « risque carbone » au même titre que d’autres risques liés à la pollution.

6 « Banques françaises et environnement : presque tout reste à faire », op.cit.

7 BankTrack est un réseau d’organisations non gouvernementales (ONG) et d’individus qui surveille les opérations du secteur financier privé (banques commerciales, investisseurs, compagnies d’assurance, fonds de pension) ainsi que les impacts de ses opérations sur l’Homme et la planète.

8 A Challenging Climate, What international banks should do to combat climate change, 2007.

9 Banktrack, Mind the gap, Benchmarking credit policies of international banks, décembre 2007.

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Les banques ont été sévèrement critiquées pour leurs pratiques en matière environnementale. Mais elles tentent, par ailleurs, de développer de bonnes pratiques en la matière. Plongée dans une réalité contrastée.

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2007
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2007

De la citoyenneté politique à la citoyenneté financière

Soumis par Anonyme le

Ce fondement religieux, qui n'a pas totalement disparu aujourd'hui, s'est arrimé, dans le contexte des Etats-Unis des années 70, à un fondement beaucoup plus large, davantage citoyen et politique, qui trouve son origine dans les bouleversements sociaux et culturels des années 60, en particulier les mouvements de lutte pour les droits civiques, les mouvements féministes, consuméristes, environnementalistes ou encore le mouvement de contestation contre la guerre au Vietnam. Ces préoccupations ont donné naissance à une véritable conscience publique au sujet des problèmes sociaux, environnementaux et économiques ainsi que de la responsabilité des entreprises à leur égard.

Cette évolution est parfaitement illustrée par une anecdote vécue, en 1967, par Luther Tyson et Jack Corbett qui travaillaient, à Washington, pour le Conseil de l'Eglise et la Société de l'Eglise méthodiste unie, sur des questions comme la paix, le logement et l'emploi. Tyson reçut une lettre d'une citoyenne de l'Ohio qui lui posait une question simple : "Existe-t-il un fonds commun de placement qui gère mon épargne-pension sans investir dans l'industrie militaire ?". Au terme d’une recherche bien menée, à sa plus grande surprise, Tyson dut faire l’amer constat qu’il n’existait pas de fonds répondant à cette exigence. Un an plus tard, retour de France où il s’était rendu en tant que membre d'une délégation surveillant les entretiens de paix de Paris qui ont permis de négocier la fin de la guerre du Vietnam, il décida qu'il était temps de créer des fonds qui répondent aux attentes de cette habitante de l'Ohio et de tous les autres investisseurs qui avaient les mêmes préoccupations qu’elle.1

C'est ainsi que Luther Tyson et Jack Corbett ont créé, en 1971, le Pax World Fund. Avec le Dreyfus Third Century Fund, créé l'année suivante, ce fut le premier fonds à proscrire l'énergie nucléaire et les contrats militaires de son portefeuille d’investissements. Ce fut aussi le premier fond à prendre en considération des critères sociaux dans sa gestion. Le Pax World Fund et le Third Century Fund marquent l’émergence de l’ISR au sein de la société civile et la prise en compte de critères extra-financiers, à caractère plus politique, dans la gestion financière. Cette tendance allait se confirmer avec le mouvement de lutte contre le régime de l'apartheid sévissant en Afrique du Sud.

Le boycott de l'Afrique du Sud de l'apartheid.

En 1973, la population noire d’Afrique du Sud a lancé, dans le cadre de sa lutte pour abolir l'apartheid, un appel à la communauté internationale afin qu'elle exerce diverses formes de boycott, de retrait d’investissement et de sanctions à l’égard du régime sud-africain.

Dès 1971, à l’initiative de l’un de ses nouveaux administrateurs — le Révérend Leon Sullivan, qui était le premier Noir américain nommé au conseil d’administration d’une multinationale —, une première résolution de vote, proposant la cessation des activités en Afrique du Sud, avait été soumise à l’assemblée générale de General Motors.

Parmi les nombreuses parties qui ont préparé le terrain pour que cesse l'apartheid en Afrique du Sud figure le mouvement de l'ISR, en particulier aux Etats-Unis. Ce mouvement débuta vers la fin des années 70, prit de l'ampleur tout au long des années 80 et eut pour effet que de nombreuses institutions retirèrent de leur portefeuille d'investissement les actions des sociétés qui ont continué à faire des affaires avec le régime raciste. Ce mouvement de désinvestissement a amplifié l'intérêt pour les fonds communs de placement investis de façon responsable.

La montée en puissance de cette campagne anti-apartheid s’est traduite par le départ de plus des deux tiers des entreprises américaines implantées en Afrique du Sud. Mais il aura fallu attendre 1993 pour que l’Assemblée générale de l’ONU lève finalement les sanctions économiques contre l’Afrique du Sud tout en maintenant l’embargo sur le pétrole et les armes, répondant ainsi à l’appel du président de Nelson Mandela, qui avait demandé la levée de ces sanctions, estimant que « le compte à rebours vers la démocratie » en Afrique du Sud avait commencé.

Cette victoire allait-elle mettre un terme à l'ISR fondé sur la défense des droits humains, voire à l'ISR tout court ? C'était en tout cas une opinion largement répandue à l'époque aux États-Unis. Il n'en a, pourtant, rien été puisque le rapport 1995 du Social Investment Forum (SIF) américain montrait notamment que 78 % environ des gestionnaires de fonds privés qui ont soutenu le démantèlement de la ségrégation en Afrique du Sud continuaient à gérer des portefeuilles ISR pour leurs clients deux ans après la fin de la campagne de désinvestissement.2

Par ailleurs, le mouvement anti-apartheid allait laisser d'autres traces tangibles en matière de responsabilité sociale des entreprises : en 1977, le Révérend Leon Sullivan édictait les « Sullivan Principles », code de conduite pour la promotion des droits de l’homme et de l’égalité des chances à destination des entreprises intervenant en Afrique du Sud. Vingt ans plus tard ils ont été révisés, élargis et rebaptisés Global Sullivan Principles for Corporate Responsibility, puis relancés par les Nations unies et un groupe de multinationales le 2 novembre 1999. Ils exigent des entreprises qu’elles contribuent à « promouvoir la justice économique, sociale et politique » là où elles opèrent.

En Belgique aussi, cette longue lutte de boycott et de désinvestissement des entreprises présentes en Afrique du Sud allait être à l'origine de réflexions et d'initiatives en matière d'éthique et de solidarité financière. C'est ainsi qu'à la fin des années 70 sont nées des initiatives d’épargne et de prêt de proximité, rapidement suivies de la création de structures comme Crédal et le Réseau Financement Alternatif et de leur homologues néerlandophones, Hefboom et Netwerk Vlaanderen.

La Birmanie est l'Afrique du Sud des années 90

On le voit, la préoccupation politique est désormais au coeur de la démarche d'investissement socialement responsable. Comment, en effet, concilier citoyenneté politique, fondée sur le vote démocratique, et citoyenneté financière, sinon en privant de financement les entreprises qui soutiennent directement ou indirectement des régimes non démocratiques?

C'est évidemment le cas de la Birmanie qui vit, depuis 1962, sous le joug d'une dictature militaire. En 1988, l'armée réprima violemment un mouvement de protestation contre la situation économique et politique en ouvrant le feu sur la foule qui protestait. La conséquence indirecte de ce mouvement fut qu'il permit la tenue d'élections en 1990. Elles virent la victoire de la NLD (National League for Democracy) dirigée par Aung San Suu Kyi mais elles furent annulées ensuite par la dictature militaire. Cela provoqua un scandale au niveau international. Suu Kyi reçut cette année-là le prix Sakharov et le prix Rafto puis le prix Nobel de la paix l’année suivante. Elle fut tour à tour emprisonnée, libérée puis assignée à résidence.

En 1993, lorsque l'Archevêque Desmond Tutu, qui avait reçu le Prix Nobel de la paix en 1984 pour son combat pacifiste contre le régime de l'apartheid, eut connaissance des brutalités commises par la junte contrôlant la Birmanie, il décrivit celle-ci comme « l'Afrique du Sud des années 90 ». Et de déclarer : « Il est temps aujourd'hui d'admettre que la politique de l'engagement constructif [avec le gouvernement militaire birman] est un échec (…). La pression internationale peut faire changer les choses. Ce furent des sanctions dures qui amenèrent finalement (…) l'aube d'une ère nouvelle dans mon pays. C'est là le langage qu'il convient de parler avec les tyrans, car c'est là, hélas, le seul qu'ils comprennent. »3

Aung San Suu Kyi elle-même lança divers appels en ce sens : « Je voudrais en appeler à ceux qui sont prêts à utiliser leurs talents pour promouvoir la liberté intellectuelle et les idéaux humanitaires, afin que, sur le principe, ils prennent position contre les entreprises qui font des affaires avec le régime militaire birman. Que votre liberté puisse servir la nôtre. »4

Ces appels ne sont pas restés sans réponse : des entreprises comme Pepsi, Levi's, Interbrew, Carlsberg, Heineken, Reebok, C&A, Hewlett-Packard, Ericsson, Adidas-Salomon, H&M, IKEA, Newmont ou British Petroleum ont choisi de se retirer de Birmanie. Mais il faut bien constater que d'autres multinationales, basées en Europe pour beaucoup, continuent à jouer un rôle clef dans l'appui à l'économie birmane qui finance la junte. Cinq des plus grands groupes bancaires présents en Belgique (Axa, DEXIA, Fortis, ING et KBC) investissent quant à eux massivement dans ces entreprises présentes en Birmanie, apportant ainsi un soutien financier (plus de 2,5 milliards $) à des entreprises qui soutiennent la junte militaire en place.5 Seule KBC a réagi en retirant, en avril 2006, TOTAL de ses fonds d'investissement éthiques.

26 communes belges se sont depuis lors émues de cette situation et ont voté une motion par laquelle elles nomment Aung San Suu Kyi citoyenne d’honneur de leur commune, interdisent tout investissement des finances communales ainsi que tout achat de produits d'entreprises actives en Birmanie et interpellent leurs banques pour qu’elles cessent d’investir dans les sociétés actives en Birmanie. 6

Le monde bancaire belge reste cependant sourd à ces appels et, par conséquent, les économies que chacun peut placer sur un compte d'épargne ou investir dans un fonds de placement continuent, au moins en partie, à soutenir les entreprises qui persistent à faire des affaires avec la junte birmane. A l'instar de la réaction citoyenne qui s'est développée en réaction au régime d'apartheid, la seule réponse possible est, ici aussi, de priver de financement les entreprises qui soutiennent directement ou indirectement la junte birmane en enjoignant aux banques d'arrêter immédiatement de financer ces entreprises avec nos dépôts. On le voit, la prise en compte de critères extra-financiers à caractère plus politique dans la gestion financière, initiée par Luther Tyson et Jack Corbett en 1971, reste plus que jamais d'une brûlante actualité et nécessité.

Bernard Bayot, avril 2007

2 Social Investment Forum, After South Africa, The State of Socially Responsible Investing in the United States, 1995

3 Desmond Tutu, Burma as South Africa, Far Eastern Economic Review, 16 septembre 1993

4 Le Monde, 10 décembre 1998

5 Netwerk Vlaanderen, Votre banque investit-elle en Birmanie?, février 2006, https://www.financite.be/gallery/documents/burma/mini-dossier-birma-fr-.pdf

6 Bruxelles-Ville, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Ixelles, Andenne, Remicourt, Rochefort, Mettet, Comblain-au-Pont, Dour, Alost, Schaerbeek, Huy, Gembloux, Zottegem, Nassogne, Gesves, Fléron, Anthisnes, Chaudfontaine, Baelen, Engis, Chastre, Nivelles, Dalhem, Watermael-Boitsfort, Gembloux

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L'histoire de l'investissement socialement responsable (ISR) remonte à plusieurs siècles. Les investisseurs religieux de confession juive, chrétienne et islamique ainsi que de nombreuses cultures indigènes ont longtemps mêlé argent et morale, prenant en considération les conséquences de leurs actions économiques et refusant les investissements qui entraient en contradiction avec leurs conviction profondes.

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2007
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Date d'édition
07/04/2007
Mois d'édition
Avril

Le crédit aux plus démunis profite aux mieux nantis !

Soumis par Anonyme le

Banco Compartamos

Banco Compartamos est une institution de microfinance mexicaine créée en 1990 grâce à des subventions variées. Le 20 avril dernier, elle a lancé une offre publique de vente de 30 % de son capital. Cette offre a été souscrite 13 fois, ce qui peut être considéré comme un succès important sur tout marché financier.1 La demande n’ayant pas pu être satisfaite, le prix des actions, a grimpé jusqu’à atteindre 22 % de hausse dès le premier jour d’échange. Les actions ont finalement été achetées par les gestionnaires de fonds internationaux habituels et d’autres investisseurs commerciaux. Le succès de cette offre est lié à divers facteurs : la croissance et la rentabilité exceptionnelles de Compartamos, une pénurie d’investissements mexicains sur les marchés émergeants, une valeur rare, une gestion solide de l’organisation et l’intérêt suscité par la microfinance. En ce qui concerne la rentabilité, Banco Compartamos génère des profits importants (rendement de 56 % sur les fonds propres) grâce aux taux d’intérêt élevés qu'elle pratique, qui dépassent 100 %, c'est-à-dire des taux intérêts qui sont considérablement supérieurs à ce dont la banque a besoin pour couvrir ses coûts.2

Selon Standard & Poor’s, l’une des trois principales société de notation financière, les plus de 15 milliards de dollars de microcrédits actuellement recensés sont dérisoires par rapport au potentiel, qui est, lui, de l’ordre de 150 milliards de dollars3. En septembre, Standard & Poor’s prévoit d'ailleurs de définir de nouvelles normes mondiales et devrait noter environ vingt organismes de microcrédits, mesure demandée par les fonds de pension et autres, pressés de toucher les rendements alléchants que peut offrir ce segment.

Un autre aspect de cet engouement est la titrisation des crédits, c'est-à-dire l'émission de titres représentant une société spécialement créée pour acheter le portefeuille de crédit d'un organisme prêteur. De cette manière, l’investisseur acquiert en quelque sorte une fraction du portefeuille de crédits, avec le rendement mais aussi les risques liés à celui-ci. En mai dernier, la banque d'investissement Morgan Stanley a ainsi titrisé des petits crédits accordés par une douzaine d’organismes à but lucratif – valeur totale : 108 millions de dollars – en un titre négociable rapportant jusqu’à 7,7 %. Et, annonce Standard & Poor’s, deux autres poids lourds de l’industrie devraient eux aussi se jeter à l’eau cette année, en offrant 500 millions de dollars au total en titres.

Les rendements sur fonds propres élevés qu'espèrent les investisseurs suscitent l’intérêt des grands noms du capital risque. En mars, la société Sequoia Capital, qui finance des entreprises comme Google et YouTube, s’est jetée sur une participation de 11,5 millions de dollars dans SKS Microfinance, basée à Hyderabad, en Inde. Depuis sa fondation en 1998, SKS a accordé des prêts à 731 000 Indiens, à des taux allant de 24 à 30 %.4

Crise des subprimes

La « crise des subprimes » que nous avons connue cet été a, quant à elle, été provoquée par un krach des prêts hypothécaires à risque aux Etats-Unis : les subprimes. Aux Etats-Unis, les banques et assurances classent leurs clients en non-primes, primes et subprimes selon les risques estimés de défaillance de l’emprunteur ; les subprimes étant les plus potentiellement défaillants. Les subprime mortgage sont donc des prêts hypothécaires censés permettre à de petits salariés, voire à des chômeurs, de devenir propriétaires. Ces crédits sont accordés par des institutions financières de moins en moins regardantes sur le profil de l’emprunteur. Ils ont un taux d’intérêt très élevé, de 4 à 5 points supérieur au taux normal (prime de risque), et variable en fonction de l’évolution des taux de la Réserve fédérale américaine. Leur remboursement se fait souvent suivant la règle du 2 28 : deux ans de remboursements très faibles, puis 28 ans à pleine charge. Les montages financiers permettent parfois de prêter jusqu’à 110 % de l’acquisition.

Ces prêts ont connu un grand succès lié au fait que le taux directeur de la Réserve fédérale américaine était très faible. Mais ce taux s'est mis à augmenter : il est passé de 1 % en 2004 à plus de 5 % en 2007. Une hausse des taux longs s'en est suivie, qui a entraîné une augmentation des montants de remboursement, et certains ménages ont commencé à ne plus pouvoir faire face à leurs dettes. Près de 1,2 million de prêts immobiliers ont fait défaut en 2006 aux Etats-Unis, soit une augmentation de 42 % par rapport à 2005, avec bien sûr pour conséquence immédiate et dramatique la mise en vente des logements.5

Par ailleurs, à partir de 2006, le marché immobilier américain est entré dans une crise, faisant baisser les prix des logements. Dans ce contexte, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur n'arrive plus à recouvrer la totalité de sa créance en revendant le bien immobilier. A la faillite personnelle des emprunteurs s'est donc ajoutée une série de graves difficultés financières pour les prêteurs et certains de leurs banquiers.

La combinaison des deux facteurs a conduit à une crise financière internationale. En effet, des titres représentatifs de ces subprimes se sont négociés sur le marché des prêts hypothécaires et la crise connue par les prêteurs s'est répercutée sur les marchés financiers dès que les créances douteuses ont été révélées par les organismes prêteurs.

Conclusions

Ces deux exemples, par ailleurs très différents, montrent deux choses : d'une part, l'activité de crédit peut générer des revenus très élevés grâce à des taux d'intérêt d'usuriers car les pauvres n'ont souvent pas d’autre solution et, d'autre part, les marchés de capitaux s’intéressent très sérieusement à ce marché des crédits aux pauvres, au moins pour spéculer sur la période durant laquelle ceux-ci sont encore en capacité de rembourser.

Car c'est là que se situe le problème. Aux Etats-Unis, au Mexique ou partout ailleurs dans le monde, les individus et ménages à revenus modestes n'accèdent pas au crédit classique, soit parce qu'il n'existe pas d'institution financière pour les servir, soit parce qu'ils ont un profil jugé trop risqué ou simplement insuffisamment évaluable. Pour eux, l'alternative se pose souvent en ces termes: ne pas bénéficier d'un crédit, alors qu'il s'avère parfois indispensable pour lancer ou soutenir une activité professionnelle ou tout simplement pour faire face à un aléa de la vie, soit accepter, quand cette faculté existe, des conditions à ce point exorbitantes qu'elles portent bien souvent en elles-mêmes les germes de la défaillance de l'emprunteur.

En d'autres termes, la fragilité – objective – dans laquelle se trouve l'emprunteur est exploitée de manière éhontée par des prêteurs sans scrupules qui, par les marges qu'ils entendent se réserver, renforcent encore cette fragilité, quand ils n'anéantissent tout simplement pas des existences. Selon les études de l'Institut français de Pondichéry, le microcrédit a entraîné en Inde des vagues de suicides chez les paysans.6

Sont ainsi posées à la fois les limites d'une finance fondée sur la maximisation du profit et la nécessité corrélative pour les institutions qui veulent fournir un crédit adapté aux populations précarisées de mobiliser l'épargne solidaire plutôt que de courir vers le marché des capitaux. Cette épargne solidaire, qui place le souci de cohésion sociale avant celui du rendement, est en effet la seule qui permette de répondre à des besoins réels de financement de personnes ou de groupes pour sortir de la précarité, de favoriser l’émergence d’activités nouvelles rencontrant des difficultés de financement auprès des banques classiques (environnement, éducation, action sociale, etc., particulièrement sur le plan local) et de faire la preuve que l’économie peut être utilisée de façon plus humaine et plus au service des hommes. Est enfin posée à l'épargnant la question de ses choix d'investisseur, y compris de ses choix par défaut – ou par cécité serait-il plus exact d'écrire – lorsqu'il se complaît dans l'ignorance dans laquelle le berce sa banque quant à l'utilisation des fonds qui lui sont confiés.

2 Richard Rosenberg, Réflexions de CGAP sur la première offre publique de vente de Compartamos : Une étude de cas sur les taux d’intérêts et les profits de la microfinance, CGAP/The World Bank, Washington, D.C.

3 Standard & Poor’s, Report Of The Microfinance Rating Methodology Working Group, 19 juin 2007.

4 Keith Epstein, avec Geri Smith à Mexico et Nandini Lakshman à Hyderabad, « Les grands de la finance jouent le microcrédit », Business Week, 13 juillet 2007

5 Michel Lasserre, Crise des crédits immobiliers "subprime" et turbulences financières mondialisées, http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=5368

6 Jean-Michel Servet, « Le microcrédit n'est pas un levier fort du développement », Libération, 21 mars 2007; Banquier aux pieds nus, Editions Odile Jacob, 2006.

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Les plus démunis, s'ils veulent accéder à du crédit doivent passer sous les fourches caudines de conditions de prêt - notamment de taux d'intérêt - abusives. Les mieux nantis, qui disposent du capital, en retirent des profits éhontés, quand ils ne spéculent pas froidement sur la probable période durant laquelle l'emprunteur restera en capacité de rembourser, pour revendre le crédit avant qu'il ne fasse dé- faillance. Cette description peut apparaître comme une mauvaise caricature. L'actualité récente, en particulier l'offre publique de vente de Banco Compartamos et la crise des subprime mortgage aux Etats-Unis, semble toutefois lui donner les traits d'une triste et inquiétante réalité.

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2007
Jour d'édition
24
Date d'édition
24/08/2007
Mois d'édition
Août

Comment améliorer les pratiques bancaires en matière environnementale ?

Soumis par Anonyme le

Activisme militant

Prenons deux bonnes pratiques aux États-Unis. Bank of America, tout d'abord, qui a pris l’engagement de comptabiliser puis de réduire de 7 % les émissions indirectes de gaz à effet de serre de son portefeuille d’investissement «énergie ». JP Morgan Chase, ensuite, qui a adopté en 2005 une politique qui demande à ses clients de mesurer et publier leurs émissions de gaz à effet de serre et d’adopter des plans de réduction de ces émissions. Ces attitudes positives ne sont pas le fruit du hasard, mais la conséquence immédiate et tangible de l'activisme particulièrement efficace d'un groupe californien de défense de l’environnement : Rainforest Action Network (RAN).

En 2000, celui-ci a demandé à Citigroup, la plus grande banque du monde, d’adopter une politique de prêt prenant en compte les critères environnementaux. La société a tout d’abord refusé et les activistes ont dénoncé l'attitude de la banque. Ainsi, par exemple, le 13novembre 2002, par le biais d’une annonce occupant une page entière du New York Times, RAN dénonçait le fait que Citigroup octroyait des prêts à des entreprises dont les activités ont d’importants impacts environnementaux comme la destruction de forêts fragiles, le déplacement de communautés locales ou l'accélération du réchauffement climatique. Citigroup était, entre autres, associée au projet péruvien d’exploitation du gisement gazeux de Camisea, à l’oléoduc équatorien Crudos Pesados, à la centrale électrique thaïlandaise Ratchaburi, au gisement pétrolifère Gobe, en Papouasie Nouvelle-Guinée, à la coupe d’anciens séquoias en Californie, au pipeline Tchad-Cameroun, etc.

RAN estimait qu'en sa qualité de plus grande banque du monde, Citigroup avait le pouvoir et la responsabilité de mettre en place de nouvelles normes environnementales pour les institutions financières. L'organisation écologique lui demandait en conséquence de mettre fin aux investissements destructeurs dans les combustibles fossiles et la déforestation et de privilégier le financement des énergies propres, renouvelables. Après plus de trois ans de protestations, Citigroup a finalement reconnu qu’il serait plus coûteux que profitable d’accorder des prêts à des industries polluantes, alors que leur refuser un prêt constituerait une bonne publicité, gratuite.

Une fois que Citigroup eut cédé, sa relation antagoniste avec RAN s’est transformée en une collaboration destinée à assurer le respect de ces nouveaux standards – un partenariat qui a apporté encore davantage de publicité gratuite à cette société. Pendant ce temps, RAN a tranquillement rédigé une lettre aux dirigeants de Bank of America, leur demandant d’adopter une politique similaire. Bank of America, ayant pu constater le désordre que des militants déterminés pouvaient causer en s’attachant aux portes des banques, a vite réalisé qu’il était préférable de rejoindre les rangs des banques écologiquement respectables. Après la capitulation de Bank of America, JP Morgan Chase est devenu la cible suivante et n’a pas tardé à suivre l’exemple de la concurrence.

Comme on le voit, même de grands groupes financiers, parmi les plus importants au monde, peuvent trembler et se soumettre aux exigences de militants écologistes déterminés. C'est en quelque sorte le combat de David contre Goliath au pays du réchauffement climatique – la fronde de David s'apparentant à un usage astucieux des médias. Cette forme d'activisme, classique, n'est pas la seule à laquelle le monde économique soit perméable.

Activisme actionnarial

La protection de l’environnement, traditionnellement perçue par les investisseurs comme un frein à la rentabilité, est désormais envisagée par les plus éclairés d'entre eux comme source de profit et de rentabilité. Et ils le font savoir au travers de l'activisme actionnarial : en exerçant leur droit de vote aux assemblées générales annuelles des entreprises cotées dont ils détiennent des parts, les actionnaires utilisent un levier puissant pour améliorer le comportement éthique, social et/ou environnemental des entreprises, en favorisant le dialogue avec les dirigeants, en exerçant des pressions, en soutenant une gestion responsable, en proposant et en soumettant au vote des assemblées générales annuelles des préoccupations sociétales. Quelques exemples.

Le géant pétrolier Exxon est depuis des années la bête noire d'un nombre grandissant d'actionnaires responsables et d'ONG luttant contre le changement climatique, qui l'accusent de négliger les impacts de ses activités sur le changement climatique, mais aussi de se livrer à un lobbying forcené auprès du gouvernement fédéral afin que les États-Unis n'approuvent pas le protocole de Kyoto. Un rapport publié par un groupe d'experts américains montre ainsi comment Exxon a organisé et financé une campagne de désinformation sur les changements climatiques en distribuant près de 16 millions de dollars entre 1998 et 2005 à un réseau composé d'une quarantaine de think tanks et de lobbyistes.

Face à cette politique de la direction d'Exxon, ses actionnaires, ou au moins certains d'entre eux, ne sont pas restés inactifs. Dès 2004, 8,8 % des votes en assemblée générale, représentant 475 millions d'actions, se sont déterminés en faveur d'un projet de la résolution qui demandait à Exxon :

  • d'expliquer sur quels fondements elle se basait pour proclamer qu'il existe « des zones inconnues dans la science climatique » ;
  • d'effectuer une comparaison entre les coûts prévisionnels d'une politique prenant en compte le changement climatique et ceux probables induits par une non-prise en compte ;
  • d'expliquer les différences marquantes entre la position de l'entreprise et celle du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC - Intergovernmental Panel on Climate Change/IPCC), le corpsd'experts chargé, à l'échelle internationale, de la recherche sur ce changement, et dont le troisième rapport d'évaluation, en 2001, démontrait clairement que le réchauffement climatique mondial observé au cours des cinquante dernières années était, pour sa majeure partie, dû à l'activité humaine ;
  • de dresser un état des recherches menées par l'entreprise pour justifier son point de vue minoritaire sur le changement climatique.

En 2005, ce projet de la résolution a été déposé à nouveau et a reçu cette fois 10,3 % de soutien, tandis qu'une autre résolution, demandant à la compagnie de présenter des plans sur la manière dont elle pense contribuer à réduire ses gaz à effet de serre dans les pays signataires du Protocole de Kyoto, a reçu 28,3 % de soutien, soit 1,5milliard d’actions d’une valeur sur le marché de 83,3 milliards de dollars. La résolution avait été présentée par le Centre multiconfessionnel pour la responsabilité des entreprises et soutenu par des investisseurs institutionnels des États-Unis et d’Europe, dont CALPERS, le Fonds de pension des employés de l’État de Californie, la Direction du Fonds de pension de la ville de Londres et un groupe-conseil mandataire fondé de pouvoir du nom de Institutional Shareholder Services.

En mai 2006, 17 fonds de pension américains, contrôlant 110 millions d'actions de l'entreprise, ont été reçus par la direction pour évoquer la stratégie du groupe sur ces questions. Par contre, le projet de résolution sur le changement climatique destinée à l'assemblée générale d'Exxon a été, en 2006, écarté par la Securities and Exchange Commission (SEC).

Même si leur action n'a encore produit que des résultats très limités, les actionnaires exercent – on le voit – une pression que la direction d'Exxon aura toujours davantage de difficulté à ignorer.

Ces actionnaires se rassemblent au sein d'organisations comme le Investor Network on Climate Risk (INCR), créé en novembre 2003, pour favoriser une meilleure compréhension auprès des investisseurs institutionnels des risques et des opportunités résultant du changement climatique. Actuellement, l' INCR rassemble plus de 50 membres gérant plus de 3 000 milliards de dollars. Citons également, avec un spectre plus large, le Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) composé de 275 investisseurs institutionnels religieux. L'ICCR et ses membres poussent les entreprises à adopter un comportement responsable sur les plans sociaux et environnementaux. Tous les ans, l'ICCR, au travers de ses membres, dépose plus de 200 résolutions d'actionnaires concernant les principales questions sociales et environnementales. On estime la valeur du portefeuille géré par les membres d'ICCR à 110 milliards de dollars. Enfin, le CERES est quant à lui un réseau nord-américain d'investisseurs, d'organismes de protection de l'environnement et autres des groupes d'intérêt public travaillant avec des entreprises et des investisseurs pour relever des défis de développement durable comme le changement climatique.

Autre exemple de l'intérêt croissant porté par les investisseurs à la protection de l’environnement : le « Carbon Disclosure Project » (CDP), qui regroupe investisseurs et assureurs déterminés à faire pression sur les entreprises pour qu’elles maîtrisent leur « risque carbone » au même titre que d’autres risques liés à la pollution. Les 280 investisseurs institutionnels qui participent au CDP – représentant plus de 41 000 milliards de dollars en gestion – demandent chaque année aux 500 plus grosses entreprises mondiales (celles qui composent l'indice FTSE 500) d’expliquer comment elles prennent en compte le réchauffement climatique dans leurs activités, au moyen d’un questionnaire abordant la production, l’innovation, les consommations d’énergie, etc.

Conclusions

Beaucoup de choses séparent sans doute les Robins des Bois de Rainforest Action Network des investisseurs institutionnels à col blanc qui se préoccupent de réchauffement climatique. À commencer par la motivation profonde sans doute : la défense de l’environnement pour les uns et la recherche de profit et de rentabilité pour les autres. Il n'empêche, les uns comme les autres sont alliés objectifs dans la lutte contre le réchauffement climatique. Et les uns comme les autres réussissent à infléchir la politique des plus grands groupes financiers en la matière.

Ils contribuent, avec des méthodes différentes, à remettre la finance au coeur de la vie et des préoccupations humaines. À n'en pas douter, le réchauffement climatique est de celles-ci. Ainsi l'argent et les flux financiers perdent cette posture désincarnée qui les caractérise si souvent, comme s'ils répondaient à quelque fatalité et non, tout simplement, au choix des habitants de cette bonne terre.

Ce constat à lui seul est réjouissant, même s'il faudra sûrement redoubler d'effort pour faire vaincre la lutte contre le réchauffement climatique et contre les investissements nuisibles à l'homme et à l'environnement.

 


Bernard Bayot, Les banques responsables du changement climatique ?, décembre 2007

Erik Assadourian, Le rôle des différentes parties prenantes, Evolution des sociétés de capitaux - 2ème partie, http://www.delaplanete.org/IMG/pdf/role.pdf

Union of Concerned Scientists, Smoke, Mirrors & Hot Air, How ExxonMobil Uses Big Tobacco’s Tactics to Manufacture Uncertainty on Climate Science, january 2007, http://www.ucsusa.org/assets/documents/global_warming/exxon_report.pdf

Nathalie Fessol, Bon résultat d'un projet de résolution d'actionnaires SR sur le changement climatique chez Exxon, 16 juin 2004, http://www.isr-info.com/library/fr/columns/A80Fn75EdT7WBNItzgu3.htm

Lisa Mastny, Les actionnaires d’ExxonMobil apportent un soutien sans précédent à une résolution concernant les changements climatiques, L’état de la planète Magazine, n°23 : septembre/octobre 2005, Renseignements environnementaux, http://www.delaplanete.org/Renseignements-environnementaux,228.html

Concerned That Exxon Mobil's Handling of Climate Change Lags Behind Other Competitors, U.S. Institutional Investors Seek Meeting with Exxon Board, http://www.incr.com/index.php?page=ia&nid=179

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Les pratiques bancaires en matière environnementale sont très variées. Comment expliquer ce tableau contrasté où l'on retrouve les meilleurs comme les pires exemples ? Ou comment et pourquoi le monde financier peut-il se défaire de mauvaises pratiques dans le domaine environnemental ? Deux acteurs qui y contribuent sont sans conteste : les ONG et les investisseurs.

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2007
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12/2007
Mois d'édition
Décembre

Réduire l'impôt pour favoriser l'épargne solidaire.

Soumis par Anonyme le

Introduction

Le 30 mars 2006, les sénateurs Sabine de BETHUNE, Jan STEVERLYNCK, Étienne SCHOUPPE, Lionel VANDENBERGHE et Christian BROTCORNE ont déposé une proposition de loi instaurant une réduction d'impôt pour les participations sous la forme d'actions dans des fonds de développement du microfinancement dans les pays en développement et fixant les conditions d'agrément en tant que fonds de développement. Une proposition reprenant le même texte a été déposée à nouveau le 1er octobre 2007 par les sénateurs Sabine de BETHUNE, Wouter BEKE, Étienne SCHOUPPE, Els SCHELFHOUT et Elke TINDEMANS.

Cette proposition de loi vise à élargir le financement des fonds de développement qui investissent dans des institutions de microfinancement dans le Sud, par le biais de prêts, de participations en capital ou de garanties. Le but est de développer ce type de financement au moyen d'un incitant à créer, en vue d'encourager les particuliers à investir dans les fonds de développement en question. L'incitant consiste à accorder une réduction d'impôt aux particuliers qui prennent des participations dans ces fonds de développement ou qui leur consentent des prêts.

Les incitants fiscaux existants

Les auteurs de la proposition se réfèrent à juste titre à des incitants similaires qui existent tant en Belgique qu'à l'étranger. Il est sans doute opportun de faire le point à ce propos.

En Belgique

Le Fonds Starters

La société Fonds Starters a pour objet de contribuer au financement des prêts réalisés par le Fonds de Participation en faveur de personnes physiques ou morales – y compris les demandeurs d'emploi inoccupés – désireuses de créer leur propre entreprise ou installées dans leur activité professionnelle depuis quatre ans au maximum.

Le Fonds de Participation a notamment développé à cet effet la Business Line "Microfinance" qui couvre les crédits octroyés aux demandeurs d'emploi et aux personnes n’ayant pas facilement accès au crédit bancaire classique pour le lancement de leur propre activité économique. Les partenaires du Fonds de participation dans cette Business Line sont des structures d'appui, reconnues et agréées par le Fonds, qui assurent un accompagnement professionnel aux bénéficiaires de ces crédits.

Dans ce cadre, trois produits sont développés par le Fonds de Participation :

  • le Prêt Lancement : il fournit aux demandeurs d'emploi inoccupés les moyens financiers afin de lancer leur propre affaire et un accompagnement professionnel est garanti pour la préparation de la demande de crédit, ainsi que pendant les 18 premiers mois de la phase de démarrage des activités;
  • le Plan Jeunes Indépendants pour les moins de 30 ans : les structures d'appui aux starters, financièrement soutenues par le Fonds de participation, offrent un accompagnement gratuit aux bénéficiaires pour une période de 3 à 6 mois, afin de les soutenir dans le lancement du projet;
  • le Prêt solidaire : créé par la Fondation Roi Baudouin, ce microcrédit peut être accordé à une personne qui, vu sa situation financière personnelle, ne peut avoir accès aux crédits bancaires ou d'investissement classiques.

 

Le Fonds de l'économie sociale et durable

Le Fonds de l'économie sociale et durable, constitué par la Société Fédérale d'Investissement conformément à la loi-programme du 8 avril 2003, a pour objet toute forme d’intervention, notamment des prises de participation ou prêts, au bénéfice d’activités relevant de l'économie sociale et durable. Au moins septante pour cent de ses moyens doivent être investis dans celle-ci.

Sont considérées comme relevant de l'économie sociale et durable les activités qui sont développées par une société commerciale ou par une association sans but lucratif et qui appliquent les principes de base suivants :

  • la primauté du travail sur le capital ;
  • une autonomie de gestion ;
  • une finalité de service aux membres et à la collectivité plutôt que le profit ;
  • un processus décisionnel démocratique ;
  • un développement durable respectueux de l'environnement.

 

L'incitant fiscal

Les deux Fonds décrits ci-dessus offrent le même avantage fiscal à l'épargnant.

En cas de souscription d'obligations nominatives à 60 mois, il est accordé aux personnes physiques une réduction d’impôt pour les sommes versées pendant la période imposable pour leur acquisition.

La réduction d'impôt est égale à 5 % des paiements réellement effectués (soit un avantage fiscal à peu près équivalent à 1 % par an) et ne peut excéder 210 euros (actuellement 270 euros avec l'indexation) par période imposable. Chaque conjoint a droit à la réduction si les obligations sont émises à son nom propre.

En France

En France, l'épargne solidaire est favorisée par trois mesures fiscales :

  • Les produits de partage solidaires bénéficient de la loi 2003-709 du 1er août 2003 sur le mécénat. Celle-ci porte la réduction d'impôt pour les particuliers à 60 % du montant des dons, avec effet rétroactif au 1er janvier 2003, dans la limite de 20 % du revenu imposable, et avec possibilité de report sur 5 ans en cas de dépassement du plafond ; pour les entreprises, la réduction d'impôt est de 60 % du montant des dons, dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires, avec possibilité de report sur les 5 exercices suivants en cas de dépassement du plafond ou d'exercice déficitaire.
  • L'épargne solidaire investie dans des actions non cotées bénéficie de la loi 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique qui porte la réduction d'impôt à 25 % de l’investissement réalisé, dans la limite annuelle de 20 000 euros pour un célibataire et de 40 000 euros pour un couple, avec effet rétroactif au 1er janvier 2003.
  • L'épargne solidaire investie dans le cadre de l'épargne salariale dans des fonds communs de placement d'entreprise solidaire (FCPES) est exonérée d'impôt sur le revenu. Cette exonération s’applique dans une limite annuelle pouvant atteindre 43 000 euros et calculée selon des modalités qui varient selon l’origine des sommes placées (participation, intéressement ou abondement) et les dispositifs servant de support.

L'épargne solidaire bénéficiaire de ces deux dernières mesures est celle qui est dirigée vers des entreprises solidaires au sens de l’article L.443-3-1 du Code du travail.

Aux Pays-Bas

Les fonds verts d'épargne et d'investissement ainsi que les fonds socio-éthiques d'investissement doivent investir ou prêter au moins 70 % de leur capital dans des projets respectivement verts ou socio-éthiques, agréés par les autorités pour une durée maximale de 10 ans.

Par projets verts, on entend par exemple :

  • projets naturels et paysagers ;
  • projets dans le domaine de l'agriculture biologique ;
  • projets relatifs à l'énergie renouvelable ;

     

  • projets dans le domaine de la construction durable ;

     

  • projets orientés vers la construction de pistes cyclables.

     

Par projets socio-éthiques, on entend des projets dans les pays en voie de développement, qui, d’une manière significative, visent la sécurité et l’amélioration alimentaires, le développement social et culturel, le développement économique, l’emploi et le développement régional. Les projets ne peuvent avoir d’effet négatif sur le cadre social et environnemental et doivent être réalisés avec la participation des populations locales et l’aide des connaissances locales.

Depuis janvier 1995, la réglementation sur les fonds verts contient un incitant fiscal prévu dans la loi relative aux impôts sur les revenus. Depuis janvier 2002, un incitant identique a été créé pour les fonds socio-éthiques. Les épargnants de ces fonds ne doivent pas payer l’impôt sur le revenu mobilier (1,2 %) et leur impôt sur les revenus est réduit de 1,3 % du montant investi dans les fonds verts et socio-éthiques, soit au total un rendement complémentaire de 2,5 % par rapport au rendement habituel.

Au Royaume-Uni

Le Finance Act 2002 a instauré un avantage fiscal, la « Community Investment Tax Relief » (CITR), qui vise à encourager l'investissement communautaire privé.

La CITR est une réduction d'impôt accordée aux citoyens à concurrence de 5 % du montant de leur investissement dans une Community Development Finance Institution (CDFI) agréée, et ce, chaque année pour une période de cinq ans.

Cette mesure, prise en faveur du développement local, vise à encourager les investissements privés dans les organisations, à but lucratif ou non, au sein des communautés défavorisées.

Pour être agréées, les CDFI doivent en effet avoir pour objectif principal de fournir (directement ou indirectement) des financements (prêts ou investissements), accompagnés ou non d’une activité de conseil, aux entreprises engagées dans les communautés défavorisées, c’est-à-dire :

  • les entreprises situées dans des secteurs défavorisés ainsi que ;
  • celles possédées ou dirigées par – ou conçues pour servir – des membres de groupes défavorisés.

La procédure d'agrément vise à garantir que seuls les investissements des particuliers dans des organisations qui travaillent effectivement à la promotion des entreprises au sein des communautés défavorisées donnent droit à cet avantage fiscal. Parmi les programmes que cette mesure vise à soutenir, figurent l’installation de nouveaux équipements, la rénovation de bâtiments, la création de nouveaux services, ou tout autre programme visant à revigorer les secteurs faibles et à créer un capital social et économique.

L'épargne solidaire

On le voit, les incitants fiscaux existants en Belgique et dans les pays voisins visent à favoriser certaines formes d'épargne solidaire, qu'elles soient conçues pour satisfaire les besoins de financement dans le Sud ou dans nos pays.

Ils s'inscrivent dans une démarche de soutien public à cette forme d'épargne qui intéresse des citoyens toujours plus nombreux. C'est dans cet esprit que Finansol (France), le Réseau Financement Alternatif (Belgique) et FEBEA (Fédération Européenne des banques Éthiques et Alternatives) se sont associés, fin 2005, pour mener, avec le soutien de la Commission européenne, un projet visant à favoriser le développement de la finance solidaire à une échelle internationale. D’autres institutions, qui financent l'économie sociale et solidaire, ont collaboré activement au projet et ont apporté leur expertise : Banca Popolare Etica (Italie), Bank für Sozialwirtschaft (Allemagne), Charity Bank (Royaume Uni), Colonya-Caixa Pollença (Espagne), Crédal (Belgique), Crédit Coopératif (France), Merkur Bank (Danemark).

Après une année de travail, ces organisations ont pu établir les bases pour :

  • un label européen des produits d'épargne solidaire qui permette de distinguer les produits d’épargne solidaire des produits d'épargne classique ;
  • des indicateurs européens qui favorisent une meilleure connaissance du secteur de l'épargne solidaire à l’échelle européenne. 

Ce label européen de l'épargne solidaire sera lancé durant le premier semestre 2008. Il consacrera toute forme d'épargne et d'investissement socialement responsable qui vise à favoriser la cohésion sociale par le financement, grâce à un mécanisme de solidarité, d’activités de l'économie sociale et solidaire, et ce, dans une transparence totale à l’égard des souscripteurs.

En ce sens, les produits d'épargne labellisés financent des projets et des entreprises qui présentent une valeur ajoutée pour l'homme, la culture et/ou l'environnement.

Discussion

La question essentielle que pose la proposition de loi est la suivante : pourquoi limiter l'incitant fiscal au financement des fonds de développement qui investissent dans des institutions de microfinancement dans le Sud ?

Le législateur a déjà prévu des incitants similaires pour des fonds publics qui, en Belgique, offrent du microcrédit ou financent l'économie sociale et durable. Des fonds de développement non publics qui, comme Crédal et Hefboom, ont une activité identique ne bénéficient pas, quant à eux, de ce soutien.

Dans leur mémorandum en vue des dernières élections fédérales, Netwerk Vlaanderen et le Réseau Financement Alternatif demandaient un avantage fiscal similaire à celui lié à l’investissement dans le Fonds de l’économie sociale et durable, à savoir une déduction de 5 % du capital souscrit avec un maximum de 250 euros pour :

  • les prises de participation dans les SCRL, sociétés à but social et produits financiers compatibles avec une économie solidaire (y compris les microcrédits) ;
  • les prêts et souscriptions à des obligations d'entreprises compatibles avec une économie solidaire (y compris les microcrédits) pour autant que la rémunération de ces produits (sept jours avant l’émission) ne dépasse pas le taux des obligations d'État sur cinq ans.

Plus récemment, dans leurs propositions pour le gouvernement fédéral communiquées en décembre 2007, l'ensemble des financiers solidaires, qu'ils destinent leurs fonds au Sud ou à l'économie sociale belge – à savoir Alterfin, Crédal, Incofin, Hefboom, Netwerk Rentevrij, Oikocredit-be, Trividend et, au nom du secteur, le Réseau Financement Alternatif, SAW-B et VOSEC (Vlaams Overleg Sociale Economie) – demandaient des conditions concurrentielles égales aux initiatives publiques. En particulier sur le plan fiscal, le stimulant fiscal qui existe pour le Fonds de l'économie sociale et durable devrait être reconnu, selon ces organisations, pour les coopératives qui se chargent du financement solidaire de l'économie sociale ou pour les entreprises à finalité sociale et écologique.

La présente proposition de loi, si on élargissait sa portée, offrirait ainsi une double opportunité :

  • s'appliquer à toute l'épargne solidaire, qu'elle finance des institutions de microfinancement dans le Sud ou le microcrédit et l'économie sociale en Belgique;
  • mettre un terme à cette inégalité de traitement injustifiée entre le Fonds de l’économie sociale et durable ou le Fonds Starter et les fonds de développement non publics actifs en Belgique.

 


3-1649/1

S. 4-221

Art. 2. § 1er de l'arrêté royal du 16 mai 2003 déterminant les modalités de création de la filiale de financement du Fonds de Participation dénommée « Fonds Starters » visée à l'article 74, § 4, de la loi du 28 juillet 1992 portant des dispositions fiscales et financières, MB 12 juin 2003.

Articles 90 et s., M.B. 17 avril 2003, pages 19.436 et s. ; voir aussi l’arrêté royal du 3 mai 2003 portant exécution du chapitre 11 du titre IV de la loi-programme du 8 avril 2003 portant création du " Fonds de l'Économie sociale et durable ", M.B. 9 mai 2003, 2e éd., pages 25.328 et s.

Loi du 26 juin 2001 approuvant l'accord de coopération du 4 juillet 2000 entre l'État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne, la Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté germanophone relatif à l'économie sociale, M.B., 28 août 2001, 1e éd., p. 28.684.

Netwerk Vlaanderen, Réseau Financement Alternatif, Le rôle des pouvoirs publics en matière d'investissement socialement responsable, mai 2007, http://rfa.be/files/04fr.pdf

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Il est question de créer des incitants pour les investissements en faveur du microcrédit dans le Sud. Et si on élargissait cette mesure à toute l'épargne solidaire ?

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2007
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12/2007
Mois d'édition
Décembre

Épargne-pension éthique

Soumis par Anonyme le

Selon le Conseil des ministres, la responsabilité sociétale des entreprises est un processus d'amélioration dans le cadre duquel les entreprises intègrent de manière volontaire, systématique et cohérente, des considérations d'ordre social, environnemental et économique dans leur gestion, et ce, en concertation avec les parties prenantes ou avec les intéressés. Au travers du plan d'action qu'il vient d'adopter, le Conseil des ministres entend stimuler cette responsabilité sociétale des entreprises.

Un des moyens retenus est de favoriser les placements et investissements éthiques en Belgique, au travers d'une réduction fiscale accrue de l'épargne- pension fiscale. Celle-ci fait partie, avec l'assurance vie individuelle assortie d'un avantage fiscal, du troisième pilier des pensions, qui s'adresse à tous les contribuables quel que soit leur statut social. Les salariés et les indépendants peuvent donc accéder à celui-ci et combiner ces formules avec les autres systèmes du second pilier (entre autres les assurances de groupe). L'épargne- pension fiscale se décline en deux versions : le compte épargne pension souscrit auprès d'une banque ou d'une société de Bourse et l'assurance épargne-pension conclue auprès d'une compagnie d'assurance.

L'article 1458, alinéa 2 du Code des impôts sur les revenus 1992 stipule que le montant pris en considération pour la réduction pour épargne-pension est limité à 500 € par période imposable mais que ce montant peut être porté à un maximum de 1.000 € par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres. Le Conseil des Ministres du 26 octobre 2005 a approuvé un projet d'arrêté royal qui augmente de 25 % le montant maximum de la réduction d'impôt et qui porte donc le montant de 500 € à 625 € (780 € montant indexé) à partir de l'exercice d'imposition 2006. L'avantage fiscal effectif varie entre 30 et 40% des primes payées (majoré de l'impôt communal épargné).

Concrètement, le projet de Madame Els Van Weert signifie que ceux qui choisiront en faveur d'une épargne-pension éthique pourront investir un montant plus important de manière fiscalement avantageuse. Cet avantage vaudra tant pour les comptes d'épargne collectifs et individuels que pour l'assurance épargne. Cette décision sera encore mise en oeuvre sous cette législature, selon Madame Els Van Weert.

Si l'on ne peut que souscrire à l'objectif poursuivi – favoriser la responsabilité sociétale des entreprises – encore faut-il s'interroger à la fois sur le contenu de cette responsabilité et sur les moyens envisagés pour la stimuler.

Avantage fiscal

Le gouvernement n'a pas encore décidé, semble-t-il, si l'avantage fiscal qu'il entend réserver à l'épargne-pension éthique va être accordé en plus du montant de 625 € reconnu à toute forme d'épargne-pension ou si tout ou partie de l'avantage existant va être subordonné à la preuve d'un investissement éthique. En d'autres termes, il reste à préciser si on va augmenter l'avantage fiscal existant ou le maintenir dans l'enveloppe actuelle mais le conditionner à des critères d'investissement socialement responsable (ISR).

Seule cette deuxième formule paraît défendable. Selon la Secrétaire d'Etat Els Van Weert elle-même, « de plus en plus d'études montrent qu'à long terme, les portefeuilles ISR sont aussi rentables que d'autres et qu'ils présentent moins de risques. D'autre part, il ressort de ces études que les placements ISR sont moins volatiles et moins sensibles aux mouvements cycliques ». Pourquoi dès lors offrir un avantage fiscal supplémentaire aux heureux investisseurs qui auront combiné pertinence sociétale et économique?

La vraie question est au contraire de savoir si l'Etat doit favoriser fiscalement l'investissement dans des entreprises qui n'assument pas leur responsabilité sociétale. Poser la question, c'est y répondre !

Faire une différenciation fiscale au sein de l'épargne-pension, selon qu'elle soit éthique ou pas, est certainement justifié au regard du souci du gouvernement de favoriser la responsabilité sociétale des entreprises, mais elle doit se comprendre plutôt en termes de condition mise à l'obtention de l'avantage existant qu'en termes d'avantage supplémentaire.

Épargne-pension éthique ?

Pour qu'un avantage fiscal soit accordé à l'épargne-pension éthique, encore convient-il préalablement de définir ce que l'on entend par là et donc les critères objectifs et transparents permettant de distinguer l'épargne-pension éthique de l'épargne-pension ordinaire. Derrière cet enjeu fiscal se cache donc un enjeu bien plus important : la normalisation publique de l'investissement socialement responsable.

Depuis les années 70, c’était la société civile qui définissait les frontières de l’épargne éthique. Au début des années 2000, les banques ont progressivement pris le relais. Il semble donc que l'on s'engage à présent dans un processus de définition publique. On ne peut que s'en réjouir, vu la difficulté grandissante de s’y retrouver entre des fonds qui se revendiquent de l'ISR mais qui utilisent critères et méthodologies disparates. Il est d'ailleurs permis de s’interroger sur la légitimité des gestionnaires de fonds à choisir seuls de tels critères. Au nom de quoi ceux-ci devraient-ils échapper au débat citoyen ? La responsabilité sociale, s’il s’agit d’un sujet et d’un enjeu fondamental de la gestion entrepreneuriale et de la finance, est aussi un thème qui nous concerne tous et il nous paraît que le milieu financier doit accepter de partager cette compétence.

Si, à ce stade, ni le Réseau Financement Alternatif, ni son homologue flamand Netwerk Vlaanderen, n'ont été consultés sur cette initiative gouvernementale, il paraît assez inconcevable qu'en qualité de porte-paroles de la société civile sur les questions de finance éthique et solidaire, ils ne soient pas étroitement associés aux travaux de définition de l'épargne-pension éthique.

Ils seront en tous cas attentifs à ce que les normes publiques à venir soient de qualité, et non un pis-aller de bonne conscience.

Parmi les produits éthiques à rendre éligibles pour l'épargne-pension éthique figurent en première place ceux de l'épargne solidaire – et ce n'est certainement pas Madame Van Weert, en charge par ailleurs de l'économie sociale qui nous contredira. Ceux-ci visent à favoriser la cohésion sociale par le financement, grâce à la solidarité, d’activités de l’économie sociale et investissent en conséquence dans les entreprises qui font de la responsabilité sociale, non l’appendice d’une activité lucrative, mais l’essence même de leur engagement.

Ces produits financiers, non seulement éthiques mais aussi solidaires, visent soit à répondre à des besoins réels de financement de personnes ou de groupes pour sortir de la précarité, soit à favoriser l’émergence d’activités nouvelles rencontrant des difficultés de financement auprès des banques classiques (l’environnement, l’éducation, l’action sociale, etc., particulièrement sur le plan local), soit à faire la preuve que l’économie peut être utilisée de façon plus humaine et plus au service des hommes.

S'il existe un type de produit éthique pour lequel un avantage fiscal se justifie plus que pour un autre, c'est bien pour l'épargne solidaire. Certes, une réduction d’impôt est accordée en cas de souscription d’obligations émises par le Fonds de l'économie sociale et durable, mais, par contre, les particuliers qui utilisent les outils traditionnels de financement de l'économie sociale et durable, comme la coopérative Crédal par exemple, ne se voient pas accorder un avantage fiscal similaire.

Il serait donc paradoxal qu'un avantage fiscal soit accordé pour des investissements éthiques et pas pour des investissements non seulement éthiques mais aussi solidaires et, à ce titre, offrant souvent une rentabilité moindre. En France, par exemple, un avantage fiscal est reconnu pour ceux qui investissent directement au capital d'entreprises solidaires, dans le capital d'institutions financières solidaires agréées ou encore dans des fonds communs de placements d'entreprises solidaires (FCPES) dont 5 à 10 % sont affectés à des entreprises solidaires, y compris des sociétés de capital risque ou de finance solidaire. Un exemple qui est certainement à méditer, à l'heure où une définition européenne de l'épargne solidaire a pu être dégagée avec l'appui de la Commission européenne.

 


Arrêté royal du 10 novembre 2005 modifiant l'AR/CIR 92 en ce qui concerne l'épargne-pension, M.B. 18 novembre 2005.

Communiqué de presse, L'épargne-pension devient plus avantageuse pour ceux qui choisissent les placements éthiques, 21 décembre 2006, http://www.elsvanweert.be/default.aspx?ref=AAACAU&lang=FR

Bernard Bayot, « L’éthique privatisée ? », in Les placements éthiques et solidaires, édition Belgique, Alternatives Économiques, 2006.

http://www.fineurosol.org

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Le 21 décembre dernier, le Conseil des Ministres a marqué son accord sur un plan d'action qui, dans le cadre des compétences fédérales, a pour objectif de stimuler la responsabilité sociétale des entreprises. Ce plan fait partie du plan fédéral de développement durable 2004-2008 qui vise notamment à favoriser la responsabilité sociétale des entreprises et les placements et investissements éthiques en Belgique. Selon un communiqué de presse de Madame Els Van Weert, Secrétaire d'Etat au développement durable, le Conseil des ministres a notamment approuvé, dans le cadre de ce plan, sa proposition visant à rendre l'épargne-pension plus avantageuse pour les placements éthiques par le biais d'une déduction fiscale différenciée.

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Année d'édition
2007
Jour d'édition
20
Date d'édition
20/01/2007
Mois d'édition
Janvier

Une économie porteuse de progrès : rêve ou réalité?

Soumis par Anonyme le

L'économie n'est pas une fatalité dictée par une loi naturelle qui nous laisserait sans pouvoir. Même si l’on n'en mesure sans doute pas encore suffisamment la portée, le moindre succès des syndicats et ONG, ces dernières années, n'a pas été de démonter la pensée unique et de démontrer que l'économie n'est pas seulement celle décrite par le dogme libéral, mais qu'elle peut développer des formes et des contenus divers.

En 1944 déjà, dans La Grande Transformation, Karl Polanyi développait le concept d’économie plurielle qui renvoie à une lecture tripolaire de l’économie fondée sur trois grands principes de comportement économique que l’on retrouve dans toute société :

  • le principe de marché (rencontre entre l’offre et la demande de biens, en vue de réalisations d’échanges et sur une base de contrat, à des fins d’intérêt financier) ;
  • le principe de redistribution (présence d’une autorité centrale qui a la responsabilité de répartir la production en fonction de mécanismes de prélèvement et d’affectation) ;
  • le principe de réciprocité (prestations entre individus en vue de créer ou manifester un certain lien social entre eux).

Dans cette économie plurielle, chacune des formes que prend l'économie a vocation à rencontrer des besoins spécifiques et les pouvoirs publics ont, à cet égard, un rôle essentiel à jouer : en qualité de régulateur de l'économie de marché, visant, par exemple, à ce que la recherche de profit ne se construise pas sur un cimetière social ou environnemental, ou encore en qualité de garant d’une économie publique efficace en termes économiques et sociaux et, enfin, en qualité de soutien à l’économie sociale et solidaire.

Le citoyen, comme les pouvoirs publics, porte une responsabilité fondamentale par rapport à l'économie, sauf à verser dans la cécité ou la lâcheté. Il exprime ses choix de société dans l’isoloir mais aussi dans son supermarché. Acheter un vêtement sans vérifier s'il a été produit par un enfant ou dans une entreprise violant les droits fondamentaux des travailleurs est aussi grave que de voter en tirant au sort la liste à laquelle on offre son suffrage, sans savoir si celle-ci défend des valeurs démocratiques et, notamment, les droits sociaux fondamentaux.

Exerçant ses choix au supermarché, le consommateur politique venge l’État : de même que le capital transnational sape le pouvoir des États, le consommateur politique sape le pouvoir du capital transnational en décidant de ne pas acheter tel produit, mais plutôt tel autre. Ces contre-pouvoirs s’expriment à travers les organisations non gouvernementales, les mouvements de défense de la société civile globale et l’opinion publique mondiale, qui forment des réseaux transnationaux d’acteurs. Ceux-ci s’adressent aux États et de la sorte suscitent des coalitions d’États pour des objectifs tels que le respect des droits de l’homme.

De la même manière, lorsque le citoyen pénètre dans son agence bancaire et place 1 000 € sur son compte d'épargne. Cet argent ne dort pas, il est utilisé par l'institution financière mais dans une totale discrétion, pour ne pas dire dans le secret le plus absolu. L'épargnant ignore ce que deviennent ses 1 000 €. Si, par exemple, ils sont investis ou prêtés à une entreprise qui déploie ses activités et est le soutien indispensable d'une dictature féroce ou s'ils vont permettre de financer une activité qui détruit notre environnement.

L'argent, la finance, sont des outils indispensables aux échanges économiques, à tout le moins ils les facilitent. Mais si l'on n'y prend pas garde et si elle n'est pas correctement régulée, la finance dépasse ce rôle instrumental pour devenir une fin en soi. De grands hérauts du libéralisme ont, plus souvent qu'à leur tour, fustigé les dégâts que peut provoquer sur l'économie la recherche de rentabilité financière à court terme. L'activité financière, du statut d'outil de l'économie, passe au premier plan, se suffisant à elle-même, souvent pour détruire l'activité économique qui l'a fondée.

Au-delà de ce constat sur les tendances autodestructrices d'une certaine financiarisation, la responsabilité citoyenne et publique consiste à veiller à ce que l'objectif de profit de l'économie de marché ne se fasse pas au détriment des droits sociaux et de l'environnement. C'est ce que les Anglo-Saxons appellent le triple bottom line: "People, Planet, Profit". Ces trois objectifs, qui sont ceux du développement durable, méritent une attention aussi soutenue les uns que les autres. S'agissant de la finance, l'objectif est de veiller à ce que l'épargne n'irrigue que les entreprises qui s'insèrent dans cette logique de développement durable.

Au sein de cette finance, appelée « éthique » ou « socialement responsable », existe un noyau dur, l' « épargne solidaire ». Celle-ci vise à favoriser la cohésion sociale par le financement, grâce à la solidarité, d’activités de l’économie sociale et investit en conséquence dans les entreprises qui font de la responsabilité sociale, non l’appendice d’une activité lucrative, mais l’essence même de leur engagement. Ces produits financiers, non seulement éthiques mais aussi solidaires, visent soit à répondre à des besoins réels de financement de personnes ou de groupes pour sortir de la précarité, soit à favoriser l’émergence d’activités nouvelles rencontrant des difficultés de financement auprès des banques classiques (l’environnement, l’éducation, l’action sociale, etc., particulièrement sur le plan local), soit à faire la preuve que l’économie peut être utilisée de façon plus humaine et plus au service des hommes.

Engagement citoyen et public pour la finance éthique et solidaire, des enjeux prioritaires méritent d'être soutenus, à la veille des élections législatives.

Label et indicateurs européens de l’épargne solidaire

Les finances solidaires s’intensifient dans de nombreux pays européens. Afin de favoriser une évolution commune à l’échelle européenne et d’asseoir ainsi la notoriété de ces finances solidaires, il était important de créer une dynamique européenne du secteur. C’est désormais chose faite. Febea, Finansol et le Réseau Financement Alternatif ont entrepris, dès fin 2005, de codiriger une étude intitulée « Fineurosol » en vue d’analyser et définir les cadres de la finance solidaire en Europe. Au total, 7 pays se sont associés au projet « Fineurosol » : Allemagne, Angleterre, Belgique, Danemark, Espagne, France et Italie. L’étude a, dès l’origine, reçu le soutien financier de la Commission Européenne.

L’année 2006, aura ainsi permis d’établir pour la première fois :

  • un état des lieux de la finance solidaire dans 7 pays de l’Union européenne ;
  • le nouveau label international qui distingue les produits d’épargne solidaire ;
  • les indicateurs de l’épargne solidaire mis en place pour quantifier et qualifier le secteur de la finance solidaire à l’échelle européenne.

Proposition

Soutenir la mise en oeuvre, en Belgique, du nouveau label européen qui distingue les produits d’épargne solidaire et assurer la collecte des données nationales relatives aux indicateurs de l’épargne solidaire définis au niveau européen.

Statut juridique des financiers alternatifs

Certains organismes offrent aux collectivités et aux particuliers cette forme d'épargne alternative que constitue l’épargne solidaire – dont le rendement n'est pas d'abord financier, mais avant tout social et humain – et offrent du crédit à des projets sociaux qui n'ont pas accès au crédit bancaire ainsi qu’à des initiatives touchant les plus démunis, les exclus, belges ou étrangers.

Le Réseau Financement Alternatif mène actuellement pour le compte de la Fondation Roi Baudouin une étude qui a pour objectif d’émettre des recommandations et des propositions relatives au régime juridique applicable à ces « financiers alternatifs ». Une demande émise par ceux-ci consiste à leur permettre de développer une activité de type bancaire dans un contexte réglementaire mieux adapté à leurs caractéristiques spécifiques.

Proposition

Créer un statut particulier, limité à certaines activités bancaires mais autorisant l'appel public à l'épargne, pour les structures de crédit de l'économie sociale et durable.

Nouvelle catégorie d’OPC

Les entreprises qui font de la responsabilité sociale, non l’appendice d’une activité lucrative, mais l’essence même de leur engagement offrent souvent une rentabilité moindre, qui handicape leur financement et justifie que des mesures spécifiques soient prises afin d'assurer celui-ci. Il en va de même des Instituts de microfinance qui développent leurs activités dans les pays en développement.

Une mesure consiste à créer un véhicule financier qui favorise les prises de participation dans ces secteurs.

Proposition

Elaborer une nouvelle catégorie d’OPC qui soit un véhicule financier spécifique à l'économie sociale et durable et au microcrédit, assorti d’incitants fiscaux.

Incitants fiscaux

En cas de souscription d’obligations nominatives à 60 mois émises par le Fonds de l’Economie sociale et durable, il est accordé aux personnes physiques une réduction d’impôt pour les sommes versées pendant la période imposable pour leur acquisition. La réduction d’impôt est égale à 5 % des paiements réellement effectués (soit un avantage fiscal équivalent à 1 % par an) et ne peut excéder 210 euros (actuellement 250 euros avec l'indexation) par période imposable. Chaque conjoint a droit à la réduction si les obligations sont émises à son nom propre. Il paraît justifié d’accorder le même avantage fiscal aux particuliers qui utilisent les outils traditionnels de financement de l'économie sociale et durable ou un nouveau véhicule financier spécifique à l'économie sociale et durable et au microcrédit.

Une autre mesure fiscale incitative pourrait consister en une réduction du précompte mobilier de 15 à 10 % sur les instruments financiers qui investissent au moins 5 % de leurs actifs dans l'économie sociale et durable

Proposition

Accorder une réduction d’impôt égale à 5 % des paiements réellement effectués et au maximum 210 euros par période imposable pour toute souscription de :

  • prises de participation directes dans les entreprises relevant de l'économie sociale et durable à la condition qu'elles soient constituées sous la forme d'une société à finalité sociale ou d'une société coopérative agréée par le Conseil national de la coopération ;
  • obligations émises par les sociétés commerciales et associations sans but lucratif considérées comme relevant de l'économie sociale et durable, à la condition qu'elles ne soient pas rémunérées par un intérêt supérieur au taux des obligations linéaires (OLO) à cinq ans publié sept jours avant la date d’émission ;
  • emprunts accordés à ces mêmes sociétés commerciales et associations sans but lucratif, à la condition qu'ils ne soient pas rémunérés par un intérêt supérieur au taux des obligations linéaires (OLO) à cinq ans publié sept jours avant la date d’émission ;
  • participations dans un produit financier spécifique à l'économie sociale et durable et au microcrédit.
  • accorder une réduction du précompte mobilier de 15 à 10 % sur les instruments financiers qui investissent au moins 5 % de leurs actifs dans l'économie sociale et durable.

 


Karl Polanyi, La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, Paris, 1994.

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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Pour paraphraser Charles Forbes, comte de Montalembert, vous avez beau ne pas vous occuper d'économie, l'économie s'occupe de vous tout de même.

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2007
Jour d'édition
31
Date d'édition
31/01/2007
Mois d'édition
Janvier

Le profit peut nuire gravement à votre économie !

Soumis par Anonyme le

Cette croissance financière est construite sur l’écrasement des coûts salariaux et des dépenses sociales. Dans tous les pays européens, la part des revenus du travail dans le PIB a diminué significativement depuis le début des années 80. 1 A l’exception de la Belgique, le niveau actuel de la part des revenus du travail dans le PIB est inférieur à celui du début des années 60. Cette évolution négative résulte notamment d’une progression des salaires inférieure à celle de la productivité. Même un pays comme l’Irlande qui connaît un taux de croissance économique soutenu depuis plus de dix ans a vu la part de la rémunération du travail chuter et la plus forte diminution du salaire réel. Si on se limite à la rémunération des salariés, c'est-à-dire sans prendre en compte les revenus du travail des indépendants et professions libérales, la part de la rémunération des salariés dans le PIB belge a fortement chuté depuis 1981, passant de 57 % à 51 %.2

La pression induite par cette exigence financière ne pèse pas uniquement sur le monde du travail mais sur toute l'économie réelle. En effet, les taux de rentabilité exigés ont pour conséquence que le capital est sans cesse poussé à rechercher sa valorisation dans des activités financières supplémentaires. Celles-ci sont souvent désincarnées, externes à la sphère productive. C'est ainsi que désormais, dans les transactions interbancaires de la planète, là où se nouent tous les règlements monétaires, le volume des transactions consacrées à l'économie réelle (biens et services produits pendant une année, par exemple l'année 2005) est absurdement faible, puisque celui-ci représente moins de 2,2 % de la totalité des échanges monétaires. Par contre, les transactions sur produits dérivés, toutes catégories confondues, qui représentaient moins de 1 T$ (soit mille milliards de dollars) au début des années 1980 se montent vingt-cinq ans plus tard à 1,406 T$ (soit 1 million quatre cent six mille milliards de dollars !). 3

Cette évolution nourrit un cercle vicieux redoutable! Le profit escompté étant proportionnel au risque couru, l'appétit aiguisé par la perspective de retours sur investissement à deux chiffres a légitimé des aventures comme celle des subprimes. Celle-ci a montré deux choses: d'une part, l'activité de crédit aux plus défavorisés peut générer des revenus très élevés grâce à des taux d'intérêt d'usuriers car les pauvres n'ont souvent pas d’autre solution et, d'autre part, les marchés de capitaux s’intéressent très sérieusement à ce marché des crédits aux pauvres, au moins pour spéculer sur la période durant laquelle ceux-ci sont encore en capacité de rembourser.4 Le résultat a été catastrophique tant pour les principaux intéressés – on estime à 3 millions le nombre de saisies immobilières prévues cette année aux États-Unis – que pour les institutions financières et l'économie en général. Toute l’activité économique, tous les bilans des grands groupes s’en trouvent gangrenés.

Si la finance s'est largement émancipée de l'économie pour tourner sur elle-même et créer des bulles spéculatives, les conséquences de celles-ci sont quant à elles bien palpables dans l'économie réelle ! Les États-Unis sont au plus mal et l'Europe inquiète de plus en plus. La crise bancaire a atteint le Vieux Continent, les déficits budgétaires dérapent et les indices d'entrée en récession se multiplient. II est temps que les gouvernements se concertent et réintroduisent des règles, des contrôles, donc de la transparence et de la stabilité. Il convient en outre que les pouvoirs publics favorisent d'autres modèles financiers plus proches de l'économie réelle, qui prennent en considération le temps, les impacts et la juste rémunération.

Le temps, les impacts et la juste rémunération

La recherche effrénée de profit est souvent synonyme d'opérations spéculatives à (très) court terme, souvent incompatibles avec le développement économique. S'il est évident que des mouvements à court terme sont nécessaires pour répondre notamment aux nécessités de trésorerie, ils ne peuvent se justifier pour des investissements qui demandent du temps pour sortir leurs effets. Il faut donc remettre à l'honneur ce que les anglo-saxons appellent le capital patient, c'est-à-dire un capital qui ne peut être remboursé avant un long terme, par exemple 15 ans, et qui permet de soutenir les opérations des entreprises et d’appuyer des investissements immobiliers pour le développement de nouvelles activités.

Une finance proche de l'activité économique prend en considération la durée nécessaire au développement de celle-ci mais aussi les conséquences de celle-ci au point de vue social et environnemental. C'est ce qu'il est convenu d'appeler l'Investissement Socialement Responsable (ISR) qui consiste à ouvrir les yeux sur les impacts sociaux et environnementaux de l'activité économique dans laquelle on envisage d'investir et d'intégrer, aux côtés de l'analyse financière, l'évaluation que l'on peut porter sur ces impacts dans ses choix d'épargne ou d'investissement. Cette approche permet, mieux que d'autres, de construire des portefeuilles solides, sur des thématiques d'avenir qui conservent leur validité à long terme, à distance des remous provoqués par les comportements irresponsables de certains acteurs de la sphère financière.5 Une norme légale minimale qui permette de qualifier un investissement de socialement responsable doit permettre le développement de l'ISR.

Plus fondamentalement, nous devons inverser la logique de la ponction démesurée du profit par l'actionnaire au détriment de l'activité économique et privilégier les modèles économiques qui imposent des limites à la course au profit. Il faut que la plus-value réalisée grâce à l'activité économique d'une entreprise soit modérément distribuée pour rémunérer le capital et davantage réinvestie dans l'entreprise elle-même. C'est ce que nous pourrions appeler la modération actionariale qui est d'application dans les sociétés à finalité sociale et les coopératives agréées par le Conseil National de la Coopération (CNC). Les conditions de cette agrément reprennent en effet les cinq grands principes de la coopération : l'adhésion volontaire, le principe d'égalité ou la limitation du droit de vote aux assemblées générales, la désignation des administrateurs par l'assemblée générale, un dividende modéré servi aux parts sociales (actuellement  6 % net) et une ristourne aux associés.6

On le voit, des modèles financiers responsables et solidaires existent, qui soutiennent l'économie réelle et l'intérêt général, au lieu de les détruire. Les favoriser passe par une action publique déterminée qui incite les détenteurs de capitaux à les utiliser davantage qu'ils ne le font aujourd'hui.

Bernard Bayot

 

1 Direction Générale de l’Emploi et des Affaires sociales de la Commission européenne, L'Emploi en Europe 2007, COM(2007) 733 final, 23.10.2007.

2 Robert Plasman , Michael Rusinek, François Rycx et, Ilan Tojerow, La structure des salaires en Belgique, document de travail, N°08-01.RR, Dulbea, février 2008.

3 Lionel Jospin et François Morin, Faire face à la déraison financière, Le Monde, 5 septembre 2008.

4 Bernard Bayot, Le crédit aux plus démunis profite aux mieux nantis !, 24 août 2007, https://www.financite.be/ma-documentation/mes-articles/le-credit-aux-plu....

5 Lire à ce propos l'interview de Bertrand Fournier, Président du Directoire de Sarasin Asset Management (France), http://www.cfo-news.com/Bertrand-Fournier-de-Sarasin-AM-nous-parle-de-la...

6 Arrêté royal du 8 janvier 1962.

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Le profit est une rémunération variable, incertaine mais espérée, du risque pris par le détenteur d'un capital investi. En règle générale, plus le risque est élevé, plus le capital sera rémunéré et donc le profit élevé. Le retour sur investissement ou rentabilité du capital investi désigne quant à lui un ratio financier qui mesure le montant d'argent gagné ou perdu par rapport à la somme d'argent investi. Lorsque le capital était encore détenu par l'entrepreneur, propriétaire de son entreprise, un retour sur investissement de l'ordre de 3 à 6 % par an était considéré comme honorable. Aujourd'hui un taux de 15, 20 voire 30% est considéré comme un minimum. Cette évolution s'explique par le fait que le capital est devenu essentiellement financier, c'est-à-dire détenu par les fonds de pension et autres intermédiaires financiers dont la seule logique est celle du profit le plus élevé et souvent à (très) court terme.

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2008
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10/2008
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Octobre