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La finance solidaire, un modèle anti-crise

Soumis par Anonyme le

Exiger des retours sur investissement de 15, 20 voire 30 % par an est incompatible avec l’économie réelle, qui n’offre pas une croissance aussi forte.

De tels rendements ne peuvent par conséquent être obtenus qu’au détriment de la rémunération des autres facteurs de production, du travail en particulier – ainsi, la part de la rémunération des salariés dans le PIB
belge a fortement chuté depuis 1981, passant de 57 % à 51 % (1) – mais aussi, par exemple, des réserves que l’entreprise ne peut plus investir en recherche et développement. Exiger que ces rendements soient obtenus à court terme est par ailleurs en contradiction avec la logique d’entreprise la plus élémentaire qui demande du temps pour que les investissements puissent sortir leurs effets. Enfin, fermer les yeux sur l’impact social et environnemental des activités financées ne fait qu’accentuer ce phénomène de rupture entre finance et réalité.

Une rupture qui a emporté le vieux modèle de la finance, mais qui est aussi porteur de graves conséquences sur le plan économique et social.

Patience et modération

La finance solidaire, fondée sur la responsabilité, la patience et la modération, a toujours pris le contre-pied de cette logique mortifère. Elle consiste à placer le souci de cohésion sociale avant celui du rendement financier immédiat. Ce faisant, elle permet de répondre à des besoins réels de financement de personnes ou de groupes pour sortir de la précarité, de favoriser l’émergence d’activités nouvelles rencontrant des difficultés de financement auprès des banques classiques (environnement, éducation, action sociale, particulièrement sur le plan local) ou encore de faire la preuve que l’économie peut être utilisée de façon plus humaine au service des hommes.

C’est une finance responsable car elle s’inquiète des impacts sociaux et environnementaux de l’activité économique. Elle intègre dès lors, aux côtés de l’analyse financière, l’évaluation que l’on peut porter sur ces impacts dans ses choix d’épargne ou d’investissement, d’une part, de financement, d’autre part. Cette approche, qui favorise une économie bénéfique pour l’homme et l’environnement, permet, mieux que d’autres, de construire des portefeuilles solides, sur des thématiques d’avenir qui conservent leur validité à long terme.

La patience est d’ailleurs la deuxième vertu de la finance solidaire, qui ne se comprend que comme un outil au service de l’économie. S’il est évident que des mouvements financiers à court terme sont nécessaires pour répondre notamment aux nécessités de trésorerie, ils ne peuvent se justifier pour des investissements qui demandent du temps pour sortir leurs effets. Il faut donc remettre à l’honneur ce que les Anglo-saxons appellent le capital patient, c’est-à-dire un capital qui reste dans l’entreprise pour soutenir ses opérations et appuyer ses investissements pour le développement de nouvelles activités.

Enfin, la finance solidaire inverse la logique de la ponction démesurée du profit par l’actionnaire au détriment de l’activité économique et privilégie des modèles économiques qui imposent des limites à la course au profit. Il faut que la plus-value réalisée grâce à l’activité économique d’une entreprise soit modérément distribuée pour rémunérer le capital, et davantage réinvestie dans l’entreprise elle-même. C’est ce que nous pourrions appeler la modération actionnariale qui est d’application dans les sociétés à finalité sociale et les coopératives agréées par le Conseil national de la coopération (CNC). Les conditions de cet agrément reprennent en effet les cinq grands principes de la coopération que sont l’adhésion volontaire, le principe d’égalité ou la limitation du droit de vote aux assemblées générales, la désignation des administrateurs par l’assemblée générale, un dividende modéré servi aux parts sociales (actuellement 6 % net) et une ristourne aux associés.

On le voit, des modèles financiers responsables et solidaires existent, qui soutiennent l’économie réelle et l’intérêt général, au lieu de les détruire. Les favoriser passe par une action publique déterminée qui incite les détenteurs de capitaux à les utiliser davantage qu’ils ne le font aujourd’hui.

Bernard Bayot

(1) Robert Plasman, Michael Rusinek, François Rycx et, Ilan Tojerow, La structure des salaires en Belgique, document de travail, N°08-01.RR , Dulbea, février 2008.

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La finance doit changer ! L'ancienne, nourrie de la seule logique du profit le plus élevé, souvent à (très) court terme et sans égard aux conséquences sociales et environnementales de l'investissement, est allée droit dans le mur.

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Décembre

Spéculateurs affameurs

Soumis par Anonyme le

Le contexte

Le 9 avril dernier, M. Jacques Diouf, Directeur général de la FAO, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, estimait que les prix des denrées alimentaires au niveau mondial ont bondi de 45 % sur les neuf derniers mois et qu'il y a de sérieuses pénuries de riz, de blé et de maïs. Caritas International a, de son côté, lancé un cri d'alarme: «Les céréales sont devenues un objet de spéculation et ce sont les malheureux qui en paient le prix».1 Selon Philippe Pinta, président de l'Association générale des producteurs de blé (France), la part de la spéculation dans le cours du blé atteint 20 %.2

C'est que, aux dires de la commissaire européenne chargée de l’Agriculture, Mariann Fischer Boël, 140 fonds indexés partiellement ou totalement sur les prix des matières premières agricoles ont été lancés en février dans l’Union européenne.3 La plupart des grandes banques proposent ce type de fonds qui misent en grande partie sur la hausse de l’énergie et des matières premières. La composition de ces fonds est basée sur trois indices de références. Le Dow Jones AIG Commodity Index se compose de 19 matières premières, dont chacune est pondérée entre 2% et 15% du fonds. L’agriculture représente 41% de cet indice. L’indice Goldman Sachs Commodity Index comprend 24 matières premières et l’énergie représente 73% du fonds. Le troisième indice est le Rogers International Commodities Index (RICI) qui contient 35 matières premières pondérées selon les volumes d’échanges.4

Le droit à une alimentation adéquate

Le « droit à une alimentation adéquate » est contenu dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 11) ratifié par la Belgique. En 2002, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation a défini ce droit de la manière suivante : le droit à une alimentation adéquate est un droit de l'homme, inhérent à tous, « le droit d'avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne ».

Cette définition reprend tous les éléments normatifs définis en détail dans l'Observation générale 12 relative au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : « le droit à une nourriture suffisante est réalisé lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en communauté avec d'autres, a physiquement et économiquement accès à tout moment à une nourriture suffisante ou aux moyens de se la procurer »

La spéculation

Selon la FAO, la tendance à la hausse des prix internationaux de la plupart des produits agricoles qui persiste depuis l’an dernier est seulement en partie le reflet de la contraction des approvisionnements, c'est-à-dire du jeu de l'offre et de la demande. En effet, les marchés mondiaux sont de plus en plus entrelacés. Récemment, des liaisons et des répercussions d’un marché sur l’autre se sont fortement accrues, non seulement entre produits agricoles, mais au sein de tous les produits et entre les produits et le secteur financier. La FAO pointe plusieurs facteurs en particulier : la hausse du prix du pétrole, les taux de fret et de change ainsi que l'évolution des marchés financiers.

Des marchés financiers soutenus, comme c'est la cas actuellement, stimulent en effet la répartition de l’actif et attirent l’attention des spéculateurs sur les marchés opérant avec des instruments financiers liés au fonctionnement des marchés des produits agricoles (par exemple, marchés des instruments à terme et des options). Ceux-ci représentent un moyen de diversifier les risques et d’obtenir des rendements supérieurs.5

Le niveau des prix 

La première conséquence de cette spéculation concerne le niveau des prix. Ainsi, les prix des céréales sont artificiellement gonflés par la spéculation à grande échelle sur les opérations des marchés boursiers de New York et de Chicago. En 2007, le Chicago Board of Trade (CBOT), a en effet fusionné avec le Chicago Mercantile Exchange, formant la plus importante entité au monde traitant dans le commerce des produits de base et comptant un large éventail d'instruments spéculatifs (les options, les options sur contrat à terme, les fonds indiciels, etc.). Des transactions spéculatives sur le blé, le riz ou le maïs, peuvent dès lors se produire sans qu'il y ait de transactions réelles de ces produits.

Les institutions qui actuellement spéculent sur le marché des céréales ne sont donc pas nécessairement impliquées dans la vente ou la livraison des grains. Les transactions peuvent se faire par fonds indiciels qui permettent de parier sur la hausse ou la baisse en général de la variation des prix des marchandises.6

La volatibilité

La hausse des prix n'est pas la seule conséquence de la spéculation, il faut également compter avec la volatibilité, c'est-à- dire le degré de fluctuation des prix d’un produit sur une période de temps donné. Il faut d'ailleurs observer que plus les variations de prix d’un produit sont fortes et imprévisibles, plus la possibilité de réaliser de larges gains en spéculant sur les futures variations de prix de ce produit est importante. Cela signifie que la volatilité peut attirer une activité spéculative significative, qui à son tour peut initier un cercle vicieux de déstabilisation des derniers cours au comptant.7

Cette déstabilisation est source d’inquiétude pour les gouvernements, les négociants, les producteurs et les consommateurs. De nombreux pays en développement sont encore fortement dépendants des produits de base, qu’il s’agisse des exportations ou des importations. Même si des pics de prix élevés peuvent provisoirement bénéficier aux exportations, ils peuvent aussi augmenter le coût des matières premières et intrants agricoles importés. En même temps, de fortes fluctuations des prix peuvent avoir un effet déstabilisateur sur les taux de change réels des pays, exerçant une forte tension sur leur environnement économique et entravant les efforts déployés pour réduire la pauvreté. Dans un environnement d’instabilité prolongée, le problème d’extraire du chaos l’indication du juste prix peut se poser et entraîner une répartition inefficace des ressources. Une incertitude plus forte limite les occasions pour les producteurs d’accéder aux marchés du crédit et tend à aboutir à l’adoption de techniques de production à faible risque au détriment de l’innovation et de l’entreprenariat.8

Les remèdes

Selon Michel Chossudovsky, ce qui cause la famine est l'absence de procédures réglementaires relatives au commerce spéculatif (les options, les options sur contrat à terme, les fonds indiciels). Dans le contexte actuel, un gel des transactions spéculatives sur les produits alimentaires de base, décrété par décision politique, contribuerait immédiatement à faire baisser les prix des produits alimentaires.9

Le Ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner ne dit pas autre chose, qui affirmait le 30 avril dernier, en réponse à une question posée lors de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qu'il faut « empêcher la spéculation qui s'abat sur les matières premières alimentaires comme le blé, comme le riz, pour éviter les risques de famine qui touchent les pays les plus pauvres ».

Les Etats ont à cet égard une responsabilité au plan international, en vue de favoriser une pareille interdiction, mais également au niveau national. En 2004, à l'issue de deux années de débats et de négociations au sein du groupe de travail, le Conseil de la FAO a adopté par consensus les Directives volontaires à l'appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale. De nature non contraignante, les Directives volontaires s'inspirent du droit international et fournissent des orientations sur la mise en œuvre des obligations en vigueur. Elles sont destinées aux États parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et aux États qui le ratifieront ultérieurement. Mais elles visent également les intervenants qui oeuvrent pour une meilleure mise en œuvre du droit à l'alimentation à l'échelle nationale.10

Parmi ces directives, on trouve notamment:

  • « 4.1 Il convient que les États, dans le respect de leur législation et de leurs priorités nationales, ainsi que de leurs engagements internationaux, améliorent le fonctionnement des marchés, en particulier des marchés de produits alimentaires et agricoles, en vue de favoriser la croissance économique et le développement durable notamment en mobilisant l’épargne intérieure publique et privée, en formulant des politiques adéquates en matière de crédit, en établissant des niveaux adéquats durables d’investissement productif grâce aux crédits à des conditions libérales et en renforçant les capacités humaines (...)
  • 4.3 Il convient que les États encouragent les entreprises à assumer leurs responsabilités sur le plan social et tous les acteurs du marché et de la société civile à s’engager en faveur de la concrétisation progressive du droit de chacun à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale (...)
  • 4.7 Il convient que les États s’efforcent de faire en sorte que les politiques concernant les aliments, le commerce des produits agricoles et les échanges en général contribuent à renforcer la sécurité alimentaire pour tous, grâce à un système de commerce local, régional, national et mondial à la fois non discriminatoire et axé sur le marché ».

Quelles sont les actions possibles au niveau national ? Nous plaidons pour que soit élaborée une loi-cadre interdisant les pires formes de bénéfices, qui élargisse à d'autres domaines l'interdiction, votée le 20 mars 2007, de financer la production de mines antipersonnel et de bombes à sous-munitions.11 Dans la foulée, pourquoi en effet ne pas interdire les investissements dans des activités qui violent les droits humains fondamentaux, mais aussi dans celles qui dévastent les écosystèmes, dans la production d'armes controversées et dans le soutien à des régimes dictatoriaux? La société belge repose en effet sur un consensus à propos de ces questions fondamentales et le parlement a ratifié des engagements internationaux à ce sujet. Il serait donc cohérent d'éviter les financements qui contreviennent à ces engagements. Les investissements purement spéculatifs qui violent le droit à une alimentation adéquate figureraient dans cette liste, conformément aux engagements internationaux de la Belgique.

 

Bernard Bayot,

 

1 Karl Müller, «Ce sont les pauvres qui sont les plus touchés», Horizons et débats, n°16, 21 avril, http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=894.

2 Laetitia Clavreul, La spéculation sur les matières premières affole le monde agricole, Le Monde, 24 avril 2008.

3 Julie Majercza, La famine fait spéculer, Libération, 13 mai 2008.

4 Caroline Pintard - D Pellecuer, Un placement indexé sur les prix alimentaires, Le journal des finances, 7 mai 2008.

5 FAO, Prix élevés et volatilité des produits agricoles, Perspectives de l'alimentation, novembre 2007, http://www.fao.org/docrep/010/ah876f/ah876f13.htm.

6 Michel Chossudovsky, La famine mondiale, Mondialisation.ca, 4 mai 2008, http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=8894.

7 Op.cit.

8 FAO, Volatibilité des produits agricoles, Perspectives de l'alimentation, op.cit.

9 Michel Chossudovsky, op.cit.

11 Loi du 20 mars 2007 interdisant le financement de la fabrication, de l'utilisation ou de la détention de mines antipersonnel et de sous-munitions, M.B. 26 avril 2007.

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« Tirez avantage de la hausse du prix des denrées alimentaires ! » C'est le slogan employé par la KBC pour vanter les mérites d'un produit financier qui investit dans six denrées alimentaires. La pénurie d'eau et de terres agricoles exploitables ayant pour conséquence une pénurie de produits alimentaires et une hausse du prix des denrées alimentaires, y est présentée comme une opportunité...

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Mai

La banque de base

Soumis par Anonyme le

La banque de base

La valeur boursière du secteur bancaire a fondu de 5.500 milliards de dollars (4.059 milliards d'euros) avec la crise financière, soit 10 % du PIB mondial, selon un rapport du Boston Consulting Group. L'industrie bancaire a vu son poids en Bourse passer de 8.800 milliards de dollars au troisième trimestre 2007 à 4.000 milliards à la fin de 2008, selon un calcul de ce cabinet de conseil, auquel s'ajoute une perte de 700 milliards de dollars lors des trois premières semaines de 2009(1). Est-ce à dire qu'il faut reconsidérer le modèle bancaire ? Et en inventer de nouveaux ? Ou en réinventer, tant il est vrai que ce sont dans les vieilles casseroles...

 

L'épargne et le crédit

En Suisse, pays emblématique s'il en est d'une certaine conception de la finance..., chez les Helvètes donc, il y a Migros, le numéro un de la grande distribution, qui développe une activité financière avec un certain succès. Qu'on en juge : les dépôts ont bondi l'an passé de 1,7 à 15,8 milliards d'euros. L'arme secrète de Migros ? Pas de salaires faramineux pour les membres de la direction et, surtout, une politique financière de base : l'argent des épargnants ne sert, grosso modo, qu'à fournir des crédits à bas coûts aux consommateurs des magasins Migros(2).

Le Belge, selon une enquête menée par ING auprès d’un groupe cible, accorde une grande importance à la liquidité de son épargne, c'est-à-dire la faculté de pouvoir en disposer à tout moment. Par ailleurs, ses connaissances relatives aux produits d’épargne et aux meilleures façons d’épargner sont relativement vagues. D'où la nécessité de privilégier un produit simple : le bon vieux compte d'épargne. Mais pas n'importe comment ! L'enquête révèle en effet que les gens veulent savoir ce que les banques font de leur argent, comment elles l’utilisent. Elle montre enfin que les Belges veulent une relation personnelle avec leur banque, ce qui avantage les banques à réseau par rapport aux banques en ligne(3).

Par ailleurs, deux personnes sur trois pensent qu’il serait utile que l'État recrée une grande banque publique. C'est ce qu'indique le baromètre trimestriel de La Libre Belgique qui a sondé les Belges au sujet de la crise financière(4).

Un modèle simple, sûr et responsable

Face à ces attentes citoyennes, il est légitime de se demander si le modèle bancaire qui est actuellement en vigueur en Belgique et qui a été particulièrement perméable à la crise financière ne doit pas être amélioré. Ou tout au moins s'il ne faut pas réserver à un modèle bancaire amélioré les incitants publics en faveur du secteur bancaire que sont, par exemple, la protection des dépôts et des instruments financiers portée, pour un an, de 20.000 à 100.000 €, et l'exonération de précompte mobilier pour les personnes physiques résidant en Belgique sur la première tranche de 1.600 € d'intérêts sur un compte d'épargne.

Un parallèle peut être fait avec l'industrie pharmaceutique où, pour schématiser, il existe trois types de médicaments : ceux qu'il est interdit de mettre en vente, ceux qu'il est autorisé de vendre, mais qui ne donnent droit à aucun remboursement pour le patient, et ceux, enfin, qui peuvent être vendus et dont le prix est partiellement remboursé. Pour ce qui concerne le secteur financier, tout le monde s'accorde à dire qu'une plus grande régulation est indispensable pour interdire certaines pratiques particulièrement nuisibles comme vient de nous le montrer la crise financière. Mais au-delà de ces interdictions, sans doute est-il justifié de réserver les incitants publics à des banques qui sont structurellement organisées pour répondre à des objectifs d'intérêt général.

Un argument en faveur de cette solution réside dans le fait que, comme nous le montre clairement l'actualité de ces derniers mois, l'État belge ne dispose pas des moyens nécessaires pour couvrir les risques de toutes les banques qui se trouvent sur son territoire et qui ont des activités largement internationales et tournées vers le métier de banque d'affaires. Il s'agirait dès lors de réserver prioritairement les moyens publics à celles qui répondent le mieux à l'intérêt général et de favoriser ainsi leur succès auprès du public.

Un autre argument réside dans le fait que ces banques ont – semble-t-il – beaucoup moins que d'autres souffert de la crise financière et sont donc un facteur de stabilité financière. Non seulement une nouvelle intervention publique pour renflouer les banques serait ainsi limitée, mais elle serait probablement inutile.

 

Un modèle qui sert l'intérêt général

Les objectifs d'intérêt général auxquels on peut penser ont trait à la protection du consommateur et à un développement local et durable. Les conditions relatives à la protection du consommateur pourraient ainsi être les suivantes :

  • avoir une activité limitée au métier bancaire de base, récolter l'épargne pour octroyer des crédits, sans aucune activité de banque d'affaires ;
  • favoriser la stabilité, par exemple en évitant la cotation des actions de la banque en Bourse ;
  • garantir l'inclusion financière de tous par une offre de produits simples et adaptés.

Le développement local, tant sur le plan économique que social, pourrait quant à lui être assuré par deux éléments :

  • une politique de crédit appropriée pour les agents économiques que sont les ménages, les entreprises et les organisations publiques et privées ;
  • une politique qui vise à éviter toute forme d'évasion fiscale.

Le développement durable devrait quant à lui être assuré par l'intégration de critères sociaux et environnementaux dans les politiques de crédit et de placement.

Les services financiers qui rempliraient ces conditions pourraient être qualifiés de services d'intérêt économique général (SIEG) au sens de l'article 86 du Traité instituant la communauté européenne (Traité CE), anciennement article 90, qui définit ceux-ci comme des services commerciaux d'utilité économique générale auxquels les pouvoirs publics imposent par conséquent des obligations spécifiques de service public.

L'article 16, intégré dans le Traité CE par le Traité d'Amsterdam, reconnaît la place occupée par les SIEG dans les valeurs partagées de l'Union ainsi que leur rôle dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale. L'article 16 stipule également que ces services doivent fonctionner sur la base de principes et conditions qui leur permettent de remplir leurs fonctions. L'article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne requiert quant à lui de l'Union qu'elle reconnaisse et respecte l'accès aux SIEG pour promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union.

Un traitement légal différencié

En fonction des traditions historiques et des caractéristiques spécifiques des services concernés, les États membres appliquent différents mécanismes afin d'assurer l'équilibre financier des prestataires de services d'intérêt général. Par conséquent, certaines banques peuvent être chargées par le gouvernement de fournir des SIEG. Ces institutions peuvent, afin de rémunérer ce service, percevoir des indemnités(5).

Sur le plan de la transparence et du monitoring, indispensables pour vérifier la réalisation des objectifs d'intérêt général visés ci-dessus, une législation comme celle du Community Reinvestment Act votée aux États-Unis en 1977 paraît une bonne source d'inspiration. Celle-ci a instauré une analyse obligatoire de la performance sociale des banques dans quatre domaines :

  • les crédits : prêt aux personnes à revenu faible ou modéré en vue de la construction ou de la rénovation de logements modestes ; crédit à des associations répondant prioritairement aux besoins des personnes à revenu faible ou modéré ; crédit à la réhabilitation environnementale ou au développement d’un ancien site industriel situé dans des quartiers défavorisés ; crédit pour les aménagements dans les quartiers de personnes à revenu faible ou modéré ; etc.
  • les investissements : financement (sous la forme de dépôts, de prise de participation…) des organisations travaillant à la construction et la rénovation du logement ; des organisations favorisant le développement économique par le financement de TPE ou de PME ; des associations et fondations caritatives actives dans la gérance d’immeubles, le crédit-conseil, ou l’éducation financière ; des financiers alternatifs (tels que les C.D.F.I.) qui prêtent principalement aux personnes à revenu faible ou modeste, etc.
  • les services offerts : assistance technique aux organisations gouvernementales et autres associations s’occupant de personnes à revenu faible ou modeste ou de revitalisation économique ; conseil en crédit, gérance d’immeuble, planning financier ; etc.
  • le Community development : « soutien financier accordé aux associations de quartiers et à toute autre forme de participation des résidents à la vie de leur quartier »(6).

Elle devrait bien sûr être adaptée aux critères d'intérêt général retenus en Belgique.

 

Conclusions

La reconnaissance et la promotion, par un traitement légal différencié, de banques qui se concentrent de manière exclusive sur leur métier de base semble non seulement possibles et souhaitables, mais également souhaitées par la société civile. De quoi justifier qu'un débat public soit initié à ce sujet avant que l'on ne retombe dans le « business as usual » – les affaires continuent comme auparavant jusqu'à la prochaine crise ? Un débat qui permette au citoyen de se réapproprier la finance et de s'assurer qu'elle serve l'intérêt général.

Bernard Bayot, avril 2009

 

(1) Ranu Dayal, John Garabedian, Lars-Uwe Luther, David Rhodes, Tjun Tang, Creating Value in Banking 2009, Living with New Realities, Boston Consulting Group, 18 février 2009.

(2) GRESEA, Aucune crise à la banque du supermarché suisse, 02 avril 2009, http://www.gresea.be/pret_Migros_31mars09.html.

(3) P.D.-D., "La banque des épargnants", La Libre Belgique, 4 avril 2009.

(4) "Baromètre politique: Oui à la banque publique...", LaLibre Belgique, 30 mars 2009.

(5) Commission européenne, Offre de services financiers et prévention de l'exclusion financière, VC/2006/0183, mars 2008, www.fininc.eu

(6) Bernard Bayot, "Elaboration d'un service bancaire universel - 2e partie: l'accès au crédit et l'exemple du Community Reinvestment Act", janvier 2002; Françoise Radermacher, "Pour lutter contre la discrimination économique des personnes à revenu faible, l'exemple viendrait-il des Etats-Unis?" et "Pour apporter une réponse au surendettement, l'Europe peut-elle importer le modèle américain du Community Reinvestment Act?", Cahier FINANcité, n°5, mars 2008.

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La banque de base. La valeur boursière du secteur bancaire a fondu de 5.500 milliards de dollars (4.059 milliards d'euros) avec la crise financière, soit 10 % du PIB mondial, selon un rapport du Boston Consulting Group. L'industrie bancaire a vu son poids en Bourse passer de 8.800 milliards de dollars au troisième trimestre 2007 à 4.000 milliards à la fin de 2008, selon un calcul de ce cabinet de conseil, auquel s'ajoute une perte de 700 milliards de dollars lors des trois premières semaines de 2009(1). Est-ce à dire qu'il faut reconsidérer le modèle bancaire ? Et en inventer de nouveaux ? Ou en réinventer, tant il est vrai que ce sont dans les vieilles casseroles...

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FINANcité Magazine n°17 : Finance 2.0

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Cahier FINANcité n°13 :Recherche juridique relative aux financiers alternatifs - Première partie

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Cahier FINANcité n°15 : Rapport ISR 2009

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Cahier FINANcité n°16 : Références budgétaires minimales pour une vie digne 2008-2009

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Cet ouvrage est composé de deux grandes sections : La première détaille la manière dont les références budgétaires ont été construites et la méthode employée pour la constitution des paniers. La seconde présente de manière synthétique les grilles budgétaires de cinq familles types, à savoir : un isolé, une femme ayant un enfant de 4 ans, une femme ayant deux enfants de 4 et 8 ans, une femme ayant deux enfants de 8 et 15 ans et un couple ayant deux enfants de 4 et 8 ans. Dans la mesure du possible, nous avons fait correspondre les paniers de la première section aux principaux postes budgétaires des grilles de la seconde. Quand toutefois cela n'a pas été possible, pour la facilité du lecteur, nous avons repris dans la grille budgétaire la référence du panier concerné. Table des matières: Introduction Que sont les références budgétaires ? À quoi peuvent servir ces références budgétaires ? Références budgétaires : une première étape... Méthodologies possibles et cadre théorique choisi Approches diverses pour résultats différenciés L'approche utilisée en Belgique Les principaux groupes de dépenses Panier « alimentation » Critères et références La pyramide alimentaire active Sain, varié et équilibré Prix et lieu d'achat Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « alimentation » mensuel en € des 5 familles Panier « vêtements » Critères et références 14 Vêtements adaptés aux circonstances Qualité des vêtements, nombre et longévité Choix du magasin et prix payé Entretien et rangement des vêtements Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « vêtement » mensuel en € des 5 familles Panier « santé et hygiène personnelle » Critères et références Soins corporels Les soins de santé Frais liés à la sécurité sociale Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « santé et hygiène corporelle » mensuel en €des 5 familles Panier « logement et sécurité » Critères et références Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « logement et sécurité » mensuel en€ des 5 familles Panier « développement sécurisé de l'enfant (ou des enfants) » Critères et références Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget du « développement sécurisé de(s) l'enfant(s) » mensuel en €des 5 familles Panier « repos et divertissement » Critères et références Une nuit de sommeil reposant Loisirs et divertissement Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget du « repos et du divertissement » mensuel en € des 5 familles Panier « entretien des relations » Critères et références Transpositions des « rôles » en panier concret Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « entretien des relations » mensuel en € des 5 familles Panier « mobilité » Critères et références Composition du panier Proche ou éloigné des habitudes des gens ? Tableau du budget « mobilité » mensuel en € des 5 familles Les grilles budgétaires synthétiques de cinq ménages types Grille budgétaire d'un isolé Grille budgétaire d'une femme ayant un enfant de 4 ans Grille budgétaire d'une femme ayant deux enfants de 4 et 8 ans Grille budgétaire d'une femme ayant deux enfants de 8 et 15 ans Grille budgétaire d'un couple ayant deux enfants de 4 et 8 ans Bibliographie

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Année d'édition
2009
Date d'édition
12/2009
Mois d'édition
Décembre

Vers une banque d'intérêt général

Soumis par Anonyme le

Depuis quelques mois, les citoyens du monde, notamment dans notre pays ont la douleur de découvrir ce qu'est devenu le métier de banquier. Traditionnellement, celui-ci se targue d'être un rouage essentiel de l'économie. D'un côté, il permet aux épargnants de préserver et de faire fructifier leur épargne. De l'autre il transforme cet argent en prêt pour les agents économiques que sont les ménages, les entreprises et les organisations publiques et privées. Ce mécanisme paraissait fluide et sans défaut, au service de tous et de chacun. Mais, au fil du temps, l'image d'Epinal s'est peu à peu écornée.

Au début des années '80, des organisations religieuses et des ONG se sont inquiétées du fait que leur épargne pouvait être utilisée en Afrique du Sud, en appui au régime de l'apartheid. C'est que les banques sont bien peu disertes sur la manière dont elles transforment notre épargne. Lentement, les consciences se sont éveillées et les clients des institutions bancaires ont réalisé que placer de l’argent n’est pas un geste neutre. Cette dynamique ne va cesser de se renforcer dans le courant des années 1990 et une autre dimension est apportée à l’investissement éthique. Il ne s’agit plus simplement d’exclure des entreprises en fonction de leurs activités, mais bien de mieux décortiquer leurs modes de fonctionnement afin d’encourager les meilleures de chacun des secteurs. Les firmes sont comparées entre elles sur différents indicateurs – système de « best-in-class »(1) —, puis sélectionnées en vertu de leur engagement envers la société (2).

Il n'empêche, en avril 2004, on se rend compte que du travail reste à faire pour responsabiliser le monde bancaire: un rapport d’enquête est publié par Netwerk Vlaanderen au sujet des investissements de cinq grandes banques actives en Belgique (Axa, Fortis, Dexia, ING et KBC) dans les industries qui fabriquent des armes « controversées » : mines antipersonnel, bombes à fragmentation, bombes à uranium appauvri ou armes nucléaires. Ce rapport démontre que, directement ou indirectement, ces cinq institutions financières avaient des liens financiers avec 13 entreprises de ce secteur, à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Face à ce constat, les clients/épargnants de ces banques leur ont demandé de se retirer de tout investissement ou financement dans de telles entreprises et d’élaborer et de mener une politique qui interdise tout lien financier futur de ce type.

Mais, plus largement, la question posée est celle de l’information et du contrôle dont bénéficient les clients/épargnants à l’égard des investissements et des financements accordés par leur banque non seulement dans l’industrie de l’armement mais aussi dans d’autres entreprises peu soucieuses du respect des droits humains et de l’environnement : que fait ma banque de mon argent ? Celle-ci ne doit-elle pas informer clairement, honnêtement et complètement ses clients de sa politique d’investissement et rendre public son portefeuille d’investissements et de financements ?

Par ailleurs, au milieu des années '90, avec la chute de la banque Barings, on s'est rendu compte qu'une banque aussi ancienne et prestigieuse pouvait tomber en faillite parce qu'un de ses traders a fait des placements hasardeux, en dehors de tout contrôle. Durant les années suivantes, dans un paysage belge où tout acteur financier public avait disparu, emporté par la vague néo-libérale, il a fallu constater que non seulement l'accès à un crédit adapté mais aussi l'accès à un simple service bancaire de base (avoir un compte courant, disposer d'une carte de débit, ...) n'étaient plus garantis à qui ne montrait pas patte blanche, à savoir ne justifiait pas de suffisamment de revenus pour se montrer intéressant pour la banque (3).

Car, entre-temps, les banquiers s'étaient trouvés une activité bien plus rémunératrice que les crédits – que certains, en privé, avouaient ne plus trop pousser -, à savoir les commissions sur les placements financiers. Côté crédit, outre la pratique de la titrisation (4) qui a permis de disperser le risque loin de tout contrôle régulatoire, on appliqua les fameux systèmes de « scoring », dans lequel les données de l'emprunteur sont passées à la moulinette standardisée d'un ordinateur, quelle que soit la relation de confiance qu'aurait pu développer l'agent bancaire avec son client (5). Combien de fois les travailleurs du secteur ne se sont-ils pas sentis profondément mal à l'aise d'être devenus des auxiliaires d'une course effrénée au profit, bien loin de cette vocation de confidents des clients, où la confiance était le maître mot d'une relation réussie. Et Dieu sait si ce sentiment de mal-être était encore plus perceptible chez les employés issus des banques publiques ou coopératives.

La crise financière a, sans ambiguïté, montré les limites d'un modèle de ce type, qui n'était ni suffisamment transparent, ni suffisamment contrôlé pour être durable. On est bien loin de l'image d'Epinal évoquée plus haut. Est-ce pour autant une fatalité ? D'autres modèles, parfaitement viables, existent: celui de la caisse d'épargne qui reste un modèle dominant dans des pays comme l'Espagne ou l'Allemagne, la banque postale qui s'avère une success story dans un pays comme la Nouvelle-Zélande (6), des banques coopératives comme la future banque éthique européenne qui naîtra de la fusion de Banca Etica en Italie, de Fiare en Espagne et de la NEF en France, ou encore des banques spécialisées dans le développement durable comme Triodos et des coopératives de crédit comme Crédal.

Sortir de la crise bancaire belge par le haut ne paraît possible qu'à la condition d'en revenir au métier de base, récolter l'épargne pour octroyer des crédits, et se donner des objectifs précis. Bien sûr, créer de la valeur financière – on ne parle plus que de cela ces derniers jours, comme aux meilleures heures de la finance casino – mais aussi poursuivre l'intérêt général de trois manières : en assurant le développement local par une politique de crédit appropriée, en garantissant l'inclusion financière de tous par une offre de produits simples et adaptés et en favorisant le développement durable par l'intégration de critères sociaux et environnementaux dans les politiques de crédit et de placement. La banque, dans cette conception, devient un vrai service d'intérêt général, qu'il appartient aux pouvoirs publics d'assumer ou de confier à un opérateur externe. Soit donc la création d'une banque publique, soit une initiative qui s'inspire de la diversité des solutions bancaires évoquées plus haut pour fonder un projet pluriel et novateur où seraient impliqués, aux côtés des pouvoirs publics, d'autres acteurs qui sont issus de la société civile (syndicats, ONG, congrégations religieuses, entreprises d'économie sociale, universités, mutuelles, ...) et dont la finalité sociale fonderait celle de cette banque d'intérêt général.

Que peut faire le citoyen devant un tel enjeu qui peut paraître le dépasser ? Nous l'avons vu, c'est lui qui, au travers de ses indignations et de sa volonté de changement, a permis de nourrir la réflexion pour une plus grande responsabilité du monde bancaire. C'est encore lui qui a aujourd'hui les cartes en main pour construire une banque d'intérêt général: des cartes politiques pour peser sur les choix des pouvoirs publiques, sociales pour convaincre les acteurs de la société civile et, bien sûr, consuméristes car, en fin de compte, c'est lui qui choisi sa banque.

Michel Genet,
Bernard Bayot,
 

1. Méthode de sélection qui consiste à ne retenir, dans le portefeuille d'investissement d'un produit financier éthique et solidaire et pour un secteur donné, que les entreprises les plus avancées sur le plan de la responsabilité sociale.

2. Annika Cayrol, « Le développement durable appliqué au secteur bancaire : la crise actuelle peut-elle avoir un effet bénéfique ? », FINANcité Cahier, n° 9, Réseau Financement Alternatif, novembre 2008.

3. Bernard Bayot, Élaboration d'un service bancaire universel - 1ère partie : l'accès ou le maintien d'un compte bancaire, Réseau Financement Alternatif, janvier 2001, http://www.rfa.be/files/Synthesesbbfr.pdf.

4. La titrisation est l'émission de titres représentant une société spécialement créée pour acheter le portefeuille de crédit d'un organisme prêteur, titres qui sont destinés à être cédés à des investisseurs.

5. Olivier Jérusalmy, « Credit scoring : une approche objective dans l'octroi de crédit ? », FINANcité Cahier, n°10, Réseau Financement Alternatif, novembre 2008; « Credit scoring : décryptage d'une pratique discriminante... et discriminatoire ? », FINANcité Cahier, n°10, Réseau Financement Alternatif, novembre 2008.

6. Bernard Bayot, « L'interventionnisme public dans la finance», Réseau Financement Alternatif, décembre 2008.

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Année d'édition
2009
Date d'édition
02/2009
Mois d'édition
Février

Mutual learning on Financial Inclusion

Soumis par Anonyme le

What is this mutual learning on financial inclusion project about?

Financial exclusion can be defined as "a process whereby people encounter difficulties accessing and/or using financial services and products in the mainstream market that are appropriate to their needs and enable them to lead a normal social life in the society in which they belong1." The Mutual Learning on Financial Inclusion project, or MuLFI as we like to call it, approaches this issue from a positive aspect by fostering exchanges and debates on solutions to better financially include users.

 

The MuLFI project is therefore entirely in accordance with the PROGRESS programme that "aims to support exchanges on policies, good practice and innovative approaches and to promote mutual learning in the context of the social protection and inclusion strategy"2.

 

Moreover, it is the continuation of the study “Financial services provision and prevention of financial exclusion” also coordinated by the Réseau Financement Alternatif. It was carried out from January 2007 to February 2008 for the European Commission Employment, Social Affairs and Equal Opportunities DG.

 

Completed in May 2008 by hosting a large final conference, this study has given the first comprehensive picture of the nature and extent of financial exclusion in Europe. Moreover, most effective policy measures to promote access to financial services and prevent financial exclusion were introduced.

 

The MuLFI project has two main directions: a data collection and analysis axis and a mutual learning axis. The first axis allowed developing four databases serving as tools in the domain :

 

  • Who's who in the field of financial inclusion
  • A bibliography regrouping literature on financial inclusion
  • Financial inclusion indicators
  • Best practices

 

The mutual learning and dissemination axis is carried out through the website www.fininc.eu, the newsletters, the workshops and the final conference.

 

The ten workshops on eight different sub-themes of financial inclusion have reunited relevant stakeholders of various European countries to exchange their knowledge, interest and needs on policies, good practices and innovative approaches to promote financial inclusion.

 

Finally, the final conference held in Brussels on 5-6 November 2009 was the occasion to summarise the project's main findings. It also allowed gathering a significant number of stakeholders on financial inclusion in Europe to exchange learning and knowledge on the topic.

2 Open Call for Proposals, VP/2007/012, Mutual Learning on Social Inclusion and Social Protection, Under Budget Line 04.04.01.02, July 2007

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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)
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1 What is this mutual learning on financial inclusion project about? 2 A great mix of actors involved 3 Country Context Mutual Learning 3.1 Belgium 3.1.1 Banking Situation 3.1.2 Credit Situation 3.1.3 Success Stories 3.1.4 Main Priorities 3.2 Bulgaria 3.2.1 Banking Situation 3.2.2 Credit Situation 3.2.3 Success Stories 3.2.4 Main priorities 3.3 France 3.3.1 Banking Situation 3.3.2 Credit Situation 3.3.3 Success Stories 3.3.4 Main Priorities 3.4 Germany 3.4.1 Banking Situation 3.4.2 Credit Situation 3.4.3 Success stories 3.4.4 Main Priorities 3.5 Greece 3.5.1 Banking Situation 3.5.2 Credit Situation 3.5.3 Success Stories 3.5.4 Main Priorities 3.6 Ireland 3.6.1 Banking Situation 3.6.2 Credit Situation 3.6.3 Success Stories 3.6.4 Main Priorities 3.7 Italy 3.7.1 Banking Situation 3.7.2 Credit Situation 3.7.3 Success Stories 3.7.4 Main Priorities 3.8 Netherlands 3.8.1 Banking Situation 3.8.2 Credit Situation 3.8.3 Success Stories 3.8.4 Main Priorities 3.9 Norway 3.9.1 Banking Situation 3.9.2 Credit Situation 3.9.3 Success Stories 3.9.4 Main Priorities 3.10 Poland 3.10.1 Banking Situation 3.10.2 Credit Situation 3.10.3 Success Stories 3.10.4 Main Priorities 3.11 Spain 3.11.1 Banking Situation 3.11.2 Credit Situation 3.11.3 Success Stories 3.11.4 Main Priorities 3.12 Slovakia 3.12.1 Banking Situation 3.12.2 Credit Situation 3.12.3 Success Stories 3.12.4 Main Priorities 4 Main Financial Inclusion Issues 4.1 Basic Banking Account 4.2 Financial Inclusion Indicators 4.3 Regulation 4.4 Overindebtedness prevention 4.5 Credit Unions and Microfinance 4.6 Financial Education and Cooperatives 4.7 Financial Education (general) 4.8 Corporate Social Responsibility and financial inclusion 4.9 Migrants and Financial Inclusion 4.10 Overindebtedness Treatment - Debt Settlement: Financial Inclusion or Exclusion? 5 What still needs to be done... 5.1 ...on the bank account access and use side 5.2 ...on the credit access and use side 6 Mutual Learning... should go on!

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Année d'édition
2009
Date d'édition
11/2009
Mois d'édition
Novembre

Finance : l'éthique et la solidarité en prime

Soumis par Anonyme le

La crise financière qui a éclaté l’année dernière a au moins eu un mérite : celui de mettre à bas le mythe d’une finance désincarnée, qui semblait flotter, indifférente à la pesanteur, se moquant de l’activité des hommes et de leurs préoccupations. On affirmait même, sans rire, que cette finance créait de la richesse par elle-même. Une sorte de pierre philosophale des temps modernes ! La réalité est évidemment différente et l’éclatement de la bulle financière en a fourni une éclatante démonstration.

Parmi les questions que la crise a mises en évidence figure celle de la recherche du profit qui, pratiquée sans retenue, nous a conduits à l’impasse. Revient dès lors au goût du jour une autre approche de la finance, qui entend traiter l’argent et ses multiples facettes (épargne, investissement, crédit, gestion d’un compte) non plus sous un angle de stricte rentabilité économique, mais en y adjoignant des considérations d’éthique et de solidarité. Comprenons l’éthique comme un ensemble de règles morales et de conduite qui vont guider notre comportement professionnel ou personnel, et la solidarité comme la conscience d’une responsabilité et d’intérêts communs au point d’entraîner, pour les uns, l’obligation morale de porter assistance aux autres. Une finance qui est soumise à l’intérêt général plutôt que de lui porter atteinte, voilà une idée qui sonne tendance dans cette atmosphère post-crise. Pourtant, la réflexion et les pratiques relatives à l’éthique et à la solidarité financières ne datent pas d’hier mais sont, au contraire, ancrées dans notre tradition économique et sociale.

Aux origines

L’éthique, essentiellement religieuse, a très tôt été introduite dans les pratiques d’investissement. Les investisseurs religieux de confession juive, chrétienne et islamique ainsi que de nombreuses cultures indigènes ont longtemps mêlé argent et morale, prenant en considération les conséquences de leurs actions économiques et refusant les investissements qui entraient en contradiction avec leurs convictions profondes.
Ce fondement religieux, qui est loin d’avoir totalement disparu aujourd’hui, s’est arrimé, dans le contexte des États-Unis des années 1970, à un fondement beaucoup plus large, davantage citoyen et politique, qui trouve son origine dans les bouleversements sociaux et culturels des années 1960, en particulier les mouvements de lutte pour les droits civiques, les mouvements féministes, consuméristes, environnementalistes ou encore le mouvement de contestation contre la guerre au Vietnam. Ces préoccupations ont donné naissance à une véritable conscience publique au sujet des problèmes sociaux, environnementaux et économiques ainsi que de la responsabilité des entreprises à leur égard (1).

La composante solidaire est, quant à elle, davantage liée à la difficulté que certaines couches de la population rencontrent pour accéder à un crédit adapté. Dès le XIXe siècle, la crise économique de 1847-1848 a entraîné l’émergence de différents modèles de crédit populaire. D’abord une forme de crédit mutuel est née dans le monde rural à une époque où l’émancipation paysanne eut pour conséquence une liberté et une autonomie économiques telles qu’elles n’avaient encore jamais existé. Comme la population rurale était totalement inexpérimentée en matière économique, elle tomba très vite aux mains d’usuriers sans scrupules, s’endetta immodérément, perdit ainsi ses propriétés et sombra dans la misère. Pour lutter contre les méfaits de l’usure et la gravité de l’endettement des paysans, Friedrich Wilhelm Raiffeisen créa en Rhénanie, le 1er décembre 1849, la première véritable société de crédit aux agriculteurs, la « Société de secours aux agriculteurs impécunieux de Flammersfeld ». Son intuition était que la charité ne permettrait pas d’améliorer durablement le sort des gens mais qu’il fallait apprendre aux pauvres à se prendre en mains. Point de charité, mais l’auto-assistance.
Les caisses Raiffeisen vont se multiplier, fondées sur les quatre principes suivants :

  • opérer dans une région limitée, telle une commune ou une paroisse,
  • redistribuer l’épargne locale sur place,
  • octroyer des crédits à moyen terme (plusieurs années) et à faible taux d’intérêt,
  • se baser sur la responsabilité individuelle, solidaire et illimitée de tous les membres de la caisse.

C’est sur ce modèle qu’en 1892 sera créée la première des caisses Raiffeisen en Belgique. Celles-ci se développeront ensuite, essentiellement en Flandre, pour devenir CERA près d’un siècle plus tard (2).
La deuxième forme de crédit populaire est davantage urbaine. Peut-être sous l’influence de Hermann Schulze-Delitzch qui est, avec Raiffeisen, le promoteur du crédit populaire en Allemagne au XIXe siècle, apparaissent dès 1864, sous la direction de personnalités libérales de la région liégeoise, comme L. d’Andrimont et A. Micha, des banques populaires, associations de crédit mutuel qui ont pour objectif de permettre l’accès au crédit des couches sociales moyennes ou populaires, restées étrangères au développement de la banque dans le deuxième tiers du XIXe siècle.

Les banques populaires essaiment : 9 sont créées de 1864 à 1873, 11 de 1874 à 1892, elles réunissent 14 000 sociétaires en 1899. Fruits d’une deuxième vague coopérative, les sociétés d’assurance et d’épargne voient le jour dès la fin du XIXe : la Prévoyance Sociale, Coop-Dépôts (CODEP), les Assurances Populaires, la Coopérative Ouvrière de Banque (COB), qui deviendra ensuite la BACOB, constitueront très vite l’épine dorsale des mouvements socialiste et chrétien. En 1908, les banques populaires sont au nombre de 45 dont 34 comptent 24 000 adhérents. Ce n’est que durant la période d’entre-deux-guerres que ce secteur touchera le monde ouvrier par la multiplication des caisses d’épargne liées au mouvement ouvrier, tant socialiste que chrétien (3).
Face à l’exclusion bancaire, les pouvoirs publics ne sont pas en reste. Le 8 mai 1850 est adoptée une loi qui institue une caisse générale de retraite, auprès de laquelle des personnes prévoyantes peuvent se constituer une petite pension pour leurs vieux jours, au moyen de versements volontaires, sous garantie de l’État. Ensuite, la loi du 16 mars 1865 créera la Caisse générale d’épargne, avant que les deux institutions ne fusionnent sous le nom de Caisse générale d’épargne et de retraite (CGER). La création de la CGER constitue une intervention frappante de l’État libéral de l’époque dans le domaine des caisses d’épargne. Les libéraux doctrinaires, avec Frère-Orban comme chef de file, défendaient en effet cette mesure interventionniste d’un point de vue idéologique, politique et surtout financier et économique. Ils arguaient avant tout en faveur de la création d’un climat propice aux investissements par l’élargissement du crédit, au profit de la bourgeoisie (4).

Jusqu’à la fin des années 1950, la CGER jouira d’un quasi-monopole de fait dans la collecte de la petite épargne. Avec la modernisation des techniques de gestion (notamment, la création de réseaux de terminaux bancaires), la politique d’expansion des agences bancaires, l’amélioration du niveau de vie de la population et la croissance économique des golden sixties, les banques se sont intéressées de près à cette catégorie d’épargnants dont le marché leur est apparu plein de potentialités. Depuis lors, la concurrence n’a fait que s’exacerber, non seulement entre les banques privées et la CGER, mais aussi entre la CGER et d’autres institutions publiques telles que le Crédit communal (5).

Où en sommes-nous ?

On connaît l’évolution du marché bancaire de ces 15 dernières années. KBC, dans son état actuel, est issue de la fusion en 2005 de KBC Bancassurance Holding et de sa société mère Almanij. KBC Bancassurance Holding était elle-même issue de la fusion, en 1998, de la Kredietbank, ABB-assurances et la Banque CERA, toutes détenues par Almanij. Le secteur bancaire coopératif du pilier socialiste ne pourra davantage être maintenu : après une fusion de Codep avec la Banque Nagelmackers, la nouvelle entité sera finalement cédée, en 2001, au Groupe Delta Lloyd. De son côté, en 1997, BACOB a absorbé Paribas Belgique, renommée par la suite Banque Artesia. Le processus de restructuration s’est poursuivi en 1999 avec la création d’une entité entièrement intégrée sur le plan des services financiers : Artesia Banking Corporation SA, qui réunissait la banque « retail » BACOB, la compagnie d’assurances Les AP Assurances, la banque d’affaires d’Artesia ainsi que diverses filiales spécialisées. Enfin, en juillet 2001, Arcofin, actionnaire de référence de ce groupe, a conclu une fusion entre Artesia Banking Corporation et Dexia. Cette transaction a permis à Arcofin de devenir le principal actionnaire de Dexia, à côté notamment du Holding Communal.
Le groupe Fortis a quant à lui acquis la CGER entre 1993 (50 %) et 1997 (100 %), mais aussi le Crédit à l’industrie en 1995, MeesPierson en 1997 et la Générale de Banque en 1999, avant de connaître les déboires de l’année dernière qui ont requis une nouvelle intervention de l’État par le biais, cette fois, d’une prise de capital au moyen de l’argent public (6).

Cette évolution structurelle du marché bancaire qui a gommé autant que possible les différences entre les banques commerciales et les banques de développement est la conséquence de l’évolution du marché mais aussi de sa régulation. C’est en effet à partir de la fin des années 1970 qu’a été initiée l’intégration ou la libéralisation du marché bancaire avec l’adoption de la première directive bancaire européenne le 12 décembre 1977 (7). Toutes les particularités dont bénéficiaient les banques de développement, comme des facilités fiscales, des garanties publiques… et qui leur permettaient de remplir leurs fonctions de développement local, ont en grande partie disparu (8).

Parallèlement, se sont développées des banques éthiques en Europe. C’est le cas d’institutions d’inspiration anthroposophique comme la GLS Gemeinschaftsbank qui fut créée en Allemagne en 1974, ou la Banque Triodos née aux Pays-Bas en 1980. La première utilise l’argent de ses épargnants pour octroyer des prêts à des écoles et crèches libres, des fermes écologiques, des initiatives de soins de santé et thérapies sociales, des projets pour des chômeurs, des magasins de produits sains et des projets de vie communautaire, mais aussi à des projets commerciaux. La seconde, qui dispose de succursales à Zeist (Pays-Bas), à Bristol (Royaume-Uni), à Bruxelles (Belgique) et à Madrid (Espagne) ainsi qu’une agence à Francfort (Allemagne), finance des entreprises qui apportent une valeur ajoutée sociale, environnementale et culturelle grâce aux fonds que lui confient les épargnants et investisseurs désireux d’encourager le développement d’entreprises novatrices et durables.
C’est également le cas de banques coopératives qui s’inscrivent dans la tradition des banques populaires. Il en va ainsi de la Banca Etica qui est née en juin 1995 en Italie pour concrétiser l’idée d’une banque conçue comme point de rencontre entre les gens qui partagent l’exigence d’une gestion plus responsable et transparente des ressources financières. Le but est d’encourager des initiatives socioéconomiques s’inspirant des principes d’un modèle de développement humain et social durable, où la production de la richesse et sa distribution sont fondées sur des valeurs de solidarité et de responsabilité vis-à-vis de la société civile.
On recense actuellement une bonne trentaine d’institutions de ce type en Europe, même si toutes n’ont pas le statut bancaire. C’est le cas de six coopératives de crédit actives en Belgique : Crédal, Hefboom et Netwerk Rentevrij qui accordent du crédit à l’économie sociale de notre pays, et Alterfin, Incofin et Oikocredit qui financent des instituts de microfinance dans les pays en développement.

À côté de ces institutions, se sont développés des produits financiers offerts par les banques classiques sous la dénomination d’investissement socialement responsable (ISR). D’aucuns parlent d’« investissements éthiques », d’autres d’« investissements durables », « socialement responsables », voire « soutenables ». Derrière ces variations sémantiques, l’on retrouve toujours le même socle fondateur, généralement en phase avec l’évolution des préoccupations citoyennes : la prise en compte de considérations éthiques et sociales, au-delà des objectifs financiers traditionnels, dans les décisions d’investissement ou de placement. L’ISR consiste donc à placer son épargne dans des entreprises ou États qui, au-delà de critères financiers traditionnels, respectent des valeurs sociales et environnementales précises. La sélection des entreprises ou États se fait soit par des organismes spécialisés indépendants, soit par une cellule de recherche interne au promoteur du produit, sur la base de critères d’exclusion ou de critères positifs.
C’est ainsi que le nombre total de produits financiers ISR sur le marché belge, secteurs retail et institutionnel confondus, s’élevait à 237 au 31 décembre 2008 (9), contre 186 un an plus tôt, soit une progression de 27 %. En 2008, comme les années précédentes, mais de manière encore plus accentuée, l’offre ISR belge s’est composée majoritairement d’organismes de placements collectifs (OPC), qui représentaient 91 % du marché ISR en Belgique. La proportion des comptes d’épargne est de 6 % et celle des autres formules d’épargne éthiques ne représentait plus que 3 %.
Au 31 décembre 2008, le volume total de capitaux placés dans l’ISR en Belgique s’élevait à 9,38 milliards d’euros, soit une baisse d’environ 12 % par rapport au 31 décembre 2007. Toutefois, la part de marché en valeur de l’offre ISR est très légèrement en hausse à 3,56 %.
Le volume des capitaux placés dans les OPC ISR s’élevait à 8,65 milliards d’euros, soit une baisse de 14 % par rapport au 31 décembre 2007, mais une baisse nettement inférieure à l’ensemble des OPC en Belgique (30 %). Les OPC augmentaient ainsi en termes de parts de marché : 7,2 % au 31 décembre 2008 par rapport à 5,8 % au 31 décembre 2007. Les leaders du marché des OPC ISR sont clairement KBC (52 % avec 4,46 milliards d’euros) et Dexia (25 % avec 2,08 milliards d’euros).
Au 31 décembre 2008, le volume des capitaux placés dans les comptes d’épargne ISR pesait plus de 647 millions d’euros, soit une croissance de 18 % en un an. En termes de parts de marché, bien que toujours très minoritaires, les comptes d’épargne connaissaient également une croissance par rapport à l’année précédente. Seuls trois acteurs se partagent le marché des comptes d’épargne ISR en Belgique : la Banque Triodos (82 %), la Fortis Banque (17 %) et la VDK-Spaarbank (1 %). C’est clairement la Banque Triodos qui est leader du marché des comptes d’épargne ISR, étant passée d’un encours de 382,43 millions d’euros fin 2007 à 530,33 millions d’euros au 31 décembre 2008.

Il est enfin à noter que le public privilégie les produits ISR de bonne qualité. Si la qualité moyenne des produits ISR proposés est globalement bonne, avec une évaluation à hauteur de 73 %, cette moyenne recouvre toutefois une réalité contrastée si l’on examine chaque produit individuellement. Une évolution globale vers une qualité meilleure encore devrait donc s’accompagner d’un mouvement d’harmonisation sur le plan qualitatif, si l’on veut éviter que la qualité médiocre de certains produits ne vienne injustement entacher la réputation des autres produits ISR (10).

Aiguillon du monde financier dominant ?

Nous l’avons rappelé, le paysage bancaire belge a largement perdu sa diversité systémique au cours des quinze dernières années avec la disparition des caisses d’épargne et banques coopératives. Certes, des acteurs nouveaux, bancaires et non-bancaires, qui portent des valeurs de responsabilité et de solidarité dans leurs activités, ont vu le jour. Même s’ils se développent de manière significative, ils ne représentent toutefois, à ce jour, qu’un segment marginal de marché.
Les produits d’investissement socialement responsable semblent quant à eux vouloir échapper progressivement à une telle marginalité en poursuivant une progression importante. Cette évolution est liée à la notoriété grandissante de ces produits, à l’accroissement de l’intérêt qu’ils suscitent dans le public, sans doute à la perception qu’ils peuvent constituer une valeur refuge en ces temps d’incertitude financière et, enfin, à l’accroissement de l’offre. Ont-ils pour autant la vocation et le pouvoir de transformer le monde financier dominant ? Deux observations nous offrent un début de réponse.
D’une part, cette évolution s’inscrit dans un contexte qui voit les pouvoirs publics jouer un rôle croissant dans le domaine de l’ISR. Des chantiers importants sont en cours, dont l’aboutissement devrait influencer considérablement le marché ISR : la définition d’une norme ISR minimale qui protège le consommateur et lui garantisse une qualité minimale, l’introduction d’une exigence ISR pour bénéficier des incitants fiscaux liés à l’épargne-pension et une gestion des deniers publics selon des critères ISR.
D’autre part, au-delà du marché ISR, la prise en compte de l’impact social et environnemental fait tache d’huile et contamine l’ensemble du marché, que ce soit à l’initiative d’opérateurs, comme KBC ou Dexia assurances, qui conditionnent des pans entiers de leur activité à des critères ISR, ou que ce soit à l’initiative des pouvoirs publics qui interdisent le financement des entreprises impliquées dans les armes controversées. La poche, encore marginale mais en plein développement, de l’ISR semble donc s’inscrire dans un mouvement plus large de responsabilisation des marchés financiers. Une tendance que la crise financière que nous venons de subir semble conforter mais qui devra toutefois se confirmer dans les prochaines années.

 
Bernard Bayot, décembre 2009
 

(1) Bernard Bayot, De la citoyenneté politique à la citoyenneté financière, FINANcité Cahier, Réseau Financement Alternatif, n°8, décembre 2007.
(2) Bernard Bayot, Friedrich Wilhelm Raiffeisen, FINANcité Cahier, Réseau Financement Alternatif, n°1, mars 2006.
(3) Voir L.Bertrand, Histoire de la coopération en Belgique, I, Bruxelles, 1902 ; voir aussi Jean Puissant, La coopération en Belgique. Tentative d’évaluation globale, BTNG-RBHC, XXII, 1991, pp. 31-72 ; ainsi que Peter Bosmans, Arthur Damsin, Agnès Mathis, Bart Nollet, Jean-Pierre Pollénus et Anne Savaton, Vade-mecum pour l’entrepreneur d’économie sociale, Éditions Labor, 2002.
(4) Sabine Parmentier, Het liberaal staatsinterventionisme in de 19de eeuw. Een concreet geval : de oprichting van de a.s.l.k., Revue belge d’histoire contemporaine, XIX, 1986, 3-4, pp. 379-420.
(5) Suzy Pasleau, La politique de placement de la caisse générale d’épargne et de retraite (1955-1984), Revue belge d’histoire contemporaine, XIX, 1988, 3-4, pp. 499-541.
(6) Bernard Bayot, L’interventionnisme public dans la finance, FINANcité, Réseau Financement Alternatif, 15 décembre 2008, https://www.financite.be/s-informer/bibliotheque,fr,11,3,2,1,382.html#_ftn1.
(7) Première directive 77/780/CEE du Conseil, du 12 décembre 1977, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice, JO L 322 du 17.12.1977, p. 30–37.
(8) Bernard Bayot, L’Europe réglemente l’activité des banques, FINANcité Cahier, Réseau Financement Alternatif, n°3, octobre 2006.
(9) Sans compter les mandats discrétionnaires.
(10) Bernard Bayot et Annika Cayrol, L’investissement socialement responsable en Belgique. Rapport 2009, FINANcité Cahier, Réseau Financement Alternatif, nº 15, octobre 2009.

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